Chapitre 21 - Partie 1 - Le Rituel Sacré
« Mylena a réussi à merveille sa mission... comme Je te l'avais dit, Mon cher ami. Qu'avons-nous à faire à présent ? Eh bien, attendre... c'est simple. Attendre dix ans. Attendre que la fille de l'Élue arrive. »
***
Je venais de rentrer de notre charmante excursion sur Moons où, pour changer, j'avais dû sauver l'univers tout entier. La routine quoi. Les prisonniers s'étaient montrés très peu courageux et combattifs à partir du moment où nous avions supprimé Halius, à l'aide de cet inconnu qui se faisait appeler l'Errant ou l'Errante. Nous avions fini par remettre tous les mutins encore vivants dans les cachots, tandis qu'Elena était allée voir Arachtus, qui par grand bonheur ne s'était pas échappé. Elena avait espéré en apprendre davantage sur ce qu'il s'était passé aujourd'hui, mais Arachtus s'était montré très peu coopératif. Il avait en effet rejeté Elena et lui avait demandé de ne plus jamais le revoir. Ça sautait aux yeux que cette décision avait déçu Elena, mais je devais avouer que cela me réjouissait. Je n'aurais ainsi plus à m'inquiéter sur sa sécurité quand elle allait voir cet homme dégénéré qui se prétendait dieu.
Je pénétrai dans mon laboratoire, ayant la ferme intention de faire une sieste pour me remettre de toutes ces émotions. Sans compter qu'Elena m'avait réveillée bien trop tôt ce matin... Je m'affalai alors dans mon fauteuil avant de poser mes pieds sur ma table. Ahhh... si confortable, c'est parfait.
Ce fut à cet instant que je remarquai la présence d'un livre à la couverture dorée, posé sur mon établi. Je n'avais peut-être pas le meilleur sens du rangement, mais j'étais persuadée que je ne l'avais jamais vu. Et surtout pas ici. Mue par la curiosité, j'abandonnai mon idée de sieste et je me relevai pour prendre le livre. À peine avais-je saisi l'ouvrage que je fus frappée par le titre.
Le Rituel Sacré.
Mon cœur se pinça. Malefik m'en avait parlé. Il l'avait utilisé pour se lier à ses dagues... avec Morphéa. Je saisis l'ouvrage pour l'ouvrir, lorsque le titre m'interpella pour une toute autre raison : j'avais déjà vu cette écriture chargée d'arabesques quelque part.
Me coupant dans ma réflexion, la porte de mon laboratoire s'ouvrit pour laisser entrer Aélyia. Elle abordait un air mi-coupable mi-interrogateur et je compris immédiatement que c'était elle qui avait déposé le recueil sur mon bureau.
— Où l'as-tu trouvé ?
— Dans le bureau de Malefik... répondit Aélyia d'un air penaud. Je suis désolée... Je sais que je n'aurais pas dû fouiller dans ses affaires, mais je voulais en savoir davantage sur lui...
— Pourquoi ? demandai-je, sans pour autant laisser le temps à Aélyia de répondre : Peu importe : ce n'est pas l'essentiel. Je suis sûre d'avoir déjà vu cette écriture quelque part.
La jeune femme se pencha sur l'ouvrage et examina la couverture, avant de hausser les épaules :
— Je ne sais pas... Ce n'est pas vraiment important, non ?
Nous n'avions pas les mêmes priorités. Et je compris.
Posant le recueil sur mon bureau, je me levai en hâte pour me diriger vers la bibliothèque. Je saisis mon livre sur les Sortilèges et constatai que je ne m'étais pas trompée. C'était bel et bien la même écriture. Morphéa était donc l'auteure de ce livre sur les Sortilèges ! Cela concordait avec les maigres explications qu'Angie m'avaient fournies quelques mois plus tôt quand elle m'avait offert ce livre. Il paraîtrait que c'est le seul exemplaire existant sur toutes les planètes... il aurait même été écrit par un dieu... Ce serait donc une véritable relique !
— C'est important, cette écriture ? demanda Aélyia qui dévisageait la couverture d'un air sceptique.
— Je voulais juste savoir, c'est tout...
Ma réponse évasive ne la satisfit pas et je poursuivis, désirant moi-même mettre au clair mes propres pensées :
— C'est tout de même surprenant que cette déesse ait eu le temps d'écrire autant de livres et de rassembler toutes ces informations pendant sa courte vie. À supposer bien évidemment qu'ils aient existé, les premiers dieux étaient censés avoir une vie fort occupée et dévouée aux planètes qu'ils avaient créées...
