Chapitre 36
Lisa
-Je ne veux plus jamais te voir Lisa ! hurle Camille. Je te hais ! Tu me dégoutes !
Il est comme fou, ses yeux sont devenus noir de colère et ses mains tremblent tellement, il est nerveux. J’essaye de le prendre dans mes bras pour le calmer mais il se débat, je peine à le retenir de se jeter sur Julien. Je suis en larmes, le chagrin m’étouffe et seul des bribes de mots sortent de ma bouche. Je suis incapable de faire une phrase cohérente.
-Je … Camille … regarde moi … je t’en prie …
-Lâche moi Lisa ! Dégage !
Camille se déchaîne et je sanglote de plus bel. Je sursaute quand il renverse la table, la vaisselle se fracasse dans un bruit assourdissant. Sans que je n’y prenne garde, Cam se retourne violemment puis je suis projetée au sol. Je sens une douleur immense grandissant dans la tête, cela me pousse à fermer les yeux et je perd connaissance.
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Lundi : cinq jours plus tôt.
Je n’ai pas parlé à Camille depuis qu’il est parti du bar samedi soir. Je lui ai envoyé un message dimanche matin qui est resté sans réponse jusqu’à midi.
« J’ai la gastro, ne passe pas à la maison, tu vas la choper. On se voit demain au lycée. Je t’embrasse ma Lisa. »
J’avais des doutes sur sa franchise mais Julien m’a confirmé la version de Camille. Il est parti de façon si précipité samedi, que j’avais du mal à le croire. J’ai cru qu’il était au courant de ma liaison avec son cousin.
Ce matin rien … je l’ai attendu devant l’entrée du bahut, il n’est pas venu. Je suis inquiète. À chaque fois que Cam est malade, je m’assure qu’il va bien, je lui prépare un bon petit plat mais aujourd’hui je suis totalement impuissante. Je devrais peut être passer après les cours, quitte à être malade moi aussi.
-Lisa, tu viens ? me demande Carmen.
-Oui, allons-y.
Je vais en cours de maths et me promet de lui envoyer un message à la pause de dix heures pour prendre de ses nouvelles.
Carmen me demande ce qui ne va pas, je reste silencieuse, lui disant qu’on parlera à la pause déjeuner. J’essaie tant bien que mal d’être attentive à ma leçon d’algèbre, ce cours me paraît durer une éternité. J’attends impatiemment que la sonnerie retentisse. Le moment venu, je suis la première à sortir de la salle et me précipite dehors.
« Coucou beau gosse, alors ca va mieux ? Tu me manques, je t’embrasse.»
J’attends quelques minutes mais aucune réponse ne vient. J’envoie un message à Julien pour demander si Cam se sent mieux. N’ayant pas de nouvelle non plus, je décide de faire une halte aux toilettes avant mon prochain cour. En sortant de la cabine, il ni y’a personne excepté Lucie, adossée au lavabo, pianotant sur son portable.
- Salut, me dit elle.
-Salut.
-Il faut qu’on parle.
Sa voix est sèche et autoritaire. Cela ne me dit rien qui vaille. Chaque fois que je la vois, je pense à la façon dont Camille la prend dans ses bras, la façon dont il la regarde, qu’il l’embrasse. Cela me fait un pincement au cœur. Pourquoi l’avoir choisi elle plutôt qu’une autre ? Je ne comprends pas ce qui lui trouve.
-Il faut que tu t’éloignes de Camille.
-Pardon ? Je ne suis pas certaine de t’avoir entendu.
-Je ne vais pas me répéter deux fois, tu as très bien compris.
-Et pour quelle raison dois-je me tenir loin de lui ? Tu te prends pour qui ?
-Je suis sa petite amie, me dit-elle, l’air hautain.
-Et tu pense que ça te donne le droit de m’évincer de sa vie ? Te sentirais-tu menacée ?
-De toi ? Franchement je ne vois pas comment cela serait possible. Ton miroir est cassé ? Regarde toi, on dirait une grenouille de bénitier.
-Va te faire foutre ! Personne ne pourra m’empêcher de voir Camille et vice versa.
-Cam n’a jamais été si bien que pendant la période où vous ne vous parliez plus.
-C’est faux et tu le sais très bien. On était autant malheureux l’un que l’autre.
-Il n’avait pas l’air malheureux pendant que je le suçais dans la voiture, me dit-elle, un sourire en coin.
J’écarquille les yeux, tellement qu’ils pourraient presque sortir de leur orbite. Je dégluti difficilement et sens mes joues rougir comme jamais.
