Me voilà de retour, petite sœur, pour bavarder avec toi ! Parlons aujourd'hui d'une autre personne. Parlons un peu de Mon cher exécuteur de tâches... de Divinus.

Je Me souviens encore parfaitement de la première fois où Je l'ai vu. Il n'était qu'un petit enfant adorable et si aisément contrôlable. Je M'étais fait appeler Chrysallia, de surnom Chrys. Chrys... où avais-Je pu bien trouver ce nom ? Je revois encore son visage illuminé en ouvrant le cadeau qui Me contenait, sa première question « C'est quoi, Maman ? » et l'air interdit de sa mère. Son père, mon noble petit-fils, lui a alors expliqué que J'étais un héritage de la famille et qu'il avait été spécialement choisi pour Me recevoir. Et c'est à ce moment-là que J'ai commencé à parler, dans le but de convaincre le petit Divinus de Mes bonnes intentions. À cet instant, Je me suis rendu compte de l'horrible voix qui Me caractérise. Je dois t'avouer, petite sœur, que J'ai été horrifiée par cette voix suraiguë, si loin de Ma noble voix d'antan, et Je Me suis demandé si Je n'avais pas fait une erreur lors du processus qui plaçait Mon âme dans cette relique. Mais non... Je suis toujours la même, si J'exclus cette intonation. Intonation qui a fait peur au petit Divinus, que J'ai peiné à rassurer.

Je le revois à présent, penché au-dessus de Moi, écoutant avec avidité Mes paroles. Je lui parlais du rôle des dieux, de leur Immortalité et il buvait chacun de Mes mots. Il M'a alors affirmé qu'il serait un grand dieu, Immortel, le plus puissant de tout l'univers. Noble rêve pour un enfant ! Mais dire qu'il croit encore aujourd'hui en cet idéal et qu'il n'a toujours pas compris qu'il ne l'atteindra jamais. La crédulité et l'espoir vain ont toujours fait partie des plus grands défauts des dieux et cela ne changera jamais. L'Immortalité ne sera jamais retrouvée et tu ne sais que trop bien pourquoi, petite sœur. Car notre orgueil à chacun d'entre nous est bien trop puissant, pour que nous daignons nous allier autrement que par pur intérêt personnel. Peu de personnes comprennent cette réalité, mais pour une fois tu fais partie de ce petit nombre d'individus lucides. D'un autre côté, tu n'as aucun mérite puisque c'est Moi qui t'ai éclairée à ce sujet... à tes dépends, certes. Malefik, ce presque noble descendant, a fini par reconnaître cette réalité, mais un peu trop tard pour lui. Mylena, elle, le sait depuis la trahison de son frère. Mylena... Je suis si fière d'elle... impétueuse, sûre d'elle, solitaire, mais aussi puissante. Elle est tout ce qu'il Me faut pour conclure Mes plans. Certes, un défaut la caractérise, mais ce vice est si commun que Je ne peux lui en vouloir : la gentillesse et la compassion... envers les humains. C'est peut-être l'un des rares défauts que Divinus ne possède pas, mais, d'un autre côté, Je l'ai formé.

Poursuivons ce petit inventaire sur Divinus. Je le revois se rebeller pour la première fois contre Moi. De sa voix offusquée, il a prononcé : « Je n'en veux pas de ce maudit mariage ! Tu n'as pas à me dire avec qui je dois me marier : tu n'es qu'une voix, un jouet ! ». Et Je lui ai répondu « Juste un jouet ? Tu te trompes totalement, Mon cher ami. J'ai bel et bien existé, et Je suis une déesse. L'une des trois premières. ». Devant ses yeux ahuris, Je lui ai enfin révélé Ma vraie identité. Il M'a écouté avec la plus grande attention, sans perdre le moindre mot. Je lui ai tout expliqué : Ma jeunesse, Mon seul amour, Mon mariage forcé avec un autre que Je haïssais de tout Mon cœur et enfin Ma Mort après avoir transféré Mon âme dans cette boule de cristal. En y réfléchissant encore, je trouve ce plan si ingénieux et je Me rends compte à quel point le don de voyance était le plus puissant de tous les pouvoirs. Eh oui, pauvre de toi, petite sœur... J'ai été et Je suis la seule à le posséder : cela fait de Moi une déesse unique et surpuissante.

