6 - Equilibrium
- Je comprends que tu appréhendes de le voir, continua ma psychiatre, mais je pense réellement que c'est bon pour ta thérapie. Bon pour toi mais aussi pour lui... Pour vos amis. Je sais que tu n'es plus en contact avec eux, d'autant plus depuis que tu es ici mais il ne faut pas tout couper. Ça ne fait que conserver la haine.
Je haussai les épaules, après tout c'était la meilleure des solutions. Ils n'avaient pas à me pardonner après ce qu'il s'était passé, ils avaient bien toutes les raisons de me détester. Je ne méritais que leur haine et la mienne envers moi-même alors il n'y avait rien à arranger, c'était stupide de croire que les choses pouvaient aller mieux. A la minute où Ayden me verrait, il s'empresserait de me démolir. Et personne autour ne l'arrêterait, conscients qu'il avait toutes les raisons de le faire.
- Leander, ce sont tes amis.
C'était. De plus, Ayden ne l'avait jamais vraiment été. Il m'avait toujours considéré comme un parasite qui entraînait sa sœur dans le désespoir ; je n'avais fait qu'approuver ses idées le mois dernier. En pensant à Nora, je me demandais s'il y avait des chances qu'elle soit là ce Vendredi... Ça ne m'encourageait pas à y aller. L'affronter elle et son frère, ou encore ses frères, non non très peu pour moi. Mais il était évident qu'il ne serait pas tout seul, je me demandais seulement quelles seraient les personnes présentes. Et est-ce qu'Ayden était au courant de ma venue ? Peut-être déciderait-il de m'éviter ? Toutes ces questions me trottaient en tête, m'éloignant du discours de Mme Jenson qui avait l'air bien décidée à me rassurer. Elle ne comprenait pas, elle ne pouvait comprendre, elle ne faisait que présumer. Au fond de moi, je savais comment les choses allaient se passer car même si plusieurs scénarios se présentaient à moi, aucun ne finissait bien.
***
J'avais envisagé que mon entrée dans l'équipe de rugby n'inciteraient que davantage certains à me critiquer. Et je ne m'étais pas trompé, les remarques censées être des insultes débutèrent au petit-déjeuner et continuèrent pendant les premiers heures de la journée. Ce jour-là était un peu spéciale car les cours avaient été remplacées par des dites « conférences d'éducation », des stupides moments qui ne servaient qu'à nous faire un lavage de cerveau. Tout le camp était rassemblé dans le réfectoire, nous regardions des témoignages de personnes - souvent masculines qui avaient eu un passé difficile et qui expliquaient comment ils s'en étaient finalement sortis. Et quelques fois lors de ces conférences, on avait le droit à la venue d'une célébrité qui nous racontait sa vie à son tour. Des sportifs qui avaient plongé dans la drogue, la violence et toutes les merdes qui suivaient puis qui finissaient par connaître une sorte de rédemption et qui fondaient une vie meilleure. Je trouvais cela complètement inutile car écouter la vie des autres ne m'aidait pas spécialement. De plus, je ne croyais pas au miracle. Tous les efforts du monde ne permettaient pas de changer notre nature.
Ces moments là, qui se passaient une fois par mois, se présentaient comme une deuxième sieste pour ma part. Normalement. Sans compter les connards qui avaient décidés de m'emmerder ce jour-là. Ils se trouvaient dans la rangée derrière moi et profitaient de chaque moment d'inattention des coordinateurs pour lancer des trucs, taper dans ma chaise et m'insulter de tous les noms. Parmi eux, il y avait bien évidemment Regan ; j'usais bien de toutes mes forces pour me retenir de me retourner et de défoncer sa sale gueule. Le regard du Sergent Blondie vissé sur moi m'aidait aussi à me contenir, j'étais conscient qu'au moindre geste il se réjouirait de pouvoir m'en punir. Alors, je fis le sourd en plus d'être muet ce qui me permit de tenir deux bonnes heures.
- Hollington, je me demandais : est-ce que tu jouis aussi en silence ? me demanda-t-on soudainement sans que je ne réagisse.
