Chapitre 13 - Partie 1 - Les ressorts de la télépathie
— Tu arrives bien tardivement, Elena, soupira Arachtus lorsque la jeune femme entra dans sa cellule. J'avais fini par croire que tu avais oublié notre petite conversation, malgré ma superbe fin à suspense.
— Non, la journée a juste été très occupée et je n'ai pas eu le temps d'aller te voir avant.
Les épaules d'Elena étaient trop relâchées pour que cette explication floue satisfît le dieu. Il la relança sur un ton curieux :
— Une journée bien remplie, dis-tu ? Sois plus précise.
— C'est pour la potion... répondit évasivement Elena en enlevant le casque d'Illidium.
— Vous avez trouvé une solution ?
— Pas encore.
Le regard d'Elena le fuyait toujours : visiblement des choses tracassaient la jeune femme, autres que la potion seule, et elle n'avait pas la moindre envie d'en parler. Arachtus préféra ne pas se la mettre à dos et il l'encouragea simplement :
— Vous allez réussir, j'en suis sûr, Elena.
— Merci...
Arachtus se remit debout, puis Elena se souvint qu'elle avait quelque chose à demander au dieu. Ses muscles se tendirent encore plus ; honnêtement, si elle avait su deux mois plus tôt, quand ils avaient fondé Hister-Moons, qu'elle serait en train de voler en cachette la boule de cristal à Kurt et à demander de l'aide à l'un de leurs pires ennemis, elle ne l'aurait pas cru. Maintenant elle était juste dégoûtée par elle-même. Et la petite voix qui lui insufflait que c'était la seule solution ne l'apaisait guère. Elle releva les yeux vers Arachtus, croisant son regard pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans sa cellule :
— Hum... Arachtus...
— Oui, Elena ? s'enquit le dieu, qui avait bel et bien remarqué son hésitation.
Il en profita alors pour la charrier car c'était définitivement trop tentant :
— Où est passée ton assurance innée ?
Elena poussa un soupir exaspéré, ce qui laissa échapper un rire moqueur à Arachtus, et elle déclara franchement :
— Pouvons-nous emprunter ta bague de téléportation ?
Ce fut au tour d'Arachtus d'être surpris et quelques instants s'écoulèrent avant qu'il ne demande :
— Pourquoi faire ?
— Nous devons retourner demain sur les montagnes de Marina et le bateau n'est pas le moyen de transport le plus simple.
— C'est pour la potion... les plantes des montagnes, n'est-ce-pas ?
— Oui.
— Penses-tu vraiment que ce sera suffisant pour parcourir une telle distance ? demanda Arachtus l'air pensif.
Elena se sentit soudainement très stupide de ne pas avoir songé plus tôt à ce paramètre ; cela lui aurait évité cette discussion gênante. Mais le dieu reprit :
— Sûrement... Après tout, je l'ai bien perfectionnée, par rapport au premier jour où je l'ai créée. J'ai déjà réussi à faire de grandes distances sur Marina, en étant accompagné...
— Accompagné ? releva Elena, les sourcils froncés.
— Oui ça requiert plus d'énergie à deux. Globalement le double, de façon assez logique.
— Tu t'y étais rendu avec Malefik sur Marina ?
Arachtus fit la moue face à cette question : de toute évidence, la jeune femme était tout aussi intriguée que lui par les explications évasives et il aurait mieux fait de se taire au tout début.
— Non c'était avec vous trois et les deux frères, le jour où... tu sais quoi.
Elena dévisagea son ancien ennemi avec rancœur : elle ne l'avait pas pardonné et Arachtus ne pouvait guère lui reprocher.
— Pourquoi nous avais-tu emmenés sur Marina ce jour-là ?
Arachtus soupira mais finit par lui répondre, comme si cela le soulageait :
— Car Divinus m'avait demandé de le faire. C'était dans ses plans : il voulait que Kurt et Kyle se rendent compte de votre mort, qu'ils souffrent et errent seuls pendant longtemps. Pour qu'ils nous rejoignent.
— Divinus n'avait pas prévu que Sinistra n'allait pas t'obéir et changer les potions ?
— Non, du moins c'est ce qu'il affirmait. Célestia le lui a beaucoup reproché...
— Sa boule de cristal avait donc bel et bien prévu notre mort ce jour-là...
Arachtus plissa les lèvres et hésita à lui dévoiler le fond de sa pensée. D'un côté, il avait envie de se racheter, de se soulager de cette information qu'il gardait pour lui-même depuis longtemps. De l'autre, il n'avait pas envie que la jeune femme l'assaille de questions car ce serait sans aucun doute sa réaction. Il finit par tenter :
— Je peux te donner une information, mais promets-moi avant que tu ne me poseras aucune question dessus.
Cela ne manqua pas d'interpeller la curiosité de la jeune femme qui accepta immédiatement. Arachtus réfléchit quelques instants à la meilleure formulation et il lâcha :
— Jamais tu n'aurais été morte ce jour-là.
— Quoi ?! ne put s'empêcher de s'exclamer Elena ce qui lui valut un regard réprobateur d'Arachtus.
— J'ai dit aucune question, merci. Laisse-moi finir en plus.
Le dieu poussa un long soupir et la jeune femme fit un effort ultime pour garder sa contenance.
— J'avais inversé les bouchons d'un somnifère et d'une soi-disant potion de mort. Je ne voulais pas que tu meures. Je ne pouvais pas te tuer. Pour des raisons que tu comprendras plus tard, peut-être, rajouta Arachtus devant l'air brûlant d'Elena qui se retenait pour ne pas l'interrompre. Kyle ou Kurt serait mort à ta place, que sais-je, je ne faisais pas attention à leurs flacons, seulement au tien.
