Chapitre 4: Tu es quelqu'un d'intéressant
Assis à ma table habituelle à la cafétéria de l'école, mon cahier est ouvert devant moi et je dessine une nouvelle fois mon modèle favori, seul. C'est toujours dans cette pièce que je passe mes moments libres, profitant de chaque seconde pour avancer mes dessins. Il y a peu de gens qui viennent ici aux pauses, préférant pour la plupart prendre l'air à l'extérieur ou s'assoir dans le salon étudiant. Personnellement, je trouve qu'il y a trop de personnes dans ce lieu pour que je m'y sente à l'aise. On y entend uniquement les garçons qui jouent au billard crier et cela me déconcentre. Rien ne vaut l'odeur rafraichissante de la cafétéria.
Ce matin, j'ai vu dans les vestiaires Reiner qui se changeait après son cours de sport. Son corps est tellement bien bâti. Sur cette feuille, je tente de reproduire chaque muscle que j'ai aperçu avec le plus de réalisme possible.
Non, je ne suis pas un pervers qui m'amuse à l'observer quand il se change, mais j'admets que je ne plains pas de la vue que j'ai eue. Cette rencontre a été une simple coïncidence qui s'est avérée profitable pour moi.
Je passe doucement mon doigt sur l'un de ses muscles au plomb.
-Tu dessines quoi?
Je sursaute en fermant brusquement mon cahier. Mon cœur s'emballe lorsque je lève la tête. Reiner se trouve devant moi, un sourire sur ses lèvres si parfaites. Et s'il a vu... Non, il ne réagirait pas comme ça.
-Tu sais, en te disant demandant ça je ne voulais pas te faire peur, rigole-t-il.
-Je sais, mais je ne suis pas habitué à ce qu'on me parle.
Je tiens fermement mon cahier contre moi, par peur qu'il ait l'idée de l'ouvrir pour voir ce je fais à l'intérieur. Il me prendrait pour un obsédé. Il aurait peur et il s'arrangerait pour ne plus jamais me voir à moins de vingt mètres de distance. Il aurait peut-être raison...
-Tu passes tes pauses toujours tout seul? S'étonne-t-il.
-Oui, je suis bien.
-Donc si je t'invite à venir t'assoir avec moi et le reste de l'équipe tu ne voudras pas? On mange tous ensemble et Conny nous a déjà rejoints avec sa copine. Il reste une place pour toi.
Reiner Braun m'invite à venir passer du temps avec lui. J'ai l'impression que mon cerveau va dérailler. Depuis quand est-ce que je vaux son attention?
-Je ne voudrais pas déranger...
-Tu ne dérangeras pas, Bertholdt! Et si tu ne te sens pas bavard, apporte ton cahier pour faire ce que tu fais toujours. On ne va pas te déranger, mais tu auras de la compagnie.
Je doute que te dessiner près de lui soit une bonne idée... Pris de court par cette soudaine invitation, j'accepte d'un hochement de tête positif qui fait sourire le blond. Mon cahier toujours bien enfoui dans mes bras, je suis Reiner entre les tables jusqu'à la sienne qui se trouve, comme je l'aurais pensé, dans la section du salon étudiant.
Il s'agit d'une grande pièce remplie de tables dont les murs sont peints pour rappeler Paris. Avec un plancher de bois, il y a deux tables de billard, ainsi qu'une table de ping-pong et une petite scène pour les courageux qui souhaitent faire des spectacles sur l'heure du repas. L'école entière semble se donner rendez-vous ici.
Timidement, je m'assois sur une chaise au hasard à la table de l'équipe et personne ne semble me porter de l'attention. Ils sont si nombreux dans cette bande que c'est impossible que je me détende. C'est tout nouveau pour moi de me retrouver avec autant de gens. Il y a les membres de l'équipe, mais aussi leurs amis proches que je ne connais pas.
Sous l'angoisse, je mordille ma lèvre inférieure dans l'espoir de me calmer. C'est une sorte d'habitude que j'ai prise quand la situation m'angoisse.
-Dites les gars, vous savez si notre entraineur cette année est Erwin Smith? S'enquiert Mike songeur.
-Comme l'an dernier, répond Jean la bouche pleine après avoir volé quelque chose dans la collation de Marco, pourquoi?
-Cette année je veux coucher avec lui, affirme-t-il calmement, l'an dernier j'en avais déjà envie, mais là, je suis en terminal, donc je donne mon cent pour cent. Il sera mon petit ami, j'en fais la promesse.
Je le regarde de travers. Il dit ça naturellement et les autres réagissent à peine. Personne n'est surpris par ses mots.
-Fais attention à ce que tu promets, réplique Livai qui installe tranquillement une serviette devant lui, je suis presque certain qu'Erwin n'est pas de ce bord-là.
-C'est un problème qui peut s'arranger. Non, mais vous avez vu son cul?
-Parlant de beau cul, se mêle Jean, Eren, comment vas ta sœur? Je ne l'ai pas vue aujourd'hui.
Eren se contente de lui faire un doigt d'honneur alors que Jean semble très satisfait de sa répartie. Pour se faire féliciter, il lève la main vers Marco dans le but de recevoir un « hign-five », mais ce dernier se contente de soupirer sans le regarder.
-Mon cher Marco, grogne Jean, quand je lance une bonne vanne, ton devoir de meilleur ami est de m'encourager.
-Je ne vois pas ce qu'il y avait de drôle. Désolé.
