~18 alternatif~ La maison de Thomas
Nous avons été chanceux, car le propriétaire du bar n'a pas porté plainte.
La policière en charge de l'affaire s'est montrée compréhensive, se contentant de nous donner un avertissement sévère. J'ai défendu verbalement mes amis face à elle, donc ils en ont déduit que sa décision est mon œuvre, mais ils ont tort. Cette femme avait visiblement déjà choisi de nous laisser partir sans conséquence avant même que j'ouvre la bouche. Nous sommes chanceux.
Soulagé que cette horrible soirée soit terminée, je conduis Jean à ma voiture. Le sang a cessé de couler de son nez, mais son visage tâché reste un désastre à regarder. La bouche crispée sous la douleur, il souffre et ça se voit.
-Marco, attend!
Thomas court en ma direction, un peu chancelant à cause de l'alcool. Même si le combat l'a aidé à dégriser, il reste ivre. Je m'arrête pour le regarder et le blond touche ma joue blessée du bout de son doigt, ce qui me fait grimacer de douleur.
-Ça fait mal, me plaignis-je.
-Laisse-moi venir avec toi. Je vais t'aider à soigner cette blessure. C'est la première fois que tu te fais frapper, non?
-Je vais mettre de la glace, ça ira. Tu devrais plutôt te regarder. Tu fais peur à voir.
Le blond touche sa lèvre fendue et il sourit avant de relever les épaules pour signifier son indifférence. S'il continue à prendre soin de moi, Jean finira par trouver son comportement suspect. Il vaut mieux éviter d'attirer son attention. Reiner s'approche de nous avec curiosité.
-Tu viens, Tom? s'enquiert-il. On va rentrer.
-Nan, je vais rentrer avec Marco cette fois. Tu peux y aller sans moi.
-Avec Marco?
Reiner nous dévisage avec incompréhension. Il faut dire que chaque fois qu'ils sortent, c'est le blond baraqué qui ramène mon amant chez lui, sauf lorsque ce dernier consomme de l'alcool. Je ne sais plus où me mettre. Même Jean, qui est pourtant focalisé sur son nez endolori, fixe la scène avec intérêt depuis la banquette passagère.
-J'ai envie de faire changement, explique maladroitement Thomas. Tu dois aller te reposer. Marco s'est fait frapper par ma faute, donc je m'inquiète. Tu comprends?
-Si tu le dis... S'il y a quoi que ce soit, tu peux m'appeler.
-No problemo.
Thomas lui fait un pouce en l'air et malgré son hésitation, Reiner l'abandonne pour rentrer de son côté. J'ignore ce que mon amant a en tête, mais il risque d'être rapidement déçu. Le nez de Jean est dans un état si lamentable que je compte le reconduire à l'hôpital où l'attente risque d'être interminable. Je hais ce lieu, ne conservant pas un agréable souvenir de mes précédentes visites avec Floch. Chaque fois, c'était pour y découvrir la détérioration de son cœur.
J'embarque derrière le volant et Thomas s'allonge à l'arrière, comme s'il se trouvait sur un lit, les pieds sur la banquette. Je fronce les sourcils, agacé par cette impolitesse. Il va salir le tissu.
-Tom, grogné-je. Attache-toi et assied-toi comme il le faut. Je ne veux pas de contravention.
-Chut... je fais une sieste.
Je pince les lèvres, mais je ne cherche pas la confrontation. Il est saoul et lorsqu'il a bus, il devient désagréable. À ma droite, Jean me fixe avec suspicion. J'ose à peine le regarder, craignant qu'il lise en moi comme dans un livre ouvert. Il me connait mieux que quiconque et c'est ce qui m'effraie.
-Marco, souffle Jean. Je crois que j'ai le nez cassé. On peut aller à l'hôpital?
-C'était déjà prévu. Je ne vais pas te laisser comme ça!
-Désolé.
Je lui souris pour le rassurer, ne souhaitant pas qu'il culpabilise, puis nous atteignons l'immense bâtisse que je hais de tout cœur. Les souvenirs remontent dans ma tête alors que l'odeur horrible du désinfectant agresse mes narines. Moins j'y viens, mieux je suis.
