Chapitre 15 - Partie 4 - Sans espoirs ?

— Ce n'est pas vraiment un danger pour moi... mais...

— Mais pour qui alors... ?

Angie ne me répondit pas, se contentant de triturer ses cheveux courts, comme elle en avait pris l'habitude lorsque quelque chose n'allait pas. Elle affichait un regard implorant... trop implorant. Et, soudain, je compris. Ce n'était pas possible !

***

— COMMENT ?! Comment as-tu pu, Angie ?! m'exclamai-je avec un mélange de colère et de désespoir. Comment peux-tu prendre un tel risque ?!

— Sinistra... commença Angie, d'une voix hésitante.

— Orphelin de père quasiment à la naissance, le risque de mourir planant chaque jour au-dessus de lui ! Voilà la vie rêvée que tu lui réserves, à ton enfant ! À quoi Kurt et toi pensiez-vous ?! Que tout allait bien se finir ?!

— Mais...

— MAIS QUOI ?! coupai-je à nouveau, la colère montant encore plus en moi. Je vais trouver un remède et tout ira bien, c'est ça ?! ET SI JE NE TROUVE PAS DE REMÈDE ?! Que se passera-t-il ? Il vivra malheureux, comme toi ! Tu es... STUPIDE ! Tout comme Kurt d'ailleurs, mais, de toute façon, je n'attendais pas de sa part un éclair d'intelligence ! Mais toi, Angie ! Je te pensais plus réaliste et raisonnable... et responsable... Voilà... Tu es irresponsable.

— Sinistra...

Mais je ne l'écoutais déjà plus. Je ne voulais pas entendre ses excuses minables qui ne feraient que m'insupporter davantage. Sans attendre, je quittai la maison et à peine fus-je à l'extérieur que j'invoquai l'Argentus... qui comme d'habitude ne daigna pas apparaître.

— MAIS DÉPÊCHE-TOI, FOUTU RAYON ! vociférai-je.

La lueur argentée m'enveloppa enfin et je me retrouvai quelques instants plus tard sur ma planète. Alors que je tentai de calmer ma fureur grandissante, j'eus le malheur de trouver Elena juste devant mon palais. Que pouvait-elle bien me vouloir encore ? Pourquoi fallait-il toujours que mes sœurs me suivent sans cesse comme des petits chiens ? Ne pouvaient-elles pas grandir un peu et me laisser vivre ma vie tranquillement ?

Je décidai de l'ignorer et je passai devant elle, feignant de ne pas la remarquer. Mais ce comportement ne l'empêcha pas de me courir après ; décidément, les sœurs, c'étaient vraiment pénible. Elle ne manqua pas de s'enquérir avec un ton chargé d'inquiétude – que de l'hypocrisie bien sûr car si elle s'inquiétait vraiment pour moi, elle arrêterait de créer des problèmes :

— Sinistra, que se passe-t-il ?

— Demande à Angie ! ripostai-je violemment sans prendre la peine de me tourner vers elle.

— Sinistra !

Elle me prit par les épaules et me força à la regarder, ce qui m'exaspéra encore davantage :

— Mais laisse-moi tranquille !

— Non, répondit Elena d'un ton calme. Tu n'hésites pas un seul instant avant de poser des questions indiscrètes sur ma vie personnelle, alors je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas user de cette même technique.

Son regard était devenu glacial, sans la moindre trace d'inquiétude, et je me sentis obligée de lui répondre :

— Angie est enceinte.

Les prunelles d'Elena s'écarquillèrent, et je crus y voir passer une lueur de joie, avant d'être immédiatement remplacée par une sorte de désespoir mêlé à de la colère :

— Comment peut-elle prendre de telles responsabilités en de telles circonstances ?

— Et le plus drôle c'est qu'elle compte sur moi pour trouver le remède pour sauver Kurt et son bébé ! Comme si elle avait besoin de me rappeler sur quoi je m'attèle jours et nuits depuis deux mois ! Comme si j'avais d'une pression supplémentaire, d'une vie en jeu de plus !

Ma voix se brisa, tant la colère qui s'emparait de moi devenait intense.

— Mais... commença Elena avant de poursuivre plus franchement : Angie ne pense pas qu'il existe un remède... Elle a toujours nié ce fait. Alors pourquoi y croirait-elle soudainement ? Sinistra, je ne pense pas qu'Angie espère que tu trouves le remède pour Kurt et son enfant...

— Mais alors quoi ? coupai-je brusquement, ne supportant pas les bouts de phrases qu'Elena peinait à lier.

— Elle veut juste fonder une famille...

— Même si elle pense qu'elle va être détruite ? complétai-je. C'est stupide !

— Mais, fonder une famille... c'est son rêve, depuis qu'elle est toute petite...

