~29~ Conseiller en relation

Légèrement angoissé, je quitte le terrain à la recherche de Bertholdt avec espoir qu'il n'est pas encore parti. Par chance, le garçon se trouve dans le stationnement en compagnie de Livai et Auruo, ce qui signifie que les deux autres blonds ne sont déjà plus là. J'espère que Mike n'est pas trop blessé. Mordillant ma lèvre inférieure, j'approche, ce qui rend leur discussion distinctive :

-Dites, est-ce que ça vous dérangerait de me reconduire chez-moi? s'enquiert Bertholdt, je n'ai pas de véhicule et je préfère ne pas appeler mes parents.

-Pour qui nous prends? s'étonne Livai, c'est l'essence de Mike, donc tu peux embarquer si tu veux.

-C'est moi qui le ramène, me mêlai-je, j'ai quelques mots à lui dire.

Suis-je vraiment en position d'aider ce garçon avec ses problèmes de couple? Bien que nous nous côtoyons chaque jour à l'école, notre relation n'a jamais dépassé le stade de simples camarades. Je connais très peu de choses au sujet de ce grand brun omis le fait qu'il soit timide, doué en baseball et en couple avec Reiner. Certaines de ses œuvres faites en art plastique ont déjà été affichées devant le local dédié à cette matière, donc je présume qu'il est doué de ses mains. Le reste de sa vie est à mes yeux un mystère.

Bertholdt me dévisage avec curiosité, surpris par cette proposition. Les deux autres garçons s'éloignent, nous laissant seuls. C'était peut-être une mauvaise idée... Malgré ma réticence, je guide le brun vers ma magnifique voiture décorée sous le thème des animes. Jamais je ne vais me débarrasser de ce véhicule légué par Floch, même lorsqu'il cessera de rouler.

Nous échangeons quelques mots en lien avec ma voiture, puis nous entamons silencieusement le trajet vers sa maison. Ce garçon est loin d'être bavard, ce qui m'embarrasse. J'aimerais entamer le vif du sujet qui me pousse à le raccompagner chez lui afin de briser le silence, mais je préfère que nous soyons au calme, loin de la route. Bertholdt me pointe le chemin à emprunter, nous faisant pénétrer dans un quartier résidentiel familial. Sous ses indications, je nous stationne dans la cour d'une bâtisse très charmante. De taille moyenne, la maison du joueur timide n'a rien à envier aux autres. De jolies fleurs poussent à l'avant du balcon alors que les fenêtres sont imposantes sur les murs bleus, donnant un côté accueillant. J'aurais aimé grandir dans un tel endroit plutôt que dans un minuscule appartement.

À la suite de Bertholdt, nous pénétrons dans la maison. J'espère que ma visite improvisée ne posera pas problème à sa famille.

-Maman, j'ai invité un ami, déclare-t-il en se dirigeant vers la cuisine.

Je lui enjambe le pas en regardant partout, surpris de voir tant de bibelots couvrir les meubles. Malgré la grande quantité d'objets superflus, le tout donne un résultat personnel et chaleureux. Les deux canapés sont dépareillés, ainsi le reste de la décoration qui est unique. Je préfère de loin ce style original préférablement à une maison froide dans laquelle tout a été choisi par un designer. Comment une personne peut-elle dépenser des milliers de dollars pour que son domicile ressemble à celui d'un autre?

Derrière le comptoir de la cuisine, une femme de grandeur imposante tourne la tête en ma direction. Courts cheveux bruns attachés en chignon, son corps efflanqué rappelle celui de son fils, tout comme ses petits yeux couleur forêt. Je réponds à son sourire aimable de la même façon.

-Tu nous présentes ton ami? propose la dame.

-Voici Marco, affirme Bertholdt avec désintérêt, c'est le petit ami de Jean, le gars qui était venu ici la dernière fois. On joue au baseball ensemble.

-C'est toujours un plaisir de rencontrer des amis de Berthy. Il en a si peu. Tu aimes la croustade aux pommes, Marco?