Je sentais tout de même que mes nerfs n'allaient pas tarder à lâcher si celui qui me tapait n'arrêtait pas dans les secondes suivantes. Mais son pied, en rythme, continuait de cogner brutalement le bas de mon dos. Je fermai les yeux, serrai mes genoux de mes mains moites et respirai fortement pour tenter de contenir ma haine. Quand je rouvris mes paupières, je constatai que le regard de Jeff n'était que plus insistant sur moi comme s'il sentait que j'allais déraper. Finalement, à force de m'observer peut-être commençait-il à comprendre comment je fonctionnais : je finissais toujours par craquer, céder à la colère. Je n'étais pas si fort en fait, je ne faisais pas le poids face aux émotions qui me submergeaient.
- Eh l'handicapé !
Mais quand je voulais me venger, ma détermination enrichissait grandement mon imagination. Ainsi, je me mis innocemment à me balancer d'avant en arrière sur ma chaise en bois tandis que ça ne semblait pas déranger le con derrière puisque ses coups persistaient toujours, voire plus. Il profitait des moments où j'étais en arrière pour me frapper un peu plus fort à chaque fois, si fort qu'il réussit à me ramener en avant quelques fois. Je continuais de me balancer encore un peu tout en remarquant que Jeff, interpellé, commençait à s'avancer vers nous.
Alors c'était maintenant ou jamais. Isaiah à ma gauche me regardait étrangement, comme si j'étais le plus grand des cinglés à me comporter de la sorte. Je lui adressai un sourire, faisant mine de m'amuser dans la plus grande innocence qu'il soit. Je me balançai en arrière, en avant, en arrière, puis en avant toujours en me tenant aux chaises d'à côté. Puis j'anticipai le coup qui allait venir, lâchai tout et me fis sauvagement basculer en arrière, me renversant sur la jambe tendue de mon emmerdeur. Le résultat ne fût pas dur à imaginer quand je sentis le dos de ma chaise amortir sur quelque chose, que j'entendis une sorte de craquement et le cri rauque de ma victime dans mon oreille.
Tout se passa vite... Je sentis une forte main me redresser et me mettre sur pieds et lorsque je me retournai, je fus bousculé de tous les côtés par tous les jeunes curieux et les quelques coordinateurs qui avaient accourus. Mon emmerdeur était un grand mec, d'une minceur extrême, que je n'avais encore jamais vu depuis que j'étais arrivé... Il était penché en avant et se tenait la cheville en brayant des choses incompréhensibles. Je n'étais pas très épais mais une chose était sûre, face à lui, tout mon poids avait au moins dû lui casser quelque chose. Mais ce n'était pas volontaire n'est-ce pas ? Je n'avais fait que m'amuser sur ma chaise.
- Mais t'es un grand malade, mon gars ! s'exclama Isaiah qui me tirait plus loin.
Il me regarda d'abord avec des grands yeux avant d'éclater de rire et de me faire une rapide accolade. Je n'avais pas besoin de tout lui expliquer, il avait aussi entendu les insultes qui m'avaient été adressées et il ne lui en fallait pas plus pour relier cela à mon comportement. Plusieurs joueurs de l'équipe nous rejoignirent et demandèrent plus des explications, avides de commérages. C'était tout ce qui nous faisait tenir ici de toute manière : quelles étaient les dernières bagarres ? Qui prévoyait quoi ? Et toutes ces sortes de choses.
- Leander faisait le con sur sa chaise et il est tombé en arrière, raconta le métisse confirmant ainsi mon innocence, il a dû lui péter un truc c'est pas grave.
- Où est Hollington ? cria une voix plus loin. Où il est ?
Malgré tout le brouhaha qui avait envahi la cantine, il n'y avait que la voix du Sergent Blondie que je semblais entendre. C'était une voix tonitruante qui au lieu de me faire peur n'avait que pour utilité de m'énerver. Le propriétaire se trouvait à plusieurs mètres, au milieu de la foule de jeunes et semblait bien déterminé à me trouver.
- Amenez-moi ce sale gosse !
Je levai les yeux au ciel en entendant ces mots, il n'avait pas de raison de paniquer : je ne pouvais pas aller ailleurs de toute manière. Par pure provocation, je décidai de me présenter à lui avec un sourire stupide placardé au visage. Quand il me vit, devant son corps proéminent, il me détailla de haut en bas comme s'il avait du mal à croire à mon audace. Je ne fuyais pas, quel culot ! Sa surprise laissa très vite place à la colère sur son visage.
- Qu'est-ce que t'as encore foutu ? me cracha-t-il au visage.