Je sais que les hommes pensent beaucoup au sexe, mais imaginer Camille avec Lucie dans cette position m’indigne, c’est si dégradant, surtout pour elle.
-Si tu aimes passer pour une chatte en chaleur, c’est ton problème.
-Connasse ! C’est sûr que toi qui es si coincée, cela doit te choquer.
Je sens tellement d’amertume en elle. Elle me ferait presque pitié si je ne la détestais pas autant.
-Je veux que tu sortes de sa vie, reprend-t-elle, un point c’est tout. Tu ne préfères pas que ça vienne de lui, si ?
-Il ne ferait jamais ça !
-Tu veux parier ?!
Je ne réponds pas à sa provocation et me détourne d’elle pour sortir des toilettes, lorsqu’elle attrape mon poignet et me force à me retourner sur elle. Elle s’approche près de moi, je vois dans ses yeux de la détermination. Elle veut que je sorte de la vie de mon meilleur ami, mais ça, il en est hors question.
-Écoute moi bien espèce de sale petite conne, murmure – t-elle à mon oreille, Camille est mon mec et je suis bien décidée à ce qu’il t’oublie.
-Ça va être difficile vu la place que je prends dans son cœur, dis-je en la narguant.
Je réalise que j’ai touché juste en sortant ces mots de ma bouche quand je sens une douleur lancinante sur ma joue. Elle m’a giflé cette garce ! Je reste droite comme un piquet, la peau chauffe à l’endroit où sa main a claqué ma joue. La mine déconfite, je ne bouge pas, tellement surprise par son geste.
-Je te conseille de sortir de sa vie une fois pour toute si tu ne veux pas voir ton petit secret étalé au grand jour.
-Je… je ne vois pas de quoi tu parles.
Elle finit par relâcher la prise de ses doigts autour de mon poignet. Elle m’a serré tellement fort que je suis sûre d’avoir un hématome dans les quelques heures qui vont suivre. Je me retourne et pars rapidement vers la sortie sans un regard pour elle. Au moment d’ouvrir la porte, j’entends :
-Passe le bonjour à Julien de ma part cette nuit.
Je me stoppe net, la main crispée sur la poignée. Elle a compris ! Je ne sais pas quelle attitude adopter avec elle à présent. Est-ce qu’elle va le dire à Camille ? Le lui a-t-elle déjà dit ? Est-ce pour cette raison qu’il est parti si rapidement samedi soir ? Je perds tous mes moyens, baisse le regard, essayant de calmer mes mains tremblantes. Je dois mettre Julien au courant. Au plus vite !
-Si je te dis de t'éloigner de mon petit ami, c'est dans ton intérêt, reprend-t-elle avec un air qui semblerai gentil d’un œil extérieur, mais je ne suis pas dupe. Dans un moment d’égarement, il se pourrait bien que je laisse ta liaison avec Julien apparaître au grand jour. Quelque chose me dit que tu préfères qu’il ne l’apprenne pas. Sortir avec le tuteur de son meilleur ami… tsss tsss… je ne pense pas que Camille apprécie.
Je ne lui réponds pas et sors de cette pièce minuscule, cachant mon désespoir.
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Je suis toute tremblante en arrivant au cours suivant. Je frappe à la porte de la classe qui est déjà fermée, signe que le cour a déjà commencé. J’entends le prof d’économie qui me dit d’entrer.
-Mlle Hamilton, puis-je savoir ce qui nous vaut ce plaisir ?
-Je suis désolée d’être en retard, j’ai été retenu au CDI.
-Dépêchez-vous de vous installer. Je vous prierai de faire plus d’efforts à l’avenir, est-ce clair ? dit-il avec un sourire hypocrite.
-Oui, merci Monsieur.
Je m’assieds à côté de Carmen. Elle me jette un regard suspicieux. Elle baisse les yeux sur mes mains qui tremblent, que je me dépêche de cacher sous mes jambes. Quand elle les relèves et croise les miens, je comprends qu’elle n’est pas dupe de ma nervosité. Je suis nerveuse et j’essaie tant bien que mal d’empêcher mes larmes de couler.
Je n’écoute pas le cours, je fais juste acte de présence. Mes pensées sont dirigées uniquement vers Julien et Camille. Je ne sais plus quelle attitude adopter. J’ai peur de la réaction que peut avoir Camille, surtout si c’est Lucie qui lui balance tout. Même si une infime partie de moi, espère qu’il se réjouira pour Julien et moi, le reste est convaincu que cette histoire va mal tourner. Cam n’acceptera pas la situation et pour cette raison, je repousse l’instant où je vais devoir lui parler. Mais après mon altercation plus tôt avec Lucie dans les toilettes, je n’ai plus le choix. Je dois lui parler, mais quand ? Le cours se poursuit sans que je m’y intéresse.
