Chapitre 26: Rencontre à l'épicerie
Je sors de la chambre à coucher en trainant des pieds, pas du tout motivé pour retrouver mon Erwin qui m'attend déjà sur le tapis. Portant son long manteau sombre et ses bottes de « monsieur », il me regarde avec mauvaise humeur. Il est vrai que j'ai mis beaucoup de temps pour me préparer... Peut-être trop.
-Tu ne pourrais pas aller un peu plus vite? Grogne-t-il, je t'attends depuis presque une heure!
-Mais, tu sais, si tu ne voulais pas m'attendre, tu aurais pu aller faire l'épicerie sans moi. Je ne t'en aurais pas voulu.
Son regard est si noir que je cesse aussitôt de parler. Ce n'est pas de ma faute si je n'ai aucunement envie d'aller avec lui faire l'épicerie! Quand nous avons aménagé ensemble, dans ma tête, ce genre de corvée n'existait pas. Je m'imaginais simplement devoir faire un peu de ménage et la cuisine. Rien de plus. Cependant, mon petit ami a rapidement fait exploser ma bulle en m'ordonnant de faire l'épicerie avec lui.
Quoi de plus merveilleux? J'y suis déjà allé avec ma mère quand j'étais plus jeune et je peux confirmer que je déteste cela. Non seulement c'est une torture de voir toute cette nourriture sans pouvoir la manger, mais en plus, c'est tellement long!
Les pieds trainants, je suis à contrecœur mon amoureux jusqu'à sa voiture. Il aurait pu s'en occuper sans moi...
-Cesse de faire cette tête, grogne Erwin, tu devais te douter que la nourriture n'apparaissait pas d'elle-même dans le frigidaire?
-Bah, en fait, je croyais que c'était toi qui aller t'en occuper seul...
-Pourquoi? Est-ce que j'ai une tête à devoir faire seul ce genre de tâche? Tu vis avec moi, donc on partage les corvées chiantes, que tu le veuilles ou non.
Je marmonne en regardant à l'extérieur. Je n'aime pas bouder mon blond, mais je tiens à lui montrer mon mécontentement face à la situation. Comme je m'en doutais, ce dernier n'en tient pas compte et se contente de monter le volume de la radio pour remplir le silence. Jamais je ne pourrai avoir le dernier mot face à lui, mais je commence à m'y faire.
Nous arrivons finalement à l'épicerie bondée et Erwin nous stationne à l'autre bout du stationnement, là où il reste de la place. C'est normal que les gens n'aient pas envie de marcher longtemps avec cette température glaciale. Je regrette de ne pas avoir mis une tuque. Tel un gosse dont les parents le forcent à aller à un endroit où il n'a pas envie d'aller, Erwin doit me tirer hors de la voiture.
Les mains dans mes poches, je suis mon amoureux à l'intérieur de la grande bâtisse. Il agrippe un panier et sort sa petite liste. Quand j'étais un enfant, j'embarquais dans le panier pour que ma mère me pousse et qu'elle mette tous ses achats sur moi. Dommage que je sois rendu beaucoup trop grand pour ce genre de chose. La sortie aurait été moins ennuyante.
L'ambiance dans l'épicerie est atrocement assommante. Erwin regarde avec attention les dates d'expiration sur les aliments et il me montre ceux à prendre pour que je puisse le faire seul la prochaine fois. J'espère au moins que nous allons croiser des stands de dégustation. Je meurs de faim et tout semble tellement appétissant...
-J'ai l'impression que tu ne m'écoutes pas, marmonne Erwin.
-Hein? Je t'écoute, mon amour!
-Ne m'appelle pas comme ça... Rends-toi utile et va chercher le pain. Je n'ai pas à faire dans cette rangée. Tu te souviens lequel je prends?
-Oui!
Mon blond me lance un regard suspicieux avant de continuer son chemin. Il a raison de douter de moi puisque je n'ai absolument rien écouté à ce qu'il m'a dit. Ce n'est pas une tâche compliquée, donc je dois en être capable?
Comme un soldat en mission, j'arpente la tête haute les allées dans l'espoir de trouver l'allée du pain. C'est après une courte fouille que je la trouve enfin, mais je m'arrête de marcher en voyant le vaste choix qui s'offre à moi. Merde... qu'est-ce que Erwin prend comme marque, déjà?
Je ne peux pas retourner voir mon blond les mains vides, car il va croire que je suis un incapable! Peut-être est-ce le cas? Je ne veux pas qu'il regrette d'avoir aménagé avec moi.
Je fouille dans ma mémoire pour me rappeler. Je crois que l'emballage est bleu! Ou est-ce vert?
-Vous semblez avoir besoin d'aide?
Je sursaute en entendant la voix de cette femme qui s'adresse surement à moi. Son accent anglais est prononcé, mais facile à comprendre. À ma droite se trouve une fille de mon âge dont les cheveux sombres sont séparés en deux petites couettes. Elle me sourit gentiment. Je dois avoir l'air d'un parfait idiot pour qu'on me demande si j'ai besoin d'aide...
-Bah, en fait, je me demande quel pain prendre, répondis-je avec honte, je ne veux pas me tromper.
-C'est la première fois que tu fais l'épicerie seul?
-Je suis avec mon petit copain, mais il m'a cru assez doué pour venir chercher le pain seul et là, j'ai l'air vraiment stupide.
La fille rigole, même si moi je ne trouve pas ça vraiment drôle. J'ai vraiment honte d'être si stupide par moment. Au moins, je m'en rends compte...Si je m'en fis aux théories de Socrate, je pourrais donc dire que puisque je suis conscient d'être stupide, en vrai, je suis brillant?