Je haussai les épaules en prenant l'air le plus innocent du monde. Je voyais qu'il était en train de bouillonner de rage car même si j'avais la réponse, je ne pouvais lui donner. Mon mutisme le mettait toujours dans une colère inimaginable, ça me faisait rire. Quand il ouvrit la bouche, prêt à relancer ses insultes, un coordinateur l'interpella. Il me pointa alors du doigt, avec une grimace :
- Ne crois pas qu'on en a fini avec cette affaire.
Il me bouscula ensuite et rejoignit tous les coordinateurs rassemblés autour du blessé. Leur état de panique était extrême, non pas qu'ils se souciaient nécessairement du mec, seulement qu'ils avaient une responsabilité. Chaque blessure devait être reportée et donc justifiée. Le moindre acte de violence leur retombait dessus, on leur reprochait de ne pas nous surveiller assez. Alors, j'étais sûr que même s'ils venaient à apprendre la vérité, ils opteraient pour la version du simple accident.
Ma victime fut vite emmenée, sous ses gémissements exagérés, et l'on nous ordonna de regagner nos places car la conférence allait reprendre. Je lançai un regard à mon précédent emplacement où de nombreuses personnes étaient encore rassemblées. Je n'avais pas peur d'y retourner car la personne qui comptait encore me faire chier savait à quoi s'attendre à présent.
- Leander ? lança une voix stricte dans mon dos.
Je me retournai pour apercevoir Julien, accompagné de deux autres surveillants, qui me fit signe de le suivre. Je le fis sans réfléchir, il était bien le seul en qui je pouvais avoir confiance ici. Ils me guidèrent jusqu'aux premières rangées et me firent asseoir sur une chaise à l'écart des autres. C'était ce que l'on appelait ici « la place du coupable » : après une altercation, ils jugeaient toujours bon d'isoler celui qui l'avait déclenché pour éviter que ça ne dégénère à nouveau.
- J'espère réellement que tu n'y es pour rien, me chuchota Julien qui venait de se pencher vers moi. Faut que t'arrêtes de merder Lean, t'as rien à prouver à personne. Ça fait une semaine que tu es ici, une semaine ! et on entend parler de toi tous les jours. Arrête un peu de faire le caïd, ils vont te tomber dessus. T'as de la chance d'être ici, tu pourrais être en détention pour mineur alors un conseil : fais pas le malin...
Je plongeai dans son regard un moment et n'y vit que de la peine et de l'inquiétude. Il était le seul à bien me connaître, depuis ma première venue ici. Et je savais que d'une quelconque manière ça le touchait de voir comme j'avais changé. Il voulait sans doute que je me comporte comme je l'avais fait avant, que je sois un petit adolescent tout sage qui respecte les règles mais il y avait trop de choses qui avaient changé. Je ressentais le besoin d'exprimer ma haine car la garder pour moi n'arrangeait pas les choses, ça ne faisait qu'empirer.
- Tu sais quelles seront les sanctions si on apprend que ton acte était volontaire, j'ai pas besoin de te les apprendre.
Je secouai la tête avant de faire semblant de m'intéresser au grand écran sur lequel défilait déjà la vidéo. J'entendis Julien souffler et s'éloigner de moi. Je m'en foutais complètement des punitions officielles, les pires étaient celles que me réservait Jeff dans les heures suivantes ou les jours prochains.
***
En effet, la réaction du Sergent Blondie ne se fit pas trop attendre. J'avais passé le reste de la matinée auprès du chef M. Perrin, et du médecin qui avaient voulu plus de détails sur l'accident. Mais je n'étais pas très utile alors ils récoltèrent les avis des autres, dont Isaiah qui assurait au moins ma version. J'avais malgré tout déjeuner à la place du coupable et l'après-midi, j'avais encore été privé d'activités sportives m'ennuyant dans les gradins. On m'avait appris que le blessé était revenu des urgences avec pour diagnostic : certains doigts de pieds qui, en se retournant sous la chaise, s'étaient cassés. Au moins, il ne me foutrait plus son pied au cul.
Jusque là Jeff n'était pas intervenu, il ne le fit qu'au dîner. Ayant finis, je voulus sortir de la cantine mais il venait de me barrer la sortie, se postant devant la porte les bras croisés sur le torse. Il n'aurait pas dû choisir le métier de coordinateur mais de vigile, il avait déjà l'air méchant qui allait avec.
- Alors comme ça, on sait pas se tenir correctement sur une chaise ? avança-t-il. Tu vas rester ici ce soir, je vais t'apprendre.
