27 - Wrath




- Tu n'es pas au courant ? me demanda-t-il d'une voix différente.

Je penchai légèrement la tête sur le côté, intrigué. Il n'attendait pas de réponse à sa question car il la connaissait déjà. Toutefois, il ne me donna pas tout de suite celle que moi j'attendais. Il se racla la gorge avant de se pencher sur son ordinateur. Il me jeta un dernier regard puis tapa rapidement Isaiah Price dans sa barre de recherche. S'il savait quelque chose, pourquoi ne me le disait-il pas directement ? Était-ce si grave ?

- Ils en ont tellement parlé de partout, je pensais que tu étais au courant.

Au même mot, les résultats internet apparurent sous nos yeux. J'espérais ne pas tomber sur certains mots ; j'espérais qu'il allait bien. Pourtant, les premiers liens sur lesquels je tombais mirent fin à mes espoirs. « Affaire Burket Rivers : un adolescent en grave état de santé », « Un adolescent de Burket, d'abord hospitalisé pour insuffisance hépatique, a montré des signes de toxico-dépendance », « Une collecte de fond a été lancée pour aider Isaiah Price, encore hospitalisé ». Je continuais de lire les mêmes mots sans toutefois réussir à y croire. J'essayais de contenir ce que je ressentais, la tristesse qui s'insinuait dans tout mon corps ; j'essayais de ne pas lui céder. Les articles dataient d'environ trois semaines, ça correspondait donc à notre sortie. C'était donc ça la crise qu'il avait faite dans la salle d'attente ? Allait-il mieux maintenant ?

Comme si Ayden avait entendu ma question intérieure, il remonta dans les recherches pour me montrer des articles plus récents. Et ce fut bien pire que ce je venais de lire. Tout bascula, à nouveau. « Le projet secret de Burket Rivers, à l'origine d'un problème familial ? », « Isaiah Price, le jeune en sevrage, n'est autre que le fils du directeur  du camp. Info ou Intox ? », « Breaking News : Nicolas Perrin, le directeur de Burket, confirme être le père d'Isaiah Price. ».

Insuffisance. Dépendance. Grave état de santé. Sevrage. Problème familial. Père, fils. Perrin et Isaiah. Les mots tourbillonnaient dans ma tête, ils me rendaient fous. Mes mains se mirent à trembler alors que la tristesse me quittait pour laisser place à un sentiment bien plus fort. Nicolas Perrin, père d'Isaiah Price. Fils du directeur. Je voulus prendre une respiration mais j'étais bloqué. J'étouffais et il y avait cette sensation dérangeante dont je voulais à tout prix me débarrasser. Je devais sortir d'ici. ISAIAH PRICE, FILS. Je repoussais l'ordinateur d'une main puis sautai sur mes pieds. J'avais l'impression que tout se compressait en moi, très vite se fut la pièce qui se refermait. Je me sentais comprimé alors que grandissait en moi une énergie, une force, qui n'allait pas tarder à m'échapper.

Je sortis à toute vitesse. Presque automatiquement, mes pieds me guidèrent dehors. Mais l'air ne m'apporta pas le réconfort que j'espérais. Je regardais autour de moi sans rien voir clairement, j'écoutais sans rien entendre, il n'y avait que mes émotions. Plus rien d'autre n'avait d'importance. Je ne sentais plus que mon cœur qui était prêt à s'arracher de ma poitrine, mes muscles qui se tiraient de douleur, tous mes organes qui se tordaient, et la sensation de chaleur qui me saisissait la tête. Je l'avais assez vécu pour comprendre que je faisais une crise colérique. Je détestais ces moments car j'étais spectateur de ma propre vie, mon corps prenait le contrôle et même si je tentais de me canaliser, c'était plus fort que moi. Y'avait cette impulsion naturelle qui gagnait du terrain. J'essayai de remettre de l'ordre dans mes idées néanmoins je ne me focalisai que sur une chose. Isaiah Price n'est autre que le fils du directeur du camp. Nicolas Perrin confirme être le père d'Isaiah Price.

Et comme je n'avais que les gestes pour me libérer de tout ça, je me laissai aller à la colère. Je tapai dans tout ce que je rencontrais, des murs, des poubelles, des boîtes... Mais ça ne m'aidait pas, ça ne faisait que me confiner davantage. Je continuais d'avancer dans le jardin de l'hôpital alors qu'un sanglot se bloqua dans mes poumons. Voulant y échapper, je m'en pris aux constructions artistiques qui étaient exposer. J'envoyai valser les bouts de bois et même si ça me faisait mal à certains moments, je continuais quand même. J'avais besoin d'échapper à cette sensation de chute. A la énième trahison mais certainement la pire. Isaiah était un putain de menteur. Je lui avais fait confiance et il n'avait fait que me mener en bateau. Je m'étais montré sincère avec lui, plus qu'avec n'importe qui depuis des années. Et lui m'avait raconté de la merde sur sa vie, l'histoire de sa famille, son œil, la mort de sa mère... Il avait prétendu avoir des soupçons sur la drogue alors qu'il le savait déjà depuis longtemps, il savait pour l'aile Z, il savait quel enfoiré était son père. Putain de merde !

