Madeleine ne prêta pas attention à ses petits enfants qui, à peine Jacques et elle étaient sortis de la voiture, s'étaient jetés sur ses jambes pour s'y accrocher. Elle ignora leurs exclamations enjouées, leurs câlins... elle ne voyait que le regard timide de José posé sur elle. Il avait vieilli, elle aussi... pourtant, elle pouvait voir, au fond de ses prunelles claires, le même éclat qu'autrefois; la même tendresse qu'à leur vingts an. Alors, elle fut convaincu qu'il n'avait pas changé. Son corps certes portait l'emprise du temps, mais pour le reste, tout était intacte.
- Maman, intervint Jacques. Tu te souviens sûrement de José ?
Le concerné esquissa un sourire maladroit, auquel Madeleine ne put répondre. Car, elle avait aimé cet homme; l'avait aimé de tout son cœur. Lui, ce jeune homme empli de maladresse, de tendresse, et d'un amour si pur. Lui, a qui elle avait tout donné. Le seul qui l'avait RÉELLEMENT aimé pour ce qu'elle était. Mais c'était autrefois. Et ce même homme l'avait abandonné.
« - J'ai encore toute ma mémoire, répliqua Madeleine à l'intention de son fils, sans toutefois un regard.
José baissa la tête. S'il avait aperçu une lueur pleine d'espérance dans les yeux de Madeleine, elle s'était à présent éteinte. Et il savait pourquoi. Lui qui avait longtemps hésité à venir, n'avait pas été déçu lorsqu'il l'avait vu dans la voiture. Elle était toujours aussi élégante - et Jacques lui ressemblait sur ce point.
- Les enfants, venez, reprit Jacques en décollant sa progéniture de sa mère. Laissons grand-mère et son ami se retrouver.
Madeleine croisa le regard de Francesca rempli d'éclair à son adresse, avant qu'elle ne tourne les talons pour suivre son époux. Elle les aurait volontiers suivis... si José n'avait pas pas relevé la tête vers elle. Elle sentie alors son cœur battre plus vite sous ce regard posé sur elle. Ce regard qui lui avait fait plus d'une fois tourner la tête.
- Bonjour Madeleine.
Il était toujours aussi timide, même s'il le cachait derrière un sourire.
Il l'avait abandonné... mais c'était il y a longtemps... pas vrai ?
- Alors voilà ce que nous sommes à présent, fit-elle. Des amis.
Madeleine ne su ce qu'il devait le plus redouter: le ton froid de Madeleine, ou bien sa remarque pleine de sous-entendus.
- Tu as une belle famille, éluda-t-il, sincère.
Jacques est ton portrait craché !
Se moquait-il ? Il avait SES yeux à lui ! SES traits aussi ! SA douceur...
José la détailla d'avantage. Et la tendresse qu'elle vit dans ses yeux agaça la veille femme. Car c'était ce qu'elle était à présent... n'est-ce pas ?
- Tu n'as pas changé Madeleine. Je te trouve... tu es...
- Bien conservée ? le coupa-t-elle.
- Très élégante.
Madeleine se sentie nauséeuse. Comment-pouvait-il être aussi sincère ?
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Il n'y avait plus assez de vie chez toi ?
José préféra ignorer ses reproches maquillés.
- C'est Jacques qui m'a appelé. Il m'a demandé de venir. Il pensait que ça te ferait plaisir... mais pour être franc, je pense que c,est plutôt parce que personne ne voulait venir...
Madeleine fronça les sourcils. Venir pour quoi ?
-Nous ne sommes plus des enfants, Madeleine.
Ces personnes... tu n'as pas à être comme ça avec eux.
Plus des enfants... plus ensemble... où voulait-il en venir ?
Ce n'était certainement pas à lui de lui reprocher quoique ce soit ! Il l'avait laissé tomber, l'avait abandonné; elle qui l'aimait si fort !
- Le temps que tu resteras, je veux que tu te répètes une chose: tu n'étais pas là.
Le cœur de José se brisa. Ils échangèrent un dernier regard. José vit dans celui de Madeleine de la tristesse, de la colère. Elle n'avait pas été si méchante que ça. Sa voix avait été glaciale, quoique douce. Il ne sût pas comment l'interpréter.
Madeleine lui tapota doucement l'épaule avant de s'éloigner en direction de la maison.
Effectivement, il n'avait pas été là. Il avait lâchement déménagé. Mais à défaut du temps passé, pouvait-on vraiment dire que tout était perdu ?

- Malorica -

-> Et vous, comment imaginez-vous ces retrouvailles ? <-