J'observai les alentours, me demandant si les autres coordinateurs étaient au courant de ce plan foireux. Il se mit à ricaner d'une manière exécrable et me donna une tape sur l'épaule pour attirer de nouveau mon attention. Seulement par esprit de contradiction, je gardai la tête tournée sur le côté.
- Personne ne va venir te sauver, gamin ! On a décidé qu'il était temps pour une leçon de savoir-vivre.
A ces deux derniers mots, je fermai les yeux dans un élan de désespoir. Règle n.15 - Si mon comportement est désobligeant, il me sera assigné par un coordinateur soit une punition soit une leçon de savoir vivre. Il n'y avait rien de plus ennuyeux que ces fameuses leçons et j'imaginais que données par Jeff, ça devait être encore plus accablant. Et merde. Pourquoi finissait-il encore par m'avoir ?
- Déjà, tu vas t'asseoir sur la chaise là-bas jusqu'à la fin du repas ! me dit-il en désignant une chaise près d'une poubelle.
Je lui adressai un sourire qui se voulait le plus énervant possible puis fis volte face et me dirigeai vers la chaise. Je m'y laissai tomber avec négligence et, les pieds croisés, j'observai les quelques groupes qui finissaient de manger la bouffe infecte et surtout de la lancer sur les autres. Mon tour ne tarda pas à venir ; je grognai quand je reçus un bout de pain sur les genoux mais me réjouit en regardant dans la direction de Jeff. Il avait la tête tourné alors je profitai pour travailler mon lancée... avec de la croûte de pain... sur son crane ! Gagné ! Si j'avais eu la voix pour pousser un cri de victoire, je l'aurais fait. Comme il tournait la tête vers moi, je me contentai de jouer l'indifférent. Je ne pus cependant me retenir de rire quand je vis que mon geste avait incité les autres à faire de même et que bientôt Sergent Blondie fût la cible numéro 1. C'était toujours un plaisir de l'emmerder, nous étions apparemment tous d'accord sur cela.
- 50 points à celui qui l'atteint ! criaient certains.
- Dégagez-là ! s'énerva Jeff avec de grands gestes.
Ils s'en allèrent aussitôt, chahutant et rigolant à tout va tandis que ceux de corvée de vaisselle restaient. Ils étaient tous occupés à discuter avec le coordinateur qui les surveillait, alors ce n'était plus que le Sergent et moi de notre côté. Ce dernier s'était rapproché, les mains croisées dans le dos à l'instar d'un vieillard avec des problèmes de dos. Il pensait sans doute que cela lui donnait une allure impressionnante, c'était en vérité tout le contraire.
- Hollington, ce matin pendant la réunion tu te balançais. Où est-ce que tu te croyais ?
Il me regardait de haut avec dédain. Je haussai les épaules, je me croyais sur une chaise en train de me balancer quoi. Rien d'aussi simple !
- Prends la chaise, place toi au milieu ! me dicta-t-il.
Quoique sur mes gardes, je m'exécutai quand même mollement. Une fois que je fus à l'emplacement qu'il m'avait indiqué de son index, je reposai mes fesses sans attendre son autorisation ou son ordre. Il m'observa silencieusement avant de ricaner et de secouer la tête en même temps.
- Balance-toi, puisque tu aimes tant le faire.
Mon regard dut parler à ma place car Jeff se remit à rire face à ma réaction et insista pour que j'agisse. Je n'avais aucun appui là, si je me balançais, j'allais me casser la g... C'était exactement ce qu'il voulait ! En réalisant cela, je tournai la tête pour le suivre du regard, lui qui tournait autour de moi d'un pas lent. Je refusais de me faire mal mais je refusais davantage de le laisser gagner cette bataille. Si je devais tomber pour lui tenir tête, je n'hésitais pas une seule seconde.
Soufflant, je me penchai en arrière et tentai de garder constamment le bout de mes pieds sur le sol. A chaque aller et retour, je sentais la chaise et mon corps qui tremblaient en synchronisation et mon cœur qui, lui, manquait souvent la crise cardiaque.
- Tu t'amusais mieux ce matin, allez ! Plus fort, s'écria-t-il en me faisant sursauter.
Je sentis la chaise m'emporter en arrière alors je me redressai d'un seul coup, paniqué. Je n'eus clairement pas le temps de me remettre de mes émotions qu'il se remettait déjà à hurler.
- Je ne t'ai pas dit d'arrêter !