Vient-elle réellement d'insinuer que son fils n'a pas beaucoup d'amis? Malgré l'empathie que cette phrase me fait ressentir envers mon hôte, j'acquiesce joyeusement en m'approchant de la femme qui prépare justement le dessert. Par politesse, j'entame la conversation, n'hésitant pas à confier mes propres avis sur les recettes puisque je m'occupe fréquemment des repas chez moi. Contrairement à son fils, madame Hoover parait très sociable.

Le petit frère de Berthold, un dénommé Marcel vient rapidement à ma rencontre. Comme je lui donne parfois des cours de rattrapage en mathématique à l'école, il est très heureux de me voir et il n'hésite pas à me raconter sa journée. Ce garçon de 15 ans a de l'énergie à revendre, ce qui contraste drôlement avec le caractère introverti de son ainé. Comment Bertholdt a-t-il pu devenir si réservé en étant élevé dans une famille d'apparence si ouverte?

Réalisant que le grand brun est lassé d'être mis de côté, je salue sa famille afin de le suivre vers sa chambre qui se trouve au deuxième étage. Après avoir monté un escalier en bois vernis, le garçon ouvre la porte de la pièce qui lui est destinée pour me laisser passer.

Contrairement au reste de la maison, la chambre de Bertholdt est presque vide avec comme seul meuble un lit, une commode et un bureau. Dénués d'objets personnels, seuls quelques vêtements sales éparpillés sur le sol en bois symbolisent que quelqu'un habite cet endroit. Deux affiches de films légèrement déchirés tachent le mur beige, mis de travers et probable sans réel intérêt. Ce garçon est un vrai mystère.

Alors que je m'apprête à m'assoir dans le but de copier mon hôte qui s'est jeté à plat ventre sur son lit, mon regard se pose sur quelques feuilles qui trainent sur le bureau. Guidé par la curiosité, j'agrippe l'un des papiers pour l'observer de plus près. Il s'agit d'un splendide dessin fait au plomb représentant Reiner assis sur un banc de parc, souriant. Les détails et le travail d'ombrage sont incroyables, reflétant l'immense talent de l'artiste ayant réalisé cette œuvre.

-Est-ce que c'est Reiner? m'enquis-je, tu dessines vraiment bien.

Bertholdt se lève d'un bond pour m'arracher la feuille des mains et la retourner sur le bureau, le visage rouge comme une tomate. Les autres dessins qui trainent semblent aussi centrés sur son petit ami. Pourquoi avoir honte de posséder un tel talent?

-Tu n'as pas à avoir honte de le dessiner puisque c'est ton amoureux, essayai-je dans le but de le rassurer, si j'avais du talent, je ferais surement pareil avec Jean. Ses yeux en amandes sont adorables.

-Hum...

Sans répondre, le garçon retourne se placer sur son lit, la tête basse. Sa joie est loin d'être revenue, donc je m'assois en tailleur face à lui pour le regarder avec sérieux :

-Jean m'a dit que tu l'avais aidé à faire son choix quant à notre relation. Il m'a dit que tu lui avais été d'une grande aide, c'est pourquoi je suis ici. Je vois bien que tu souffres, donc je veux t'aider comme tu l'as fait pour nous.

-Est-ce que tu es Reiner?

-Non...

-Donc tu ne peux pas m'aider.

La froideur de Bertholdt me surprend, me faisant un instant regretter de chercher à lui venir en aide. Il ne semble pas vouloir parler avec moi. Réalisant ses mots, le garçon baisse la tête. Il essaie de cacher la larme qui glisse sur sa joue, cependant, je la remarque. Chacun réagit différemment à la douleur.

-Bertholdt, soufflai-je, j'aimerais savoir ce qui s'est passé avec Reiner pour que vous soyez en dispute. C'est parce que tu étais jaloux de Thomas? Tu n'as pas à l'être, car Thomas a rejeté la lettre d'amour que lui avait écrite Reiner, il y a un an. Il est totalement hétéro.

-Il lui avait écrit une lettre d'amour?

