~15~ Le revers de la médaille

J'ai adoré écrire ce chapitre très long même s'il contient beaucoup de « blabla ». J'espère que ça vous plaira tout de même ^^.

Assis dans le salon de mon appartement, j'écris à l'avance une dissertation que je suis censé remettre en classe dans une semaine. La télévision allumée sur une étrange émission de télé-réalité, mon regard vagabonde entre mon ordinateur et l'écran plus large. Le thème de mon travail est si ennuyeux que je peine à me concentrer. La philosophie est un cours très intéressant grâce à mon enseignante énergique et ouverte d'esprit, mais écrire 500 mots pour expliquer s'il est préférable d'être une personne admirée comme Alexandre Le Grand ou minimaliste comme Diogène ne m'inspire pas. Leur histoire était captivante à apprendre, mais j'ai du mal à me positionner d'un côté.

Est-ce préférable d'être reconnu comme le meilleur ou de se contenter de peu pour être heureux? N'étant un as dans aucun domaine, ce dilemme ne me rejoint pas. J'aimerais exceller quelque part, mais pas de là à me faire écraser sous la constante pression d'une première place. D'un autre côté, ne rien posséder est une perspective dérangeante. Je doute que je puisse être heureux avec comme seule maison un tonneau, sans aucun bien matériel.

Dans un soupir, je me laisse tomber de côté sur le canapé, maudissant mon cerveau qui refuse de pondre un travail digne de ce nom. Mes yeux ne voient plus clair à force de fixer la page blanche de mon logiciel. Au moins, j'ai réussi à écrire un paragraphe... avant de tout effacer. N'est-ce pas un bon début?

Je sursaute lorsque quelqu'un cogne à la porte, puis je fronce les sourcils en tournant la tête vers cette dernière. Ma mamie est déjà couchée et ma mère fait un chiffre de nuit au restaurant où elle travaille. C'est surement Jean, même s'il m'écrit toujours avant de s'inviter à une heure tardive.

Je ferme mon ordinateur et je me lève en m'étirant. Au fond, un visiteur, c'est un bon prétexte pour cesser de travail. Portant mon pyjama troué de Dragon Ball sur lequel se trouve en gros plan la tête de Majin Boo, je vais ouvrir à l'invité sans me presser.

-Jean, je t'ai déjà dit de... Oh?

Je cesse de parler en tombant face à Thomas. Le blond me fait un faible sourire timide, clairement gêné de cogner chez moi si tard. Son œil... À moitié fermé, ce dernier est enflé et déjà teinté d'un affreux bleu marine. La couleur n'est pas encore très intense, prouvant que cette blessure est récente. La lèvre du garçon est boursoufflée, laissant voir une petite coupure. S'est-il battu?

-Je ne suis pas Jean, rectifie-t-il timidement, désolé de te décevoir. Hum... Je peux rentrer? Je suis désolé de débarquer aussi tard, mais je ne savais pas où aller d'autre.

-Oui, bien sûr.

Je m'éloigne de l'entrée pour le laisser pénétrer, refermant la porte sur son passage. Mon regard semble incapable de fixer autre chose que ses blessures, tourmenté de voir mon ami dans un tel état. Thomas n'est pas dans son assiette et ça se sent. Il ne dit rien, retirant simplement ses souliers mal attachés. Ses vêtements mous indiquent qu'il n'était pas au bar, ce qui exclut l'hypothèse d'une bagarre pour une fille.

-C'est charmant chez toi, remarque-t-il, comment tu fais pour ne pas te tromper d'appartement quand t'arrives bourré? À ta place, je me serais déjà incrusté chez les voisins une bonne dizaine de fois par accident.

-Tu sais que je ne bois pas, répliquai-je, Thomas, ne fais pas comme si tout va bien. Je vois bien que ce n'est pas une visite de courtoisie.

Le garçon pince sa lèvre blessée en baissant la tête. Sans un mot, il retire ses souliers. Thomas est hésitant, mais je refuse de l'héberger sans explications. S'il s'est fait agresser par quelqu'un, alors il faut absolument appeler la police. Ce n'est pas banal!

