23 - Uprising
Ils venaient de rattraper la longueur d'avance que nous avions pourtant prise. Quelle merde !
Plus je fixais Salomon, plus je retrouvais néanmoins mon calme. On ne pouvait s'arrêter à ça, il fallait retourner toute la situation à notre avantage. On l'avait bien fait jusque-là. Ils évacuaient notre seule preuve mais nous donnaient en même temps un joker. Ils nous offraient des alliés supplémentaires, et avant tout des portes-paroles précieux.
Je m'aperçus que je m'étais arrêté de marcher quand il posa ses yeux sur moi. Un court instant j'eus l'espoir fou qu'il me reconnaisse mais il se contenta de me regarder quelques secondes de plus, puis baisser la tête, comme intimidé. Je ne voyais plus l'adolescent semblable à tous, je voyais un gamin... Un jeune à peine âgé de 12 ans que l'on avait détruit. On avait piétiné ses espoirs, ses chances de se rattraper, on avait sali son âme. A ce moment, je me rendis compte que lui rendre justice était bien la meilleure des vengeances. Pour lui, pour moi, pour tous ceux à qui l'on avait faire croire qu'ils ne valaient rien.
On devait le faire pour leur prouver que s'ils ne voulaient pas de nous, nous allions tout de même trouver notre place dans ce monde. Il ne fallait pas cacher les fêlures, contrairement à ce que s'évertuait à faire la société, il fallait s'en accommoder, vivre avec. Ma rébellion reprenait des forces, entraînée par mon flot de pensées. Il était impossible que l'on s'arrête à cela, on allait rebondir et j'avais déjà ma petite idée. Le plus dur restait à la communiquer aux autres...
Dans ces moments-là, mes limites s'imposaient à moi et me rabaissaient au plus bas niveau. J'étais prêt à tout mais mon silence m'empêchait toujours d'aller jusqu'au bout. C'était ridicule. Je n'étais qu'un faible.
- Leander ? surgit une voix familière à mes côtés. Qu'est-ce que tu fais ? On t'attend.
Les paroles d'Isaiah s'accompagnèrent de sa main qui vint se poser contre mon épaule. Je tournai la tête vers lui et rencontrai son regard soucieux. Il fit un petit mouvement de tête pour m'inciter à m'exprimer d'une quelconque manière. Je n'avais qu'à sourire, froncer les sourcils, grimacer pour qu'il tente de l'interpréter. La dernière personne qui m'avait autant compris sans faire d'efforts était Nora, maintenant il prenait la relève et je devais m'appuyer sur lui.
- Ça ne va pas ? reprit-il plus doucement cette fois.
Non. Il m'observa secouer la tête avec inquiétude à présent. D'un nouveau mouvement, je lui indiquai Salomon assis sur le canapé. Isaiah suivit mes yeux et prit un moment pour le fixer avec précaution puis il me jaugea à mon tour. Il lui fallait bien plus. J'attrapai alors son poignet, ce qui était maintenant notre petit truc personnel, et laisser mon pouce tracer un Z.
- Comment ça ? T'en es sûr ?
J'acquiesçai sans attendre une seconde supplémentaire.
- C'est le seul ?
Je déclinai et son visage s'illumina, joignant toutes les suspicions qui avaient sans doute aussi fleuri dans sa tête. Il devina que la deuxième personne était le fameux Dennis dont le retour provoquait beaucoup d'enthousiasme. Je lui montrai discrètement la troisième personne. Et il devait en avoir d'autres mais je n'avais pas eu le temps de voir ou mémoriser tous les visages. Dans les prochains jours, le reste de l'aile Z devrait continuer d'arriver.
Après un coup d'œil circulaire dans la salle, Isaiah alla s'asseoir près de Salomon. Ce dernier cachait son visage sous ses mèches blondes, il restait recroquevillé comme si son maigre corps pouvait le protéger de quoique ce soit. Je me postai pas très loin, souhaitant écouter la conversation que mon ami lança :
- T'es nouveau ici ?
- Non, j'étais en isolation, répondit le garçon d'une voix droite.
- Pendant longtemps ? Parce que je t'ai jamais vu ici et je suis à Burket depuis des mois.
- Je sais pas. Je... Je sais plus.
- C'est pas grave, lui sourit le métis. Tu sais encore ton prénom, j'espère ?!
Salomon afficha un petit sourire et se présenta. C'était idiot mais voir Isaiah faire preuve d'autant de douceur me réchauffa le cœur ; c'était une des raisons pour lesquelles je l'appréciais autant. Il était bon, naturellement, même si la vie lui avait infligé de grandes douleurs. Il affrontait tout avec calme et positivité.
