Chapitre 7 - Partie 2 - Un anniversaire hors-du-commun
Angie laissa échapper un gloussement devant notre rivalité, puis ils disparurent tous deux dans un rayon argenté, me laissant seule avec ma sœur mélancolique. Je ne pus me préoccuper plus longtemps d'elle car Aélyia arriva entre nous et me souhaita un joyeux anniversaire avec son entrain et enthousiasme habituels.
— Tiens, Sinistra ! J'ai pensé que cela te fera plaisir pour ton anniversaire !
***
Elle me tendit un gros paquet violet et je le saisis en marmonnant un remerciement. Pourquoi s'obstinaient-ils tous à m'offrir des cadeaux ? Ne pouvaient-ils pas comprendre que je n'aimais pas en recevoir ? Je m'efforçais tout de même de ne pas montrer trop ouvertement mon mécontentement et j'ouvris le paquet. Pour découvrir... un bonnet, une écharpe et des moufles en laine violette.
— Je les ai tricotés, moi-même ! s'exclama avec enthousiasme Aélyia, ce qui m'épargna de faire un commentaire dessus. Comme tu es tellement occupée par les potions, tu n'as même plus le temps de faire les boutiques, donc je me suis dit que tu aurais besoin de vêtements neufs ! Et comme il fait plutôt froid sur Terrumbra, j'ai pensé qu'un bonnet, une écharpe et des moufles en laine te seraient utiles ! D'autant plus que le violet...
Je levai les yeux au ciel devant le frénétique discours inutile d'Aélyia qui finit par conclure :
— Tu les essayes ?
Bien sûr... comme j'étais sotte ! À contrecœur, je me résignai à passer l'écharpe autour de mon cou. Aélyia m'observait avec joie et je m'efforçai de me montrer souriante, malgré la laine qui me démangeait déjà. Voyant que je ne m'activais pas davantage, Elena m'arracha des mains le bonnet pour l'enfoncer sur ma tête, ce qui laissa échapper un petit rire insouciant à Aélyia. Avant qu'Elena n'eût le temps de me mettre mes moufles, je les enfilai moi-même tentant d'ignorer la laine qui me grattait. Je regardai alors mes mains et poussai un soupir désespéré. Mais que voulez-vous que je fasse de ça ? Mes mains étaient totalement entravées et il m'était bien évidemment impossible de me servir du moindre outil, et plus particulièrement de mes dagues. Cependant, Elena et Aélyia ne semblaient pas du tout de mon avis, car elles abordaient toutes les deux une expression ravie. Je soupirai devant leur comportement trop enfantin et je finis par retirer avec difficultés mes moufles puis mon bonnet et mon écharpe.
— Tu les aimes, alors ? demanda avec gaieté Aélyia.
— Oui... Bien sûr ! rajoutai-je d'un ton plus convaincant face à l'expression dubitative d'Aélyia. Merci beaucoup !
Le sourire d'Aélyia s'agrandit et le silence s'installa entre nous trois, jusqu'à ce qu'Elena ne le rompît, abordant un sujet tout à fait différent :
— Je suis allée à la prison d'Arachtus avant-hier.
Je clignai des yeux trois fois de suite, persuadée que j'avais mal entendu ce qu'Elena venait de me dire. Était-elle vraiment allée à la prison pour voir Arachtus ?! Que lui avait-il pris ?
— Je voulais savoir s'il avait des informations sur la maladie... enchaîna ma petite sœur, alors que personne n'avait réagi oralement.
— Hein ?!
Mais pourquoi était-elle allée lui parler de ça ?! Que se passait-il dans la tête de ma petite sœur ?
— Il m'a dit que tu avais raison de garder espoir et...
— Mais je le sais ça, Elena !
Et je n'avais absolument pas besoin de l'entendre de la bouche d'Arachtus. Même si une part de moi était soulagée d'entendre ce mot : espoir... je voulais tant y croire.
— Il a suggéré qu'il fallait peut-être un ingrédient spécial, qu'on ne connaissait pas encore pour régler un problème encore irrésolu.
— Un ingrédient spécial ? murmurai-je, songeuse.