Parlons maintenant de notre Pacte, à Divinus et Moi. Le « Pacte du Diable » comme il l'a appelé. Non... il s'agissait du Pacte « avec » le Diable. Il a posé ses mains sur la boule de cristal qui abritait Mon âme et Je les ai brûlées si vivement que son sang a ruisselé sur Moi. Je possédais alors sa vie et il est devenu Mon esclave à jamais. Si seulement tu avais pu voir son air apeuré et souffrant : il s'est mordu les lèvres pour ne pas crier et paraître courageux. Mais à cause du lien qui l'unissait désormais à Moi, J'ai pu lire ses émotions comme un livre ouvert. Lorsqu'il a retiré ses mains, Je lui ai annoncé qu'il M'avait juré fidélité à jamais et qu'il devait à partir de ce moment M'obéir pour toujours. Il a acquiescé et Je lui ai donné Mon premier ordre : se marier à Evelyn. Et il accepté, bien évidemment... Evelyn... cette si faible et crédule humaine. Elle était parfaite pour lui. Jamais elle ne se serait opposée à ses décisions et il la dominerait, comme tous les dieux doivent dominer les humains.

Poursuivons. Je lui ai ordonné quelque temps plus tard de tuer sa mère, prétextant qu'elle menait une insurrection de la part des habitants d'Hister contre son fils. C'était bien entendu un mensonge : il n'y aurait jamais eu d'insurrection car tous les habitants étaient contents du règne de Divinus, mais Je devais Me débarrasser de cette Christina. Pourquoi, Me demandes-tu ? Non... Je dois rêver... Tu es en train de Me poser une question ! Vraiment ! Je n'arrive pas y croire ! Après M'avoir superbement ignorée et fait souffrir pendant des années, tu t'adresses enfin à Moi. Je devrais en être flattée... mais non, Mon désir de vengeance sur toi est bien trop ardent pour que J'éprouve envers toi la moindre reconnaissance !

Eh bien, pour répondre à ta question : car Christina était trop curieuse et indiscrète, et elle commençait à se méfier des agissements de son fils et de Mon influence. Je ne pouvais Me permettre qu'une vulgaire déesse, possédant le stupide pouvoir de détection de mensonges, compromette Mes plans. Sous Mes conseils, Divinus a empoisonné sa mère. Je possédais tout contrôle sur lui. Le forcer à empoisonner la mère qu'il aimait... Oui, il a douté de Moi après cet assassinat. Mais non, même s'il refusait de Me voir, il n'a pas échappé à Mon contrôle. Désirant Me fuir, il s'est rendu sur Terrumbra pour demander conseil à son jeune frère. Et, là, il l'a découvert, communiquant avec Moi, par l'intermédiaire du Livre du Rituel Sacré. Mon plan de secours, bien entendu : la boule de cristal pour l'aîné, le livre du Rituel pour le cadet. Tels étaient les ordres que J'avais transmis avant de mourir à Morior. Morior, mon bien-aimé fils... Je l'aime tellement... Mon fils légitime, si digne de Moi, de Ma grandeur et Ma noblesse. Je le vois pleurer devant Moi lorsque Je lui ai annoncé que J'allais mourir et qu'il devait léguer cet héritage à ses petits-fils. Tu ne peux même pas imaginer, Ma chère sœur, à quel point Je M'en veux de lui avoir causé une telle peine, lui qui n'a cessé d'être si parfait et loyal envers Moi. Mais ce n'est que du passé ; Je ne peux pas Me permettre de penser à lui. Je dois Me focaliser sur Divinus, pourtant bien moins satisfaisant que Morior.