Il donna un féroce coup de pied dans le pied en bois et je me sentis à nouveau basculer. Je sautai immédiatement sur mes pieds, me retournant pour faire face à Jeff et regarder la chaise renversée sur le sol dégueulasse.
- Repose ton putain de cul là ! continua-t-il comme un stentor.
Quelques pas lui suffirent pour venir agripper mes cheveux et me faire rasseoir sans délicatesse bien évidemment. Je ne ressentais pas grand chose à ce moment, hormis de l'agacement ce qui était encore gérable. Je devais seulement faire ce qu'il me demandait, l'énerver ainsi et partir dormir. Je savais que la pire chose que puisse nous faire un ennemi était d'arrêter de riposter.
- Dépêche-toi.
Je fermai les yeux, accrochai mes mains sur ce vieux bout de bois et me mis à vaciller faisant de mon mieux pour garder mon équilibre. Mais vint le moment où mon poids l'emporta, s'écrasant finalement parterre... La première chute fût la plus percutante ; ma tête cogna gravement contre le carrelage. J'en fus quelque peu sonné mais je recommençai, et ce à chaque fois qu'il me le demanda si bien que la douleur n'était plus si importante. Dans ma tête, je l'avais déjà tué lui, assassiné ses ancêtres et toute sa descendance.
Je dus recommencer une bonne dizaine de fois, tomber comme une merde et finir par tituber tant ma tête me tournait avant qu'il ne se décide à m'arrêter. Mais, moi qui croyait être libre je tombai bien bas lorsqu'il me dit :
- Maintenant tu vas rester assis sur cette chaise toute la soirée et méditer sur la manière dont tu dois te comporter ici.
Ou méditer sur ma vengeance.
***
Après cet événement, les deux jours suivants me parurent plats.
Les moments que l'on attendait le plus mettaient souvent une éternité à arriver tandis que ceux que l'on redoutait semblaient se pointer plus vite que prévu. Telle fût ma pensée en me réveillant Vendredi matin. J'avais passé la nuit à cogiter pour trouver un moyen d'échapper à cette visite mais aucune ne me paraissait assez crédible et quelque part même si j'appréhendais énormément, je n'avais pas envie de fuir. Ça s'était passé plus d'un mois auparavant, il était temps que j'affronte la réalité, que je vois ce que j'avais causé. J'avais beau me le répéter depuis que nous avions commencé le trajet dans le van, Julien et moi, pourtant ça ne me rassurait pas. Nous étions en route depuis dorénavant deux heures, nous n'allions pas tardé à arriver ; mon anxiété dut se sentir car mon coordinateur, resté silencieux depuis, engagea la conversation :
- Ayden Gallagher c'est ça ?
Je hochai la tête sans trop d'entrain et ne lâchai pas la route du regard. Les panneaux que nous passions indiquait que la distance avec Portland, là où il avait été hospitalisé, réduisait un peu plus. Plus que 4 miles, quatre putains de miles. Je passai une main sur mon visage transpirant de stress.
- Te met pas autant la pression, me glissa Julien, ça ne se passera peut-être pas bien aujourd'hui mais tu auras le temps d'arranger la situation. Le mois prochain, ou celui d'après ou encore après ta sortie ça n'a pas d'importance du moment que tu le fais un jour.
Arranger la situation ? Pour cela il fallait qu'il me pardonne, que sa sœur et tous ses amis me pardonnent. Il fallait déjà que je sache pourquoi je m'excusais réellement, ; il y avait tant de choses pour lesquelles j'étais coupable. Je ne savais pas comment les choses avaient dérapé ce soir-là, je ne me souvenais plus de tout. Tout ce que je constatais, c'était les conséquences. Et ma faute ne laissait même pas de place au pardon.
Portland, 1 mile.
On prit la sortie suivante et l'on arpenta la grande ville pendant un petit moment avant de trouver le bon hôpital. Je soupçonnai un peu Julien d'avoir fait exprès de prendre son temps, je lui en étais reconnaissant. Mais comme l'on échappe jamais à un mauvais moment, l'on finit par s'arrêter dans le parking. Mon coordinateur me fit encore gagner un peu de temps en prétextant vouloir faire une pause cigarette et me laissa seul dans le van, pendant qu'il fumait en faisant les cent pas dehors.
