Si Madeleine ne comptait plus son âge depuis longtemps, elle n'en avait pas pour autant oublié sa date de naissance, que sa carte d'identité et son passeport lui rappelaient sans cesse. Aussi redoutait-elle le 23 mars, pour lequel elle serait encore chez son fils.
C'était dans trois jours...
Jusqu'alors, Madeleine s'était toujours débrouillée pour être occupée à cette date ainsi que, par précaution, tous les mois de février et d'avril. Alors pourquoi n'avait-elle rien prétexté cette année ? Qu'est ce qui avait changé ?
Et bien Madeleine avait tout vu, tout vécu (ou presque).
Pendant 45 ans (mais ça, elle ne le savait pas), elle avait sillonné le monde, puisé des leçons de vie inestimables et inégalables, mais il semblait qu'elle s'était épuisée, elle.
Était-ce possible d'assouvir un besoin de liberté et une curiosité aussi grande que la sienne ? Bien sure que non. Mais Madeleine fatiguait, elle ne pouvait le nier.
De plus, elle ressentait, depuis quelques temps, un manque, que comblait étrangement les appels de son fils, la pensée de ses petits enfants.

Ainsi, songeait Madeleine, le front contre la vitre froide du train.

...elle l'avait fondée sa famille, mais n'en avait pas pris soin... elle l'avait eut sa liberté chérie mais au détriment du reste...

C'est alors que Madeleine se demanda une chose dont elle pensait s'être affranchi depuis bien longtemps: son âge...