Chapitre 6 - Partie 1 - Le prince de Flamea

Elena entra dans la cellule d'Arachtus qui releva à peine la tête en l'entendant arriver. Sans prononcer un mot, la jeune femme s'agenouilla à ses côtés et posa ses mains sur le casque d'Illidium qui emprisonnait le dieu. Arachtus la regarda l'enlever impassible et elle lui défit ses liens entravant ses mains et ses jambes. Elle s'écarta légèrement et le dieu se mit debout douloureusement bien que trop heureux de pouvoir enfin bouger. Depuis la veille ses membres endoloris n'avaient demandé que cela.

— Tu as l'air bien optimiste, Elena, fit-il alors que la jeune femme se dirigeait vers la sortie de la cellule.

— Tu m'as dit hier que tu allais me raconter.

— J'ai dit que je verrai... corrigea le prisonnier. Mais cela dit, une nouvelle promenade dans le parc me ferait le plus grand bien.

— C'est d'accord pour une nouvelle promenade. Mais seulement avec la certitude que tu ne vas pas t'échapper et que tu vas me dire quelque chose.

— Tu aurais dû y penser avant de me détacher, rétorqua Arachtus avec un sourire malicieux.

— Promets-le-moi.

— Je fais ce que je veux.

Arachtus n'aimait guère l'autorité qu'Elena s'accordait sur lui, surtout qu'elle sortit précipitamment de la poche de sa robe rose bonbon un voile argenté pour le déposer sur le casque d'Illidium. L'instant d'après elle plaqua violemment par télékinésie Arachtus contre l'un des murs de sa cellule et se rapprocha de lui, le regard étincelant.

— Ta promesse. Immédiatement.

Arachtus esquissa un sourire avant de murmurer :

— Je vois que tu avais tout prévu : faire semblant de me laisser le choix pour finalement imposer ta volonté...

— Assez, ou je te rattache !

— La panique n'a pas bon effet sur toi. Tu deviens agressive et tortionnaire, ce que toi-même tu condamnais précédemment.

Elena fut troublée par ces paroles et elle relâcha son champ de force ; il était vrai qu'elle venait d'agresser le dieu sans vraiment avoir une raison valable. Elle poussa un soupir, épuisée par tous les maux qui s'acharnaient sur elle ces derniers temps : Arachtus avait-il vraiment raison ? Était-elle en train de changer pour devenir plus injuste et haineuse ?

— Tu ne vis pas une période facile, Elena, mais réfléchis-y vraiment.

Elle releva les yeux vers le dieu toujours étonnamment calme, et il rajouta :

— D'accord, je réitère ma promesse : je ne chercherai pas à m'échapper. Mais je ne te raconterai pas tout aujourd'hui : ce serait trop long et je souhaiterais qu'il y ait qu'autres promenades.

La culpabilité s'empara d'Elena ; elle aurait presque préféré ne pas obtenir ce qu'elle souhaitait à l'origine.

— Allez, ressaisis-toi et allons dehors !

Arachtus se mit en mouvement et Elena se tourna vers lui avant de demander d'un ton hésitant :

— Pourquoi ne me diras-tu pas tout aujourd'hui ? Est-ce vraiment long de m'expliquer pourquoi tu as dit que tu m'aimais ?

— J'ai tout le temps devant moi...

Arachtus parcourut du regard les quatre murs de la prison avant de poursuivre :

— Et puis... passer du temps en ta compagnie est fort agréable, encore plus quand tu te montres sympathique. Alors autant en profiter pour te confier mes souvenirs d'enfant...

— Tes souvenirs d'enfant ?! s'exclama Elena avec surprise. Pourquoi veux-tu me confier tous tes souvenirs de jeunesse ?

Non seulement la jeune femme n'était pas sûre de vouloir les connaître, mais elle comprenait encore moins qu'Arachtus acceptât de les lui confier.

— Il faut bien que je me débarrasse de ces souvenirs un jour ou l'autre... soupira le dieu, son regard posé sur le sol comme honteux.

Sans attendre, il releva les yeux vers Elena et déclama avec amusement :

— Bien sûr que je pourrais t'annoncer en deux mots dès maintenant pourquoi j'ai dit que je t'aimais, mais cela perdrait tout son charme ! Pourquoi ne pas plutôt t'amener tranquillement à cette conclusion, en t'expliquant les choix que j'ai faits dans ma jeunesse ?

Cela ressemblait désormais plus à une requête de sa part : il voulait confier ses souvenirs pour se soulager. Elena l'avait compris et elle hésita un instant avant d'accepter. Une lueur de reconnaissance brilla dans les yeux gris-vert d'Arachtus tandis qu'Elena se baissait pour reprendre le voile argenté déposé sur le casque d'Illidium.

