Chapitre 14
Camille
Je suis devant la grille du lycée. Je l'attends. Encore. Je ne sais même pas si elle va daigner me parler.
Depuis ce week-end, elle ne veut plus me voir, je lui envoi plusieurs textos par jour. Je l'ai appelé sur son portable et même chez ses parents, mais elle n'a pris aucun des mes appels. Elle m'a posé un lapin lundi matin, me disant que sa mère l'emmenait, mais je sais que c'est faux. Je la connais trop bien pour savoir quand elle me ment. Surtout que sa mère ne l'a conduit plus à l'école depuis notre rentrée en seconde. Rien à faire, elle ne répond jamais et m'évite que ce soit entre les cours ou au self. Il faut que je trouve un moyen pour que Lisa m'écoute pour arranger cette histoire.
Max finit sa cigarette et me dit :
-On y va ?
-On peut attendre Lisa, s'il te plaît ? Il faut vraiment que je m'explique avec elle.
-Ok, mais je suis pas sûr que c'est en faisant le pied de grue, que vous allez vous réconcilier.
-On ne peut pas rester en mauvais terme !
-Détends toi mec ! Laisse lui du temps, elle reviendra, t'inquiètes pas. Viens, on va à l'entrainement.
Je lâche prise pour la troisième fois de la semaine. Sur la route, je lui envoie quand même un SMS. Je ne sais pas si elle prend le temps de les lire mais je tente ma chance, encore une fois :
« Lisa, je suis vraiment désolé pour samedi, je t'en prie, laisse moi m'expliquer. J'ai eu peur que Julien joue avec toi et fasse son Don Juan, je voulais te protéger et après... j'ai trop bu. Je ne suis qu'un con. Pardonne moi...»
-Tu l'as dans la peau ou quoi cette gonzesse ?
-L'appelle pas comme ça ! Et tu sais à quel point elle compte pour moi.
-Arrête de faire genre ... je vois bien comment tu la regarde.
-Ah oui et comment ?
-T'as envie de te la faire, de la sauter quoi !
-Ta gueule ! Je ne veux pas parler d'elle avec toi.
-Ok, mais détends toi mon pote !
On arrive sur le terrain, je regrette d'avoir le bras immobilisé et de ne pas pouvoir me défouler, j'en ai sérieusement besoin.
D'habitude, Lisa vient me voir aux entraînements, mais je ne pense pas la voir aujourd'hui. Max a tort, il n'est pas question de sexe ici. Je me contenterai de la prendre dans mes bras si elle le souhaite. Je l'ai dans la peau et je ne supporte pas de ne pas la voir. J'ai besoin de son sourire, d'entendre sa voix, ses lèvres qui frôlent ma joue chaque jour... Reprends toi Cam !
Avec mon bras en écharpe, je ne fais que regarder l'entraînement. Je donne mon avis au coach et des conseils à mes coéquipiers. Sur le banc de touche, ça me paraît interminable.
Je crois que mon équipe n'a pas réalisé que je ne jouerai pas à la saison prochaine. Je pars pour la fac en septembre, je vais certainement postuler à La Rochelle. Cela veut dire qu'en me blessant la semaine dernière, je jouais mon dernier match avec mes amis. Cette blessûre me soule encore plus maintenant que j'ai fait le point par rapport à ça.
L'entrainement se termine et les mecs partent sous la douche. L'équipe féminine arrive sur le terrain. Cela fait deux ans qu'une équipe de femme a vu le jour et je dois avouer qu'elles sont plutôt douées. Lucie vient me dire bonjour :
-Salut !
-Salut Lucie !
-J'ai appris pour ton bras ... je suis désolée.
-Non, c'est ma faute, je me suis mal réceptionné.
-Tu en as pour longtemps ... ton écharpe ? me demande- t-elle, désignant d'un geste cette dernière.
-Quelques semaines.
Une des filles à l'opposé du terrain l'interpelle.
-Ok. Je dois y aller. À la prochaine alors ?! On se croisera peut être au Door.
-Oui, ça marche.