Mes mains se resserrèrent sur un bout de bois. J'ignorai les échardes qui me rentraient dans la peau et continuai de démolir tout ce qu'il restait autour de moi. Je tombais que sur des connards depuis deux ans et ma vie ne serait jamais mieux. Je ne serai jamais mieux. Plus personne n'était digne de confiance. Et ça ne faisait que confirmer ce que je pensais déjà, ce monde était pourri. Dire que je m'apprêtai à me laisser une dernière chance... Ça ne servait à rien, je ne faisais que tomber à terre. Le cœur toujours lourd, je tapai à mains nues car je ressentais le besoin de sentir la douleur. C'était par là que j'évacuais ce que j'avais à l'intérieur, je le déversais à l'extérieur. Mon plâtre à la main gauche me protégeait et me permettait surtout de me défouler de plus en plus fort. Au bout d'un moment, mes poings commencèrent à me faire mal ce qui me fit continuer de plus belle. Je calais ma respiration sur chaque coup que je portais, toutefois ce n'était pas suffisant alors j'augmentais de vitesse, de force. Je tapai, je tapai, je tapai.

- Qu'est ce que tu fous, putain ? Eh, tu m'entends ?! s'écria une voix en même temps qu'une main m'agrippait à l'épaule.

J'eus un sursaut de surprise puis dans le même mouvement, je sautai sur mon interlocuteur. Je l'agrippai par le t-shirt avec une telle force qu'il chancela sur quelques pas. Il gesticula, essaya de se dégager de mon emprise, me bouscula. Ça m'énervait encore plus. J'allais le buter.

- Le... Lean... Leander, T-tu m'e....

La voix familière me fit lâcher prise. Je vis alors Ayden, devant moi, reprendre son équilibre et son souffle. Je n'avais pas assez fait de mal comme ça ? Je me reculai et tournai en rond, afin de reprendre mes esprits. Mais c'était plus fort que moi. Dans un élan de folie, je cognai le mur le plus proche. Je voulais souffrir, je devais souffrir. C'était ma manière de me punir d'être encore ici, de n'être pas mort ni la première, ni la deuxième fois. Parfois, il m'arrivait de supplier pour que la troisième fois soit la bonne.

- Eh, non ! Leander, non, arrête !

Je fus plaqué ventre au sol. Je voulus y échapper mais on me tenait bien trop fort. Je remuai pieds, mains et tête dans le but de me frapper jusqu'à ne plus rien ressentir. La voix rauque au-dessus de moi n'arrêtait pas de crier, créant une sorte de bourdonnement insupportable. C'était Garrett, ça ne pouvait être que lui. À 17 ans, après avoir subi plusieurs de mes crises de violence, il s'était retrouvé à apprendre comment me maîtriser.

- Je te lâche pas tant que t'es pas calmé. Redescends, ça va passer.

Totalement immobilisé, je n'abandonnai pourtant pas car la haine se faisait plus grande. Plus impressionnante. Isaiah était un menteur. Est-ce que tout ça avait compté ? Est-ce qu'il était juste dans un stupide délire de drogué ? Il s'était foutu de moi. J'étais con, je m'en voulais.

- Chut, calme-toi, me glissa mon frère à l'oreille. Écoute ma voix et calme-toi, Lean...

Sa voix devenait de plus en plus claire. La vérité aussi : Isaiah m'avait trahi. J'étais seul. Et si j'avais cru ne plus l'être durant ces trois derniers mois, ce n'était qu'une illusion.

- Tu vois, tout va bien. Je te lâche doucement, je te laisse un peu tranquille.

Il retira tout son poids de mon corps, partie par partie. Et quand il ne fut plus là, je le sentis, le trou en moi. Le vide qu'avait causé cette crise. On allait me dire que j'avais replongé, que j'avais fait machine arrière, mais j'étais satisfait. Cette distance que je prenais ça me permettait de tenir.

C'était pour le mieux.


***


Vidé de toute énergie, j'étais allongé dans mon lit. J'avais honte de m'être autant emporté, je m'en voulais de m'en être pris à Ayden dans ma fureur, et je me sentais trahi. Je n'arrivais pas à me débarrasser de ces émotions alors je n'avais envie de rien, seulement de rester seul. Beaucoup de questions me tourmentaient, toutes autour de l'honnêteté d'Isaiah. Quelques fois, je me rassurais mais une majeure partie du temps, je me convainquais qu'il s'était foutu de moi. 

