Chapitre 18: Homophobes
Après avoir longuement réfléchi, je me décide à demander conseil à quelqu'un au sujet de Erwin. Marco est un garçon qui m'impressionne avec le temps. Intelligent et toujours bienveillant dans ses actes, c'est la personne le mieux placée pour écouter les problèmes des gens dans le besoin. Bien que actuellement célibataire, c'est celui que je choisis comme conseiller. Il a déjà été en couple pendant plus d'un an avec un dénommé Floch Forster.
À la fin des cours, j'attends le tacheté devant sa classe. Dès que je le vois sortir, la tête plongée dans un manga, j'agrippe son poignet pour le tirer dans un lieu plus calme. Pas très inspiré, c'est dans le minuscule placard de la femme de ménage que je nous enferme. Marco semble avoir un peu peur... Nos ventres sont collés dans cette pièce qui empeste le détergent, ce qui crée un silence gênant.
-Puis-je savoir ce que je fais dans un placard avec toi, Mike? S'inquiète Marco, c'est plutôt embarrassant et inquiétant.
-J'ai besoin de conseil et je me suis dit que tu étais le mieux placé pour m'en donner.
-Et tu avais absolument besoin que je t'en donne dans un minuscule placard? Tu imagines ce que les gens qui t'ont vu me kidnapper doivent penser?
Je fronce les sourcils, pas certain de comprendre ce qu'il y a de mal dans cet endroit. Peut-être aurait-il préféré qu'on se retrouve dans une cabine de toilette? Ou pas...
-Dans ce cas, je vais me dépêcher, repris-je, j'ai besoin de conseils pour draguer Erwin. Je le côtoie depuis trois ans et récemment, j'ai gaffé. Je ne sais pas quoi faire pour enfin avoir une chance avec lui.
-Pourquoi demandes-tu conseils à moi? Je suis loin d'être le plus expérimenté...
-Car tu as déjà été en couple sérieusement et tu es doué pour cerner les gens! Je veux que tu m'aides à comprendre Erwin. Je suis toujours mignon avec lui et nous étions proches avant qu'il me rejette. Depuis, il est froid et il me regarde avec dégout.
-Et la perspective qu'il soit simplement hétéro ne t'a pas traversé l'esprit?
Marco essaie de se replacer un peu mieux, ce qui crée un frottement déplaisant entre nos corps. Des articles ménagers me piquent désagréablement les cuisses et ma tête est collée contre une serpillère encore humide. C'est répugnant, mais j'essaie de ne pas y tenir compte.
-Erwin a l'air d'être une personne qui aime avoir le contrôle, conclut-il finalement, à mon avis, il ne veut pas quelqu'un de doux comme tu l'es avec lui depuis le début. Il a besoin que tu sois directe dans tes intentions, que tu lui donnes une bonne raison d'avoir envie de te punir.
-Hein? Tu crois qu'il veut que je sois vulgaire?
-Qu'est-ce que tu as à perdre? Le provoquer ne peut que lui donner envie de toi ou il va brutalement te repousser. C'est deux possibilités, mais qui n'essaie rien n'a rien.
Ce conseil me parait un peu tiré par les cheveux, mais pourquoi douter de Marco? Ce garçon ne me recommanderait jamais d'agir comme un dragueur s'il n'était pas certain que ça peut fonctionner. Comment vais-je m'y prendre?
***
Le mystérieux homophobe continue de s'en prendre à moi de manière anonyme. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'écrit plus sur mon casier, mais la mauvaise, c'est qu'il pose des messages haineux sur des post-its qu'il colle dessus. Je ne prends même plus la peine de les lire. Qu'est-ce que ça peut me faire qu'il me traite de « suceur de queue » ou de « sale homo »? C'est vrai que j'aime ça, donc qu'il trouve des insultes qui me feront plus mal et qu'il revienne me voir! Amateur...
-Mike, arrête de copier sur moi, grogne pour la millième fois Bertholdt.
Nous sommes en mathématique et quand j'ai vu que nous étions dans la même classe, je me suis mis à côté de lui pour continuer mon rituel gagnant. Le problème, c'est que maintenant qu'il me connait, il me voit faire.
-Mais je ne comprends rien à ce devoir! Comment on sait quelle formule prendre pour additionner ces lettres bizarres? Dans la vie, je ne vois jamais ce genre de calcul apparaitre devant moi dans l'espoir que je le résoudre.
-Si tu veux, je t'explique?
-C'est inutile. Erwin a déjà essayé de m'expliquer un devoir et à la fin, il était tellement en colère qu'il l'a déchiré et jeté par la fenêtre... Mon prof ne m'a pas cru quand je lui ai raconté l'histoire et il m'a envoyé en retenue.