Nous avons de la chance, car l'urgence est presque vide, ce qui nous permet de passer en moins de deux heures. Thomas dort tout ce temps, allongé sur plusieurs chaises sans craindre d'être mis à la porte. J'ai si honte d'être vu en sa compagnie, surtout lorsqu'il ronfle comme un tracteur. Des infirmières le dévisagent avec jugement, mais personne n'ose le réveiller. Ce n'est que lorsque Jean sort de la salle du médecin, un imposant bandage blanc sur le nez, que je trouve le courage de lui faire quitter le monde des songes. Le blond essuie la bave sur son menton, puis il se redresse en s'étirant à la manière d'un chat.
-C'est déjà le matin? s'enquiert-il en baillant. J'ai super mal au dos... les bancs sont inconfortables. Il faudrait leur dire.
-Jean a fini. Il faut rentrer. Je te signale que tu n'es pas censé te coucher là-dessus, mais de t'y assoir.
-Ce n'est spécifié nul-part.
Nous quittons l'hôpital alors qu'il est passé deux heures du matin. J'ai sommeil, mais comme je conduis, je ne peux pas me laisser tenter par Morphée. J'allume l'air climatisé et j'essaie de me concentrer sur la route alors que je dépose Jean à son domicile. Dès que nous sommes seuls, Thomas se glisse sur le banc avant, passant par le milieu de la voiture en se tortillant comme un vers. Sortir aurait été si simple.
-Ma maison est tout près, avoue-t-il. Je vois que t'es fatigué, donc tu n'auras qu'à dormir chez moi. Mon beau près travaille de nuit cette semaine. Il ne pourra pas nous embêter.
Je suis trop fatigué pour rouspéter, obéissant en suivant les indications jusqu'à sa maison. Thomas habite dans une jolie demeure résidentielle, spacieuse et très moderne. J'écris un message à ma mère en quittant le véhicule pour l'informer que je passe la nuit chez un ami, ne souhaitant pas qu'elle se fasse du soucie en trouvant ma chambre vide le lendemain.
Le blond sort de sous le paillasson une clé, puis il m'ouvre la porte.
-Ma mère dort, donc ne fait pas trop de bruit, chuchote-t-il. Ma chambre est à l'étage.
L'intérieur de la maison ressemble à l'image d'un catalogue de design, sans défaut. Les murs blancs sont décorés avec sobriété par des œuvres abstraites, les meubles sont neufs et la cuisine regorge d'électroménagers récents. Tout est impeccable, au point où j'en suis mal à l'aise. C'est beau, mais impersonnel. Aucune photo, aucun bibelot superflu, rien qui ne pourrait laisser paraitre la personnalité des propriétaires.
Thomas agrippe ma main pour me tirer à l'étage, puis il me fait tourner dans une pièce où il allume la lumière après avoir fermé la porte. Ma mâchoire tombe face à l'endroit, choqué de découvrir l'horreur qu'est sa chambre. Sans surprise, des posters de femmes vulgaires décorent les murs. Il y a même un calendrier playboy près de son lit qui est remplis de vêtements sales. Tout est à l'envers. Les tiroirs de la commode sont ouverts, la garde-robe est sans-dessus-dessous et un tas de linge git dans un coin, attendant le moment où ils seront enfin envoyés dans la machine à laver.
-Je n'invite jamais personne, avoue le propriétaire de la chambre. Je préfère dormir ailleurs. Tu comprends?
-Je comprends... mais tu ne fais jamais laver ton linge? Je veux dire... ce n'est pas très propre.
-La flegme.
Le garçon retire ce qui traine sur son lit, envoyant les pauvres vêtements dans la pile. Sans honte, il commence à se dévêtir, me forçant à détourner les yeux. Je le vois souvent nu, mais je ne m'y habitue pas. Une part de moi reste timide face à son corps mince. Thomas s'allonge sur son lit en baillant.
-Tu peux prendre un t-shirt dans mes affaires, me propose-t-il. Je sais que t'aimes pas dormir nu.
Est-ce vraiment salubre? Les lèvres pincées, je regarde dans ses tiroirs à la recherche de quelque chose qui vas me faire. J'ai un ventre plus gros que le sien, ce qui me complexe. Il dit qu'il aime mon large postérieur, mais je suis incapable d'en être fier.
