Chapitre 42
Camille
Lisa n'est toujours pas réveillée à notre arrivée. J'embrasse ses parents avant qu'ils ne rentrent chez eux se rafraîchir après cette nuit. Les médecins se veulent confiant, d'après Charles. Mais j'ai un mauvais pressentiment. J'aperçois Julien assis près de la porte de la chambre. Je ne prends même pas la peine de le saluer. La discussion d'hier a était houleuse bien qu'on ai essayé de se contenir. Je ne suis pas prêt à lui parler et encore moins lui pardonner. Je remarque un bouquet de pivoines identique au mien et comprends mieux la réaction de la fleuriste. Je comptais marquer des points auprès de Lisa avec mon bouquet mais à l'évidence c'est raté, sans compter qu'elle est toujours inconsciente. J'entre dans la chambre, ne laissant aucune chance à Julien de la voir avant moi, quand une infirmière me barre le chemin.
- Les fleurs sont interdites en soins intensifs, jeune homme.
Je vois cette femme petite et rondelette s'interposer entre la porte et moi. Elle ne doit pas mesurer plus d'un mètre cinquante-cinq et doit avoir une cinquantaine d'année avec un physique disgracieux. Elle a une morphologie disproportionnée avec une poitrine si généreuse que les boutons pressions de sa veste d'infirmière sont prêt à céder. Il me serait aisé de la pousser pour passer mais je me raisonne.
- Ce sont ces fleurs préférées, s'il vous plaît.
- Non jeune homme. Il y a des règles strictes à respecter, me dit-elle.
Le plus énervant chez elle, c'est de l'entendre dire une chose qui me révolte avec une voix si mielleuse et un sourire joviale. Genre « je te fais chier et je suis contente ». En même temps, je suis un peu con, dans tous les films, ils le disent que les fleurs ne sont pas autorisées. Je lui tends le bouquet qu'elle saisie, la contourne et pars m'assoir auprès de ma Lisa lui prenant la main et lui caressant les phalanges. Le médecin nous a dit qu'on pouvait lui parler, que certaines personnes peuvent nous entendre. J'hésite un moment puis me lance.
- Salut ma Lisa... je, je n'ai pas les mots pour expliquer mon comportement. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. J'ai vu rouge quand je t'ai vu dans ses bras. Je ... je ...
Je sens mes larmes couler malgré moi. Je les essuies du revers de ma manche puis colle le dos de sa main sur ma pommette.
- Oh et puis on s'en tape. Lisa, il faut te battre, dis-je en reniflant. C'est le plus important en ce moment. Il faut que tu te battes pour tes parents, pour tes amis, pour Julien et pour moi. Je sais que je suis un connard, que quand tu te réveilleras tu ne voudras sûrement pas me voir mais je veux juste que tu saches que je t'aime. Si j'ai agis ainsi, c'est parce que mon amour pour toi me bouffe de l'intérieur. Je sais que tu ne partages pas mes sentiments et je veux juste avoir une chance de te dire « je t'aime » de vive voix et voir dans tes yeux que ce n'est pas le cas pour toi. Dans ce cas, si tu nous le permets, nous redeviendrons les meilleurs amis que nous étions avant que je vienne tout gâcher et tu pourras enfin être heureuse avec Julien. Si seulement tu pouvais te réveiller...
Je profite de la chaleur de sa main sur ma joue. Je sens les pulsations de son sang dans ses veines, signe qu'elle est toujours vivante. Nous devons nous accrocher, elle pour se réveiller, moi pour ne pas m'effondrer.
Le médecin a dit qu'on pouvait lui parler ce qui me donne une autre idée. Je sors mon iPod de ma poche et mets la musique. J'installe mon casque sur sa tête et chantonne en même temps que démarre Whith or whithout you de U2. Je ne lâche pas sa main et embrasse ses phalanges une à une, lui caresse l'avant bras, effleure sa bouche de mes doigts. Quand la musique s'arrête, je prends à nouveau sa main.
- Lisa, si tu m'entends, serre ma main une fois.