Le brun me regarde de travers avant de se concentrer à nouveau sur sa copie, faisant comme si je n'ai rien dit. Cette histoire peut paraitre saugrenue, mais elle est entièrement vraie. Ce souvenir me fait sourire. C'est horrible à quel point notre amitié me manque... Je soupire avant de me laisser tomber contre le dossier de ma chaise, fixant le plafond avec désespoir. C'est certain que je ne passe pas mes mathématiques de terminale.
-Dis Mike, demande soudainement Bertholdt, c'est vrai ce qu'on raconte? Quelqu'un s'en prend à toi à cause de ton orientation sexuelle?
-Ouais, mais je n'en ai rien à faire de ce conard qui n'est pas assez courageux pour venir me le dire en face. Je dois lui faire peur.
Bertholdt semble réfléchir. Tout comme Marco, il parait plus touché que moi par la situation. Si ma théorie est exacte et qu'il a vraiment un faible pour Reiner, il est surement de ce bord aussi et c'est ce qui le rend mal. Je lui souris gentiment :
-Tu sais, j'espère que ce n'est pas ça qui va t'arrêter avec Reiner?
-Hein? Euh, je... je ne vois pas de quoi tu parles.
Il rougit comme une tomate, ce qui me fait rire avant que la cloche coupe notre conversation. Il était temps! J'agrippe mes affaires, puis je pars vers mon casier. Ce soir, nous avons une pratique de baseball et je suis impatient de voir Erwin, même si Livai a un rendez-vous qui le force à s'absenter.
Depuis la discussion que j'ai eue avec Marco dans le placard il y a deux semaines, je suis son conseil à la lettre. Dès que l'occasion se présente, je lance des petites blagues à Erwin, le draguant publiquement sans gêne. Si au début ce changement radical de comportement a semblé le surprendre, maintenant, il en est clairement agacé. Au moins, il a recommencé à me répondre quand je m'adresse à lui! Même si c'est rarement gentil...
Souriant, je cours aux vestiaires enfiler mes vêtements de baseball. Quand j'en sors, l'école est presque vide. Les quelques élèves qui restent après les cours doivent être en récupération ou encore dans leur club. Habitué à cette tranquillité avant mes pratiques, je sors sur le côté droit de l'école, comme toujours. Cette porte mène au stationnement réservé au personnel étudiant, mais c'est le chemin le plus court vers le terrain de baseball.
Il fait beau, dehors.
-Hey, la tapette!
Pourquoi je sens que c'est à moi qu'on parle? D'un geste ennuyé, je me retourne vers la provenance de la voix. Un garçon aux cheveux roux tiré vers l'arrière me fixe, entouré de deux autres types plus costauds, mais moins que moi.
-On se connait? M'enquis-je, parce qu'honnêtement, vous ne me dites rien.
-Je t'ai déjà vu embrasser un mec, ne mens pas. Ça me répugne, ça NOUS répugne.
-Je n'ai jamais menti. J'aime les gars, et alors? Si ça ne te dérange pas, j'aimerais me rendre à ma pratique de baseball avant d'être en retard.
Je tourne les talons, mais je tombe face à un quatrième garçon qui me sourit d'un air inquiétant. Cette situation commence à me déplaire... J'ai un mauvais pressentiment.
-Moi et mes copains on va te montrer ce qui arrive aux types répugnants de ton espèce. Tu n'as pas ta place dans notre école et tu donnes un mauvais exemple. Chopez-le.
Mon cœur se sert, soudainement un peu effrayé. Deux paires de bras agrippent chacun l'un des miens pour m'empêcher de bouger alors que le roux enfonce son poing dans mon ventre avec brutalité. Quand il touche mon foie, je sens de la bille monter dans ma gorge. C'est douloureux...
J'essaie de sortir de leur emprise, mais je ne fais pas le poids contre quatre malabars. Individuellement, ils n'auraient jamais eu la force de m'affronter. C'est frustrant d'être ainsi tabassé par de telles mauviettes. Ce genre de comportement n'est pas digne d'être celui d'un homme.
J'arrive à donner un coup de genou à l'un de ceux qui me maintiennent le bras, le faisant plier en deux de douleur, mais je reçois aussitôt de nouveaux coups. J'ai envie de vomir... Mes genoux flanchent, puis je tombe sur le sol, rué de coups de pied de tous les côtés. Pourquoi font-ils ça?
-Arrêtez, ordonne le chef.
Dans cette position, je peux seulement voir les chaussures Nike du roux avancer vers moi. L'un des gorilles tire sur mes cheveux pour me forcer à lever la tête et ainsi regarder leur chef dans les yeux. J'ai mal, mais je refuse de le montrer. Un sourire triomphant règne sur son visage pâle.
-Ne revient plus sur notre territoire, compris la tapette?
-LÂCHEZ-LE TOUT DE SUITE !!