Si le Dieu auquel croyait mon frère existait vraiment alors c'était le moment pour intervenir ! Mais rien et toujours rien cinq minutes plus tard. Seulement Julien qui me faisait signe de sortir. Je soufflai longuement et m'extirpai de la voiture plongeant dans l'air étouffant de Portland. Il faisait bien trop chaud ici, je manquais d'air, n'était-ce que moi ?
- Je retrouve enfin mon cher Leander émotionnel, inquiet, timide, peureux et...
Je lui donnai un léger coup d'épaule pour le faire taire bien que son énumération eût le don de me faire sourire. Il se mit à rire puis souffla un « Allez » encourageant avant de me pousser entre les portes coulissantes de l'hôpital. L'air ici était déjà plus frais mais j'en détestais l'odeur... Et l'ambiance morbide. Nous montâmes au bon service alors que mon cœur ralentissait peu à peu. Je me mis à trembler quand Julien demanda à voir Ayden Gallagher, en expliquant qui nous étions ; mon estomac se comprima lorsqu'elle nous apprit qu'il était en rééducation et qu'elle nous indiqua la salle et ma tête se mit à tourner au cours de notre trajet jusqu'à la salle. Dans le couloir, je voyais la salle au loin grâce aux quelques grandes fenêtres qui laissaient voir ce qu'il se passait dedans.
Soudain, les deux adultes qui étaient en train de regarder par les fenêtres justement se retournèrent et marchèrent dans notre direction. Je ne les avais pas tellement vu mais deux ou trois fois me suffirent pour être capable de reconnaître les parents d'Ayden. Je m'arrêtai, effrayé alors que Julien m'observait avec de grands yeux. Je ne pouvais pas le faire, je ne pouvais me pointer face à lui.
Quand les parents nous croisèrent, je vis que la mère me jeta un regard curieux mais ne sembla pas me reconnaître aussi ils continuèrent leur chemin. Sans doute devrais-je remercier ma coloration de cheveux...
- Si tu veux on peut attendre qu'il finisse, tu dois lui rendre visite, remarqua Julien, il n'est pas dit que tu dois lui parler.
Il posa sa main dans mon dos et me poussa calmement vers la salle. Nous nous arrêtâmes près d'une fenêtre, placés assez bien pour regarder dedans et pour ne pas être vus. Il y avait de nombreuses machines, la plupart occupées, et je ne trouvai pas tout de suite Ayden du regard mais une personne que je connaissais tout aussi bien. Une brune, aux longs cheveux qui bouclaient vers les pointes et prenaient une couleur plus claire. Elle était assise contre un mur. Ses grands yeux noisettes d'une tristesse et d'une fatigue extrême regardaient droit devant elle. Et son visage prenait des airs différents par moment. Mia, la copine d'Ayden. La voir comme ça me rappela le soir où voyant son copain à terre dans une mare de sang, elle s'était jetée à ses pieds afin de l'aider comme elle le pouvait. Je me souvenais de ses mains recouvertes de sang, de son visage tachée aussi. Et de ses cris, douloureux.
Je suivis alors son regard et le vis sur une sorte de tapis encadré de deux barres sur lesquelles il s'appuyait pour s'entraîner à marcher. Il était de biais alors je ne pouvais voir son visage mais son corps tremblant et ses mains glissantes trahissaient le mal qu'il avait. Voilà ce que j'avais causé.
A côté de lui se trouvait un garçon de son âge environ mais je ne le connaissais pas - heureusement. Ça devait être l'un de ses amis, il en avait des tonnes, lui. Tandis que moi j'avais tout perdu, par moi même et je ne pouvais que me blâmer. C'était moi et personne d'autre le responsable de toute cette merde.
- C'est le mec sur le tapis ? demanda mon coordinateur en me faisant sursauter.
Je le regardai un moment avant de me focaliser à nouveau sur Ayden, confirmant d'un hochement de tête.
- Je l'imaginais plus costaud pour que tu aies peur de lui à ce point, me taquina-t-il.
En vérité, Ayden était plus fort qu'il ne paraissait. Il avait le physique par sa grande taille mais surtout le mental. Il avait de la force, de l'emprise sur tout et tout le monde. C'était le leader de son groupe d'amis, les protégeant et les attaquant à sa guise. Et je savais surtout qu'il avait une forte influence sur sa sœur, c'était une des raisons pour lesquelles j'étais persuadé de ne jamais la retrouver. Elle avait été ma grande amie, Nora, mais maintenant que j'avais fait du mal à son frère mais aussi à son meilleur ami - qui s'en était mieux sorti, alors c'était terminé. Mais je n'allais pas me cacher éternellement. Elle avait été la première à me répéter de faire face à mes problèmes.