Pas de réaction. En même temps cela aurait été étonnant si ça avait marché. J'avais vu ça à la télé et je me suis dis qu'il faillais tenter. N'écoutant que ma détresse, je tente ma chance une dernière fois et lui susurre à l'oreille.
- Elisabeth, si tu m'aimes, serre une fois ma main.
Au bout de quelques secondes, je sens une pression dans ma main. J'ai du mal à comprendre ce qui ce passe. Est-ce que j'ai rêvé ? Non, je suis sur que non. J'appuie immédiatement sur le bouton d'appel des infirmières.
- Lisa, tu m'entends ? Lisa, ma puce, tu m'entends ?
Aucune réponse, je suis sur que je l'ai sentie. Elle m'a dit qu'elle m'aimait !
Je l'a prends dans mes bras comme je peux, lui caresse les cheveux, la joue et l'embrasse. Sa joue est si douce et je sens encore son parfum. Je ne m'arrête pas de lui demander si elle m'entends jusqu'à ce que l'infirmière à qui j'ai donné le bouquet de fleurs entre dans la chambre.
- Un problème monsieur ?
- Elle m'a serrée la main.
- Vous êtes sur ?
- Évidement, je ne vous aurais pas appeler sinon.
- Je vais chercher le médecin.
Quelques minutes plus tard, le docteur entre. Il prends le temps de vérifier le dossier, discute quelques instants avec l'infirmière et fait le check-up de Lisa. Il vérifie sa tension, ses pupilles, le soluté d'hydratation ...
- Monsieur, racontez moi ce qu'il s'est passé, demande le médecin.
- Je lui ai parlé comme on me l'a conseillé, je lui ai fait écouter de la musique et je l'ai senti, elle m'a serrer la main.
- Vous êtes sur ?
J'essaye de me maîtriser mais je sens la colère et l'incompréhension monter en moi. Je tente de me calmer et respire trois fois avant de poursuivre.
- Si je vous dis que je l'ai senti, c'est que je l'ai senti.
Je le vois mal à l'aise. Il regarde à plusieurs reprise l'infirmière, triture sont stylo orné d'un logo de médicament. Je ne connais pas ce produit mais un nom qui fini en « mol » dans le style paracétamol, c'est surement un laboratoire qui veut montrer son nouvel atout.
- Elle ne se réveille pas.
J'ai le souffle court, je recommence à paniquer. Je me prends le visage dans les mains. C'est un véritable cauchemar.
- Vous ne comprenez pas, je vous assure que sa main s'est resserrée autour de la mienne.
- C'était un spasme musculaire, m'annonce le docteur.
- Non, c'est pas possible.
- C'est très courant, je suis désolé. Je reviendrais la voir ce soir. En attendant, nous allons l'emmener passer à nouveau un scanner afin de voir si l'hématome est résorbé. Nous tiendrons sa famille au courant des résultats.
Il part de la chambre puis je laisse ma place à Sophia. Je m'assois dans le couloir près de Maxime. On ne parle pas. Je suis tellement désemparé par la situation que je ne me rends pas compte que mes amis partent.
Quelques heures plus tard les parents de Lisa reviennent et ainsi de suite. Elle a beaucoup de visites ma Lisa, des profs, des amis, sa famille, Julien, mais je ne bouge pas. Je veux être la quand elle se réveillera. J'ai des fourmis dans les jambes à force d'être assis, mais je n'ose pas aller me chercher un café ou à manger, de peur de rater son retour parmi nous.
J'ai donc tout le loisir d'observer ce qui m'entoure, comme la peinture écaillée sur la porte voisine, elle a une forme de tête d'oiseau, ou encore le nombre chambre à cet étage (34).
La journée me semble interminable et je reste jusqu'à la fin des visites. Une aide-soignante me signale que je dois partir. Je retourne jusqu'au parking en compagnie d'Eloise et de Charles. Ils ont l'air épuisés. Les cheveux de la mère de Lisa sont tout dépeignés et la barbe de son père n'a pas été rasé, ce qui laisse une ombre foncée sur ses joues. Quand j'arrive dans la voiture, je trouve mon portable que j'ai oublié à l'intérieur de celle-ci.
J'allume l'écran et lis les messages écrits de ma copine qui frise à présent l'hystérie. Je me rends compte que je ne ressens rien en pensant à elle. Je décide de lui répondre.