- On joue avec mes potes là-bas, si tu veux venir ! continua-t-il.
- Je suis un peu fatigué, je préfère rester ici.
Isaiah parût déçu de rater une telle occasion de nous rapprocher de lui mais il n'insista pas. Lorsqu'on fut devant Clayton et Regan, leurs regards nous incendièrent aussitôt. Nous avions perdu dix minutes de notre temps mais ce qu'on - enfin ce que Isaiah leur apprit les fit tout de suite changer d'avis. Notre plan changea donc entièrement. On comprit que le camp allait employer les grands moyens pour cette Journée Famille ; ils n'allaient rien laisser passer. En aucun cas, ils n'allaient la chance à un seul débordement. Notre nouveau plan ne dépendait plus de nous mais d'Ayden et de ses triplés. Je croyais en sa promesse, ils allaient nous aider.
Au dîner, Isaiah et moi fûmes surpris de voir Salomon se poser à notre table au milieu de l'équipe de rugby. Et bien qu'il ne laissait pas transparaître ses émotions, on le vit tout de même prendre un peu d'aise grâce aux mecs. On apprit également quelques détails sur lui : dès qu'il avait eu 12 ans, il avait été envoyé ici par sa mère qui n'arrivait pas à gérer ses sept enfants. Elle pensait qu'il trouverait, à Burket Rivers, une figure paternelle et tous les apprentissages dont il avait besoin. Plus effrayant encore, il considérait que c'était une réussite. Il avait souvent répété qu'il était dorénavant quelqu'un de bon. Et dans la plupart de ses mots, j'avais reconnu les devises de l'aile Z.
Ils étaient parvenus à lui faire un lavage de cerveau. Ils avaient fait de ces jeunes de véritables machines. C'était l'occasion pour nous de renverser la situation à la Frankenstein, l'invention se retournait contre le maître.
***
Les quatre jours restants étaient passés. Nous étions officiellement le 15 mars depuis quelques minutes et dans plusieurs heures, tout allait basculer... D'une bonne ou d'une mauvaise manière.
Je ne savais pas si Isaiah, Regan, Clayton, et les trois autres garçons dans la confidence arrivaient à dormir cependant c'était bien impossible pour moi. J'avais soit trop chaud, soit trop froid, je me retournais dans le lit sans trouver de position confortable, j'avais soif... Je savais surtout que la principale raison était l'angoisse. L'angoisse de rater et peut-être aussi celle de réussir. Et de me surpasser.
Toutes les scènes possibles tournaient encore et encore dans ma tête. Aucune ne menait à un bon résultat. Je n'arrivais pas à me convaincre que notre plan allait fonctionner tant j'étais habitué à l'échec. Pourtant, ça devait le faire car sinon tout se retournerait contre nous. Si l'on échouait et les deux mois qu'il me restait se prolongeaient ? La seule idée de devoir passer plus de temps ici me donnait envie de dégueuler.
Mal à l'aise dans mon lit, je me levai pour parcourir la petite chambre de long en large. J'avais tout prévu. Début Avril, je sortais et je me tenais à carreau. J'avais perdu des mois de cours donc je pouvais tout reprendre à la rentrée prochaine. Ça m'éloignait des cons du lycée qui m'avaient poussé à bout. Mais rien ne pouvait m'éloigner de moi-même, alors je comptais m'occuper pour combler le vide. Courir, remonter dans l'estime de mes proches, me faire pardonner... Etre un meilleur petit et grand frère. Etre une meilleure personne. Toutes ces nouvelles résolutions, je ne voulais pas les perdre.
Je ne voulais pas faire souffrir mon entourage davantage. Mon oncle et ma tante ne devaient plus se faire de soucis pour moi ; mon frère n'avait pas à jongler entre son avenir et mon présent par ma faute et ma sœur ne devait s'occuper que de son enfance au lieu de veiller à mon bonheur. Je les rendais malheureux, ça n'avait jamais été mon intention. J'avais juste été aveuglé par ma colère tournée vers eux et moi-même. Maintenant que je l'avais déplacée, tout me semblait évident. J'avais toujours prétendu vouloir être seul mais je n'avais cessé de les retenir. Ils n'étaient pas responsables de mon malheur ; j'en étais le seul coupable.
Notre mutinerie allait se dérouler comme il le fallait. Et si la vie avait la moindre chose à nous offrir c'était bel et bien un semblant de justice. La preuve que quelques fois l'espoir pouvait triompher.