S'il m'avait accosté le premier, en connaissant mon prénom, c'était sans doute parce que son père lui avait parlé de moi. Était-ce aussi pour cette raison qu'il était venu me donner des indices sur la drogue, sur l'existence d'un possible endroit secret ? Il avait prétexté que l'on s'était connus dans l'aile Z mais je n'en étais plus si sûr. Et bordel, Perrin était son père ! Qui étaient donc ces personnes sur les photos accrochées dans sa chambre, celles qu'il m'avait présenté comme sa famille ? Avait-il vraiment perdu sa mère ou sa tristesse n'avait été que jouée ? Après tout, il s'était bien inventé une vie... Sa mère accro qui s'en prenait à lui puis à son père, handicapé. Et je l'avais cru, je l'avais réconforté. Quel connard. 

Pour ne plus rien ressentir, je devais me couper du monde. Je m'apprêtai à déclencher la musique dans mes écouteurs quand la voix de mon grand frère se rapprocha de ma chambre. Il parlait à quelqu'un mais je n'entendais pas si bien jusqu'à ce qu'il s'arrête près de ma porte : « Il est resté là depuis hier, ne le prend pas personnellement s'il ne veut pas te voir ». Je m'enroulais davantage dans ma couette, ne désirant voir personne et ne voulant pas que quelqu'un me voit dans cet état. Pourtant la porte de ma chambre s'ouvrit dans mon dos. Des pas firent craquer le parquet, dévoilant finalement Ash et ses habits noirs. 

- Hey, me lança-t-il d'une voix nouée.

Je lui jetai un petit coup d'œil puis lui tournai le dos alors qu'il s'asseyait près de moi, sur le lit. Je n'avais même pas été capable de le joindre depuis sa venue ici et il revenait quand même vers moi. Il y avait quelque chose de réconfortant là-dedans. Ca m'apaisa une seconde puis celle d'après, le point dans mon estomac avait déjà repris sa place. 

- J'allais entendre que tu me contactes, comme je t'avais dit, mais les jours sont passés et je ne tenais plus. J'ai senti que je devais insister et venir de moi-même parce que j'ai rien à y perdre.

Il prit un temps pour souffler. Je soufflai aussi de mon côté, sans doute de bien-être. Les années étaient passées mais Ashiki semblait être le seul à toujours autant me reconnaître. C'était comme avant, on se retrouvait en toutes circonstances. 

- Je sais pas ce qu'il s'est passé. Aussi dur que ça puisse être, dis-toi que tu es bien plus fort toi ! Il y a rien d'insurmontable.

Je le sentis se rapprocher de moi. Je ne bougeai pas pour autant, fixant juste le mur. Peut-être attendait-il que je m'exprime... Il pouvait attendre un moment. Je ne voulais rien dire, rien faire ; je laissais juste la vie passer en espérant qu'elle emporte mes sentiments avec elle. Il reprit, d'une voix basse :

- On peut rester ici toute l'après-midi à écouter de la musique sans rien se dire et à la fin, ça ira déjà mieux. T'écoutes quoi ?

Rien. Je lui tendis mon lecteur mp3 pas encore allumé. Il le fit et enclencha la première musique avant de me piquer un écouteur. Il lâcha une petite remarque, surpris par le genre post hard-core qu'ils entendaient. C'était des mecs qui gueulaient, on qualifiait souvent cela de « bruit » mais ça n'en était pas pour moi. Je n'étais pas capable d'utiliser ma voix pour m'exprimer tandis que ces mecs, eux, criaient leur mal-être à qui voulait bien l'entendre. Alors ils étaient devenus ma voix en quelque sorte. Je me retrouvais dans leurs paroles et je me sentais un peu moins seul, un peu moins enfermé. Je n'attendais pas des autres qu'ils le comprennent, c'était mon propre réconfort. 

A mon plus grand étonnement, Ash ne me jugea pas et ne changea pas non plus les musiques. Je l'entendais même battre la mesure contre sa jambe de temps en temps. Ca me laissait penser qu'il ne détestait pas tellement ça. Ainsi, la playlist défila. Il tint sa promesse officieuse car il resta aussi muet que moi durant plus de deux heures. Quand la dernière chanson prit fin, il ne resta plus que le silence dans la pièce et dans ma tête. 

- Tu as écouté celle que je t'avais noté ?

Je secouai la tête et il ricana comme s'il s'en était douté. Il farfouilla pendant quelques secondes puis des notes de guitare retentirent. La voix du chanteur, tiède et traînante, suivit peu après. Je compris bientôt pourquoi Ash m'avait avoué penser à moi quand il l'écoutait. Je fermais les yeux, tout de suite pris par les paroles. Elles formaient une déclaration d'amitié ou peut-être plus.. C'était une promesse, celle d'être toujours là quoiqu'il arrive. Et au fur et à mesure que les mots prenaient de la profondeur, la musique montait aussi. Ce fut finalement l'explosion d'une mélodie pleine de vie, digne d'un hymne. C'était beau, bien plus que la réalité.