-Je peux crécher ici pour la nuit? souffle-t-il, d'habitude, quand ça m'arrive, je vais chez Reiner, mais il n'est pas chez lui. Il avait un souper de famille chez de la parenté... Hum... Tu es la seule autre personne en qui j'ai confiance.

-Parce que ça t'arrive souvent? m'étonnai-je.

-On peut s'en parler dans ta chambre? J'aimerais m'assoir un peu.

Thomas se force à me faire un petit sourire qui me fend le cœur. Il a mal, ça se voit. Je le guide vers ma chambre, puis une fois à l'intérieur, je l'abandonne pour courir chercher de la glace dans la cuisine. J'enroule le tout dans un essuie-vaisselle et je retourne auprès de l'invité.

-Met ça sur ton œil, lui recommandai-je.

-Merci.

Assis en tailleur sur mon lit, le garçon pose la glace sur sa blessure avec une grimace de douleur. Je devrais surement l'amener à l'hôpital, au cas où il aurait des blessures internes plus sévères. Même si j'essaie de rester calme, au fond, je me sens impuissant. Voir quelqu'un qui souffre, ça me rappelle cruellement Floch. Lui aussi, j'ignorais comment lui venir en aide.

-Alors? m'enquis-je, comment tu t'es fait ça? N'essaie pas de me dire que tu es tombé dans les escaliers, car je ne vais pas te croire. Tu t'es battu?

-C'est mon beau père.

Thomas lance ces mots sans me regarder, fixant le lit d'un air songeur. Son beau-père? Mon cœur se serre douloureusement, choqué par ce que j'apprends. Dois-je vraiment le forcer à continuer de parler? Je souhaite en savoir davantage, mais je ne veux pas l'obliger à se confier s'il n'en a pas envie. De gros problèmes familiaux, c'est pire qu'une simple bagarre de rue.

-Je le déteste, reprend Thomas, il sort avec ma mère depuis trois ans à peu près et c'est un gros connard... Je n'ai jamais vu un mec aussi toxique. C'est un policier que tout le monde aime. Il a l'air tout gentil parce qu'il est dans les forces de l'ordre, mais à la maison, c'est le pire des bons à rien. Ma mère était si fière de fréquenter un homme en uniforme, au début. C'est le genre qui lui donne des fleurs et qui est souvent romantique, mais c'est aussi le genre qui est atrocement jaloux. Si ma mère rentre quelques minutes en retard, qu'elle reçoit un curieux coup de téléphone ou je-ne-sais-quoi, il rentre dans une colère noire. Il... il se croit permit de la frapper.

Le blond serre fort la glace entre ses mains, tremblant de rage en racontant cette histoire. C'est la première fois que quelqu'un se confie à moi sur un tel sujet et j'ignore comment réagir. Thomas est quelqu'un de si joyeux d'habitude. Jamais je ne me serais douté qu'il a des problèmes familiaux. Ma main se pose sur son épaule pour montrer mon soutien, puis il continue d'une voix faible :

-Le pire, c'est que ma mère lui pardonne tout. Elle dit toujours que ce n'est pas de sa faute, qu'elle l'a méritée. Il lui donne des fleurs pour se faire pardonner ou alors, il lui achète de beaux bijoux. J'en peux plus... Cet homme me déteste. Aujourd'hui, j'ai essayé de défendre ma mère et je me suis pris les coups. J'ai réussi à le frapper aussi, mais ma mère m'a criée dessus. C'est moi qui étais en tort. Tu te rends compte, Marco? J'ai voulu l'aider et je suis le méchant? C'est drôle, non?

Thomas lève enfin son visage vers moi. Des larmes perlent au coin de ses yeux marron alors qu'il essaie de sourire. Non, ce n'est pas drôle. J'essaie d'ouvrir la bouche, mais aucun son n'en sort.

-Je vais toujours chez Reiner quand ça arrive, ajoute-t-il, il m'a toujours soutenu... Je ne peux pas appeler la police si ma mère refuse de porter plainte, en plus, qui croira qu'un policier peut être si con? Mon père vit aux États-Unis. Il est gérant d'un casino et ça fait longtemps qu'il veut que j'aille vivre chez lui, mais j'ai peur de laisser ma mère seule avec ce fou. S'il la tuait pendant mon absence? Malgré tout, j'aime ma maman...