Je souhaitais saisir cette dernière chance et en sortir vainqueur.
***
Le matin, la fatigue due à la nuit blanche s'ajouta au stress. J'étais dans tous mes états et je contenais tout en moi au maximum. J'avais sauté le petit déjeuner, pas certain de pouvoir tout garder dans mon estomac. Je ne retrouvai ma petite équipe qu'une heure après lorsqu'on fût rassemblés dans le hall. En rangée, dignes de petits soldats, nous écoutions Perrin nous présenter le programme de la journée. Nous avions deux heures pour ranger le camp et le « faire briller comme à ses premiers jours ». Puis, dès 13h la Journée Famille commençait.
- C'est un événement important pour vous comme pour nous, récita Perrin. Nous comptons sur votre attitude exemplaire, votre sérieux et votre maturité !
Sa petite troupe de coordinateurs était derrière lui, au complet. Elle paraissait préparée à toute sorte d'incidents. Même Hunter avait perdu son amabilité. Quelques psychologues étaient présents mais McAlafy manquait à l'appel. Je ne savais pas encore si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Mais même ce petit détail m'inquiétait. Mes muscles restaient tendus sous la pression. Si je ne gardais pas un air neutre, j'allais rapidement me faire remarquer ; d'autant plus qu'ils devaient garder un œil ferme sur moi. Toutefois, c'était dur de lutter contre cette horrible peur qui s'insinuait dans mon corps pour le paralyser.
- Attendez vos responsables respectifs dans vos couloirs, termina le chef qui s'en allait aussitôt.
Je suivis le mouvement vers mon dortoir, là où les mecs se mettaient automatiquement en file. Jeff, Hunter et Julien ne tardèrent pas à nous distribuer les tâches ménagères à chacun. Et je me retins d'échanger un regard avec Regan lorsqu'ils nous informèrent que notre aile était aussi chargée de nettoyer puis organiser le réfectoire. La première perche était tendue, c'était parfait.
Une fois le dortoir propre, on fut envoyés à la cantine. Ils nous dictèrent le rangement nécessaire, nous faisant dresser plusieurs rangées de chaises face au mur blanc du fond. Regan se proposa volontiers pour installer le rétroprojecteur. Je le regardais, le sourire aux lèvres. Pour l'instant, rien ne semblait se mettre en opposition à notre plan. Mais l'après-midi n'avait pas encore commencé.
Plus je voyais les aiguilles de l'horloge avancer, plus je me sentais oppressé par mes propres émotions. C'était d'abord parti de mon ventre puis ça remontait jusqu'à ma gorge, me donnant la folle impression d'étouffer. Alors, j'observai les jeunes qui m'entouraient et tentaient d'y trouver de la force puisque tout ça c'était pour nous. En cas d'échec, j'aurais au moins été sûr d'avoir tout essayé.
Quand je vis le Sergent Blondie venir dans ma direction, je m'empressai de continuer ma tâche. Il se posta près de moi, le regard perçant droit devant lui.
- T'as fini de rêvasser ?! m'asséna-t-il.
Je hochai la tête même s'il ne le vit pas.
- Je sais que tu te crois plus malin que les autres, Hollington, mais il y a bien une raison pour laquelle Perrin dirige ce lieu depuis des années... Il va veiller à ce que des gamins dans votre genre ne lui enlèvent pas ça. Ne fais pas le con !
Je restai neutre afin de ne pas laisser la joie transparaître sur mon visage. La première étape se passait comme l'avait prévu Clayton : l'inspection des chambres. J'avais dissimulé un papier dans ma chambre, assez bien pour que ça paraisse réaliste mais pas trop compliqué pour que ce soit accessible au maigre cerveau de Perrin. C'était une feuille déchirée sur laquelle était écrite une partie du faux plan. Nous avions pris cette décision « poker » : s'ils trouvaient le papier nous gagnions un avantage sinon la situation ne bougeait pas. Apparemment, la chance se positionnait de notre côté.
Ce qui m'étonnait le plus était l'avertissement de Sergent Blondie. Pourquoi m'aidait-il en me faisant part des soupçons du chef ? Peut-être nous aidait-il tous... Après tout, nous ne savions pas encore son degré d'implication dans l'aile Z. J'espérais qu'il n'y était aucunement lié, juste pour me prouver que tous les adultes du camp n'étaient pas pourris.