La musique prit fin beaucoup trop tôt à mon goût. Je me tournai enfin vers mon ami afin d'échanger un regard avec lui. Assis, il me regardait de haut, les cheveux tombant doucement vers l'avant. J'avais l'impression qu'il voulait dire ou faire quelque chose mais il resta immobile. On se contenta alors d'écouter la chanson suivante, et toutes celles qui démarrèrent après. Ce durant une bonne heure. 

Je commençais à somnoler quand il se décida à partir. Alerté par le mouvement du matelas, je tendis une main sans ouvrir les yeux et attrapai son avant-bras, puis sa main. Mes doigts se resserrèrent autour des siens, faisant naître quelque chose de singulier en moi. C'était comme la première fois où l'on s'était tenu la main. C'était doux et fort en même temps, c'était un peu mélancolique, mais c'était positif. Ca faisait un putain de bien ! Il n'y avait qu'avec Ash que je retrouvais ces émotions que je croyais perdues. Il fallait qu'il reste. 


***


En début de soirée, je descendis pour le raccompagner à la porte et découvris Nora au salon. Elle s'éloignait avec précipitation de mon frère, sûrement apeurée qu'on les voit en train de s'embrasser. Au quotidien, elle faisait de son mieux pour ne pas se faire remarquer, ce qui expliquait pourquoi elle détestait les démonstrations amoureuses. Mais ça ne me faisait toujours marrer. Je souris en la voyant rougir parce qu'elle venait de s'apercevoir que je n'étais pas seul. Elle chercha du soutien dans le regard de Garrett toutefois il se mit à rire lui aussi. Il lui prit tout de même tout de même la main avant de s'avancer vers nous. Chaque fois que je les voyais ensemble, je trouvais ça génial qu'ils se soient trouvés. Ils s'aidaient mutuellement, se complétaient, se méritaient. Et il y avait moi de l'autre côté qui bousillait toutes mes relations...

- Ca y est, tu pars ? questionna bêtement Garrett.

- Ouais, je dois y aller ! sourit Ash. Je loge chez une amie de ma mère et elle s'inquiète toujours un peu trop si je reste longtemps dehors. 

Mon frère hocha la tête puis fit la présentation entre Nora et lui. Les deux eurent l'air ravis de se rencontrer, comme s'ils se doutaient qu'ils faisaient partie des personnes auxquelles je tenais le plus. Puis, il s'en alla en dépit du regret que l'on ressentait tous les deux. Il serait resté toute la nuit s'il l'avait pu. 

La porte se ferma et je tournai aussitôt le dos à l'entrée, sinon mes yeux dérivaient toujours à l'endroit où l'accident s'était produit. Je revoyais Ayden étendu dans le sang, ça suffisait à me stresser. Je ne voulais pas risquer de faire une autre crise. D'ailleurs Nora devait en avoir entendu parler car son regard empli de pitié parlait pour elle. Elle porta une main bienveillante à mon bras.

- J'ai apporté à manger, tu veux dîner avec nous ? m'invita-t-elle. 

Tenir la chandelle et détruire leur soirée ? Non merci. 

- Allez, insista-t-elle, tu dois probablement en avoir marre de la cuisine immangeable de Gary ! 

- Ma cuisine est très correcte, protesta le concerné. Et si tu m'appelles encore une fois comme ça, je te vire de chez moi ! 

Elle ne lui laissa même pas une seconde de crédibilité puisque à peine la phrase terminée, elle éclata de rire. Il l'entraîna vers la cuisine tout en l'embêtant. Je les suivis en traînant des pieds, je n'étais pas certain de vouloir subir leur bonheur en pleine face. Mais je me surpassais et pris mon repas à leurs côtés. On finit sur le canapé, devant le premier film sur lequel on était tombés et que je n'écoutais qu'à moitié. 

Prétextant prendre le dessert, Garrett et Nora s'étaient éclipsés dans la cuisine. Je décidais alors de les laisser enfin tranquille. J'arrivai à l'étage et m'arrêtai pour la première fois lorsque mon regard se posa sur la chambre de mes parents. La plupart du temps, je sentais que je n'en étais pas capable mais il y avait des jours où j'en ressentais presque la nécessité. Je comblai la distance et me dégonflai aussitôt que ma main entra en contact avec la poignée. Mon cœur s'était immédiatement serré... 

Je me détestais de ne pouvoir faire face. Ce n'était qu'une chambre, c'était stupide. J'étais stupide. De nouveau contrarié, je me laissai tomber sur mon lit. Ces dernières semaines avaient été particulièrement chargées, c'était quand même étonnant que je n'ai pas craqué avant. Peut-être que c'était la trahison de trop... Celle qui me touchait réellement. Mes pensées dérivèrent encore sur ce sujet que j'avais réussi à ignorer tout l'après-midi.






