LE COMBATTANT DE LA PREVENTION : TRAUMATISME (témoignage ; émotion)

Je suis un de ces soldats devenus fous sur la ligne du front, tombé dans les tranchées sous les coups de l'angoisse, du froid, de la boue, du dégoût, et du goût de ces rats grouillants au milieu des cadavres, et qui traumatisé devant le prix du sang à verser pour les autres ; ceux qui à l'arrière, décidaient de leurs troupes, comme avançant des pions à leur grand jeu de Risk, pour leur frissons d'orgueil et oubliant pour leur honneur, l'honneur de leurs combatants. On ne m'a pas conduit au poteau d'exécution pour bien montrer aux gens pour l'exemple que quoi qu'ils fassent, qu'ils s'en aillent prendre la fuite, où qui par courage refusèrent les armes et sachant, faisant ça, qu'ils payeraient le même prix que ceux qui allait courir en esquivant les balles, et tomberaient aujourd'hui ou bien demain, dans la même mélasse de l'oubli avec leur nom gravé en mémoire de ce qu'on leur a volé.

Je ne suis plus allé en bravant la mitraille combattre de l'avant, avançant vaille que vaille, tout en fermant les yeux devant mes camarades tombant l'un après l'autre sous le feu d'autres hommes, tous plus acharnés pour un peu de leur gloire à sacrifier leur âme, pour un peu de la victoire que si, au feu du fusil remplis de leur grenaille, ils auront pu glaner ici quelques médailles, futiles récompenses pour une triste bataille au milieu d'autres batailles, sans jamais voir la fin de la guerre infinie et qu'on perdra toujours qu'on la retarde un peu ou qu'elle soit maintenant ; le désespoir est là, replié au fond de ma ligne qui n'est pas celle de tir ni plus que de martyr.

Je suis un de ces fous dont le corps pris sa décision, sans plus aucune délibération, sans signer d'armistice, en simple capitulation devant son champ de ruine, battus par la pluie ou même une simple bruine, trempé, mouillé, jusqu'à en trembler de peur ou bien de terreur, ou de malheurs que partout le regard voyait se répandre en coulées rouges sombres, d'un autre jeu de bataille navale, tous coulés sans pouvoir se reprendre, essoufflé de hurler, de crier, de pleurer, jusqu'à n'être plus que silence.

Je suis un de ces fous, tremblants , paralytiques, qu'on envoie, pour folie, en hôpital psychiatrique, sans savoir de quelle folie, de la sienne ou des autres, on vous envoie soigner à coup d'électrochocs comme si c'était là que l'on vous soigne des chocs que votre âme blessée n'en peut plus de revivre, un jour encore et pour toujours peut-être, jusqu'à la fin de son temps, assis là, devant votre lit de malade aux mille traitements et de médicaments qu'on expérimente sur vous comme un simple cobaille, persuadés qu'ils sont qu'ils peuvent vous sauver d'avoir perdu le corps ou encore l'esprit, perdu dans vos douleurs, sans fin, lancinantes, et percée de la lance de se voir au surplus, en lâche résistance, abandonné de soi et gisant dans sa perte de se savoir incapable d'affronter encore un peu plus de ces chars qui vous roulèrent dessus pendant leurs assauts, alors que vous saviez que vous n'aviez pas de chenilles, et vous y êtes allé quand même jusqu'à sentir craquer chacune de vos fibres musculaires ou nerveuses, enrayées faisant toujours le même tour comme font les bêtes dans leur cage fermée à double tour et qui ne sera plus jamais ouverte.

Ô faiblesse, j'ai perdu ma guerre, et là, je n'en peux plus, et laisser-moi tranquille. Là-bas je suis déjà presque mort, alors pourquoi s'acharner à guérir mes plaies pleines de pu et qui suppurent encore de leur misère lymphatique ? Laissez-moi fatigué. Le front n'est plus pour moi ; le mien, déjà, est battu en brèche. Oh, laissez-moi dormir. Je fus un bon soldat, dit-on, décoré de mérite, mais aujourd'hui, que suis-je d'autre qu'un ancien combattant au fond de son asile ? Je prie, oh, je vous supplie, laissez-moi enfin tranquille. Vous êtes la relève, allez-y donc vous-même à ces combats sans trêve. Le monde de demain, j'y ai laissé mon cœur. Alors pour votre lendemain, s'il vous plaît, faites-moi la grâce d'un peu de paix, ici, dans ma retraite.

Je ne peux plus dormir d'avoir tant vu souffrir, d'avoir tant du souffrir. Alors que peu bien faire ce vieil homme qui tremble devant ces incendies qu'il ne sait plus éteindre, en vieux soldat du feu, amer, brûlé dedans ses cendres, aux paysages meurtris regardé par la fenêtre de sa maison brûlée qui n'à même plus de toit pour s'abriter lui-même. Alors pourquoi, pourquoi faudrait-il donc encore y aller ? Moi, je suis las, cassé, brisé par la fatigue. Laissez-moi donc dormir et doucement m'assoupir. Car je voudrais glisser et me laisser aller et enfin soulagé d'avoir tant combattu après la mort que j'aurais tant voulu vous en épargner le gouffre ! Et après tout, sans doute, ai-je enfin mérité la mienne.

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