Alors que j'ouvre l'un des rares tiroir encore fermé, je me fige. Mon visage s'embrase alors que je sors timidement des oreilles de chat. Il y a plusieurs costumes sexy, dont un amas de préservatifs et un étrange jouet aussi gros qu'une bouteille d'eau. Est-ce que ces choses appartiennent vraiment à l'homme avec qui je partage des moments charnels? Combien de femmes sont venus dans cette chambre avant moi? J'ai envie de vomir, submergé par le dégoût.
Je fais un pas à reculons, mais je me heurte contre une masse dure. Les bras chaleureux de Thomas entourent mon ventre tandis qu'il pose son menton sur mon épaule, n'hésitant par à parsemer mon cou de baisers papillons.
-T'as envie d'essayer l'un de ces trucs? propose-t-il. J'ai bien envie de te voir avec les oreilles de chat. Miaou.
~
-Je vais être franc avec toi, je ne suis pas à l'aise en sachant que d'autres personnes ont portés ces trucs avant moi.
-T'es jaloux? ~
-Non, dégouté.
Mon ton est bien plus rude que ce que j'aurais voulu, mais c'est sortie tout seul. Je n'aime pas savoir qu'un tas de filles lui a déjà passé sur le corps. Je déteste qu'il soit un courailleux et même s'il a subi un dépistage d'ITS récemment, une part de moi continue à en être répugné. Pour moi, le sexe a toujours été significatif alors que pour lui, c'est aussi simple que de manger une glace. Nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes.
Thomas recule, clairement blessé par mes mots crus. Il pince les lèvres, mais plutôt que de se fâcher, il m'attire vers le lit où il s'assoit. Ses yeux marrons se posent sur les miens, bien plus sérieux que tout ce que je connais de lui.
-Pose-moi toutes les questions que tu veux, déclare-t-il. Je sais que ça t'agace. Tu as un problème avec mon passé et je le comprends. On doit crever l'abcès, donc vas y et je serai sans filtre. Tout ce que tu veux savoir, je te le dirai.
Des questions? J'hésite. J'ai envie de le questionner, mais une part de moi craint ce que je vais découvrir. Ça passe ou ça casse, il n'y aura pas de retour en arrière. Je baisse la tête, puis je me lance :
-Tu as couché avec combien de filles? Tu as commencé quand?
-54. J'ai fait ma première fois à quatorze ans, dans un party. C'était avec une fille chaude que j'avais à l'œil depuis un moment.
54... 55 avec moi. Ce nombre est énorme, mais une part de moi s'attendait à pire. Ça aurait pus être dans les trois chiffres.
-As-tu déjà ramené des conquêtes ici? m'enquis-je.
-Jamais. Y'a que Reiner qui vient parfois chez moi. Ma mère ne veut pas voir de fille dans la maison et mon beau père est encore plus strict.
-Ces trucs dans le tiroir... tu les as déjà utilisés?
-Les costumes, ouais. J'aime beaucoup le cosplay au lit, mais tout a été lavé. Le jouet, c'est un achat récent. Je voulais essayer d'être en-dessous avec toi, mais je ne voulais pas avoir l'air de la pucelle qui a mal. Tu comprends?
Ma mâchoire tombe pour la seconde fois de la soirée, choqué par cette annonce. Il veut essayer d'être en-dessous? Même avec Floch, l'idée d'échanger de rôle ne m'a jamais effleuré l'esprit. Je déglutis en tournant la tête vers le tiroir, bien que je ne puisse plus voir cette chose depuis le lit. Est-il conscient que ce truc ait la taille d'une bouteille d'eau ?! Il est fou.
Réalisant que mon cerveau a cessé de fonctionner, Thomas rigole et il agrippe délicatement mes joues, faisant attention à ma blessure. Ses lèvres viennent embrasser mon front, puis mon nez, avant de terminer leur course sur mes lèvres. Malgré l'odeur d'alcool toujours présente, je finis par lui rendre le baiser qui devient langoureux. Sa langue vient lécher la mienne, entamant une douce valse sensuelle alors que sa main s'aventure sous mon t-shirt. Ma corp frisonne et j'en oublie mes craintes précédentes.