- Tu permets ? surgit soudainement une voix. 

Je ne savais pas depuis combien de temps, j'avais divagué mais ça paraissait être passé à toute vitesse. Nora se tenait à l'entrée de ma chambre, mon ordinateur portable plié dans les mains. Elle accompagna ses paroles d'un sourire sincère. Je lui fis signe de venir, ce qu'elle fit en prenant soin de fermer la porte derrière elle. Elle me rejoignit le lit et partagea un long regard avec moi.

Dès lors, je savais qu'elle venait me servir un de ces discours sérieux dont elle était spécialiste. Elle trouvait toujours les mots qui me faisait réfléchir. Je regrettais d'avoir arrêter de l'écouter du jour au lendemain. 

- Ayd m'a raconté ce qu'il s'est passé hier et il a à tout prix voulu que je vienne te parler. Il m'a dit que t'étais en colère et qu'il fallait pas te laisser comme ça, m'avoua-t-elle. Mais maintenant que je te vois, tu m'as l'air... absent ; ça m'inquiète. 

Je haussai les épaules, juste pour ne pas laisser le silence en guise de réponse. Elle eût ce petit rictus triste aux lèvres que je connaissais bien. Elle n'insista pas plus, ouvris plutôt l'ordinateur et le tourna vers moi, en ajoutant : 

- Il faut que tu regardes ça. 

Elle enclencha le début de la vidéo, où l'on voyait une dame noire assez âgée. Elle semblait l'avoir tourné elle-même, chez elle, devant sa caméra personnelle. Et je fus marqué par la tristesse visible dans des yeux qui m'étaient familiers. Isaiah... Elle fondit en pleurs quand elle ouvrit la bouche mais qu'aucun mot ne semblait sortir. Elle reprit contenance après plusieurs seconde. 

« J'aime mon petit-fils de tout mon cœur mais je n'ai jamais pu lui apporter mon aide et je m'en veux terriblement. C'était difficile... Il a toujours eu la vie compliquée, depuis sa naissance. Ma fille était trop plongée dans la drogue pour s'occuper de lui et la sévérité de son père n'a pas aidé. Il n'a pas grandi dans les meilleurs conditions, il passait la plupart de son temps dehors pour fuir et il n'a pas eu le meilleur comportement mais je le connais... Il n'a jamais fait de mal à personne, il ne mérite pas ce qui lui a fait subir cette ordure ! Il est dans ce centre depuis ses 12 ans, parce que son père était convaincu que c'était la solution.  Si j'avais su avant... Je voudrais le sortir de tout ça maintenant que j'en ai l'opportunité mais ma fille est morte récemment et  je n'ai... Je n'ai pas les moyens de payer les frais nécessaires à son rétablissement. Il faut couvrir les soins à l'hôpital et les soins pour deux mois de désintoxication. Alors, j'implore le Seigneur et je m'adresse à vous pour que vous puissiez faire un geste de bonté. Le moindre dollar m'aiderait... Je vous en supplie. »

Je m'étais souvent demandé comment il était possible de passer d'une émotion à une autre, en faisant une croix sur la première qu'on avait ressenti. J'avais ma réponse car toute ma haine venait d'être remplacée par une grande compassion. Sûrement parce que je découvrais qu'il ne m'avait complètement menti... Ou que s'il l'avait fait sur certains trucs, c'était probablement pour se protéger. Il devait avoir du mal à faire confiance à quiconque, comment le pouvait-il s'il s'était fait trahir par ses propres parents ? Perrin était un sacré enfoiré. La grand-mère me faisait extrêmement de peine. Isaiah aussi... Il avait tellement dû souffrir toutes ces années ; il devait être encore au plus mal dorénavant. C'était pire que tout. 

Nora me caressa la jambe en voyant les larmes qui dévalaient de mes joues. Je continuai de lire l'article malgré mes yeux embués. Je fus soulagé de constater que l'appel à l'aide d'Amy Price avait été pris en compte. Les internautes avaient assemblé leur bienveillance et avaient monté une collecte de plus de 50 000 dollars. Je tombai ensuite sur une vidéo qui datait d'une semaine, où l'on voyait Isaiah faire son entrée dans un centre de thérapie. Il ignorait toutes les voix qui l'appelaient, dans l'espoir d'avoir un seul mot de sa part et continuait d'avancer, épaulé par sa grand-mère et un homme en costard. On ne voyait pas explicitement son visage car il se cachait des caméras à l'aide de sa capuche... Capuche d'un gilet qui m'appartenait. C'était le même qu'il avait porté lors de la mutinerie, je lui avais prêté. Ca suffit à me faire sourire. 

