Chapitre 2 : Les Runes Divines

Ce chapitre ne devrait jamais être lu par de véritables dieux – ou véritables déesses – dignes de Moi. Toutefois, Je crains fort que la tradition des Runes Divines se soit éteinte avec Mes fils, puisque Je n'ai jamais pris le soin de leur transmettre cet art.

Ce chapitre, comme vous l'aurez aisément compris, est dédié aux Runes, à leur signification profonde et, surtout, à la manière dont il convient de les lire et de les prononcer. Je vous enjoins donc à vous exercer assidûment à la lecture de ces symboles sacrés, car le moindre défaut de prononciation pourrait entraîner une rupture irréparable de la confiance qui vous lie à votre Arme, et, dans le pire des cas, vous précipiter dans l'abîme de la Mort. Il est également impératif de maîtriser l'intonation et l'accentuation sur certaines syllabes, car ce détail est loin d'être anodin.

Cependant, ne vous leurrez pas : si vous n'arrivez pas à maîtriser cet art avec aisance, sachez qu'il est fort peu probable que vous y parveniez jamais, même après des années d'efforts incessants. Ce talent, comme Je n'ai cessé de le répéter, est profondément ancré dans la lignée de Mes descendants. Si vous n'êtes pas l'un des Miens, il vous sera impossible d'atteindre la perfection absolue, cette perfection qui est pourtant indispensable pour réussir le Rituel, notamment en ce qui concerne la lecture des Runes.

Voici, pour clore ce préambule, un récapitulatif des prononciations à adopter lors de la lecture des lettres.

S'en suivit alors un long tableau indiquant les intonations pour chaque lettre et syllabe, et peu intéressée, je sautai la page pour enchaîner sur la suite du chapitre 2.

Dans Mon infinie bonté, J'ai pris la précaution de vous adjoindre en annexe un lexique, bien que, Je le concède, il ne soit en aucun cas exhaustif, car il serait vain de tenter de lister l'ensemble des mots d'une langue dans un ouvrage aussi modeste. Je préfèrerais, cependant, ne pas vous encourager à y recourir, car si vous êtes Mes véritables héritiers, vous ne devriez nullement en avoir besoin. Mais, comme Je l'ai précisé en début de chapitre, Je doute que la tradition des Runes Divines ait pu perdurer jusqu'à cette époque, et c'est pourquoi, à contrecœur, Je vous exhorte à consulter ce lexique. Il vous incombe même d'en apprendre par cœur tous les mots et leur prononciation exacte, afin de maximiser vos chances de succès dans le Rituel.

Comme vous l'aurez observé en parcourant les quelques mots du lexique – et permettez-Moi ici un euphémisme, car J'ai pris soin de vous fournir une liste suffisamment complète pour que vous soyez prêt à toute éventualité –, l'accent n'est jamais placé sur les syllabes contenant un "à", un "ù" ou un "ò". En revanche, il vous est impératif de concentrer votre énergie sur la prononciation des voyelles fortes : "á", "ú" et "ó". Cette règle est d'une importance capitale pour le bon déroulement du Rituel.

D'ailleurs, Je vous impose un petit test, ici et maintenant : si, d'un seul souffle, vous parvenez à prononcer cette phrase avec une fluidité parfaite, sans le moindre heurt, c'est que vous êtes véritablement digne de poursuivre cette lecture. Sinon... Eh bien, vous connaissez désormais les conséquences qui vous attendent.

Vous avez réussi, et Je vous en félicite ! Vous avez échoué, alors il est temps pour vous de tourner la page, ou plutôt de quitter définitivement ce livre. Un petit bonus, toutefois, pour ceux qui, par leur seule lecture, ont su comprendre la signification de ces mots : vous, sans l'ombre d'un doute, êtes dignes de Mon ouvrage. En revanche, pour les autres, ceux que Je qualifierais d'incultes, si après réflexion vous êtes toujours incapables de traduire ce message, alors vous savez d'ores et déjà ce qui vous attend.

Quant aux malheureux crétins persistants qui osent se croire dignes de Ma grandeur, voici la signification de la phrase : « Seule la Divine Déesse (c'est-à-dire Moi) et les héritiers dignes de la Déesse peuvent lire ces Runes. » Le message est-il enfin limpide pour vous ?

Chapitre 3 : La phrase de code

Je sais que si vous lisez ce chapitre, c'est que vous êtes véritablement un digne héritier. En effet, seul un esprit résolu et déterminé aurait pu survivre aux épreuves des deux chapitres précédents. Je suis fière de vous !

Voici donc le début de la première phase du Rituel. Si vous avez déjà pris soin de vous familiariser avec votre Arme en lui attribuant un nom, en la portant constamment à vos côtés, comme Je vous l'avais conseillé, vous êtes parfaitement préparé. Si tel n'est pas le cas, Je vous invite à relire le premier chapitre avec une attention renouvelée.