-Lisa ? Tu viens ?
Je n’ai pas entendu la sonnerie retentit, trop distraite par la décision que je dois prendre. Sans un mot, je rassemble mes affaires et suis Carmen dans les couloirs.
Mon amie et moi, entrons dans le réfectoire quelques minutes plus tard et nous installons à une table à l’abri des regards indiscrets.
-Bon, tu vas me dire ce qui se passe ?
-Je ne sais pas Carmen…
-Tu sais que tu peux tout me dire, je ne te juge pas. Je vois bien que quelque chose te tracasse, un jour tu es gaie et l’autre tu ne semble pas dans ton assiette, je te sens même angoissée. C’est qu’il y a bien quelque chose, je me trompe ?
-Non …
Je lui raconte tout, depuis le début. Comment j’ai fantasmé pendant des années sur Julien, comment Camille m’a avoué ses sentiments, le chantage que me fait Lucie …
C’est la première personne à qui je me confie sur cette histoire. Même Sophia n’est au courant de rien, elle va sûrement me faire une scène quand elle apprendra la vérité. En attendant, cela me fait un bien fou de vider mon sac. Carmen reste silencieuse quelques secondes, le temps d’assimiler mon monologue.
-Je comprends mieux ton comportement de ces derniers temps, souffle-t-elle.
-Je ne sais pas quoi faire Carmen. J’ai peur de perdre Camille, je ne le supporterai pas.
-Excuse-moi de te poser cette question, mais, es tu sûre de tes sentiments pour Julien ?
-Oui, pourquoi ?
Mon ton est hésitant et Carmen s’en aperçoit de suite.
-As-tu plus peur de perdre Julien ou Camille ?
Je baisse la tête et n’ose plus la regarder. Je me suis posée maintes et maintes fois cette question et je n’ai jamais su y répondre.
Quitter Julien, c’est quitter la passion et l’excitation. J’aime sa fougue et ressentir toutes ces émotions - qui m’étaient inconnues jusqu’à présent - quand il me fait découvrir des choses nouvelles physiquement. J’aime être entre ses bras puissants et sécurisants. J’aime la façon dont il m’appelle « ma puce » et sa façon de m’embrasser. Il est mature et sérieux. Avec lui je me sens femme.
Quitter Camille est impensable, mes larmes perlent au coin de mes yeux rien que d’y penser. Camille c’est mon équilibre, ma force. J’adore sa sensibilité, son humour et nos fous rires. J ’aime toutes les déclinaisons qu’il trouve à mon prénom car il sait que je ne l’apprécie pas plus que ça. J’aime lui faire la cuisine et aller le voir jouer au rugby, je suis sa plus grande supportrice, et de loin. J’aime plus que tout, la chaleur qui se dégage de lui quand il me prend dans ses bras. Et que je le veuille ou non, j’ai adoré l’embrassé à mon anniversaire, même si c’était une grosse erreur. Avec lui je me sens comme une déesse.
Je ne veux perdre aucun des deux. Je les aimes autant l’un que l’autre mais de manière différente.
-Je suis incapable de répondre à cette question, soupirais-je.
-Alors, il faut que tu parles à Camille avant qu’il n’apprenne la nouvelle par quelqu’un d’autre.
-Je sais …
-Il ne te le pardonnera pas, sinon.
Nous continuons de manger, à discuter de choses et d’autres quand je reçois un message de Julien, m’informant qu’on ne pourrait pas se voir jusqu’à la fin de la semaine et qu’il m’appellerai ce soir.
Il ne me donne pas plus d’explications. Je n’ai toujours pas reçu de nouvelles de Camille. Je prends donc la décision de passer le voir après les cours.
Comme nous avons encore une heure de libre avant le prochain cours, je vais dans l’amphithéâtre profiter du piano à queue. Je continue de déchiffrer les partitions de piano que Camille m’a offert. Les musiques de Cendrillon et du Roi Lion raisonnent dans la salle. Puis je reçois un message de Cam, me disant qu’il était toujours malade et que je pourrais passer demain. Cela me réchauffe le cœur d’avoir de ses nouvelles et je lui promets de passer le voir le lendemain.
