Chapitre 4 - Partie 3 - Visite en prison

— Pense ce que tu veux, Elena, interrompit Arachtus, déjà lassé par les arguments systématiquement antagonistes que la jeune femme lui fournissait. Mais sache que si tu veux trouver une solution pour tes amis, il te faudra regarder vers l'avant. Divinus et Célestia ont échoué et il vous faudra faire preuve de plus de créativité et d'ingéniosité. Je ne doute pas que ta sœur et toi y parviendrez.

À nouveau, Elena demeura silencieuse, ne sachant quoi penser des paroles d'Arachtus. Était-il vraiment possible qu'un remède existe et qu'il n'eût tout simplement pas encore été découvert ? Il le fallait... il fallait trouver ce remède.

***

Une brise de vent frais souffla sur le visage d'Elena, la faisant revenir à la réalité. Il commençait à se faire tard et elle devait rentrer chez elle. Elle se retourna alors vers Arachtus et déclara, un certain regret l'envahissant :

— Hum... c'est l'heure de rentrer... Je vais te raccompagner.

— N'ai-je pas le droit d'avoir le moindre espoir quant à ma libération ?

— Non. Tu es ici pour tes actes et je ne prendrai pas le risque de te libérer pour que tu réitères tes crimes.

— Ne t'en fais pas. Je tiens suffisamment à Mylena pour avoir envie de la tuer.

S'il avait voulu faire une pointe d'ironie, cela n'eut pour effet que de le meurtrir davantage.

— Je ne parlais pas seulement de ça. Je faisais référence à ton adhésion au Conseil, à tes tentatives pour nous tuer mes sœurs et moi, et à l'invasion de Moons. Sans compter toutes les vies d'habitants de Moons que tes robots ignobles ont prises.

— Ne penses-tu pas que j'ai suffisamment expié mes fautes en passant deux mois dans cette horrible prison ?

— Non. Et tu ne devrais pas te plaindre. Tu mérites ce châtiment.

À peine les avait-elle prononcées qu'Elena regretta ces paroles. Arachtus s'était montré compréhensif avec elle pendant leur promenade, il lui avait redonné un peu d'espoir et, elle, elle venait de se montrer odieuse. Certes c'était en partie justifié... Elena sursauta lorsqu'Arachtus agrippa son épaule ; elle se retourna et découvrit le regard furieux d'Arachtus qui répliqua d'un méprisant :

— Si tu avais ne serait-ce qu'une maigre idée de ce que j'ai vécu, tu n'aurais pas proféré de telles paroles.

À ces mots, Arachtus la relâcha et, la bousculant violemment, il s'en alla en direction de la prison. La jeune femme se sentit plus que jamais honteuse ; Arachtus semblait avoir vraiment changé depuis la dernière fois. Ne méritait-il pas une seconde chance ? Un assassin ne mérite pas une seconde chance ! Rien ne peut expier un fratricide !

Elena secoua vivement la tête pour chasser ces pensées désagréables et elle finit par se décider à suivre le dieu dans le bâtiment sinistre. Lorsqu'elle atteignit la cellule 62, Arachtus était déjà devant et fixait la porte de métal d'un air résigné. Dès qu'il vit Elena, il s'écarta pour qu'elle ouvre la cellule, puis il entra sans lui adresser le moindre regard. Il se rassit sur le dur sol froid et poisseux et laissa la jeune femme l'attacher, les yeux rivés sur le casque d'Illidium. Lorsqu'Elena posa l'odieux artéfact sur sa tête, il lui jeta un court regard empli de reproches ; cette petite arrogante n'avait aucun cœur non plus.

Arachtus entendit Elena pousser un soupir, et il releva les yeux alors qu'Elena commençait à formuler d'un ton hésitant :

— Je suis désolée, Arachtus, pour tout à l'heure. Je n'aurais pas dû dire ça...

— Heureux que tu t'en rendes compte, rétorqua Arachtus d'un ton toujours contrarié.

— Merci, pour ce que tu as fait, cette après-midi...

Cela fut suffisant pour apaiser la rancœur du dieu et qui marmonna :

— Ce n'est rien... Je... j'ai perdu des êtres chers. Et pas que ma sœur... Je ne souhaite à quiconque de vivre les mêmes tourments que moi.