Je connais Lucie depuis la seconde, elle passe un Bac L. On s'est rencontré à un repas du club. Nous avons sympathisé mais ne nous voyons pas tant que ça. Parfois, je regarde jouer son équipe, elle est plutôt douée du haut de son mètre quatre – vingt et étonnement canon pour une joueuse de rugby. Elle n'a pas la carrure de sportive des autres joueuses, elle est menue et mérite entièrement son poste d'arrière . Son physique est différent comparé à celui de la plupart des filles de notre âge. Un carré blond encadre son visage tacheté de petites taches de rousseur un peu partout. J'aime bien, ça change. Je l'ai présenté à Lisa une fois mais elles se sont regardées en chiens de faïences. Du coup, je n'ai pas réitéré l'expérience.
Les mecs sortent du vestiaire et me disent au revoir, mais Simon s'attarde :
-Je peux te parler ?
-Bien sûr, je t'écoute.
J'ai un mauvais pressentiment, cette conversation ne va pas me plaire.
-C'est un peu délicat ... je voudrais savoir si ... si Lisa voit quelqu'un ?
-Non, pas que je sache. Pourquoi ?
-Je voudrais l'inviter à sortir samedi soir. Tu penses qu'elle accepterait ?
Mon cœur rate un battement. Non, c'est mort, il est hors de question qu'il sorte avec elle.
-C'est à elle qu'il faut le demander, dis-je un peu plus sèchement que je l'aurais voulu.
-Ok mais...
-Je ne sais pas du tout quoi te dire, Simon.
-Ok, merci quand même, dit-il en commençant à partir.
-Dois-je te faire la leçon ?
Il s'immobilise, dos à moi et tourne légèrement la tête vers moi.
-Comment ça ?
-Tu sais qu'elle est ma meilleure amie. Dois-je te prévenir que si tu lui fais du mal, je te pèterai les dents ?
-Je ne penses pas que ce soit nécessaire.
-Parfait alors.
-Je suppose que comme tu es son « ami » , je ne dois pas parler de cette conversation ?
-Effectivement.
Maxime m'attend dans la voiture. Je le rejoins et il démarre, me ramenant chez moi. Cette conversation m'a chamboulé. J'aurais dû lui dire non ! Mais qui suis-je pour interdire à Lisa de sortir avec un mec ? Il me reste un espoir pour qu'elle refuse. Elle va peut être dire non. J'espère qu'elle dira non.
La fin de la semaine passe et toujours pas de nouvelle de la part de Lisa. Jeudi je suis venu la chercher chez elle avant d'aller en cours. Il y avait sa copine Erasmus avec elle, je n'ai donc pas bougé de la voiture. Je ne sais pas vers qui me tourner pour demander de l'aide. Max et les autres potes sont tous des queutards et je ne peux pas en discuter avec Julien, vu ma colère de samedi. C'est toujours tendu entre nous. Il m'en a reparlé lundi et j'ai mis ça sur le compte de l'alcool et de la douleur. Je ne sais pas trop si ça a marché mais au moins il me lâche la grappe.
Vendredi, à la fin des cours, j'ai vu Lisa qui parlait avec Simon. Il devait sûrement lui demander de sortir avec elle. Il faut que j'empêche ça. J'avance mais me stoppe net quand j'entends :
-Oui pourquoi pas !
Je la dévisage, abasourdi. Elle a dit oui... Merde !! La colère doit se lire dans mes yeux. Je m'avance rapidement vers eux, je bouscule un minus au passage mais c'est trop tard.
-Super ! Je passe te chercher à quinze heures. Ça te conviens ?
-C'est parfait ! A demain alors !
J'arrive à me frayer un passage mais Lisa est déjà prête à monter dans son bus. Je tape un sprint sous le regard de tous. J'arrive quand le bus part devant moi. Je suis dans un état de colère inimaginable !
Je prends mon portable et appelle Lisa qui me bascule sur sa messagerie et je déverse ma rage sur sa boîte vocale :
- Lisa ! Merde ! Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu refuses de me parler ?? Je ne comprends pas Elisabeth !! Ok... j'ai merdé samedi mais parle moi, envoie moi balader si ça peut te soulager, mais PARLE ! Dis quelque chose, n'importe quoi ! Tu t'enfuis en me voyant maintenant ? J'ai aussi peu d'estime que ça à tes yeux ? Je refuse que notre amitié se termine comme ça Lisa, c'est clair ? Je ne lâcherai rien, tu peux me croire !
Je termine de hurler dans le combiné quand je vois Max qui attend adossé contre un arbre, les bras croisés sur son torse. Les yeux plissés, comme s'il essayait de comprendre...ça doit durer pas moins de trois secondes puis il se redresse et propose de me ramener.
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