Je revois alors un Divinus, fou de jalousie, revenir sur Hister, Me demandant des explications sur le Rituel de son frère. Je lui ai calmement expliqué que lui seul peut établir une relation privilégiée avec Moi et que son frère ne communique avec Moi que par un intermédiaire, celui des Runes Divines, et non directement. Divinus a alors compris qu'il ne devrait plus jamais Me quitter. Vois-tu comment ce fut une victoire si facile à obtenir ? La jalousie... un autre défaut qui pervertit le monde, presque similaire à l'orgueil. Divinus est atteint des deux et, entre nous, petite sœur, c'est ce qui Me permet de le contrôler si aisément.

Continuons. Il y a encore tellement de choses à énoncer sur lui. Je lui ai ensuite communiqué tous les plans adéquats pour créer le Conseil et recruter son frère ; entre nous, une tâche très facile puisque ce cher petit Malefik a toujours eu une confiance aveugle en son aîné. Et puis, il a fallu recruter Arachtus : à dire vrai, c'est pour lui que J'ai dû élaborer le plan le plus compliqué, même si ce n'était rien comparé à tout le reste. Et enfin Célestia : pas très compliquée, elle, à recruter puisqu'elle était brisée par la mort de ses parents et qu'elle avait terriblement besoin de quelqu'un sur qui compter. À quoi le Conseil peut-il bien Me servir ? Eh bien, c'est simple, petite sœur. Pour faire croire à Divinus que Je soutenais pleinement son projet de devenir le Maître Immortel de l'univers, car l'Immortalité ne peut être retrouvée qu'en réunissant toutes les planètes, à supposer bien entendu qu'une telle action puisse être accomplie. Pour que Divinus M'accorde donc sa confiance. Et également pour soumettre Arachtus, ce dieu bien trop brillant pour être laissé sans contrôle. Eh non, petite sœur, il n'aurait pas été plus simple d'éliminer Arachtus dès le début. Il a encore un rôle à jouer dans Mes plans. Quel rôle, Me demandes-tu ? Chaque chose en son temps, petite sœur. Quel plaisir aurais-tu à découvrir l'ingéniosité de Mes plans si Je te dévoile tout maintenant ?

Reprenons après cette courte digression. Le Conseil a été créé et Divinus était à présent intimement convaincu de Mes bonnes intentions. J'ai alors élaboré, pour maintenir cette confiance, de nombreux plans, dont notamment le combat opposant l'Élue et ses sœurs aux deux frères. Même si Je prétendais que tous ces plans étaient nécessaires à Divinus pour réaliser son rêve, ils n'étaient en réalité qu'utiles à Mon dessein. Parlons un peu de ce combat, l'élément presque primordial dans Mes plans. Je savais bien évidemment que l'Élue et ses sœurs allaient triompher, même si J'ai prétendu le contraire à Divinus une centaine de fois. Il fallait que l'Élue en sorte victorieuse, car c'était l'unique moyen que J'avais trouvé pour lui faire rencontrer un vrai dieu. Oui, Je parle bien des fils de Divinus et Célestia. Et pourquoi l'Élue devait-elle rencontrer un vrai dieu ? Tu Me déçois terriblement, petite sœur, et Je n'ai pas envie de te répondre maintenant. Tu attendras ! Tu peux aussi réfléchir par toi-même, mais Je doute fortement que ce soit à la hauteur de tes capacités !

Finissons tout de même avec Divinus. Je ne vais quand même pas Me taire alors que J'ai presque terminé de t'expliquer son rôle dans Mes plans ! Après la défaite du Conseil sur Moons, il a fait croire aux cinq à sa mort, comme Je lui avais si judicieusement conseillé. Et à présent, il M'attend, seul, sur Marina. Et bientôt Je le rejoindrai.