Je les regarde discuter ensemble sans me mêler. Ils sont amusants à voir. Il est facile de remarquer les liens qui les unissent grâce à mon côté observateur. C'est ça, l'avantage d'être discret. J'arrive à découvrir ce que les gens ignorent, percer leurs secrets sans même avoir à leur adresser la parole. Le plus intéressant restera toujours Reiner.
Il lance des blagues et discute avec les autres avec une aisance magnifique. Bientôt, j'espère que je pourrai moi aussi lui parler comme ça. Perdu dans ma contemplation, je suis surpris quand une fille s'approche de notre table en courant. D'immenses lunettes couvrent son visage souriant et un chignon mal-fait trône sur le sommet de sa tête. Elle s'arrête joyeusement près de nous :
-Devinez quoi! Jubile-t-elle, je viens d'avoir une nouvelle discussion avec le directeur et il est d'accord pour me fournir de l'argent pour nous acheter un costume de mascotte! Imaginez un gros titan qui se promène sur le terrain pour animer la foule.
-Hansi, déclare Livai sans sourire, il est hors de question que je te laisse porter ce costume.
La fille rigole avant d'aller s'assoir près du garçon. Elle agrippe ses joues et l'embrasse avec amour. Livai n'a pourtant pas l'air de quelqu'un en couple.
-Ne t'inquiète pas! Je vais le demander à quelqu'un d'autre. Au fait, tu manges quoi? Je n'ai rien avalé de la journée. Je peux t'en prendre une bouchée?
-Seulement si tu as lavé tes mains.
Drôle de couple.
***
À la fin des cours, j'entreprends à pied le trajet vers ma maison. Je pourrais prendre le bus, mais quand il fait beau, je préfère marcher. Bientôt j'aimerais bien m'acheter une voiture, mais j'attends le bon moment.
La température ambiante est très agréable, tout simplement parfaite. Ni trop chaude, ni trop froide, j'en profite pour lever le visage vers le soleil qui vient chatouiller mon visage. L'automne approche avec ses belles couleurs inspirantes. Contrairement à la plupart des gens, moi, c'est ma saison préférée. Rien n'est plus beau que les tapis de feuilles qui tombent sur le sol et le froid naissant.
J'ai à peine franchi la barrière du terrain de l'école qu'un gros VUS s'arrête près de moi, au rebord de la route. Probablement une coïncidence... Je m'apprête à le contourner lorsque la fenêtre du côté passager s'ouvre. Est-ce un vieux pervers qui souhaite me kidnapper? Je suis surement trop vieux, mais on ne sait jamais. Ma maman m'a toujours appris à ne jamais embarquer avec des inconnus, même s'ils m'offrent des bonbons.
Un peu effrayé par ce véhicule, je réfléchis déjà à un moyen de fuir ce vieux pervers. Si besoin, je pourrais peut-être utiliser une technique de boxe empruntée dans le film Rocky? Ça ne doit pas être sorcier de placer un bon crochet du droit.
-Hey Bertholdt! Tu veux embarquer?
Derrière son volant me sourit Reiner. Surpris de le voir, je me fige. Il m'offre vraiment de monter dans sa voiture? Il ne semble pas être un possible psychopathe en fin de compte.
-Je ne vais pas te manger si c'est ce que tu crains, sourit-il.
Malgré ma grande gêne, j'embarque auprès de lui dans la voiture. Les sièges sont hauts et la musique qui joue à la radio n'est pas mauvaise. Heureusement qu'il n'est pas l'un de ces types qui lèvent le volume jusqu'à en faire exploser les tympans.
-Pourquoi tu m'as embarqué? Demandai-je sans réfléchir.
-Parce que je t'ai vu qui marchais seul et je me suis dit que j'aimerais te parler. Quand il y a des gens autour de nous, tu es muet comme une carpe. Tu sais, ils ne sont pas méchants.
-Je sais... Je ne sais juste pas quoi dire. Je ne suis pas à l'aise avec les gens.
Je n'ose pas le regarder quand je lui parle. J'ai chaud dans cette voiture. Chaud à cause de Reiner Braun et de ses yeux magnifiques en amande. Chaud d'entendre sa voix grave qui ME parle.
-J'avais remarqué, répond-il, ça te donne un côté mystérieux qui doit plaire aux filles. Ce n'est pas désagréable de côtoyer quelqu'un qui ne lance pas des jeux de mots mauvais à chacune de mes phrases. Donc tu es seul par choix?
-Oui et non. Je suis mauvais pour me faire des amis.
-Maintenant, tu nous as. Cela peut te sembler étrange, mais nous ne sommes pas uniquement une équipe. Ce qui fait notre force, c'est notre complicité. Nous sommes tous de bons amis qui se soutiennent. Maintenant que tu es des nôtres, le week-end tu peux aller au chalet quand tu veux. Il y a toujours quelqu'un pour passer du temps avec toi et sinon, tu m'appelles ou tu m'envoies un message. D'accord?
Je hoche doucement la tête en souriant, les joues rouges.
-Au fait, ajoute Reiner, je roule en ligne droite depuis tantôt, mais je n'ai aucune idée de l'endroit où tu habites!
Je rigole avant de lui indiquer le chemin jusqu'à chez-moi. Il se stationne silencieusement dans ma cour, puis en lâchant un faible merci j'agrippe mes affaires pour sortir de la voiture.
-J'aimerais apprendre à te connaitre Bertholdt Hoover. Tu es quelqu'un d'intéressant.
Je lui fais un sourire, puis je referme la portière. Mon cœur bat si vite que j'en ai mal. Je suis intéressant... Je regarde la voiture de Reiner partir jusqu'à ce qu'il disparaisse au bout de la rue.
-Je veux que tu me connaisses aussi, Reiner Braun.
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