J'en avais presque oublié que ces informations provenaient d'Arachtus. Presque car je m'en rappelai l'instant d'après. Pourquoi ce prétendu dieu qui avait tenté de nous tuer à plusieurs reprises nous viendrait-il en aide ? Surtout pourquoi Elena était-elle allée le voir ? La réponse à la seconde question me parvint naturellement à l'esprit : elle était prête à tout pour sauver Kyle et Kurt... Même se risquer à parler avec un ennemi. Elle pensait toujours qu'il y avait un remède ; elle espérait toujours... Je devais absolument lui prouver que cet espoir n'était pas vain : je voulais qu'elle retrouve sa bonne humeur et la seule solution pour ça, c'était de trouver ce remède ! Absolument aucune pression !
— J'ai entendu dire que les plantes des montagnes avaient des vertus curatives... commença Aélyia d'un ton hésitant, me coupant dans ma réflexion. Peut-être que l'une de ces plantes est spéciale...
Je fus stupéfaite à cette déclaration : depuis quand savait-elle cette information ? Et depuis quand s'était-elle renseignée sur les vertus des plantes curatives ? D'autant plus qu'aucun de mes livres ou même ceux d'Angie ne mentionnait les vertus des plantes montagnardes.
— Tu as entendu dire ? releva Elena.
— Euh... oui...
— Qui te l'a dit ? interrogeai-je d'un ton abrupt, n'appréciant que très peu ces cachotteries.
— Je ne sais pas... je ne connaissais pas son identité... et il ne me l'a pas dite...
— À quoi ressemblait-il ?
— Je ne sais pas... je ne l'ai pas vu, sauf ses yeux... ils étaient vairons... l'un marron, l'autre vert.
Je fus abasourdie par cette description si peu complète, ne parvenant pas à concevoir un tel échange. Elena quant à elle abordait un air inquiet et elle murmura comme pour elle-même :
— Les yeux marron et vert...
Elle redressa la tête vers Aélyia et s'enquit :
— Puis-je regarder dans tes souvenirs pour voir qui c'était ?
Aélyia parut effrayée par cette proposition et je demandai :
— Est-ce vraiment nécessaire, Elena ?
— Il faudrait que je vérifie quelque chose...
Aélyia m'adressa à nouveau un regard inquiet, et je compris que la décision me revenait. Je savais qu'Elena n'entrerait pas sans son accord dans les pensées d'Aélyia, mais je me doutais que la vérification qu'elle voulait faire était importante. Laissant alors ma curiosité l'emporter, j'entrepris donc de rassurer mon associée :
— Ne t'en fais pas, Aélyia, ce n'est pas douloureux. Elena va uniquement regarder ce court souvenir.
Ma conseillère poussa un soupir avant de céder bien qu'à contrecœur. Quelques instants plus tard, Elena déclara le front plissé :
— Il s'agit de la même paire d'yeux que celle que j'avais croisée sur Marina, le jour où je l'avais rouverte. J'avais cru imaginer cette forme, mais apparemment non. Très étrange... Je me demande bien de qui il s'agit. D'autant plus que sa voix est vraiment étonnante : je n'ai pas réussi à déterminer s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Néanmoins, ses intentions semblent bonnes puisqu'il, ou elle, est convaincu qu'il existe un remède et un sortilège pour contrer la malédiction.
— Un Sortilège pour la malédiction ? m'enquis-je, me demandant quelle autre surprise me réservait encore l'étrange inconnu aux yeux vairons.
Je devais avouer que j'aurais bien aimé le rencontrer moi-même... Pourquoi s'était-il adressé à Aélyia et non pas directement à moi ?
— Oui... approuva évasivement Aélyia avant d'expliquer : Il m'a confié qu'il faudrait que tu conjures la malédiction par un sortilège, après avoir trouvé le remède.
— La maladie est donc une malédiction... murmurai-je pour moi-même, passant déjà mentalement en revue tous les Sortilèges que je connaissais, sans parvenir pourtant à en trouver un qui puisse conjurer pareille malédiction.