Il disparût dans le bâtiment et la voix off lança : « Isaiah serait inscrit à Burket Rivers depuis ses 12 ans, il est très probable qu'il ait subi ces drogues depuis 5 ans. Cela expliquerait sa forte dépendance. Quelques autres jeunes du camp en souffriraient aussi, à plus petit niveau, et les analyses de sang auraient révélé la présence de drogues types psychotropes dans tous les adolescents. Les  dépositions faites à la police évoquaient des injections par piqûre toutefois l'enquête s'élargit désormais à l'empoisonnement par nourriture ».

Quoi ? C'était de pire en pire. Mes larmes furent plus abondantes. Je ne les chassai pas, n'essayai pas non plus de les retenir. Si ce n'était pas ça, c'était la violence et je n'en avais plus la force. Sans réfléchir, Nora me prit dans ses bras ; elle m'y garda jusqu'à ce que ma respiration s'apaise. De 12 ans à 17 ans... Isaiah n'avait pas eu d'adolescence, c'était injuste. C'était pire que la maltraitance qu'il m'avait dit subir par sa mère. Celle-ci n'était pas que physique, elle était aussi morale. Comment avait-il tenu toutes ces années ?

Quand mes tremblements s'étaient arrêtés, Nora se recula doucement afin de planter ses yeux dans les miens. J'allais baisser la tête mais elle posa ses mains sur ma mâchoire et m'obligea à la regarder. 

- Il faut que tu le vois, Leander... Et j'ai peut-être un moyen mais ce ne sera pas tout de suite. 



*** 



Je regardais mon psy jouer avec sa stupide mèche de cheveux bouclée. Personne ne lui avait jamais dit que son tic était complètement con ? Est-ce qu'il ne consultait pas un psychologue lui-même qui avait analysé son geste et lui avait dit que ça dénotait un manque de confiance ? Parce que c'était évident. Il ne pouvait s'empêcher de prendre la parole sans enrouler sa mèche autour de son index. A la première séance, j'avais rigolé mais il m'avait balancé une réplique tranchante. Depuis je l'aimais bien et je ne ressentais pas l'envie de me foutre de lui.

Une chose était sûre, Beckergam était de loin bien meilleur que Jenson. Il était honnête. Il ne faisait que faire son boulot, dans son bureau reclus dans l'hôpital de Colhaw. Surtout, il ne disait pas de la merde. Il ne m'insupportait pas. Il s'en foutait du prétendu recul qu'un docteur devait avoir, il plaisantait, il s'égarait, il parlait de choses inutiles. Cependant, il avait tendance à toucher la vérité du doigt et ça, ça m'agaçait. 

- Tu ne peux pas revenir en arrière chaque fois que quelque chose te contrarie parce que des peines, des colères, des obstacles t'en auras encore beaucoup dans ta vie. Mais si tu ne guéris pas de tes premières blessures, tu retomberas toujours. Tu dois prendre du temps, pour toi, pour aller mieux. 

Je hochai la tête mais lui ne se focalisait que sur mes doigts serrés autour du fauteuil. Mes doigts se plantaient de plus en plus dans le cuir. Au lieu de me réprimander, il marqua des notes sur son minuscule carnet. 

- Et ce lien à la violence que tu as, il va falloir t'en séparer. Mais je dois te parler d'autre chose avant que la séance ne prenne fin. Je m'inquiète un peu plus maintenant que ton ami est revenu. Ashiki, c'est ça ?

J'acquiesçai. Il secoua la tête tout en se penchant, les coudes sur les genoux.

- Tu ne dois pas te conforter dans ce qu'il te fait ressentir, j'imagine que tu te réjouis seulement de retrouver ces sentiments qui avaient disparus. Je vais te le dire : ils ne sont pas réels... Tu te raccroches à ce que tu as connu mais ce n'est malheureusement plus d'actualité. Même s'il est de retour, que vous allez probablement réussir à redevenir amis, ce n'est pas le cas maintenant. Et toi, tu vas t'y accrocher. Mais, qu'est-ce qu'il se passera si Ashiki sort à nouveau de ta vie ?! 

Le seul fait de l'imaginer me dérangea. Je baissai les yeux pour ne pas voir ceux de Beckergam. Je connaissais la réponse autant que lui, sauf que contrairement à lui, ça me tuait de le savoir. Si Ash partait, j'allais retomber. Mais il n'allait pas le faire, plus maintenant... 



*** 


J'eus l'impression de mourir d'angoisse lorsqu'on descendit de la voiture de Nora, garée sur le parking de l'hôpital. Nous allions retrouver Ayden et Lieth, ils avaient accepté une nouvelle fois de m'aider pour que je rende visite à Isaiah. Je commençais à penser qu'ils étaient mes meilleurs alliés malgré tout ce que je leur avais fait subir. C'était pour cette raison que je redoutais particulièrement de revoir Ayden après ma crise, trois jours plus tôt. Nora avait vu mon angoisse et avait tenté de me persuader que son triplé ne m'en voulait pas, mais c'était plus fort que moi. C'était ma honte associée à ma culpabilité qui me tuaient. Ash était à mes côtés mais sa présence ne m'aidait pas davantage. Il avait tenu à m'accompagner car c'était son dernier jour ; ce soir, il reprenait l'avion pour le New Jersey. 