-Je crois que tu devrais lui en parler, soufflai-je, parler à ta mère de tes peurs et de ce que tu ressens par rapport à tout ça. Tu restes son fils.

-Je sais, mais c'est compliqué avec elle. Une université américaine m'a acceptée et je dois donner ma réponse prochainement. Je me suis inscrit sur un coup de tête et je ne suis même pas certain d'être suffisamment doué en anglais. Mon père pense que c'est un bon choix et il veut m'aider dans tout ça. J'aimerais ouvrir mon propre bar un jour. Je suis déjà barman depuis un moment et c'est mon rêve. Je ne peux pas abandonner ma mère... et Reiner.

C'est fou comme on ne connait pas réellement les gens. Thomas a toujours été à mes yeux le garçon un peu détestable qui fait des « blagounettes » parfois déplacés et qui est accro aux filles. Le voir dans une position vulnérable et l'entendre parler de sa famille est particulier. Qui aurait cru que son père vit aux États-Unis? Cette personne est un pur mystère, tout comme les autres humains que je côtoie chaque jour.

Chacun est le protagoniste d'une histoire qui nous est étrangère.

-Je m'excuse de me confier à toi alors que tu vis une épreuve difficile, continue Thomas, je n'imagine pas à quel point ça doit être difficile pour toi en ce moment. Je n'ai jamais été amoureux, donc je ne comprends pas vraiment cette partie, mais je ne m'en remettrais pas si je devais perdre Reiner. C'est le meilleur ami au monde et il est toujours là quand j'en ai besoin.

-Tu as le droit d'avoir aussi des problèmes, tu sais? Je suis là pour écouter mes amis... Donner de mon temps pour les autres, ça m'aide à passer à autre chose. Floch me manque, mais je sais que je dois recommencer à vivre. C'est ce qu'il voudrait.

-C'est une belle manière de penser.

Pour la première fois de ma vie, je passe un moment à discuter sincèrement avec Thomas. Jamais il n'a à ce point été sérieux, laissant tomber son masque de petit clown et ses blagues douteuses. Il est plus intelligent qu'il en a l'air, rendant ce moment agréable. Lorsque je parle de Floch, il tend l'oreille avec attention et le blond donne même son avis sur le fameux accident qui a causé tant de frictions entre Mike et lui.

-J'aurais assumé mes actes si je n'avais pas été accepté dans une université américaine, avoue-t-il, quand c'est arrivé, j'étais totalement saoul et la panique a germé en moi. Tu sais, on ne peut pas passer les douanes avec un dossier judiciaire, surtout pour quelque chose d'aussi grave. Reiner était tout aussi paniqué... Il m'a proposé de dire qu'il conduisait, mais je n'ai pas été capable d'accepter. Je veux qu'il me rende parfois visite quand je serai là-bas. Je sais que c'est terrible, mais Mike était la seule autre option. Excepté tuer la victime et cacher le corps, mais ça, ça m'aurait peut-être envoyé en tôle.

Il termine son monologue avec un petit sourire amusé, voulant détendre l'atmosphère.

-Je comprends mieux, répondis-je, n'empêche que je comprends aussi Mike de te détester.

-Ouais, moi aussi... J'ai aussi commencé à le détester. Je sais que je ne devrais pas, mais il m'a carrément sauté dessus quand il a appris la vérité. J'ai cru qu'il allait me tuer! Je suis habitué aux coups, mais que ce soit lui qui lève la main sur moi, ça n'a pas passé. Il pèse quoi, 100 kilos? Ma vie a défilé sous mes yeux.

-J'ai du mal à imaginer Mike violent. Il est si doux et tellement gentil. Excepté contre toi, je ne l'ai jamais vue en colère. C'est un gros nounours.

-Bah à cause du gros nounours, je me suis fait dessus. Au sens propre. Même Reiner a eu peur! Il m'a écrit toutes les heures pendant une semaine pour s'assurer que je ne perdais pas connaissance... Même la nuit. Il est vraiment aux petits oignons avec moi. Je l'adore.