-Ne t'inquiète pas, mon petit ami à autant de difficulté que toi, me rassure l'inconnue, je l'ai envoyé chercher des pâtes et il n'est pas revenu depuis plus de dix minutes.
Au moins, je me sens moins seul... La fille décide de m'aider en me montrant le sac de pain qu'elle prend habituellement. Je ne me souviens pas si Erwin aime les graines de sésame. Je m'apprête à lui demander si c'est bon, mais une voix beaucoup trop familière m'interrompt :
-Lapin, tu m'avais bien demandé des spaghettis fins? J'ai trouvé... Salut Mickey! Qu'est-ce que tu fais là?
-Vous vous connaissez? S'étonne la gentille fille.
Je sens mon sang bouillir dans mes veines chaque fois que j'entends cette voix hypocrite. Je croyais que Thomas habitait loin d'ici? Dans une grimace, je me retourne vers ce type que je déteste toujours autant. Ses cheveux blonds sont plus longs qu'avant, mais il reste toujours aussi laid avec son sourire arrogant.
-Mickey était un ami du lycée, explique Thomas, on jouait dans la même équipe de baseball.
-Je n'utiliserais pas le mot ami, grognai-je.
-Bah, tu sais, même les amis ont des petites querelles une fois de temps en temps? On se frappe et bingo, c'est réglé. Au fait, voici ma copine, Mina. On vient tout juste d'aménager ensemble.
Il passe fièrement son bras derrière la gentille fille qui m'a aidée. Depuis quand Thomas a des relations assez sérieuses pour aménager avec une petite amie? Je me souviens que pour lui, les filles étaient des jouets avec lesquels il s'amusait en soirée. Je n'ai pas très envie de faire causette...
-Et toi? Ajoute Thomas, tu es en appartement où fait une commission pour tes parents?
Pourquoi il se force à me parler alors que nous sommes censés nous détester? Je m'apprête à répondre, mais suis coupé cette fois par une voix terrifiante :
-Bordel Mike! Tonne un peu plus loin la voix d'Erwin, je t'envoie chercher une petite chose et tu disparais une demi-heure! Je sais que tu n'es pas content d'être ici, mais force-toi un peu.
Oups. Pendant un instant, j'ai oublié qu'il m'attend... Inquiet à l'idée de le voir de mauvaise humeur, je me retourne avec embarras vers Erwin qui arrive avec le panier. Quand il aperçoit Thomas, son regard change et il vient se placer près de moi comme s'il craignait une nouvelle bagarre entre lui et moi.
-Qu'est-ce que tu fais là Thomas? Crache Erwin, je croyais que tu vivais loin.
-Je suis aussi heureux de te voir, Erwin. Je sens que tu m'aimes toujours autant. Mike, je comprends sa rancœur, mais toi, je ne t'ai jamais rien fait de mal. À moins que... non, je n'y croie pas! T'es pédé avec lui?
Mon petit ami serre les poings. Lui faire ce genre de commentaire est une très mauvaise idée. Il assume de sortir avec moi, mais il a encore de la difficulté quand les gens lui font remarquer que je suis un garçon. Pourtant, il le sait et il semble l'apprécier quand nous sommes seuls. Pour essayer de le calmer, j'enveloppe son poing de ma main.
-On devrait continuer, proposai-je à Erwin.
-Donc j'ai raison? Vous êtes vraiment ensemble? S'étonne Thomas, jamais je ne l'aurais cru. J'avoue qu'en y pensant bien, Erwin a toujours été très protecteur avec toi. Qui domine dans votre couple? Je veux dire, vous êtes tous les deux grands et forts... une partie de jambes en l'air doit ressembler à un combat entre taureaux.
Si les yeux d'Erwin pouvaient lancer des lasers, il le ferait sans hésitation. Tout son corps se raidit alors qu'il fixe Thomas avec haine. Le blond détestable se calme enfin lorsqu'il reçoit une petite tape derrière la tête de la part de son amoureuse. Heureusement qu'elle l'a fait, car je n'aurais pas été capable de retenir Erwin. En fait, je n'aurais simplement pas eu envie de m'imposer, préférant le laisser démonter cette enflure.
Après m'être excusé auprès de la gentille fille, je réussis à tirer mon petit ami plus loin en prenant un pain au hasard que j'enfouis dans le panier. Comment l'amoureuse de Thomas fait-elle pour le supporter sans avoir envie de le tuer? Voyant que mon petit ami semble pensif, je lui offre un petit baiser sur les lèvres pour le ramener à la réalité.
-Tu n'as pas à être choqué par lui. Un jour, quelqu'un va bien le tabasser dans une ruelle sombre et il deviendra moins arrogant. Ce n'est qu'une question de temps.
-Humm... je le sais. Il m'a juste fait réfléchir à quelque chose, rien d'important.
Ces mots m'inquiètent. Quand Erwin a ce genre de réflexion, ce n'est jamais bon signe... Cependant, je préfère ne pas poser de question afin d'éviter de l'énerver.
Nous passons finalement une belle soirée, terminant notre périple dans un bon restaurant. En ce moment, j'aime beaucoup cette vie et sens que rien ne pourra briser mon bonheur.
C'était un chapitre plutôt calme avant de reprendre les choses sérieuses. J'espère qu'il n'était pas trop ennuyant? Je voulais remettre Thomas une dernière fois pour montrer ce qu'il devient.
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