Je l'ignorai finalement et m'éloignai pour placer les dernières chaises manquantes. Cette activité me permit ainsi de m'occuper pendant un petit moment. Midi sonna très vite. Le déjeuner nous fit rapidement distribué au terrain de sport et ils nous laissèrent une demi-heure pour nous préparer. Je m'en foutais complètement pour ma part. Je prévoyais de garder mes habits maintenant poussiéreux jusqu'à ce que Regan me réprimande. Il était persuadé qu'on allait passer à la TV, alors « on ne devait pas être crasseux sur les vidéos ». Autrement, il jurait de ne plus m'adresser la parole à vie. Ça me fit doucement rire mais je lui accordai ce plaisir.
Dans ma chambre, j'enfilai un polo neuf que mon frère m'avait amené et montai sur ma chaise pour apercevoir mon reflet sur la seule petite fenêtre de la pièce. En plus d'une semaine, mes cheveux avaient légèrement repoussés ; c'était encore plus ridicule que de les avoir rasés courts. Je pouvais oublier la belle apparence à l'écran, désolé Regan.
Un coup de sifflet retentit, annonçant le début imminent de l'événement. Je retournai dans le hall, le coeur ballant. Une fois de plus regroupés par aile, nous attendions. Dans le silence. C'était pire que les ordres ou les discours ridicules de Perrin. Il n'y avait plus un bruit, seulement les messes basses des coordinateurs qui bougeaient de part et d'autre de la pièce. Je risquai plusieurs regards vers Isaiah, un peu plus loin. J'avais intercepté ses yeux puis son sourire quelques minutes plus tôt. Il était si confiant, ça me donnait presque envie d'y croire à 100%. Mais je me raisonnai et gardai une part de suspicion pour ne pas finir déçu, comme à mon habitude.
- Arrête de claquer des dents, rigola Regan à ma gauche.
Je lui donnai un coup de coude avec la forte envie de lui enlever son sourire niais. Autre chose m'attira plutôt. Le brouhaha fût croissant. D'abord ce n'était qu'un bruit sourd et lointain puis, un véritable flot de paroles envahit le hall au moment où les visiteurs firent leur entrée. Je vis certains garçons se réjouir d'apercevoir leurs proches. Seuls ceux qui étaient au camp pour la première fois avaient le droit de faire venir leurs parents ou autres. Cela permettait de laisser place aux psychologues, sportifs intéressés par un possible sponsor, des parents qui voulaient des renseignements... La Journée Famille était en fait une Journée Portes Ouvertes, existant pour vanter les mérites de ce foutu camp. Son directeur envisageait tout pour gagner un max d'argent. C'était aussi à ça que l'on devait mettre un terme.
J'observai les inconnus défiler pendant des secondes qui me parurent trop longues. Et l'espoir se ralluma enfin quand arriva un énorme groupe de jeunes au milieu duquel j'aperçus celle que je cherchais désespérément. Nora, l'air impressionné, collée à son meilleur ami. Ce dernier n'était visiblement pas ravi d'être là cependant il faisait partie de ces personnes prêtes à tout pour Nora. C'était Harry, la deuxième victime de mes balles perdues. Il avait glissé une capuche sur sa tête, dissimulant par ailleurs son oreille amochée.
À leurs côtés se trouvaient des visages inconnus, d'autres familiers et je compris que Nora s'était en fait servi de son groupe de soutien dans le but d'amener le plus de monde possible - comme demandé. C'était un groupe qu'elle avait elle-même monté au lycée, un an plus tôt, et qui permettait à des jeunes de se confier soit sur internet soit lors de séances de discussion. Son initiative avait tellement connu de succès qu'elle réunissait à présent des milliers de personnes à travers différents états.
- C'est eux ? devina aussi mon acolyte.
J'acquiesçai. Tout devant, le chef des coordinateurs expliquaient aux visiteurs l'organisation du camp, le planning etc... Je voyais Nora sonder chaque visage dans l'espoir de trouver le mien puis m'adresser un sourire timide. Ses triplés n'étaient pas avec elle, ce qui semblait lui retirer de l'assurance.
- Ça m'avait manqué de voir des nanas ! Des belles filles, se rattrapa Regan en voyant mon regard lourd. Je te rappelle qu'on a pas tous la chance de faire notre petit tour à l'extérieur !
Je roulai des yeux, exacerbé. Sans que je ne comprenne pourquoi les groupes se dessoudèrent. Certains allaient à la rencontre des personnes, d'autres restaient sur le côté. Je croisai très vite les regards insistants des mecs et leur fit signe de me suivre tandis que je me faufilai dans la foule. Nous en avions tellement parlé les précédents jours qu'ils savaient exactement ce que nous devions faire, c'est pourquoi ils restèrent en retrait lorsque je fis face à mon amie et les siens. Seul Regan resta avec moi.