— D'où pourquoi tu m'as « tuée » avant les autres ! s'exclama la jeune femme, se rappelant parfaitement la scène où Arachtus l'avait saisie à la gorge pour la forcer à avaler le contenu du flacon.
— Oui. Quand Célestia nous a informés que les trois sœurs n'étaient pas mortes, je craignais qu'elle ait compris que j'avais changé leurs plans... Finalement c'est bien mieux que ce soit Sinistra qui ait tout changé, même si ça mettait en doute ma capacité à infliger des illusions...
Arachtus soupira et s'arrêta là. Il avait été tellement inconscient en faisant une telle chose ce jour-là ; Divinus aurait pu le tuer pour cette trahison, heureusement qu'il n'en avait jamais eu conscience. Pour une raison qu'Arachtus ignorait d'ailleurs, puisque la boule de voyance était censée tout comprendre. Et maintenant il ne comprenait même pas pourquoi il venait de confier cela à Elena : il ne recevrait aucune gratitude de sa part même si en soit il voulait la sauver. Elena n'avait pas ce même caractère égoïste que lui ; elle ne lui serait pas reconnaissante d'avoir épargné sa vie à elle au détriment de celle de son ami.
— Je ne sais pas si je comprendrais un jour toutes tes raisons, Arachtus... finit par déclarer Elena. Tu me détestais si ouvertement et pourtant tu voulais me protéger, ce n'est pas logique. Mais soit, je ne te poserai pas de questions à ce sujet.
Ce n'était qu'une pierre de plus à placer dans l'immense édifice des mystères qui s'érigeait dans l'esprit d'Elena. Elle choisit de les oublier pour revenir à sa requête originale :
— Concernant ta bague de téléportation, pouvons-nous l'emprunter ?
— Oui bien sûr, je n'en ai plus vraiment l'usage actuellement comme tu le remarques. Même si je suis stupéfait que tu me l'aies demandé aussi gentiment ; si j'avais été à ta place, je l'aurais prise sans demander l'avis de quiconque.
— Mais je ne suis pas une voleuse.
— Je ne suis pas un voleur non plus. Je l'aurais simplement emprunté pour la redonner plus tard...
— Cela revient à du vol temporaire.
Arachtus poussa un soupir amusé, avant de sortir de la cellule pour se diriger, suivi par Elena, vers le fond du couloir. Les trois sentinelles, qui gardaient la porte métallique de la salle où étaient conservés les affaires des prisonniers, les laissèrent passer en apercevant Elena. Ils se dirigèrent silencieusement au travers les nombreuses caisses disposées dans toute la salle, jusqu'à atteindre celle portant le numéro 62. Elena l'ouvrit et, après avoir enlevé l'ancienne cape en forme d'araignée du dieu, elle trouva un écrin en satin noir, où était sûrement rangée soigneusement la bague.
Elena recula d'un pas pour laisser à Arachtus le soin de récupérer son bien. Il saisit alors délicatement l'écrin, avant de l'ouvrir pour découvrir deux bagues. Le dieu saisit vivement celle argentée, sur laquelle était gravée la marque du Conseil des Quatre, pour la jeter à l'autre bout de la salle avec dédain. Si Elena sursauta face à cet acte brusque, elle esquissa surtout un sourire en comprenant la symbolique de l'action. Arachtus préleva alors délicatement l'autre bague en forme d'araignée. Elena crut un instant qu'elle venait de faire une terrible bêtise en laissant Arachtus saisir sa bague de téléportation et elle agrippa vivement la manche de l'uniforme bagnard du dieu. Il émit un léger rire, avant de déclarer d'un ton amusé :
— Tu n'as pas tout à fait confiance en moi encore, à ce que je vois. Mais ne t'inquiète pas... Je tiens toujours mes promesses...
Elena fut rassurée par ces paroles et elle lâcha la manche du dieu, qui ne chercha pas à se téléporter, se contentant seulement de contempler le bijou d'un air mélancolique.
— Ah... si tu savais ce qu'elle représentait pour moi...
Il détourna son regard de la bague pour le poser sur Elena. Il prit doucement sa main et passa l'anneau à l'un de ses doigts.
— Et voilà, princesse...
— Princesse ?
— Hum... ? Oui, ça te va bien comme surnom... Tu as tout l'air d'une princesse avec tes robes à volants et ce ruban rose dans tes cheveux.
Arachtus esquissa un sourire sincère qu'Elena finit par lui rendre, malgré une certaine honte due à la description que le dieu avait faite d'elle. Arachtus poussa un léger soupir avant de se diriger vers la sortie de la pièce. La jeune femme lui emboîta le pas, regardant la bague avec un mélange de joie mais aussi d'inquiétude : elle restait en forme de tarentule, tout de même.
Ils arrivèrent quelques instants plus tard à l'extérieur, et le dieu soupira :
— Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un paysage naturel de nuit. Moons est une planète agréable, je l'admets. Et je crois bien que la dernière fois où je l'ai vue de nuit, c'était lors de ton enlèvement et celui de tes sœurs.
— Tu vas me raconter ce souvenir ? s'enquit Elena avec impatience.
— Je croyais que tu voulais savoir la suite avec l'incendie.
— Oui bien sûr, mais ma question d'origine portait sur un souvenir lors de la nuit de mon enlèvement.
— Ce sera justement le dernier souvenir que je te transmettrai, Elena.
La jeune femme soupira, s'attendant pourtant à cette réponse de la part du dieu, et Arachtus posa ses mains sur ses tempes.
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