Les regards des deux anciens ennemis se croisèrent et s'accrochèrent ; en observant les prunelles tristes du dieu, Elena se rappela la dernière fois où elle était entrée dans son esprit. C'était lors de l'invasion de Moons ; elle y avait vu l'image de trois femmes, dont la perte meurtrissait le dieu. Il y avait Cléa... Cléa... cette petite fille insouciante qu'Elena avait incarnée pendant quelques instants. Quant aux deux autres femmes, il y avait sûrement sa mère, Flora, mais Elena ignorait l'identité de la troisième. La troisième... celle qui était apparue en même temps que le souvenir où Arachtus la tenait dans ses bras, la nuit de son enlèvement... la nuit où Célestia les avait arrachées, ses sœurs et elle, à leur famille pour les adopter. Tous les doutes qui avaient envahi Elena à cet instant et qu'elle avait réussi tant bien que mal à refouler, lui revinrent à l'esprit. Elle avait pensé qu'elle était la fille d'Arachtus. Mais c'était impossible, non ? Elle devait lui poser la question... lorsqu'elle en avait encore l'opportunité.

— Hum... Arachtus...

Elena ne put se résigner à aller plus loin mais le dieu l'encouragea à poursuivre :

— Oui, Elena ?

— Je...

Cette pensée était tellement douloureuse. Elle avait si peur de la vérité. Voulait-elle vraiment prendre le risque de bouleverser à nouveau son existence en posant cette question ?

— Je t'écoute, Elena...

Le ton presque doux du dieu la fit flancher et elle murmura :

— Suis-je... ta fille ?

Arachtus dévisagea avec stupeur Elena pendant quelques instants, avant d'éclater de rire. Elena rougit, mais ne sut comment interpréter ce rire. S'amusait-il qu'elle eût pu songer à une telle éventualité, ou bien riait-il d'avance du plaisir qu'il aurait à la torturer en lui révélant qu'elle était sa fille ?

— Réponds ! souffla Elena ne pouvait en supporter davantage.

La jeune femme tremblait d'inquiétude, Arachtus sembla s'en rendre compte car il abrégea cette attente interminable :

— Non. Et heureusement pour nous deux.

La vague de soulagement qui envahit Elena était indescriptible, même si elle fut vite remplacée par la honte d'avoir pu penser une telle absurdité. Elle finit par reprendre ses esprits et posa la question qui demeurait toujours sans réponse :

— Alors... Pourquoi, la nuit où vous nous avez enlevées mes sœurs et moi... tu m'as dit que tu m'aimais ?

Arachtus détourna brusquement le regard, comme s'il ne s'attendait pas à ce que la jeune femme se souvînt de telles choses, et il rétorqua sèchement :

— Assez. Je ne veux pas en parler.

— Mais... commença Elena avant d'être interrompue par le regard pénétrant d'Arachtus.

— Ce n'est que du passé. Va-t'en.

Une lueur d'hésitation passa dans les yeux du dieu, qui fixa de nouveau l'un des murs de sa cellule, incitant Elena à quitter le lieu sinistre. Mais Elena ne voulait pas : elle souhaitait en savoir davantage sur ce souvenir, qui appartenait aussi bien à elle qu'à Arachtus. Puis, se rappelant les paroles du dieu au sujet du passé et de l'avenir, Elena se rendit compte à quel point elle était obsédée par le passé. Arachtus avait raison ; elle devait regarder de l'avant. Mais... le passé permettait de comprendre le présent et d'anticiper l'avenir.

— Arachtus... tu... insista-t-elle encore une fois, espérant que le dieu finirait néanmoins par céder.

— Va-t'en, maintenant. Et... reviens demain. Je verrai ce que je te dirai...

Un sourire se dessina sur le visage d'Elena et, après avoir murmuré un merci, elle sortit de la cellule et referma la porte à clef. Lorsqu'elle passa devant la prison d'Halius, elle sentit une main décharnée aux doigts osseux l'agripper par la cheville. Elle se retourna avec dégoût et découvrit Halius, allongé péniblement sur le sol, un bras poisseux sortant des barreaux enduis de suie. Elena dégagea sa cheville précipitamment et rétorqua avec dédain :

— Halius, vous, vous méritez d'être ici. Cette cellule est le seul lieu où vous auriez dû être depuis le début.

— Elena... Tu paieras pour tous ces affronts. Tes sœurs aussi. Vous finirez à mes pieds, à implorer ma pitié.

Halius foudroya la déesse du regard avant de se replier pitoyablement dans sa cellule. Elena se désintéressa de lui et s'empressa de quitter le sinistre couloir qui l'oppressait.

***

Alors que pensez-vous de l'attitude d'Arachtus ? A-t-il vraiment changé comme Elena aimerait l'espérer ou essaye-t-il simplement la duper ? Et que pensez-vous de cette histoire de souvenirs ?

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