— Mais pourquoi n'a-t-il pas donné davantage d'informations, aussi bien sur le remède que sur la malédiction ? s'enquit Aélyia.
— Je l'ignore... répondit Elena à ma place. C'est vraiment étrange... Mais, je pense que nous devrions essayer, Sinistra, pour le remède, en croisant les deux informations.
— Oui, ça ne coûte rien, concédai-je. Et nous nous occuperons de la malédiction plus tard : d'après lui ou elle, ce n'est pas le problème imminent.
Un court silence s'installa, puis je finis par le rompre :
— Les plantes des montagnes... si ma mémoire est bonne, Elena, il y a des montagnes sur Marina.
— Oui... Nous pourrions y aller.
— C'est parfait ! s'exclama Aélyia. Tu pourras te servir de ton bonnet, ton écharpe et tes moufles pour te protéger du froid ! J'ai vraiment bien fait de te tricoter tout ça !
Sans tenir compte de la remarque d'Aélyia, je saisis la main de ma sœur et commençai à invoquer l'Argentus. Mais avant que la lueur de cet horrible rayon à retardement ne daigne apparaître, Elena dégagea sa main et s'exclama :
— Pas maintenant, Sinistra ! Nous irons demain.
— Mais pourquoi attendre davantage ?
— La journée est déjà bien entamée.
Cette réponse était bien trop évasive pour être toute la vérité et Elena finit par se justifier davantage :
— Il faut que j'aille voir Arachtus en prison.
— Pourquoi ?
— Il avait d'autres choses à me dire...
— D'autres choses à te dire... répétai-je. Tu peux être plus précise ?
Je n'aimais pas du tout les cachotteries de ma petite sœur, encore moins quand elles impliquaient Arachtus.
— Rien concernant la potion.
Son ton catégorique m'incita à continuer de poser des questions, même si j'avais suffisamment de problèmes pour me mêler de ce que disait Arachtus à ma sœur. Si le dieu avait de mauvaises intentions, il fallait que je le comprenne le plus rapidement possible :
— Elena, tu me dirais si quelque chose se passait mal avec Arachtus, n'est-ce-pas ?
Elle me lança un regard incrédule avant de rajouter :
— Sinistra, ne t'inquiète pas. Il me raconte son passé. Ce n'est rien d'important.
— Si c'est important, puisque tu ne veux pas aller sur Marina aujourd'hui. Donc c'est plus important que....
— NON !
Le ton qu'avait employé ma sœur me glaça le sang, puis son expression se radoucit :
— Non, rien n'est plus important que de trouver un remède à la maladie de Kyle et Kurt. Nous irons demain, dès le lever du jour.
Sans même attendre mon approbation, elle invoqua l'Argentus et disparut dans le rayon. Je soupirai sidérée par la fin abrupte de cette conversation puis me retournai vers Aélyia :
— Quand as-tu appris ces informations ?
Elle baissa les yeux et je compris que cela faisait déjà plusieurs jours.
— Pourquoi ne me l'as-tu pas dit plus tôt ?
— Je ne voulais pas te perturber davantage... Et je pensais que tu me prendrais pour une idiote puisque j'ai parlé à une personne inconnue dont la seule chose perceptible était ses yeux...
— Aélyia... Ce n'est pas grave : nous irons demain. Mais, la prochaine fois que tu as une information, tu n'oublies pas de m'en faire part tout de suite, d'accord ? Je ne vais pas te manger toute crue si tu me donnes un conseil.
Aélyia acquiesça avec un petit sourire et sembla retrouver sa contenance. Puis elle désigna la foule des habitants qui m'acclamaient toujours. Je les avais complètement oubliés mais malheureusement pas eux : comment pouvaient-ils se montrer aussi persévérants !?
— Tu devrais aller les rejoindre : ils n'attendent que ça, murmura Aélyia. Montre-toi souriante, fais-leur un discours...
Était-ce là vraiment le premier conseil qu'elle me donnait ? J'aurais mieux fait de modérer mes propos précédents. Je dus prendre sur moi pour ne pas lâcher une réplique acerbe et me contenter de grommeler quelque chose d'incompréhensible tout en me dirigeant vers la foule.
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