Je pince les lèvres en voyant la panique dans ses petits yeux verts, réalisant que j'en ai trop dit. Si je continue sur cette lancée, mes mots ne feront qu'aggraver les choses entre eux. Bertholdt parait hésiter, puis il se lance dans un soupir :

-Après la dernière partie, j'ai voulu comprendre ce qu'il y avait entre Reiner et ce Thomas. Reiner dormait chez moi, il était saoul et très collant. Je l'ai repoussé pour avoir des réponses et ça ne lui a pas plu. Il m'a accusé de ne pas avoir suffisamment confiance en lui et il est parti. Depuis, il ne me parle plus. Je... je ne comprends pas où j'ai gaffé.

-Bert, ce gars-là t'aime, même s'il ne le montre pas vraiment. Thomas est simplement une très mauvaise influence quand il est question d'amour. La preuve, c'est la seule personne au monde à pouvoir réveiller la colère de Mike! Tu vas voir, quand il va partir, Reiner réalisera qu'il a été con.

Bertholdt parait légèrement rassuré, essuyant ses larmes avec un faible sourire. Je me sens soulagé si j'ai pu lui venir en aide. Mon nouvel ami change de sujet en sortant de sous son lit une planche d'échec. Je n'ai pas joué à ce jeu depuis longtemps, donc mes stratégies font défaut, mais c'est amusant. Mon téléphone vibre dans ma poche. C'est mon petit ami :

MonPoney :
|J'ai parlé à Reiner! C'est vraiment Tom qui lui avait donné de mauvais conseils... il est censé écrire à Bertholdt.

Je souris, soulagé d'avoir un amoureux capable d'aider les autres. Quelques minutes plus tard, Bertholdt sort aussi son téléphone qu'il fixe avec stupeur.

-Il veut me voir, souffle-t-il, maintenant.

-C'est génial! Je savais que vos problèmes se régleraient. Quand deux personnes s'aiment, personne ne peut les séparer. Pas même Thomas.

Bertholdt ne réagit pas à mon encouragement, se contentant de fixer son écran en mordillant sa lèvre inférieure. Ce message ne semble en rien le rassurer, au contraire, il parait au bord de la crise de panique, le visage pâle. Afin de lui offrir du soutien, je lui avoue que Jean vient tout juste de m'informer qu'il a parlé à Reiner, ce qui parait le choquer. Peut-être aurai-je dû lui dire dès que j'ai lu le message? Le brun chasse finalement sa peur et il part vers la sortie.

***

Je rentre seul chez moi après avoir longuement discuté avec la charmante famille de Bertholdt. Voir des gens aussi joyeux et unis, ça donne chaud au cœur. Alors que je fais la vaisselle tout en fredonnant un air populaire entendu à la radio, quelqu'un cogne à la porte.

-J'Y VAIS, criai-je pour que ma mamie ne quitte pas le confort de son canapé.

Je pose mon essuie-vaisselle, puis je me dirige vers l'entrée pour ouvrir la porte au visiteur. Parfois, il arrive que ma mère oublie sa clé en allant travailler. C'est avec surprise que je tombe face à Jean et Thomas. Que font-ils là?

-Est-ce qu'on peut passer la nuit ici? s'enquiert Jean, Thomas dit qu'il ne peut pas rentrer chez lui et que Reiner est chez Bertholdt. Comme ma mère ne l'aime pas trop, je me suis dit qu'on pourrait se faire une soirée pyjama à trois?

Il ne peut pas rentrer chez lui? Mes yeux se posent tristement sur mon ami blond alors que je comprends qu'il doit encore avoir des problèmes avec son beau-père. Sa visite surprise au pays ne doit pas être bien vue et pourtant, son séjour commence à peine. Thomas sait que la porte de ma chambre lui sera toujours ouverte s'il a besoin d'un logis, donc pourquoi a-t-il demandé la permission à Jean? Si mon petit ami est présent, le garçon ne se confiera pas à moi.

-Je veux bien, souris-je, vous savez que vous êtes toujours les bienvenus. Mon appartement est votre appartement.