Dans la seconde qui suivit, Julien apparut à quelques pas de là. Il n'allait pas nous lâcher d'une semelle, c'était sûr. Mais je ne lui donnai pas d'importance et profitai du câlin que Nora voulait bien m'offrir. En m'éloignant, je remarquai que Harry me toisait de haut pourtant toute trace de rancoeur s'effaça puisqu'il me tendit sa main. Je la serrai rapidement, gêné.
- Moi, c'est Regan !
D'un air dragueur, le concerné porta sa main à l'épaule de Nora. Grosse erreur, mais je n'avais même pas eu le temps de le retenir. Elle eût un léger sursaut de recul alors que Harry se chargeait déjà de faire valser sa main. Il avança d'un pas ferme, nous surplombant alors de sa taille, et dicta :
- Garde tes mains pour toi, Regan et on s'entendra. On est là pour vous aider, ne nous donne pas une raison de faire machine arrière !
- C'est rien, assura-t-elle. Je suis Nora, lui c'est Harry et l'autre sur son portable, c'est Eliam ! On vous a aussi ramené du monde et des caméras.
Le fameux Eliam, que je connaissais déjà, repoussa ses mèches blondes pour laisser voir son regard faussement sombre. Un sourire finit tout de même par fendre son visage alors que Nora lui rendait. De son côté, Regan parût aussi surpris que moi en observant la vingtaine de jeunes derrière eux. C'était étonnant qu'ils soient parvenus à passer en tant que visiteurs.
- Vous avez pas du mal à entrer ? s'intéressa-t-il pour nous deux.
- Non pas du tout ! On est là pour un reportage, dans le journal du lycée et notre site internet.
Elle prétendit cela avec tant de conviction que c'était facile d'y croire. Néanmoins, son sourire en coin la trahissait. Je la trouvais adorable ; ce n'était pas étonnant que mon frère soit tombé sous son charme. C'était une belle personne.
- Vous êtes que tous les deux ? quémanda Harry.
- Non, les cinq autres sont pas loin derrière nous mais on veut pas se faire remarquer.
Les coordinateurs commencèrent à nous rassembler de nouveau pour faire avancer la visite dans le camp. Nous n'avions pas encore eu le temps d'en dire plus, ça suffit à me faire paniquer. Regan, lui, était plutôt serein du moins extérieurement.
- Pour la suite, si un petit métisse aux yeux bizarres vient vous voir, serrez-lui la main ! assura-t-il.
Alors que l'on s'éloignait, je lui tapai le dos pour la dénomination qu'il avait donnée à Isaiah. Son ricanement me fit tout de même sourire. Je savais qu'au fond ces petites piques qu'il se plaisait à lancer sur nous étaient sa manière à lui de nous tenir à distance. Il me disait plusieurs fois que nous n'étions pas du même monde ; il devait considérer qu'en dehors de ses murs, plus aucun lien ne nous liait, Isaiah, Clayton, lui et moi.
Il avait tort. Si nous étions tous ici, c'était bien parce qu'un même sentiment de rage nous avait habité à un moment de notre vie. Et depuis, nous ne pouvions plus nous en débarrasser.
***
Nous nous étions pas imaginé que ce serait aussi dur de communiquer avec Nora et le reste de son groupe. Pourtant, les coordinateurs veillaient à ce que l'on reste groupés, à chaque seconde. Au bout d'une heure, Isaiah ne leur avait toujours pas transmis notre message. Le goût amer dans ma bouche était celui de la défaite. Tout cela s'annonçait bien impossible.
Il ne nous restait plus que deux endroits à parcourir avant que l'on atterrisse au réfectoire. Et je sentais la nervosité des mecs de plus en plus importante. Regan ouvrait la bouche dans le seul but de se plaindre ; c'était insupportable. Si seulement, je pouvais lui dire de se la fermer...
- Je vais le faire à sa place, décida-t-il tout à coup. Quand on sera au terrain, je vais tenter.
Je haussai les épaules, peu convaincu de son choix. C'était mieux de s'en tenir au plan pour ne pas risquer de tout faire rater. Mais, il était décidé alors que nous avancions justement en direction du lieu-dit.
- C'est ici que les membres du camp passent la majeure partie de leur temps, racontait un coordinateur. Car nous considérons que le sport est une discipline vertueuse.