— C'était peut-être un de ses rôles de déesse de la mort que de créer les sortilèges, les rituels et tout ça... Et de les transmettre aux générations futures, suggéra Aélyia. En tout cas, je ne vois pas en quoi c'est important.
Il y avait quelque chose qui clochait pourtant. J'en étais intimement convaincue. Je poussai un râle de frustration ; je n'arrivais pas à mettre la main dessus. Tant pis, j'y réfléchirais plus tard. La curiosité avait pris le dessus.
Je me rassis sur mon fauteuil et ouvris délicatement la première page du livre du Rituel. J'entendis Aélyia soupirer derrière mon épaule et je me tournai vers elle, l'interrogeant du regard. Elle finit par me répondre :
— C'est presque illisible... ça va nous prendre des plombes à lire tout ça...
— Comment ? Illisible ? Mais pas du tout...
Mon amie me jeta un regard interloqué. Non, je ne partageais pas son point de vue. J'avais toujours bien apprécié l'écriture chargée d'arabesques de Morphéa, même si en apercevoir une page entière remplie pouvait paraître impressionnant. Je finis alors par me plonger dans la lecture de l'ouvrage, sans me soucier davantage des plaintes d'Aélyia...
Si vous avez réussi à ouvrir ce recueil, c'est sans aucun doute que vous êtes digne de lire ces lignes. Vous êtes une personne méritant de consulter l'ouvrage de la noble et maléfique Morphéa.
Une petite vague de fierté m'envahit et un sourire naquit au coin de mes lèvres. J'enchaînai :
Avertissement au lecteur.
Il Me semble tout à fait superflu de Me présenter, tant ma renommée outrepasse celle de tous les dieux et déesses, encore plus celle d'insignifiants humains. Toutefois, si par un improbable quiproquo, vous ignorez qui Je suis, ce ne peut résulter que d'un terrible malentendu et dans ce cas, vous pouvez – enfin, que dis-Je ? –, vous devez refermer cet ouvrage immédiatement. Vous n'êtes nullement digne d'en poursuivre la lecture. Je dirai même que vous blasphémez l'univers par votre existence, mais passons.
Venons-en à présent à la nature de ce texte exceptionnel. Il ne s'agit rien moins que de l'un des nombreux et précieux leg que Je transmets à Mes illustres héritiers, ceux dignes de porter Mon nom et de comprendre la grandeur de Mon essence. Si tel n'est pas votre cas et que vous n'êtes ni une divinité ni une entité divine, vous êtes vous aussi victime d'un regrettable malentendu. Votre destin est dès lors scellé de la même manière que celui des misérables qui, tout à l'heure, ont été sommés de fermer ce livre.
Une fois ces impies écartés, nous pouvons enfin aborder le véritable sujet qui nous réunit ici. Comment, vous demandez-vous peut-être, utiliser cet ouvrage avec discernement – ou, devrais-Je dire, de manière délibérément perverse et appropriée ? Il vous faut, avant toute chose, en faire une lecture assidue, journalière, pour que ses enseignements pénètrent profondément votre esprit. Vous devrez suivre scrupuleusement chaque consigne, chaque parole que Je vous adresse. Ces instructions, d'une clarté immaculée, ont pour seul et unique dessein de vous guider dans l'art suprême du Mal et de la Mort.
Certes, Je suis consciente que vous, Mes dignes héritiers, n'êtes guère disposés à accepter une quelconque autorité. Et Je ne saurais vous blâmer pour ce trait qui fait aussi partie intégrante de Ma propre nature. Cependant, si vous souhaitez approcher ne serait-ce qu'une fraction de la puissance qui M'appartient, il vous est impératif de vous soumettre à Mon enseignement, d'y obéir avec la plus grande rigueur. Je suis, pour vous, la maîtresse du Mal, la souveraine de la Mort ; quiconque aspire à Ma grandeur doit impérativement se soumettre à Mes instructions, sans la moindre réserve. Mais ne vous illusionnez pas : malgré vos efforts, jamais vous n'atteindrez Ma hauteur.
Si par hasard ces paroles ont ébranlé votre enthousiasme et que vous ressentez l'envie de renoncer, sachez alors qu'il est inutile de poursuivre. L'engagement dans cette voie exige une volonté d'acier, un courage à toute épreuve, des qualités que trop souvent même les dieux et déesses eux-mêmes ne possèdent pas. Il faut également un dévouement sans failles, un investissement total et sans relâche. Nul échec, nul abandon n'est toléré dans cette quête, sauf à embrasser la Mort comme unique issue.
