Chapitre 19 - Partie 1 - La fin d'un projet
« Ils sont en vie. L'Élue et sa sœur ont réussi, grâce à Mon aide bien entendu. Il ne Me reste à présent qu'à régler quelques détails... à commencer par mettre fin aux conversations que l'Élue entretient avec Arachtus. »
***
— J'aperçois un magnifique sourire sur ton visage, et si je ne m'abuse pas, nous sommes le 34 Monelia, c'est-à-dire le lendemain de la mort prévue de Kyle. Je présume donc que vous avez trouvé un remède à la potion et que ton petit chéri est toujours en vie, n'est-ce-pas ?
Arachtus adressa à son interlocutrice un regard espiègle accompagné d'un sourire en coin, et Elena s'exclama avec joie, sans même relever le terme de « petit chéri » :
— Oui !
— Eh bien, tu m'en vois content. Je te l'avais bien dit qu'il existait une solution !
— Oui...
— Tu ne sais dire que « oui » aujourd'hui ? railla Arachtus avant d'enchaîner. Bref. Moralité : j'ai toujours raison. Bon, tu me détaches ?
Quelques instants plus tard, les deux dieux furent dans le parc de la prison et Elena s'exclama :
— J'ai hâte de voir comment va se passer la visite avec Malefik ! Je suis sûre qu'il ne va pas tenir sa promesse et...
— Détrompe-toi, Elena. Je pensais même sauter ce passage : il est sans intérêt.
— Vraiment ?
— Oui. Malefik m'apporte ses tarentules, je lui fais visiter la planète. Il n'y a rien de spécial.
— Mais alors pourquoi voulait-il visiter Flamea ?
— Juste pour s'assurer de la réciprocité de notre amitié. C'était simplement pour tester ma confiance...
— J'ai du mal à croire que Malefik n'avait aucune arrière-pensée.
— Eh bien, c'était le cas, pour une fois. Il était sympathique, c'est tout.
— Alors, que vas-tu me transmettre ?
— La suite et fin de notre projet avec Selina... Je te préviens, il y aura un saut de quelques années, entre la première partie que je vais te confier et la seconde. Bon, tu es prête ?
Elena acquiesça et Arachtus posa ses doigts sur ses tempes avant de transmettre ses souvenirs.
***
Lorsque j'entrai dans la salle du trône en bâillant, l'excursion nocturne de la veille avec Malefik m'ayant laissé peu de temps pour mon sommeil, Selina me sauta à moitié dessus, s'exclamant avec joie :
— Dis donc, tu n'es pas très matinal ! Ces dieux, toujours paresseux... Viens voir, j'ai quelque chose à te montrer ! Tu vas être stupéfait.
Sans attendre davantage, la jeune fille se précipita vers la sortie. Je poussai un soupir lassé et entrepris de la suivre. Elle me conduisit jusqu'aux grottes et s'arrêta juste devant, avant de poursuivre de ce même ton enjoué :
— Ferme les yeux ! Je vais te montrer une surprise ! Tu vas voir !
Je faillis lui rétorquer que j'aurais besoin d'ouvrir mes yeux pour voir, mais je m'abstins de déclamer cette réponse cynique qui aurait à coup sûr vexé la jeune fille. Ce n'était pas souvent qu'elle était aussi heureuse, alors autant en profiter. Même si un peu plus de sérieux ne m'aurait pas déplu. Je fermai malgré tout les yeux, m'interrogeant en quoi pouvait bien consister cette fameuse surprise.
Selina me prit par la main – décidément, que lui arrivait-il aujourd'hui ? – et m'entraîna, sûrement à l'intérieur d'une des grottes.
— Et voilà ! Tu peux regarder !
J'ouvris alors les yeux et observai la grande feuille de papier que Selina me présentait. Le plan d'un animal métallique y était représenté. Non... pas d'un simple animal quelconque. Celui d'une araignée. Une araignée robotisée, comme je l'avais suggéré la veille à Maman et Hector. Selina avait dessiné tous les détails techniques de l'araignée, incluant toutes les proportions et toutes les suggestions quant aux matériaux utilisés. Elle leur avait dessiné une armure solide, des articulations remarquables au niveau des pattes et de la tête, un système de circulation du venin pour qu'il parvienne de la glande à venin jusqu'aux crochets. Mais le plus ingénieux restait leur cœur : Selina l'avait remplacé par une batterie, protégée par une épaisse cuirasse, d'où partaient de nombreux fils électriques pour alimenter les autres organes. J'étais stupéfait : elle avait imaginé tout le réseau d'alimentation des araignées. Je restais sans voix devant ce schéma de tarentule immense.
— Ce n'est bien sûr qu'une ébauche, commença Selina avec ce qui me semblait être une fausse modestie où elle peinait à cacher son grand sourire de fierté. Il faut l'améliorer, résoudre le problème du venin qui...
— C'est formidable, Selina... articulai-je, médusé. Quand as-tu...
— Cette nuit, dans ma chambre, fit-elle sans me laisser le temps de terminer ma question. Pendant que les dieux paressent, les humains agissent !
— Tu n'as pas dormi ? m'étonnai-je.
— Non ! s'exclama la jeune fille en esquissant un sourire empli de fierté. Je savais que tu n'en serais que plus impressionné !