Je haussai les yeux au ciel encore moins convaincue par cette hypothèse. Angie n'était pas aussi idiote que ça... Non... Elle pensait toujours que j'allais trouver un remède, que j'allais tout arranger ! La colère reprit le dessus et je serrai mes poings de toutes mes forces. Je dus me faire violence pour m'empêcher de frapper Elena qui se trouvait juste devant moi.

— Que se passe-t-il, Sinistra ? intervint derrière moi une voix douce que je ne connaissais que trop bien.

— LAISSEZ-MOI TRANQUILLE ! vociférai-je.

Je perçus un mouvement de recul de la part d'Elena et je profitai de ce geste pour m'échapper de son emprise. Mais à peine avais-je fait quelques pas en direction de l'escalier que je fus prise de vertiges. L'environnement qui m'entourait se transforma en un champ de minuscules étoiles multicolores et je me sentis chanceler. Puis tout s'éteignit soudainement et je ne vis plus rien.

***

Aélyia se précipita vers Sinistra qui tombait à la renverse, mais Elena fut plus rapide et empêcha sa chute en instaurant autour d'elle un champ d'énergie. Les jeunes femmes se dirigèrent vers la déesse évanouie, toutes deux emplies d'inquiétude. Après avoir doucement pris les mains de son amie, Aélyia finit par demander, sans oser regarder Elena :

— C'est au sujet du remède, n'est-ce-pas ?

— Oui... répondit Elena évasivement avant d'apporter plus de précisions. Angie attend un enfant... qui est donc atteint de la maladie lui aussi...

— Trop de pression pèse sur elle, Elena... murmura Aélyia. Sinistra consacre toutes ses journées entières à travailler, à essayer de nouvelles configurations... au détriment de sa propre santé. Chaque jour ne lui apporte que davantage de souffrance et l'épuise plus que tout autre. Elena, Sinistra a beau être une déesse, elle n'en demeure pas moins mortelle. Son esprit se brise davantage à chaque instant ; elle devient folle, obsédée par quelque chose d'impossible, d'inatteignable. Elle a même pris ces deux derniers jours des potions énergisantes pour lutter contre le sommeil et pouvoir regarder à chaque instant les effets de ses potions sur les lentilles... Je vous en conjure, Elena... Effacez-lui tous les souvenirs relatifs à cette maladie. Faites en sorte que Sinistra retrouve une vie naturelle et saine, et non rythmée par un objectif irréalisable...

Elena releva lentement les yeux vers Aélyia, une expression de stupéfaction ancrée sur son triste visage. Elle ne comprenait que trop bien les paroles d'Aélyia mais elle ne voulait pas l'admettre ; elle ne pouvait se résoudre à commettre une telle chose. Elle finit alors par répondre à la jeune femme implorante :

— Non, Aélyia. Je ne peux pas faire ceci... Sinistra ne me le pardonnerait jamais... C'est elle qui a choisi de trouver un remède. Aucune autre personne ne l'a forcée : bien au contraire, Kyle, Kurt et Angie n'ont fait que la dissuader. Mais Sinistra a toujours voulu y croire... croire à cet espoir, auquel je me suis adonnée malgré moi... Et je veux toujours y croire...

— Avec tout le respect que je vous dois, Elena, vous êtes naïve et égoïste, répliqua sans la moindre once d'hésitation Aélyia, son visage s'étant durci. Vous désirez un bonheur qui n'existe pas, un bonheur dont la recherche n'amènera que davantage de malheurs. Vous devez vous rendre à l'évidence, Elena. Je vous en prie... admettez-le, pour le bien de votre sœur. Il existe des problèmes sans solution et celui-ci en fait partie. Il n'existe aucun remède à la maladie de Célestia et passer davantage de temps à essayer d'atteindre un but vain ne fera que vous briser. Admettez-le, Elena, et faites en sorte que Sinistra aussi. Vous seule êtes capable de la faire changer d'avis. Je vous en prie...

— Mais nous avons toutes les chances de réussir, Aélyia... murmura Elena d'une voix étranglée. Nous ne pouvons pas abandonner maintenant... pas après tant d'efforts...

— Vous êtes aveuglée par l'espoir, Elena. Un espoir vain !

Le visage d'Aélyia se contracta davantage et elle poursuivit d'un ton encore plus enflammé, dont Elena ne l'aurait pas cru capable étant donné sa douceur apparente :

— JAMAIS ! Vous ne réussirez jamais à trouver ce fichu remède ! Et vous serez toutes les deux détruites mentalement par votre échec !

Sa voix se brisa soudainement et elle articula faiblement :

— Plus vite vous l'admettrez, mieux vous vous porterez...

La jeune femme baissa les yeux avant de se détourner précipitamment et de s'enfuir dans le palais. Hagarde, Elena l'observa disparaître dans l'obscurité, l'esprit plus tourmenté et accablé que jamais. Son regard finit par revenir sur Sinistra toujours en lévitation au-dessus du sol cendré. Prenant les mains de sa sœur, Elena murmura d'une voix éteinte :

— Sommes-nous vraiment vouées à l'échec, Sinistra ?

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