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En cette fin de journée, j’ai travaillé un maximum pour m’avancer sur les révisions du Bac qui était dans quarante – deux jours. J’ai lancé le compte à rebours afin de me motivé. J’ai révisé le premier trimestre de cours d’économie, ce qui n’était pas rien. Pour me récompenser de mon travail, je me suis octroyée un bon bain chaud. J’en ai profité pour continuer de lire. Trente minutes de détente, seule, me prélassant dans l’eau chaude et le bain moussant sentant la pivoine.
Quand mes muscles et mes nerfs se détendent enfin, après une journée éprouvante moralement, je sors de la baignoire emmitouflée dans mon peignoirs rose pâle et me dirige dans ma chambre me préparer pour dîner avec mes parents.
Une fois mon pyjama pilou-pilou enfilé, j’entre dans le salon ou mon père regarde le journal télévisé, affalé dans son fauteuil. Je m’assieds en face de lui, dans le canapé.
-Tu as l’air reposé ma chérie, me dit mon père.
-Oui, j’ai pris un bain bien chaud, ça fait du bien. Comment s’est passée ta journée ?
-Ca va, beaucoup de travail, comme d’habitude.
Mon père étant boulanger, il n’a pas des horaires faciles. Son métier à créé plus de rides sur son visage et il porte les stigmates physiques de son art. Il a le mérite de faire un travail magnifique et très respecté dans cette ville. Cela fait vingt ans qu’il possède la boulangerie avec ma mère. Mes parents sont très appréciés dans la profession car ils font de la très belle marchandise mais leur vie n’est pas toujours facile.
-C’est bientôt la saison estivale, vous allez embaucher ? demandais-je ironiquement.
-Je ne sais pas, il me semblait avoir une esclave pour ça, dit-il avec un sourire en coin.
Nous éclatons de rire suite à sa blague et quant à l’éventualité de la chose, je travaille avec mes parents tous les weekends, pendant l’été et j’aime les aider. Cette année ne dérogera pas. Depuis que je suis avec Julien, j’ai un peu délaissé mes parents et je suis contente, ce soir, de passer du temps avec eux.
-Coucou ma chérie, tu veux bien mettre le couvert, s’il te plaît ? me demande ma mère en arrivant.
-Oui bien sûr.
Je mets la table tout en discutant du lycée avec ma mère. Elle me demande des nouvelles de Camille, comme toujours. Je reste vague pour ne pas attirer l’attention sur ce sujet qui me met mal à l’aise et que je préfère éviter.
Le reste du repas traite des actualités banales qu’on peut suivre à la télévision.
Je débarrasse la table puis j’embrasse mes parents avant de monter dans ma chambre.
C’est après des soirées comme celles-ci que je mesure combien j’ai de la chance d’avoir mes parents. Ils m’aiment autant que je les aime, si ce n’est pas plus. Quand j’y penses, la vie n’est pas toujours rose entre eux, mais ils composent avec. Ils sont un modèle pour moi. Apres tant d’années et tant de disputes, ils sont toujours ensemble. Cela fait dix – neuf, vingt ans … attendez … on est quel jour ? Je vérifie la date sur mon portable. On est le 22 mai. Le 26 mai c’est l’anniversaire de mariage de mes parents ! Comment j’ai pu oublié ça. J’étais tellement obnubilée par ma petite personne et mes problèmes que j’en ai oublié cet événement. Je me déteste par moment et je compte bien rattraper le coup.
Je me pose sur mon lit pour réfléchir au cadeau que je pourrais leur faire pour leur vingtième anniversaire de mariage, quand j’entends la sonnerie de mon téléphone m’annonçant l’arrivée d’un message. C’est Cam.
« Tu me manques. »
« Toi aussi tu me manques. »
J’ai l’impression de le tromper en lui cachant la vérité sur ma relation avec Julien. En songeant à ce dernier, il ne m’a pas appelé, comme prévu. J’espère que son déplacement n’est pas dû à des choses graves. Devrais-je lui téléphoner ou lui envoyer un SMS ? J’ai peur d’être trop envahissante. Je vais attendre demain pour prendre de ses nouvelles. Je décide de ne plus penser à ces deux hommes pour la soirée et me concentre sur la surprise que je prépare à mes parents.
Je discute avec Sophia de mon petit projet pendant une bonne heure. Elle me donne quelques idées. Je reste évasive sur ses questions à propos des garçons et du lycée, puis je mets fin à notre conversation. Je me glisse dans mes draps fraîchement changés et rêve à Julien, à tout ce qu’il me fait ressentir quand je suis dans ses bras, avant de sombrer dans les bras de Morphée.
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