-Donc tu es partant pour essayer? propose-t-il d'une voix suave.
-Qui me dit que ce n'es pas l'alcool qui fait cette demande? Tu es ivre, Tom.
-J'étais ivre. J'ai assez dormi pour retrouver ma sobriété. Je t'assure que j'en ai envie, sinon, je ne me serais pas entrainé avec le jouet. Je suis certain que tu seras bien meilleur. ~
Il n'a vraiment aucune honte. Moi, jamais je ne pourrais faire ce genre d'aveu! Malgré ma timidité et ma crainte d'être mauvais, j'accède à sa requête. C'est maladroitement que je prends le dessus, non sans quitter ses lèvres chaudes.
***
Le lendemain matin, il est passé 11h lorsque j'ouvre les yeux, Thomas toujours allongé contre mon torse. Son lit est petit, ce qui nous à forcé à nous entortiller comme des pieuvres.
Cette nuit, je dois l'admettre, c'était fantastique.
Thomas m'a guidé et même si j'avais peur de faire des bêtises, il a été très patient et doux. J'aime sa façon de s'adapter à mon rythme, sans mettre de pression. Je ne peux pas mentir, il est parfait au lit. Je comprends les femmes qui en sont devenus accro, même si je doute pouvoir en tomber amoureux. Cet homme est un amas de défauts. Sortir avec lui serait du masochisme pur. De toute façon, dès qu'il sera prêt à être avec Reiner, les deux formeront un couple idéal et je serai mis échec et mat. C'est mieux ainsi. Mieux pour mon avenir et pour mon cœur.
Je caresse la joue de mon amant pour le réveiller, ne désirant pas le sortir brutalement de son sommeil. J'ai découvert qu'il est facilement irritable s'il est tiré du monde des songes avant son heure. Ses yeux papillonnent, puis il se blottit.
-J'ai faim, marmonne-t-il contre mon cou.
-Alors lève-toi. On va aller grignoter.
-Je peux te manger? ~
-Pervers. Allez, lève-toi.
Les joues rouges, je quitte le lit, puis j'enfile mes vêtements de la veille. Je compte me changer une fois chez moi. Thomas met un moment avant de m'imiter, les yeux à moitié fermés. Il faut que je l'aide à enfiler un t-shirt pour éviter qu'il quitte cette pièce le torse nu. Chez moi, ce serait impensable.
Au rez-de-chaussée, une femme est assise à la table de la cuisine, seule et elle mange une assiette de fruits. Les cheveux blonds relevés en chignon serré, elle est élégante malgré sa minceur à faire peur. Squelettique, elle pourrait partir au vent, ce qui en vient à me questionner sur sa santé. Comprenant qu'il s'agit de la mère de Thomas, je raidis mon dos, aussi craintif qu'une gazelle face à un lion.
-Bonjour maman, bien dormi? commence Thomas en allant fouiller dans le frigidaire. Y'a quoi à manger?
-Tu ne dors pas souvent ici le samedi, remarque la femme. Je te croyais absent.
-Ouais, mon pote m'a ramené. Voici Marco.
Je salue la femme d'un geste polie alors qu'elle me passe au rayon X. Ses yeux couleur du ciel sont intimidants, comme deux blocs de glace tranchants. Son visage étroit est déjà barbouillé d'un font de teint épais alors que le dédain retrousse son nez. Elle n'a rien à voir avec son boute-en-train de fils.
-En-Enchanté de vous rencontrer, balbutiné-je.
-De même.
C'est tout ce qu'elle dit, ne cherchant pas à converser avec moi. Elle me mel mal à l'aise, tout comme sa maison. Cherchant à fuir, j'approche de Thomas pour lui proposer de cuisiner quelque chose, ce qui me vaut un nouveau regard mauvais de la part de la femme. Je ne me sens pas apprécié, ce qui est rare. Les parents m'aiment toujours lorsqu'ils me rencontrent.
Thomas s'assoit sur le comptoir alors que je cuisine, refusant de jeter d'autres regards vers sa mère. Je comprends pourquoi il déteste cette maison.
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