« Salut. Je suis désolé de ne pas t'avoir donné signe de vie depuis hier, Lisa est à l'hôpital, dans le coma. Je reste auprès d'elle. Je suis désolé mais je ne pourrais jamais être le parfait petit ami à tes yeux tant qu'elle sera la personne la plus importante de ma vie. Je te souhaite de trouver celui qui t'aimeras à ta juste valeur. Camille ».
Une fois le message envoyé, j'éteins mon téléphone et rentre chez moi complètement lessivé. Je n'espère qu'une chose : une autre issue à la journée de demain.
<3
Les jours passent mais je ne décolle pas mes fesses de cette chaise. La plus part du temps je suis dans le couloir. J'attends. J'attends un signe. J'attends un événement qui va la faire sortir de ce foutu coma. Mais rien ne vient. Deux mois déjà de passés, je vais finir par croire que je ne la retrouverais jamais, que ma Lisa va rester bloquée dans ce lit avec son teint, à présent fade. J'ai l'impression que toutes ses couleurs ce sont envolées, que sont corps s'est pétrifié et que sa voix n'est plus qu'un lointain souvenir. J'ai passé ces derniers mois comme un ermite et mes jours ont tous étés similaires.
Me lever, penser à Lisa, aller en cours, penser à Lisa, aller voir Lisa, rentrer à la maison, penser à Lisa, manger et aller me coucher, puis rêver de Lisa. Inconsciemment, elle dicte ma vie. Je ne vois plus mes amis, Max passe de temps en temps mais on ne se parle pas, je reste silencieux. Je suis incapable de parler à qui que ce soit.
Lucie a enfin cessé de m'envoyer des textos insultants, elle s'est fait une raison ou doit attendre dans l'ombre que Lisa se remette pour se venger du fait que j'ai ignoré chacun de ses appels, messages ou tentatives d'approche. Julien a repris son rythme de vie, on se croise et on cohabite. Il n'y a plus de discussion, plus d'échange, comme si nous étions devenus des étrangers.
Une fois de plus je me retrouve seul comme l'orphelin que je suis. Je sais que toute cette situation est de ma faute mais j'ai aussi compris que ce n'est pas en me morfondant que j'arrangerai les choses. Chaque jour, je fais écouter de la musique à Lisa, je lui lis des livres, on vient de terminer un tome de Gossip Girl qu'elle a reçu à son anniversaire. Je ne suis pas certain qu'elle m'entende mais je persiste à le croire.
Aujourd'hui c'est le jour des résultats du Bac. C'est avec ma meilleure amie que j'aurais dû monter les marches du perron du lycée pour voir si mon nom était inscrit dans la bonne colonne. On ne peut pas dire que j'ai cartonné aux examens, mes pensées étaient dirigées ailleurs. Il est quinze heure et je ne me suis toujours pas rendu au bahut. J'attends mon tour au chevet de Lisa, sa mère est avec elle et je n'ose pas lui imposer ma présence, bien qu'elle me l'ai proposé de nombreuse fois.
J'attends encore trente minutes avant qu'Eloïse ne retourne travailler à la boulangerie. Depuis l'accident son physique s'est vite détérioré. Elle a beaucoup trop minci, ses cernes font parties intégrante de son visage et son teint gris lui a fait prendre dix ans d'un coup. Je pense qu'elle ne dort pas beaucoup et tout le temps où elle ne travaille pas elle le passe à l'hôpital avec sa fille. Je m'assois à ma place habituelle, mets la musique et lui dis :
- Bonjour ma Lise. Aujourd'hui c'est les résultats du Bac. Je me suis dit que tu aimerais être avec moi. Alors j'ai pensé que je pouvais regarder les résultats sur mon téléphone. Allez, souhaite moi bon courage.
J'ouvre le moteur de recherche et indique le site internet du rectorat. J'entre mes identifiants, prends la main de Lisa dans la mienne et attends que le résultat s'affiche.
Je l'ai ... je suis bachelier et avec mention « Bien » en plus. J'aurais pu faire mieux si elle avait été à mes côtés ce jour là mais je m'en contre-fou. Je lui embrasse la main et frôle sa joue du bout de mes doigts.