Le mot « membre » me donnait une terrible envie de rire. Nous n'étions membre de rien du tout, nous n'étions que des pantins abîmés, loin d'être présents de notre plein gré. Je continuai d'avancer pour me placer où Jeff m'indiquait et j'eus le plaisir d'assister au petit manège d'Isaiah avec Eliam. Il fit mine de le bousculer, de présenter ses excuses à l'aide d'une poignée de mains avant d'être réprimandé par un adulte. L'étape trois était franchie.
Je le signalai à Regan en l'incitant à regarder l'ami de Nora qui fourrait maintenant ses mains dans ses poches. Au lieu d'écouter ce qui se disait, il se pencha vers elle et lui confia quelques mots à l'oreille. Elle se contenta d'un hochement de tête. J'espérais qu'ils prendraient la peine de le lire au plus vite.
Une demi-heure plus tard, je compris que toute la peur que j'avais pu ressentir au cours de mes 16 ans n'était rien comparée à celle qui me tiraillait alors. Nous entrions dans la cantine, prêts à affronter notre destin. Serait-il de notre côté ? Ou continuerait-il de faire durer l'horreur ? Juste avant, Nora s'était servi du langage des signes pour me dire qu'ils étaient OK et que ça allait marcher. Je me répétais à moi même qu'elle ne pouvait se tromper comme un mantra indestructible. Une fois que l'animosité de ce camp brillerait au grand jour, tout devait prendre fin.
Puisqu'ils nous laissaient enfin libres, je me dépêchai de rejoindre Isaiah et Jack, en compagnie de notre équipe. Clayton, lui, s'était mis le plus près possible du rétro-projecteur avec notre cinquième « complice ». Regan n'était pas très loin, avec ses amis pour paraître naturel. Il me semblait cependant que notre plan était inscrit sur nos fronts et que le moindre de nos gestes allait nous démasquer. C'était le stress qui me torturait.
La pièce fut plongée dans le noir, seulement éclairée par les témoignages projetés au mur. Dès lors, la main d'Isaiah vint trouver la mienne contre ma cuisse et la serrer de toutes ses forces. Sur le coup, je ressentis le besoin de m'éloigner car ce contact, cette source d'encouragement, cette dernière preuve d'affection, m'était trop familier. Je me revoyais assis dans ce foutu siège d'avion, secoué dans tous les sens, la main de ma mère dans la mienne. Je revivais pour la troisième fois ce fameux calme avant la tempête. Dans plusieurs minutes, ce lieu ne serait pas aussi paisible. C'était la guerre que l'on s'apprêtait à déclarer.
Je voulais la gagner.
Je voulais la gagner.
J'allais la gagner.
Le Sergent Blondie qui passait dans les rangs se pencha vers nous et ses yeux s'écarquillèrent en s'apercevant que nous ne faisions pas grand chose de mal malgré ses soupçons. Il secoua la tête mais ne dit rien. Il continua son chemin. J'en profitais pour regarder l'avant de la pièce. Un grand nombre de coordinateurs y étaient postés, à notre plus grand bonheur. Perrin, à cause de notre message, était persuadé que nous allions tenter de sortir par la porte de secours qui s'y trouvait. Il avait alors former son petit mur de défense. Seuls Jeff et un autre coordinateur baraqué longeaient le réfectoire sans arrêt. Mais l'arrière de la salle et surtout le rétro-projecteur étaient libres d'accès.
La vidéo défilait, elle paraissait ne jamais vouloir prendre fin. L'écran noir de transition s'éternisait parfois un peu trop longtemps, donnant presque une fausse alerte. Je me redressai à chaque fois et Isaiah se tendait tout autant. Heureusement, Clayton nous indiquait que ce n'était pas encore le moment.
En réalité, il n'eût pas besoin de nous donner le top départ. Les lumières s'allumèrent alors que mon cœur, lui, s'éteignit. La seconde d'après, Andrew - notre sixième allié - et ses amis se ruèrent sur la porte de secours. Les lumières furent de nouveau éteintes alors que Regan se mettait déjà à scander les devises de l'aile Z, précieusement apprises grâce à Salomon. Automatiquement, les garçons qu'ils avaient fait remontés le suivirent. Quelques jours avaient suffit pour les mettre dans nos poches. Ils ne savaient pas tellement les raisons pour lesquelles ils faisaient cela puisqu'ils n'en avaient aucun souvenir. Mais on les avait convaincus que c'était important qu'ils crient la devise le plus fort possible.