-Merci, mec, me remercie Thomas, chez moi, ma chambre a déjà été modifiée pour devenir un bureau et il parait qu'ils n'ont plus de place pour moi. Sympa, non?

Les garçons entrent et le dernier commentaire de mon ami me fend le cœur. M'imaginer faire partie d'une telle famille est inconcevable à mes yeux. Ça doit être terrible. Pourquoi sa mère ne prend-elle pas sa défense alors qu'elle lui a donné la vie?

-J'ai passé les deux dernières nuits chez Reiner, avoue Thomas, mais il m'a dit tantôt que je ne pourrais plus dormir chez lui à cause de l'échalote... Il est jaloux. Je n'arrive toujours pas à croire qu'après des mois sans me voir en face, il m'abandonne pour son nouveau petit ami. Moi, je l'aime bien ce Bertholdt! Je lui ai même dit. Je ne comprends pas pourquoi il me hait déjà. Je veux dire, il n'a aucune raison d'être jaloux. Je voulais être son pote, moi.

Voyant que cette histoire le blesse beaucoup, je prends mon ami blond dans mes bras pour doucement l'étreindre. Thomas ne réalise pas le mal qu'il a fait à ce couple, parce qu'il n'arrive pas à se mettre dans la tête des autres. Lui expliquer serait trop compliqué, surtout en sachant que d'un côté il a raison d'être triste.

-Tu pourras passer le reste de ton séjour ici, affirmai-je, moi, mon petit ami n'est pas jaloux. Pas vrai, Jean?

-Yep. Je sais que t'es trop moche pour me voler Marco.

Thomas sourit enfin et il fait un doigt d'honneur à Jean pour se venger de l'insulte bien envoyée. C'est la seule personne que je connais qui se sent de meilleure humeur lorsqu'il se fait clasher.

Le soir, je partage mon lit avec Jean tandis que l'invité dort sur un petit matelas aménager pour lui à nos pieds. Blotti contre mon amoureux, je profite de la proximité pour lui voler des baisers.

-Rassurez-moi, les mecs, je n'ai pas besoin de mettre des bouchons d'oreilles? rit Thomas, vous n'allez pas faire crac-crac près de moi?

Mes joues s'embrasent de honte à ce commentaire et par réflexe, je cache mon visage bouillant contre mon oreiller. Il est gênant! Jean tousse, tout aussi embarrassé par cette idée.

-Nous ne sommes pas encore rendus à cette étape, réplique mon amoureux, tu n'as rien à craindre.

-Hein? Pourtant, vous êtes en couple, nan? C'est normal de s'envoyer en l'air avec sa petite amie. Dans ton cas, avec ton petit ami.

-On prend notre temps. Le sexe n'est pas la base d'un couple, Thomas.

-Chacun son avis à ce sujet. Moi, je trouve ça important de tester la marchandise avant de m'engager. J'ai fait l'erreur une fois et je l'ai regretté! C'était avec une fille très sexy que j'adorais. On décide de sauter le pas dans ma chambre et tout à coup, elle commence à agir comme un chien. Quand je dis agir comme un chien, c'est qu'elle grognait, jappait et hurlait. J'étais un peu perdu, mais je me dis: "pourquoi pas". On continue, mais cette folle va carrément me sentir la craque de fesse! Faut être barjot! Je ne l'ai jamais revue.

-CESSEZ DE PARLER DE SEXE! hurlai-je en gardant l'oreiller sur ma tête.

Je suis habitué d'entendre les garçons de l'équipe parler de ce sujet, mais étrangement, ça me gêne terriblement avec Jean. Pourtant, je ne suis plus puceau. J'ai déjà sauté cette étape de nombreuse fois avec Floch, mais m'imaginer le faire avec mon meilleur ami me tourmente. Et si le moment venu, ce dernier réalisait que ce que j'ai entre les jambes ne lui plait pas? Cette idée me terrifie. Je veux attendre le moment parfait, être certain que sa première fois ne le traumatise pas du sexe entre hommes.

-Désolé, je me tais, répond Thomas avec amusement, motus et bouche cousue!

Je me demande à quoi Jean pense de tout ça.

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