- Je suis vraiment désolé, toi tu n'as pas eut la chance de passer ton Bac. C'est égoïste de venir faire ça ici. Si ça peut te rassurer, je ne compte voir personne d'autre aujourd'hui. Je ne veux partager ce moment qu'avec toi.
Je prends sa main et croise mes doigts aux siens comme ces couples qui se baladent dans la rue. Je pense aux vacances, à tout ce qu'on pourrait faire avec Lisa si elle était de retour parmi nous. On devait aller de l'autre côté du Verdon mais ce que je lui ai caché c'est que j'avais négocié avec ses parents l'emmener une petite semaine en corse pour faire du canoë et de l'escalade. Je sais qu'elle en rêve depuis longtemps et je voulais tellement la conquérir que j'ai fais cette folie. On doit partir dans deux semaines et je penses sérieusement à tout annuler.
Je lui lis On ne badine pas avec l'amour afin qu'elle entende ma détresse et qu'elle sache que je ne lâcherais rien, que je l'aime depuis et pour toujours.
Je finis par rentrer à la maison, me prépare un sandwich avant de me glisser dans le canapé en cuir du salon et regarder un épisode de Dr House. Je jette un œil à mon portable que j'avais laissé sur ma table de nuit ce matin. J'ai des messages de plusieurs amis qui me félicitent pour la mention et un de Julien qui me demande si je l'ai eu. Je lui répond juste « Oui » et me reconcentre sur la télé. Je finis par m'endormir mais me réveille quelques temps plus tard, par le vibreur de mon portable.
Je regarde ma montre et vois qu'il est 23h45. Je ne prends pas la peine de regarder le nom qui s'affiche. je me doute que c'est Max ou Sof' qui veulent me faire sortir dans je ne sais quel bar.
Le calme revient. Cependant, c'est de courte durée, mon portable se remet en marche mais je ne cède pas. La personne insiste à plusieurs reprise, je le prends afin de l'éteindre, quand je vois le nom d'Eloïse s'afficher. Je décroche immédiatement.
- Elo...
- Oh Camille, Dieu merci, tu réponds !
Elle a le souffle court et je sens sa panique. Je redoute le pire.
- Eloïse, que ce passe-t-il ? C'est Lisa ? Ne me dites pas que ...
- Elle s'est réveillée !
- Quoi ? dis-je abasourdi.
- Viens, je t'en pris. Je veux que tu sois à nos côtés. Tu le mérites vu toutes les heures que tu as passé à son chevet. Mais il y a un ...
- J'arrive, la coupais-je.
J'enfile mon cuir et me précipite auprès de la femme de ma vie. Est-ce qu'elle va bien ? Est-ce qu'elle a des séquelles de son coma ? Va-t-elle m'accorder son pardon ? Est-ce qu'elle m'a entendue ? Est-ce que notre vie va reprendre son cours ? Ma tête va explosé tellement je me pose de questions.
J'arrive sur le parking de l'hôpital et me précipite à l'étage où se trouve sa chambre. Je cours tellement je suis impatient. Une infirmière me demande même de ralentir mais je n'ai que faire. J'arrive en trombe devant la chambre, je m'arrête un instant, le temps de reprendre mon souffle et toc avant d'entrer.
Je la vois dans son lit, les yeux grands ouverts et un sourire magnifique aux lèvres. Je me précipite sur elle, l'embrasse sur la joue et sens son parfum corporelle si fleuri. Je recule et vois ses joues rougir. Elle est si belle. Ca y est, c'est le grand jour, le jour où elle renaît.
Elle a l'air d'aller bien, elle respire de façon régulière, son teint a repris de bonnes couleurs. Je suis si heureux que je ne peux retirer ce sourire niais de mon visage. Envolé ces deux mois de torture, je ne vois qu'elle. Elle me regarde avec de grands yeux. Ouvre la bouche, la referme, comme si elle hésitait à me parler. Je l'encourage d'un sourire qu'elle me rend avant de se lancer.
- Qui êtes vous ?
Une fois de plus mon monde s'écroule
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