Je ne sus que répondre, tant j'étais subjugué par le travail remarquable que Selina avait accompli. Comment était-ce possible de concevoir un tel plan en si peu de temps ? Où avait-elle trouvé toutes ces idées ?
— Tu ne dois pas abandonner cette idée des araignées robotisées, Ardalis ! Tu dois poursuivre !
Ses yeux brillaient et je lâchai, sans prendre conscience des conséquences de ces paroles :
— J'ai le venin.
— C'est vrai ?! s'exclama Selina, encore plus ravie. Comment ?
— J'ai fait un accord avec Malefik pour l'obtenir.
— Explique-toi... Où sont le venin et les tarentules ?
Et j'en avais trop dit. Je me pinçai la lèvre alors que les images de Maman me forçant à effacer les souvenirs de Selina me revenaient en tête. Je ne pouvais lui parler des grottes sur Marina où j'avais installé mes tarentules. Je ne pouvais pas trahir ma parole envers Maman.
— Ardalis ?
— Je ne peux pas te le dire... Désolé... répondis-je dans un murmure en détournant les yeux.
— POURQUOI ?
Le ton agressif de Selina me fit sursauter et me peina. Même s'il était parfaitement compréhensible.
— Pourquoi ne me mets-tu au courant de rien ? Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu voulais demander à Malefik du venin ? Pourquoi ne fais-tu pas confiance ? Je me suis acharnée à faire un plan pour NOUS deux, tandis que TOI, tu préfères te la jouer solo ! C'est ça, ta définition de projet à deux : tout pour moi, rien pour l'autre ?!
Selina se tut, le visage rougi par la colère. Je n'osai relever les yeux et affronter son regard ; je lui jetai seulement un bref coup d'œil. Pire que tout. Lâche du début à la fin. Que pouvais-je lui répondre ? Elle avait entièrement raison.
— Eh bien, puisque c'est comme ça, tu vas te débrouiller tout seul ! Prends mon plan ! De toute façon, je n'en ai plus besoin. J'abandonne !
À ces mots, elle jeta le rouleau de papier sur le sol rocheux de la grotte, me frôla et quitta précipitamment la caverne.
— Selina ! Attends !
La jeune fille se retourna et j'affrontai son regard enragé. Je ne savais toujours pas quoi dire. Je ne voulais pas qu'elle partît, qu'elle abandonnât le projet car je me savais incapable de concevoir un plan comme elle l'avait fait. Elle avait raison mais comment lui révéler l'existence des grottes ? Surtout pas après lui avoir effacé tous ses souvenirs.
— Écoute, Ardalis, reprit-elle, voyant que je ne me décidais pas à reprendre la parole. Je comprends parfaitement. Tu es un dieu et le futur prince de Flamea. Tu es hautement supérieur à moi et je conçois très bien que tu ne veuilles pas travailler avec moi. Je suis trop médiocre, comparée à ton génie exemplaire.
— C'est faux ! me récriai-je. Je n'aurais jamais été capable de concevoir un plan comme tu l'as fait. J'ai besoin de toi !
Selina rougit et je me rendis compte trop tard de la maladresse de ma formulation. Je poursuivis cependant, tentant d'ignorer ma propre gêne et la réaction qu'aurait la jeune fille à la suite de ces paroles :
— Je veux que nous continuions ce projet tous les deux. Mais tu dois accepter que certaines choses ne puissent pas t'être révélées.
— Pourquoi ? s'étrangla Selina. Je ne suis pas digne de confiance ?!
— Non, ce n'est pas ça... Ce... ce sont des secrets divins... des secrets que les humains ne sont pas autorisés à connaître. Tu en as déjà percé un de façon non intentionnelle, mais Maman m'a fait supprimer ton souvenir...
— Comment ?!
Le regard de la jeune fille se posa dans le vide et je craignis d'en avoir trop dit. Morior m'avait bien expliqué qu'il ne fallait plus faire allusion aux souvenirs supprimés, sinon ils risquaient de réapparaître. Mais, d'un autre côté, c'était trop injuste pour Selina : elle méritait de connaître la vérité.
— Marina... murmura Selina. C'est ça, n'est-ce-pas ? Nous pouvons aller sur Marina grâce à... l'Arbre-Univers. Marina, c'est là où tu élèves les tarentules...
Je baissai les yeux, ne sachant quel sentiment l'emportait entre la joie de savoir que je n'avais plus rien à lui cacher et la honte d'avoir désobéi à Maman.
— Je suis désolée, Ardalis... murmura Selina. Je me souviens de tout à présent... Je sais... je sais que tu as lutté pour que mes souvenirs ne me soient pas enlevés.
— Promets-moi de ne rien dire...
— Tu ne vas pas me le supprimer à nouveau ?
— Je refuse de le faire une seconde fois... D'autant plus que tu ne me feras pas davantage confiance si nous en revenons à ce point-là.
Ce fut le tour de Selina de baisser honteusement les yeux. Je me dirigeai vers le plan de la tarentule abandonné sur le sol, le ramassai et le tendis à Selina :
— Nous allons finir ce projet. Ensemble.
Son regard s'illumina de joie, sa main se posa de l'autre côté du rouleau, et elle murmura, plongeant ses yeux émeraude dans les miens :
— Ensemble.
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