On vit la salle se séparer en plusieurs petits groupes. La plupart des garçons ne comprenait pas ce qu'il se passait ; ils essayaient de ne pas se mêler à l'action. D'autres, s'y joignirent plus amusés que conscients de ce que ça signifiait. C'était exactement ce à quoi l'on s'attendait.
JE DOIS ÊTRE BON.
Il y eût un mouvement de foule car beaucoup se précipitèrent sur la porte du fond dans le seul objectif de foutre le bordel. Je n'avais pas senti la main d'Isaiah me lâcher, je m'en aperçus seulement quand je trébuchai. Je me relevai tout de suite, bousculai tout le monde sur mon chemin afin d'atteindre la porte d'entrée que je secouais de toutes mes forces. Elle ne s'ouvrait pas. Et comme pour confirmer mon espoir, je vis la tête de Lieth apparaître derrière le carreau. Il me leva son pouce, avec le même sourire de fierté que ses triplés.
JE DOIS ÊTRE JUSTE.
Je remarquai qu'un adulte se trouvait à ses côtés, équipé d'une caméra professionnelle. Au même moment, la fenêtre fut recouverte par une photographie, une de l'aile Z qui avait été agrandie. Bientôt, toutes les fenêtres furent ornées d'une photo différente. Je me retournais alors pour voir que les mêmes photos et la vidéo que j'avais faites étaient projetées sur le mur, provoquant des cris de stupeur chez les visiteurs. Je me demandais si certains parents reconnaissaient leurs enfants, s'ils voyaient les zombies qu'ils étaient devenus.
JE DOIS FAIRE HONNEUR À MON PAYS.
Clayton usait de ses facilités informatiques quand un coordinateur l'empoigna et l'éloigna du rétro-projecteur et de l'ordinateur. Immédiatement, je me précipitai vers eux mais je fus projeté au sol, confronté à un homme bien plus fort que moi. Des garçons qui n'en rataient pas une pour se battre sautèrent sur l'adulte et l'immobilisèrent. Ici, on pouvait au moins compter sur la solidarité lorsqu'il était question de s'en prendre à l'autorité. Clayton avait alors repris son poste, essayant de bloquer l'accès et laisser la vidéo tourner en boucle.
JE NE DOIS CAUSER DE MAL À AUTRUI.
Les visiteurs étaient comme scotchés aux murs, hormis le groupe de Nora qui circulait pour filmer ou photographier comme de fidèles paparazzis. Je comptais me diriger vers elle toutefois je fus coincé sur le côté par Julien et M. le pédophile. Perrin était posté derrière eux et m'assassinait de ses yeux. Lui qui avait toujours été confiant semblait être habité par la peur. Peur de perdre le contrôle. Semblable à celle que j'avais ressentie ces derniers jours mais c'était terminé, je n'avais plus peur maintenant.
- Tu vas arrêter ça, tout de suite ! cracha-t-il. T'entends ?
Je secouai la tête et le coup ne se fit pas attendre. Mais cette fois, ce ne fut pas moi qui le donna. La douleur se propagea tout le long de ma joue, jusqu'à mon œil. Je ne leur donnai pas le plaisir de réagir mais souris plutôt. Pour le portable que brandissait un garçon devant nous. Julien le vit en même temps que moi, tapa dans l'appareil et saisit le propriétaire par le col du t-shirt.
- C'est trop tard, vous avez été vus par des centaines de personnes ! allégua celui-ci. Les joies d'internet, vous ne devez pas connaître ça, vous les monstres !
- Virez tous les visiteurs ! s'énerva Perrin.
JE NE DOIS COMMETTRE AUCUN DÉLIT OU CRIME.
Mon rire fut nerveux et incontrôlable. Ils n'arriveraient pas à sortir, tout était parfaitement bloqué. Le chef des coordinateurs s'empara de son jouet favori. Il donna un coup de sifflet qui fut englouti par le bruit. Un deuxième tout aussi inutile. Il abandonna alors au troisième et se mit à hurler « Faites les sortir » sur chacun de ses petits soldats qu'il croisait.
Enfin lâché, je partis à la recherche de Nora. Je la trouvai au bout d'interminables minutes. Elle était aux côtés de son meilleur ami, regardait avec crainte toutes les actions qui se déroulaient et grimaçait de temps à autre. Le soulagement éblouit son visage quand elle me tira près d'elle.
- On a appelé la police il y a dix bonnes minutes, vous devez tenir jusqu'à leur arrivée ! On fait tout pour que l'histoire s'ébruite. Il y a même un...