Au lieu d'entrer dans le bâtiment, on se dirigea vers les immenses jardins. On déambula pendant quelques minutes puis j'aperçus les deux mecs, installés autour d'une table en bois. Nora alla les retrouver joyeusement. De mon côté, je pris tout mon temps. Si j'avais pu disparaître, je l'aurais fait. En attendant l'invention de la téléportation, je me retrouvai devant les deux frères dont les visages paraissaient d'emblée froids. Lieth m'accueillit tout de même avec un sourire tandis qu'Ayden grogna une rapide salutation. 

- Il est de mauvais humeur, faut l'ignorer ! précisa Lieth. Salut l'inconnu, t'es un de ses amis du centre ? 

- Non, un ami d'enfance. Appelez-moi Ash ! 

La tête de Lieth et le regard qu'ils échangèrent avec sa sœur signifièrent beaucoup. Il s'étonnait sans doute de n'avoir jamais eu vent de son existence jusqu'à aujourd'hui.

- Ok, moi j'suis Lieth, reprit-il finalement. Lui c'est Ayden. Ouais, on se ressemble, on est tous les trois nés le même jour, je me les coltine tous les jours mais ça ne veut pas pour autant dire que je suis aussi cons qu'eux ! Tout est dit, on peut faire vite ?

Il se prit un coup de poing dans l'épaule par son frère mais réussit au moins à faire rire Ash. On prit place en face d'eux et je surpris Ayden à observer mon ami avec une sorte de méfiance. Ca me fit inconsciemment plaisir. C'était sa manière à lui de se protéger et protéger ses proches. 

- Pourquoi t'es toujours pressé ces derniers temps, d'abord ?! remarqua Nora à Lieth. Avec qui tu passes ton temps ?

- On est là pour faire mon biopic ou aider notre poulain ?

Toute la table rigola à sa remarque avant que Nora ne prenne ma défense et ne rappelle qu'une seule année nous séparait seulement. Quelques fois j'avais l'impression qu'ils étaient bien plus âgés, à cause de leur maturité. Et ces derniers temps je me sentais réellement comme un petit jeune qu'ils avaient pris sous leurs ailes. J'espérais secrètement qu'ils allaient me tirer le plus haut possible.

Les plaisanteries passées, Nora nous fit part de ce qu'elle avait prévu. Lieth, penché sur l'ordinateur, trouvait le maximum d'information ; on trouvait de multiples possibilités mais on devait en oublier d'autres. Après la mutinerie, plus rien ne nous semblait impossible. Je les écoutais parler, contester leurs idées, émettre des hypothèses... J'en avais donné une ou deux, en me surpassant à nouveau pour taper quelques mots sur l'ordinateur. J'avais au moins été récompensé par le sourire des triplés, fiers de me voir à nouveau communiquer. Ils avaient peut-être eu part que je m'arrête à cause de ma crise de colère. Je suivais les conseils de Beckergam. 

- Ca te semble faisable ?

Je fixai Nora qui venait de me proposer le plan. J'angoissais déjà à l'idée de devoir me confronter à la grand-mère d'Isaiah, m'exprimer mais savoir que j'allais retrouver Isaiah me faisait paniquer à un niveau supérieur. Il me manquait mais je ne devais pas mentir, les choses avaient changé. Est-ce que ce serait pareil pour notre relation ? J'appréhendai tout ça. J'appréhendai aussi de faire face à son souffrance, moi qui l'avait vu toujours si joyeux. Finalement, nous étions sans doute aussi brisés l'un que l'autre. 

- Mais t'es pas obligé, si tu le souhaites pas... Tu fais ce que tu veux ! m'intima Ash, à ma gauche. 

Je le regardai alors, pesant le pour et le contre.

- Tu vois pas que tu le stresses là, intervint Ayden d'un ton cassant. T'as pas arrêté de lui répéter depuis qu'on a commencé.

- Ayden, souffla sa sœur presque apeurée.

- Parce que vous lui proposez un tas d'idées, il peut se sentir emballé dans l'immédiat ou peut-être qu'il n'osera pas vous dire ce qu'il ressent. Je veux juste qu'il fasse quelque chose qu'il veut à 100%, assura mon ami. 

- Qu'est-ce que tu racontes ? Il n'a pas peut-être pas de voix mais il est capable de dire ce qu'il pense. S'il ne voulait pas reprendre contact avec Isaiah, on serait pas là aujourd'hui. 