— Tu devrais le laisser, Elena, intervint Arachtus.

— Pourquoi ?

— Car je ne vais user ma précieuse voix pour te raconter mes souvenirs. Je vais te les transmettre par pensée.

Une lueur craintive passa dans les prunelles de la jeune femme, qui se rappelait trop bien les dernières fois qu'Arachtus avait pénétré dans son esprit.

— Et ne t'inquiète pas, je ne vais pas chercher à t'infliger une illusion.

Un sentiment de confiance traversa Elena et sans réfléchir davantage elle reposa le voile sur le casque. Elle rejoignit le dieu qui l'observait tristement ; elle s'arrêta devant lui et riposta :

— Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu me dévisages ainsi ?

Arachtus poussa un soupir et lâcha :

— Tu as vraiment l'air désespérée. Tu n'es plus du tout toi-même.

Elena fut vexée par cette réflexion et sa carapace de défense s'érigea :

— L'avantage c'est que tu me détestais comme j'étais avant. Ça ne peut pas être pire à présent.

Elle ne pouvait pas se tromper plus lourdement mais Arachtus s'abstint de lui faire remarquer. Elle était devenue trop irritable pour jouer avec le feu et risquer de perdre ce qu'il avait réussi à obtenir.

Elena n'attendit pas un instant supplémentaire pour entamer sa route dans le couloir. Route qui fut rapidement interrompue par une plainte déchirante :

— Monseigneur, je vous en prie !

Encore Halius. Elena sentit l'énervement grandir en elle, alors qu'Arachtus ripostait à l'intention du prisonnier décrépi :

— Avez-vous vraiment décidé de nous interrompre à chaque fois, Halius ? En tout cas, je vous le déconseille : je n'ai pas prévu de changer d'avis quant à votre libération et ce n'est pas en insistant lourdement que la situation va s'améliorer.

— Mais... Monseigneur...

— Assez ! Je ne suis pas votre seigneur et je ne le serai jamais. Alors, restez tranquillement dans votre prison, comme un enfant sage, et peut-être qu'un jour, Elena vous prendra en pitié comme elle le fait pour moi.

Il jeta un regard malicieux à Elena qui répondit en levant les yeux.

— Plutôt mourir que d'obtenir la pitié de cette maudite déesse !

— Vous vous méprenez, Halius, reprit Arachtus d'un ton faussement moralisateur. Elena n'est pas une maudite déesse. Maudite humaine, pourquoi pas ? Mais déesse... non !

Elena lui jeta un regard noir mais le dieu ne se laissa pas déstabiliser :

— Bonne journée, Halius. Et je vous prie, la prochaine fois, de ne pas m'accoster, car je risque d'être de moins bonne humeur.

Arachtus se désintéressa d'Halius et entraîna Elena vers la sortie du couloir. Une fois arrivés à l'extérieur, Elena déclara immédiatement :

— Tu étais obligé de remuer le couteau dans la plaie ?!

Arachtus ne lui répondit pas immédiatement, préférant à la place profiter du splendide paysage qui se dressait devant lui, même s'il ne s'agissait que d'une cour de prison austère. Il finit par se retourner vers Elena et déclarer, une expression enjouée sur son visage :

— Il faut bien que quelqu'un te charrie un peu. De toute façon le statut de dieu ou d'humain n'a plus aucune valeur à mes yeux et tu le sais très bien. Détends-toi.

Elena poussa un soupir, sachant pertinemment au fond d'elle que le dieu avait raison. Le voir heureux et presque taquin lui faisait du bien et lui rappelait le bon temps qu'elle avait passé avec ses amis, surtout Kyle. Un temps qui bientôt ne serait plus... Les épaules d'Elena retombèrent en repensant à cette fatalité oppressante ; elle voulait retrouver ces jours de bonheur où ils étaient tous les cinq sur Moons, malgré la pression de devenir déesse protectrice, malgré leurs querelles.

— Elena...

Le ton d'Arachtus était doux et la jeune femme releva son regard brillant vers lui.

— Prête pour une transmission de souvenirs ?

Elena acquiesça d'un geste de la tête, se forçant à chasser sa propre peine.

— Eh bien, allons-y !

Il esquissa un large sourire et se rapprocha d'Elena. La jeune femme eut un léger mouvement de recul, avant de finalement laisser le dieu poser doucement ses doigts sur ses tempes. Ses membres se contractèrent et elle se força à expirer lentement pour se détendre. Elle ouvrit son esprit et elle sentit celui d'Arachtus se mêler au sien pour commencer la transmission...

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