Le temps semble s'être arrêté dans ma tête. Tout est flou, lointain... Qui a parlé? Les garçons me lâchent et j'entends des bruits de combat autour de moi. Ma douleur m'empêche de réaliser ce qui se passe. Tiens, je saigne du nez? Je me demande quand m'ont-ils frappé là...
Deux grandes mains agrippent mes joues pour me forcer à relever le visage. Cette fois, ce geste m'apaise. Je ne sens aucune malice dans ce contact, uniquement de l'inquiétude. Mon cœur s'emballe lorsque je crois le regard effrayé d'Erwin qui me détaille, essoufflé.
PDV Erwin
Je sors de ma voiture quand je les vois. Un groupe de brutes tabassent un garçon au sol, quatre contre un. Il faut vraiment être pathétique pour ainsi s'en prendre à plus faible que soi. Devrais-je appeler la police? J'agrippe mon téléphone pour composer le numéro d'urgence, mais je me fige en voyant son visage... Mike.
La colère contre ses brutes explose en moi, sans que je puisse comprendre pourquoi. Je devrais pourtant appeler la police, mais je suis incapable de regarder ce spectacle plus longtemps en connaissant la pauvre victime. Tout s'accélère dans ma tête. Mon esprit rationnel semble m'abandonner alors que je cours vers les assaillants. Mon corps agit de lui-même sous la colère et l'inquiétude.
-LÂCHEZ-LE TOUT DE SUITE !!
Mon pied va frapper de toutes mes forces le visage du plus petit qui est accroupi devant mon ami. Le roux tombe au sol en hurlant de douleur sous le regard ahuri des trois autres brutes. Ils ne devaient pas s'attendre à ce que quelqu'un vienne à la défense de leur proie. Est-ce moins drôle quand ils perdent un peu l'avantage du nombre?
L'un d'eux réagit plus vite que les autres et il essaie de me foncer dessus. Avec une force dont je ne croyais même pas disposer, j'arrive à lui mettre mon poing sur la joue alors que mon second va se loger dans son ventre. C'est l'adrénaline qui embarque. Les bourreaux n'en demandent pas plus et ils partent en courant comme les poules mouillées qu'ils sont. Je hais les lâches.
Surpris et essoufflé par ma brutale intervention, je tourne les yeux vers Mike qui est toujours accroupi. Pourquoi ces fumiers s'en sont-ils pris à lui? Je me laisse tomber à genoux devant le grand blond et j'agrippe délicatement ses joues pour le forcer à me montrer son visage. Mon cœur se sert quand j'aperçois les dégâts. Sa lèvre est gonflée et son nez saigne. Les bâtards... J'aurais dû leur courir après et tous les frapper jusqu'à leur perte de conscience.
Malgré son état, Mike trouve la force de me sourire. Il fait comme si tout est normal, comme s'il n'a pas mal.
-Je savais que c'était toi, sourit-il, tu fais peur quand tu es en colère.
-Je vais t'amener à l'hôpital.
-Mais la pratique de baseball... je suis correct.
-Tu n'es pas correct, abruti! Et l'on s'en fiche de la pratique, ils peuvent se débrouiller seuls.
Quand il joue le garçon assez fort pour tout supporter, ça m'agace! Je l'aide à se mettre sur pieds. Une fois debout, il grimace en se tenant fort à mon épaule. Je pense qu'il a mal à la jambe. Il voulait vraiment aller jouer au baseball dans cet état?
Une fois à ma voiture, je l'aide à s'assoir côté passager même s'il me répète inlassablement qu'il peut le faire seul. Sérieusement, je ne le pensais pas si lourd... Je monte derrière le volant et je me retourne vers le blond pour le regarder. Ce dernier se tient le ventre en grimaçant de douleur.
-Pourquoi ils s'en sont pris à toi? Demandai-je même si je soupçonne la réponse.
-Je te laisse deviner? C'était pour montrer ce qui arrive aux types répugnants de mon espèce! Parce que tout le monde sait que nous, homosexuels, sommes des êtres sans raison d'être et contre nature! Nous ne sommes pas humains voyons!
Je hausse un sourcil. Tiens, il s'est finalement un peu fâché... Il se calme presque aussitôt en s'excusant. Mike s'enfonce un peu plus dans son siège en s'essuyant le nez de la serviette que je lui ai donné. C'est toujours pratique d'avoir une foule d'objets bizarres sur la banquette arrière de ma voiture.
Je mets en marche le véhicule pour entamer le chemin de l'hôpital quand la voix de mon ami me parvient:
-Est-ce que ça veut dire que tu vas recommencer à me parler?
Je réfléchis.
-Peut-être bien. Seulement si tu arrêtes les phrases connes que tu me dis souvent. C'est embarrassant.
-Promis.
Il sourit de pleines dents et je ne peux m'empêcher de laisser échapper un sourire aussi.
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