Ashiki,

Je ne m'étais jamais douté qu'une personne pouvait détenir l'existence entière de quelqu'un. Puis tu es arrivé et tu m'as délivré. Tu m'as libéré de ce chemin sans fin qui se répétait encore et encore dans mon esprit. J'étais enfermé et tu m'as offert une fenêtre sur l'extérieur, sur ma vie.

Peut-être aussi sur moi-même car à tes côtés je me suis un peu retrouvé. J'ai eu accès à tous ces souvenirs auxquels je m'empêchais de penser. Je me suis rappelé de ce que je ressentais avant. De ce que j'étais aussi et que je suis encore. J'ai toujours essayé de me convaincre que ce n'était que toi, que c'était exceptionnel, et même si c'était le cas, ce n'était pas totalement la vérité. En fait, ce ne sera jamais que toi dans ma vie, c'est également le garçon que j'apprécie en ce moment et les prochains que j'aimerais.

Je crois que je n'ai pas voulu me l'avouer parce que mon père ne l'a jamais su et ne le saura jamais maintenant. Je voulais le garder secret parce que je m'en voulais de ne pas m'être montré entier à lui. Je sais que mon orientation ne me définit pas mais c'est une partie de moi qu'il ne connaîtra pas. Est-ce qu'il l'aurait détesté ? Est-ce qu'il serait resté indifférent ? Ce sont les questions qui m'obsèdent encore aujourd'hui.

Mais, le plus important reste quand même d'être honnête avec moi-même. D'être vrai et fier. Avec toi aussi alors sache que je t'aimais aussi fort qu'un ado puisse aimer. T'avais cette simplicité de vivre que les autres n'avaient pas et que j'ai eu l'impression de voir dès que tu es arrivé dans la classe. Tu démarrais l'année en tant que nouvel élève ; moi c'est ma vie qui a démarré ce jour-là, je m'en rends compte des années après. Je suis sorti de ma timidité pour me lier d'amitié avec toi. Sans imaginer une seule seconde que quelque chose de bien plus fort nous lierait. Mes plus grands sourires, mes rires les plus fous, mes secrets les plus intimes, c'était avec toi. Avec toi, j'ai vécu des nuits et des jours que je pensais infinis. J'ai vécu tout simplement. Premier amour. Premier baiser. 

C'est comme ça que les choses devaient être depuis. Il nous aura fallu deux ans... Je t'ai coupé de ma vie et la vérité est que je t'en ai longtemps voulu de ne pas avoir essayé de revenir. On a tout laissé derrière nous, on a fait de tous ces moments géniaux des souvenirs inoubliables. Tu te souviens que le port de Seattle était notre terrain de jeu préféré ? Tu te souviens de la bande-dessinée stupide dans laquelle on s'était lancés ? Et comme on se faisait toujours passer l'un et l'autre avant tout le monde ? Je n'ai rien oublié. Mais, tout ça n'est plus. 

Les gens font souvent cette comparaison en disant qu'une personne était une partie de chapitre de leur vie, eh bien, tu en étais un entier dans la mienne. Seulement, on ne parle jamais du chapitre d'après. Tu sais, celui qui vient tout détruire, tout effacer ; il est si puissant qu'il nous fait oublier ce que le précédent nous avait fait ressentir. Il existe pourtant et il m'a brisé. Dedans, tu n'étais plus là et je passais mes nuits, seul, à tourner en rond dans ma chambre pour ne pas laisser le vide m'engloutir. Je passais des heures à me tordre de douleur, avec l'horrible impression de mourir de chagrin. J'implorais silencieusement d'avoir quelqu'un à mes côtés. Personne n'est venu, pas même toi que j'attendais le plus. Je te l'ai dit, je ne te le reproche plus mais ça non plus, je n'ai pas oublié. Les choses ont pourtant changé, Ash.

Un très bon ami m'a dit que j'avais l'âme d'un leader et que je n'avais besoin de personne. Je n'en suis pas si sûr car j'avais besoin de toi pour me libérer de ces chaînes. Je te remercie d'avoir remis les choses en ordre, là où j'en étais incapable. Mais, c'est à moi de prendre le relais dorénavant. Quand je suis avec toi, je me sens tellement bien, vivant, que je voudrais revivre ça tous les jours mais je réalise que c'est juste le passé qui m'attire. C'est cette folle envie de revenir en arrière, de faire comme avant, afin de revivre cette période où tout était mieux. Cette peur de ne plus retrouver ces sentiments, sans toi. Je dois prendre du recul. Ca t'a demandé deux ans pour être prêt, moi je ne le suis pas encore. Je dois continuer de me reconstruire.

Merci d'être venu à moi et d'avoir comblé la distance, puisque je n'ai pas su le faire. Et dans un autre chapitre on redeviendra amis, on essayera en tout cas.

A bientôt !

Leander