Les Runes qui vont suivre ces mots serviront à vous lier définitivement à votre Arme. Vous devrez les lire parfaitement dès le premier essai, sans pré-lecture mentale, sinon vous devrez dire adieu à votre Arme et à toute possibilité de poursuivre le Rituel.

Avant toute chose, trouvez une pièce sombre, sans fenêtres – ou du moins dotée de rideaux noirs, si l'agréable habitude des maisons claustrées ne s'est pas perdurée jusqu'à votre époque. Cette pièce deviendra votre Salle du Rituel et il vous sera interdit d'en changer. La majeure partie de votre parcours se déroulera ici, alors il vous est conseillé de choisir un endroit facilement accessible à vous seul, mais difficile d'accès quiconque autre, un lieu que vous affectionnez particulièrement.

Placez ce livre sur une table, ouverte à la page suivante où se trouve la phrase de code, et placez votre Arme à côté de Mon ouvrage. Adoptez une posture droite, debout, et lisez ces Runes à haute voix, dès le premier essai, avec assurance, force et spontanéité – n'omettez surtout pas les accentuations.

Je tournai la page et découvris en écriture calligraphique les runes suivantes qui occupaient toute la double-page, afin de souligner l'importance de cette phrase de code.

Je lis silencieusement les Runes et je compris parfaitement tout ce que cela voulait dire. Comme si cette langue m'était instinctive, bien que je ne l'eusse jamais apprise... Il s'agissait du même langage que celui des Sortilèges... un langage que j'avais jugé au début stupide et ridicule... jusqu'à ce que je prononce la première phrase. Celle qui m'avait permis de rompre le verrou de la porte du bureau de Célestia. Et là, j'avais découvert la beauté de cette langue qui m'était étrangement familière.

J'entendis derrière mon épaule Aélyia soupirer, avant de déclarer :

— Tu peux tourner la page ? Parce que franchement, cette formule est absurde...

—Cela veut dire : « Je demande, moi digne héritier de la Divine Déesse, à te parler, nom de l'Arme. »

— Hein ? Nom de l'arme ? répéta Aélyia avec un air ahuri.

— Oui, il fallait sûrement mettre ici le nom de l'Arme avec laquelle nous voulons nous lier.

— Mais... commença Aélyia, les yeux écarquillés. Comment connais-tu ce langage ?

— Je ne sais pas... c'est inné...

Aélyia me dévisagea avec stupeur et je décidai de tourner la page pour poursuivre la lecture.

Nul éclat ? Nulle étincelle ? Nul miracle sublime ? Alors vous avez échoué, et avec cela, vous avez laissé passer la seule véritable occasion qui se présentait à vous pour accéder à la puissance. L'aventure s'achève ici pour vous. Il est possible que vous ayez commis une ou plusieurs erreurs de prononciation ou d'accentuation, ou peut-être que votre ton manquait de la conviction nécessaire, ou bien encore que votre Arme n'était pas prête à accepter votre confiance, faute d'avoir correctement assimilé le premier chapitre de Mon noble ouvrage. Il est aussi probable que vous n'ayez pas saisi la signification exacte de la fin de la phrase, que vous ayez stupidement lu sans y prêter attention – pour les curieux ignares et arrogants, cela signifie « nom de l'Arme », et il vous fallait y insérer, bien entendu, le nom de votre Arme. Voilà, trêve de ces explications inutiles sur les raisons de votre échec ; Je ne devrais pas Me rabaisser à une telle tâche !

Vous avez ressenti quelque chose en vous ? Votre Arme s'est éclaircie ? Félicitations, donc ! Vous avez indéniablement franchi cette deuxième étape avec succès. La formule que vous venez de prononcer est désormais votre phrase de code, un symbole que vous devrez réciter à chaque étape de votre apprentissage. Mais attention, cette phrase n'est pas réservée à une utilisation occasionnelle : vous devrez la déclamer quotidiennement, que vous poursuiviez ou non votre formation. Sans cela, préparez-vous à dire adieu à votre précieuse Arme...

Chapitre 4 : Communiquer avec la Divine Déesse

Eh bien, vous l'aurez compris, ce chapitre M'est entièrement destiné. Si vous souhaitez vous lier à votre Arme, faire appel au pouvoir des Runes Divines, il va sans dire que vous devrez communiquer avec Moi, la sublime créatrice de ce langage si puissant. Vous utilisez Mes pouvoirs, Mes créations ; il est donc tout à fait légitime que vous M'offriez un culte. Si vous vous obstinez à ignorer cette étape, dites adieu à votre Arme chérie, elle vous échappera irrémédiablement.