Ainsi, si vous vous jugez digne de poursuivre cette lecture, si vous vous estimez capable d'accepter le défi que, Moi, Suprême Déesse de l'univers, Je vous lance, alors tournez la page et initiez-vous au sacrifice du Rituel Sacré.
Je ne pus m'empêcher de sourire à la fin de cette mise en garde. J'étais bien loin de cocher toutes les cases pour être « digne » lectrice de cet ouvrage et cela ne m'empêcha de tourner la page. De toute façon, ce n'était pas une soi-disant déesse morte depuis des années qui allait me dicter mon quotidien.
Chapitre 1 : Votre Arme
Vous êtes en train de lire ces mots. Eh bien, permettez-Moi de vous féliciter pour votre audace. Dernier avertissement, donc, à l'attention des prétentieux qui s'égarent : si, en cet instant, votre corps tremble sous l'effet de la peur et que vous êtes pris d'une fièvre glaciale, fermez immédiatement ce livre et éloignez-vous de cette voie qui vous mènera à une Mort certaine. Mais, quoi que... une Mort de plus sur la conscience Me soulagerait, Je n'en disconviens pas.
Quoi qu'il en soit, ce livre a pour dessein de vous forger en un être maléfique et puissant, maître des faibles humains. Je vous guiderai à travers cette ascension au pouvoir tant désirée par les dieux et déesses, au moyen d'un Rituel qui vous liera à votre arme favorite et la transformera, sous Mon égide, en une Arme redoutable, capable de destruction et de Mort.
La première étape consiste à désigner votre Arme. Il ne s'agit pas nécessairement de l'instrument de combat que vous utilisez habituellement, ni même de l'arme la plus massive ou imposante qui puisse exister. Non, il vous faut choisir une Arme qui vous attire, qui vous fascine, et avec laquelle vous êtes pleinement à l'aise pour vous battre. Elle doit être à la fois maniable, ni trop lourde ni trop légère, et parfaitement adaptée à l'usage que vous en ferez. En quelques mots, elle doit être l'extension naturelle de votre volonté, celle qui vous accomplit.
Une fois que vous avez fait ce choix, il vous incombe de lui attribuer un nom. Si, en entendant cela, vous vous dites que Je suis folle, alors ne perdez pas une seconde de plus et fermez ce livre, car il est manifestement destiné à des esprits plus éclairés que le vôtre.
Oui, J'ai bien dit qu'il vous faut lui donner un nom, et seuls ceux qui saisissent la portée de cette action en seront dignes – dignes de leur Arme et dignes de Mon ouvrage. Ce n'est pas une simple formalité : c'est un pacte que vous scellez avec votre Arme. Une relation de confiance doit s'établir entre vous et elle – ou lui, si vous choisissez d'en faire une arme masculine. Un nom, c'est un lien sacré qui doit résonner dans l'âme de l'objet même de votre pouvoir. Vous devez l'appeler comme vous appelleriez un ami intime, un complice. Ce nom doit lui plaire, il doit être en harmonie avec son essence et l'usage que vous désirez en faire. Il doit s'accorder aux pouvoirs que vous êtes prêts à lui conférer.
Une fois ce nom attribué, il vous faut vous familiariser pleinement avec votre Arme. Ce n'est pas un acte ponctuel, c'est un engagement de chaque instant. Vous devrez sans cesse l'appeler par ce nom, toujours l'avoir à vos côtés – même lors de vos rencontres galantes, ce qui, d'ailleurs, prouverait que vous n'êtes pas Mon digne successeur... Si nécessaire, vous devrez lui fabriquer un fourreau sur-mesure, qui épousera sa personnalité et qui lui permettra de se sentir en sécurité à vos côtés. Cette étape, Je vous l'assure, est longue et exigeante.
Il vous faudra, au final, fusionner avec votre Arme, ne faire qu'une seule entité avec elle. Sans cela, il serait inutile pour vous de continuer la lecture de cet ouvrage. Vous devez comprendre ce qu'elle ressent, ses désirs, la manière dont elle souhaite attaquer, ce qu'elle attend de vous. Vous devez l'écouter avec la plus grande attention, car elle est votre alliée la plus fidèle lors des combats. Jamais, sous aucun prétexte, vous ne devez l'abandonner ou la trahir, car si la confiance est brisée, elle sera perdue à tout jamais. Et si tel était le cas, vous ne seriez plus digne de poursuivre ce livre.
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