Je posai ma main sur le bras d'Ashiki pour le dissuader de répliquer. Il ne savait pas à qui il avait affaire. Mais, il partit au quart de tour : 

- Ecoute, je le connais suffisamment pour voir qu'il stressait. Si t'es pas capable de le prendre en compte, c'est pas mon problème.

Le rire jaune d'Ayden se brisa dans sa gorge et ne dura pas longtemps. Ses yeux gris étaient maintenant empreints de méchanceté. Lieth posa une main sur son épaule qui criait haut et fort : calme-toi. Cependant, il était comme moi quand la colère le gagnait, il ne se contrôlait pas. Lui au moins avait la parole alors il se déversait en balançant tout ce qu'il pensait. 

- Tu veux peut-être une médaille, captain obvious ? T'es venu jusqu'ici pour venir étaler ta merde et prouver ton amitié avec Leander. Puisque t'es là, écoute-moi bien, déclara-t-il strictement. Tu le connaissais, tu ne le connais plus maintenant. Viens pas nous faire ton pseudo discours d'ami parce que ses seuls amis que je vois ici, c'est nous trois. Ca fait deux ans qu'on le connaît pendant que toi tu manquais à l'appel. Fais pas l'étonné, Garrett m'a parlé de toi. T'as peut-être compris qu'il stressait mais moi j'ai vu qu'il avait besoin de retrouver son pote, alors écrase-toi !

- Je me barre...

Ashiki soupira cela en se levant et il s'en alla d'un pas pressé. Je regardais les triplés, perdu. Un regard vers mon ami qui s'en allait suffit à me convaincre de le suivre. Je lançai un regard désolé à Nora avant de partir. J'avais à peine fait quelques pas que la voix d'Ayden m'interpella. Lorsque je me retournai, il avançait vers moi sans l'aide de ses béquilles avec une démarche moins chancelante. Il faisait des progrès. Ce détail me fit énormément plaisir.

Il s'arrêta à quelques centimètres de mon visage, la mâchoire serré de rage.

- Je sais pas ce qu'il compte te dire, mais ne t'arrête pas à son jugement. Choisis vraiment ce que tu penses être le mieux et nous on t'aidera. Retiens bien qu'un ami ça t'aide à surpasser le stress, pas à le fuir. 


*** 


Ash était parti encore nerveux et je reprochais un peu à Ayden de s'être comporté avec tant d'impulsivité. Mais je ne pouvais lui en vouloir pour de nombreuses raisons. La première importante était que j'étais pareil, j'étais bien placé pour savoir que sur le moment, c'était plus fort que tout. La deuxième était que ses mots m'avaient tout de même touchés. Et j'y trouvais une part de vérité... Ashiki ne me connaissait plus tellement. J'avais changé, ce que j'avais vécu m'avait fait changer ; il ne pouvait pas revenir après tout ce temps et se comporter comme si j'étais toujours le même. Puis, peut-être qu'Ayden avait également raison sur le fait qu'un ami aide à surpasser une émotion négative au lieu de t'en détourner. Surtout que je n'étais pas du genre à le faire, je fonçais plutôt dans le tas. 

A cela, s'ajoutaient aussi les mots de Beckergam. Avant le départ de mon ami, j'avais donc pris la peine d'écrire ce que je ressentais sur un papier et je lui avais donné au dernier moment, à l'aéroport. Dedans, je lui expliquais ce que j'avais réalisé avec un peu de recul. Il appartenait au passé et je m'accrochai sans doute pour cette raison. Je voulais l'avoir dans ma vie mais plus comme avant. Il fallait qu'on se retrouve petit à petit ; on devait réapprendre à se connaître. 

Avant cela, je devais me connaître moi-même. 

Avant cela j'avais certaines choses à régler, en commençant par retrouver Isaiah. 



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Hey ! Rapide mot de fin car je suis impatiente de vous faire lire ce chapitre. Il se passe tellement de trucs, j'ai hâte d'avoir votre avis. C'était la dernière révélation de l'histoire promis & je crois que je peux malheureusement confirmer qu'il ne resta pas énormément de chapitres... 

Qu'en pensez vous :  Isaiah, fils de Perrin ??? Je suis moi-même toujours choquée ahah ! La crise de Leander ? Le recul qu'il prend finalement sur toute la situation + sa relation avec Ash ? La réaction d'Ayden à la fin ??? Je veux touuuuut savoir.

AUSSI, j'ai écrit la lettre qu'a écrite Leander à Ash. Voulez-vous que je la poste en bonus ?? Elle marquera le début d'une liste de lettres adressées aux proches de Lean. 

Merci pour votre soutien dernièrement, merci d'endurer mes cliffhangers ahah ♥ 

Tschuuuusss !

PS : toujours le même, je n'ai pas encore tout corrigé ! 

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