Je perçois déjà les rires d'imbéciles qui se demandent ce qu'Elle pourrait bien faire, cette Divine Déesse, en dépit de sa mort apparente depuis des siècles. Mais détrompez-vous : Mes pouvoirs ne sont pas enfouis dans un cercueil pourrissant – d'ailleurs, Je doute que l'on Me fasse jamais l'honneur d'un tel cercueil. J'ai toujours autorité sur la vie et la Mort. Après tout, Je suis la Divine Déesse, n'est-ce pas ?

Ne vous alarmez pas : Je ne vais pas vous demander de sacrifier votre vie – quoique... ce ne serait pas une mauvaise idée. Je rigole, évidemment ! Ce n'est pas dans Mon intérêt de vous tuer. J'ai besoin de vous : vous êtes Ma chair, Mes os. En vérité, étant donné que Je vais mourir – encore la faute à cette abominable Nautica –, Je ne serai plus en mesure d'accomplir Ma noble mission. Je vous confierai donc Mes pouvoirs – ou du moins une partie – et vous accomplirez Mon destin. Ne vous en faites pas : Je ne vais pas vous demander l'impossible.

Je désire que vous, Mes dignes héritiers, retrouviez l'Immortalité, car vous n'auriez jamais dû en être privés. Pour y parvenir, vous devez prendre le contrôle absolu de l'univers. Cette tâche peut sembler facile, mais permettez-Moi de vous avertir : ce ne le sera pas. Les dieux sont depuis leur naissance opposés les uns aux autres, chacun nourrissant un désir d'égocentrisme tellement puissant qu'il rend toute alliance impossible. Vous devrez donc compter uniquement sur vous-mêmes et renforcer vos pouvoirs, ainsi que votre autorité, pour gouverner.

Je suis navrée de vous annoncer que les habitants des planètes – ces misérables humains, que nos descendants feront naître – devront accepter votre domination et vous voir comme un dieu protecteur exemplaire. Il vous faudra aussi, ô comble du malheur, rouvrir la planète Marina, que cette horrible Nautica refermera après la mort de sa fille indigne. Cette tâche sera sans doute la plus ardue, car Je doute que Nautica puisse jamais accorder sa confiance à un dieu ou une déesse issu.e de Ma lignée. Mais vous devrez accomplir cette mission, peu importe les obstacles qui se dresseront devant vous. Et enfin, sachez que l'unification des planètes ne sera possible qu'avec l'aide d'une jeune femme surdouée, nommée l'Élue. Entre vous et Moi, cette Élue n'est qu'une simple humaine, et Je peine à comprendre comment un être aussi insignifiant peut accomplir un tel exploit. Mais tel est le destin, et Je M'y soumets, bien malgré Moi.

Revenons maintenant à la question du culte que vous devrez Me rendre. Chaque matin, vous vous rendrez dans votre Salle du Rituel, votre Arme à la main, et après vous être agenouillé et avoir prononcé la phrase de code, Je vous insufflerai une infime partie de Mes pouvoirs. Vous vous raffermirez chaque jour et deviendrez suffisamment puissant pour diriger l'univers, malgré tous les obstacles que vous rencontrerez en chemin.

Cela vous convient-il ? Le marché semble plutôt avantageux, non ? Vous vous demandez peut-être pourquoi Je suis si généreuse... Eh bien, Je ne dirai pas que c'est dans Ma nature, car cela serait un mensonge grossier. Mais à travers toute Mon existence, jusqu'à ce jour où J'écris ces mots, J'ai mené une vie solitaire, marginale, opposée en tout point à celle de Mes pairs. Je réalise aujourd'hui que cela a été une erreur, une erreur qui somme toute Me coûtera la vie. Ne vous méprenez pas : Je ne désire pas accorder Ma confiance à tout un chacun, ce serait une erreur fatale. Les humains et les descendants de Nautica – normalement, il ne devrait plus en avoir si Mes fils légitimes accomplissent ce que J'attends d'eux – sont indignes de la confiance des véritables dieux. Non, ce que Je veux dire, si vous parvenez à suivre Mon raisonnement, c'est qu'il nous faut placer notre confiance en certains êtres proches de nous, ceux qui nous comprennent et, surtout, qui nous sont redevables. Vous, vous M'êtes redevables en tout point, puisque Je vous confie Mon savoir et Mes pouvoirs.

Le statut de « redevables » vous déplaît ? Vous M'en voyez fort navrée, mais c'est la vérité. Vous n'aviez qu'à abandonner vos ambitions de puissance et ne pas ouvrir ce livre. Mais non, maintenant que vous lisez ces mots, sachez qu'il est trop tard pour reculer. Votre vie dépend de Moi. Ne vous inquiétez pas : Je ne suis pas pressée de vous éliminer, vous M'êtes bien trop utiles. Cependant, si vous trahissez notre pacte, dites adieu à Ma clémence. Est-ce bien clair ?

Cela suffira pour aujourd'hui. Vous avez progressé dans le Rituel. N'oubliez pas : demain matin, Je vous attends dans votre Salle du Rituel.