Déterminé, je contournai Julien qui m'interpella toutefois je continuai mon chemin et je poussai les portes battantes de la salle de rééducation qui se refermèrent derrière moi dans un grand fracas. À ce moment là, je maudis l'élan de connerie qui m'avait poussé à entrer. Mais j'étais con ou quoi ? J'avais eu peur de ce moment toute la semaine et à présent je me jetais dans la gueule du loup ? Ouais j'étais con. Courageux mais con.
Le brun tourna aussitôt la tête dans ma direction et ses yeux grisés éteints se posèrent sur moi puis s'illuminèrent de surprise. Le choc d'abord quand il reconnut mes yeux bleus, et la haine ensuite quand il reconnut celui qui lui avait tiré une putain de balle dans l'os du fémur.
- C'est une putain de blague ? hurla-t-il alors que j'entendais la porte se fermer à nouveau. Qui l'a ramené ? Qu'est - ce qu'il fout là ?
Il s'empressa de descendre de son tapis, ignora son ami qui lui tendait ses béquilles et fonça vers moi, en boitant terriblement. Une grimace déchirait son visage en même temps qu'il approchait vers moi ; toutefois la douleur ne l'arrêtait pas.
- Ayden ! s'écria sa copine. Arrêtes, tu te fais mal !
- Ferme-là ! beugla-t-il. C'est toi qui l'a fait venir ?!
Il voulut s'appuyer sur sa jambe droite pour faire un pas vers moi mais s'écroula sur le champ. Avant qu'il ne tombe plus bas, je me précipitai sur lui presque instinctivement puis le retint par les bras. Il tremblait tellement que j'eus du mal à le retenir d'abord puis ce fût lui qui me repoussa, préférant souffrir.
- Me touche pas ! souffla-t-il.
Ses yeux me tuèrent une bonne dizaine de fois mais lui resta silencieux. Son ami lui avait apporté ses béquilles et Mia était venu se poster à côté ; je faisais alors face aux trois mais ne bougeai pas. J'observai plutôt Ayden qui avait l'air énormément fatigué, les poches bleutés et les rides sous ses yeux étaient inquiétantes. Il était évident qu'il avait perdu du poids, ses joues creusées pouvaient en témoigner et sa silhouette aussi. Ce qui me choquait le plus n'était pas cela, non, c'était son apparence générale. Il ressemblait à un vieux loup ; un loup prêt à céder sa place de chef au sein de la meute. Il n'avait plus l'air aussi sûr qu'avant, plus aussi fort. Faible aux yeux de tous, comme il le détestait. Et je me sentais terriblement désolé pour lui...
D'une démarche boiteuse, il avança vers moi avec agilité sur ses béquilles comme s'il les possédait depuis des années. Je détestais ça, je détestais le voir comme ça là devant moi. Je me détestais moi-même d'être là, à me tenir devant lui ; tout aurait dû se passer autrement.
- Écoute, débuta Ayden en chuchotant avec un air agacé, je ne dirai rien à personne ! C'est pour ça que tu es venu n'est-ce pas ? Pour t'assurer que je garde ça pour moi ? T'as eu ta réponse, tu peux y aller maintenant.
___________________________
Helloooooooo ! Est-il utile que je présente à nouveau mes excuses, malgré les nombreuses fois où je l'ai fait ? Bref, ça y est je pense que je vais pouvoir recommencer à poster HCW régulièrement au moins jusqu'aux partiels. J'ai revu les découpages des chapitres, du coup celui-là est plus long que les autres. Manière de me faire pardonner du retard hehe. J'espère qu'il vous plaira & si vous avez des questions, n'hésitez pas car j'ai peur de ne pas être assez claire dans le passage avec Ayden.
Bye :)
/!\ EDIT ( 09: 05.15 ) : Un compte pour Ayden & Lieth vient d'être créé @GallagherTwins ; j'ai trouvé que c'était une bonne idée de "faire vivre" les personnages ( comme certains mangakas le font avec leurs persos ). Vous pouvez jouer le jeu, en allant leur poser des questions etc. Peut-être apprendrez-vous quelques secrets, qui sait ? & pour ceux qui ne les connaissent pas encore c'est le moment de les découvrir ! :)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top