Le regard de Thomas s'illumine en parlant de son meilleur ami, ce qui me fait sourire. Serait-il possible que les sentiments de Reiner soient réciproques? Imaginer ce coureur de jupons pouvoir aimer un garçon me parait insensé, mais j'ai espoir pour le plus jeune des deux. Grâce à lui, le dragueur pourrait peut-être enfin se caser et cesser d'utiliser les filles comme ses objets sexuels. Parfois, l'entendre parler de ses conquêtes est répugnant.

-Je crois qu'il t'aime plus que comme un simple ami, avouais-je.

-Tu crois que je ne l'ai pas remarqué? Je ne suis pas aveugle.

-Donc c'est réciproque?

Le blond perd son sourire et il pince les lèvres. Cette question parait fortement lui déplaire, ce qui me fait regretter de l'avoir posée. Est-ce si mal d'avoir possiblement des sentiments pour une personne du même sexe?

-Marco, soupire-t-il, j'aime sincèrement Reiner. De tout mon cœur. Jamais quelqu'un ne m'a donné autant d'importance. Il est toujours là quand j'en ai besoin, il me soutient et j'ai une confiance aveugle en lui. Le problème, c'est que ça reste un mec... et j'aime les filles. J'aime leur corps, leurs seins, leur personnalité...

-Je vois. Donc il n'a aucune chance avec toi?

-Crois-moi, Marco, j'ai beaucoup réfléchi à ce sujet. Je me demande souvent si ce serait possible que je sois en couple avec un garçon malgré tout, si je pouvais tomber amoureux de lui. Je n'ai aucune envie qu'il souffre, mais même me l'imaginer, ça me semble impossible. Je n'ai aucun désir sexuel pour les mecs. Zéro pis une barre!

-Hum... Reiner devrait comprendre ça, ne t'en fais pas. Peut-être que si tu essayais, tu découvrirais que ce n'est si dégueu? Je veux dire, je ne m'y connais pas trop, mais on ne sait jamais.

Thomas fronce les sourcils pour réfléchir à ce que je viens de lui dire. J'ai peur de mal m'être exprimé. Si par ma faute, il teste sur Reiner et qu'il lui brise doublement le cœur, je me sentirais atrocement coupable d'avoir fait cette proposition.

Le garçon tourne la tête en ma direction, toujours avec son air songeur. Alors que cherche un nouveau sujet de discussion, ses mains se glissent sur mes joues et il m'attire vers lui. J'ouvre grands les yeux, surpris lorsque ses lèvres blessées rencontrent les miennes. Que fait-il ?! Même si je suis choqué, je ferme finalement les yeux afin de ne pas gâcher son premier baiser avec un garçon. Il doit l'apprécier.

Depuis que Floch est partie, personne n'a eu le droit de me toucher. Je ne risque pas de donner mon cœur ou mon corps à qui que ce soit avant très longtemps. Même s'il n'est plus là, je lui appartiens encore et pour toujours. Peut-être qu'un jour, je pourrai tourner la page, mais je l'aimerai toujours.

-Nope, ça ne marche pas, affirme-t-il en essuyant sa bouche, même pas du tout.

-Euh... Quand je t'ai parlé de test, je ne parlais pas de moi.

-Désolé, tu étais là. J'espère que tu n'en veux pas? Je n'arrive pas à croire que j'ai embrassé un mec. Ça me tourmente. Ne le répète à personne, même si je sens que Jean va être au courant. Ahhh, j'ai honte!

Il cache son visage entre ses mains, embarrassé. Comme si j'allais m'en vanter... Moi, je n'arrive pas à croire qu'un garçon comme Thomas Wagner ait pu me voler un baiser. C'est dégoutant, sachant que ses lèvres embrassent n'importe quelles filles dans les bars. En plus, ce blond est loin d'être beau avec ses favoris et ses cheveux moutonneux. J'ignore comment il fait pour être populaire auprès de la gent féminine.

Si j'ai pu aider, alors c'est tout ce qui importe. C'est plutôt cocasse comme situation.

À partir d'ici, si vous le désirez, vous avez accès à une suite alternative à la fin de cette histoire ^^. N'hésitez pas à y faire un tour si vous voulez découvrir une autre version de cette histoire!

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