Je n'entendis pas la suite de sa phrase car un grand fracas vint briser le bourdonnement constant. Puis un cri de douleur qui me fit frissonner. Je tournai la tête et assistai au passage à tabac de Isaiah. Il gisait d'abord au milieu des chaises avant qu'un coordinateur ne le soulève pour le maintenir. Le sang ne fit qu'un tour dans mes veines.
On s'était assez fait rabaissés durant des mois. On nous avait assez traités comme des moins que rien. On avait assez subi leur violence sous prétexte de vouloir vaincre la notre. C'était terminé. Il fallait qu'on nous écoute, qu'on nous entende pour une fois et ils n'allaient pas nous empêcher.
Attrapant une chaise, je me dirigeai vers eux d'un pas déterminé même si la voix de Nora me rappelait. Une autre voix à l'intérieur de ma tête me disait d'y aller, d'agir, de nous rendre justice. Ce n'était pas vraiment une voix, c'était plus une sorte de chaleur dans mon corps dont je ne pouvais me séparer qu'en cédant à ma pulsion. C'était ce feu qui se réveillait souvent et qui me faisait devenir tout autre. La pression grandissait dans mon crane ; il n'allait pas tarder à exploser.
Mes mains tremblaient mais je levai la chaise sans une once d'hésitation pour l'abattre sur le dos d'un des coordinateurs. Il s'écroula à terre mais se releva dans un même mouvement. Ses mains furent plus vives que mon réflexe car il parvint à me saisir par la gorge. Mes yeux étaient embués de larmes à cause de la souffrance mais je tapai tout de même dans le vide. Malgré ma douleur, je me servis de ma main blessée pour donner des coups de poing à la personne en face de moi ; les attelles durent lui faire mal car il se recula. Mais je continuai, je frappai de plus en plus fort alors que l'étau s'effaçait autour de moi. Je me sentais mieux.
- Leander ! Arrête, hurlait une voix.
On essaya de me retenir, je bousculai la personne avec de grands gestes incontrôlées. Les pensées s'emmêlaient dans mon esprit. Je n'étais plus sûr d'être au bon endroit, au bon moment, mais j'étais poussé par cette envie de victoire. On devait réussir, on devait faire connaître la vérité ! La vie devait enfin nous tendre la main. Je devais comprendre. Comprendre pourquoi je n'étais pas mort dans ce crash, pourquoi je n'étais pas parvenu à me tirer cette foutue balle. Si ce n'était pas pour effectuer quelque chose de grand alors à quoi bon ? A quoi bon se battre jusqu'au bout ? Pourquoi continuer de fournir autant d'efforts.
- LEANDER !!!
Quelqu'un me serrait avec force mais sans aucune brutalité, c'était bien tout le contraire. Asséné par un coup plus moral que physique, je fis quelques pas en arrière. Isaiah se trouvait devant moi, les bras tendus et le regard désespéré. Un regard qui n'était pas posé sur moi mais sur le coordinateur à présent agenouillé, la main recouvrant son œil. Des traces de sang tachaient sa peau à plusieurs endroits. J'avais fait ça ? L'effroi jaillit d'un bon. Je la sentis alors, la douleur dans ma main gauche ; elle remontait jusqu'à mon avant-bras. Je baissai les yeux dessus, découvrant mon bandage recouvert de sang.
J'eus envie de vomir puis je voulus absolument m'en défaire. Je déchirai le bandage à toute vitesse, du moins le plus vite possible car chaque geste m'était difficile. Au même instant, Isaiah me saisit le bras et me tira à travers la pièce dévastée. Une véritable scène apocalyptique se présenta à nous. De nombreux objets cassés jonchaient au sol, les cris fusaient de partout, les bagarres continuaient ici et là, certains adultes avaient été ligotés à l'aide d'habits. Des garçons avaient écrit au marqueur des mots sur leur torse nu, sur leur visage ou sur les murs.
LES DÉVIANTS SONT VIVANTS.
VOUS NE ME FEREZ PAS OUBLIER MA DIGNITÉ.
BON. JUSTE. ET HONORABLE.
DROGUÉ, MALTRAITÉ, SUIS-JE TOUJOURS LE COUPABLE?
JE SUIS LE ZOMBIE SUR LES PHOTOS.
Ou des mots doux comme Fuck Perrin!
On se dirigeait vers les portes de secours quand elles furent secouées et violemment ouvertes. Des jets lumineux nous éblouirent ; des voix rugissantes nous assourdirent. On nous hurlait des tas de choses incompréhensibles mais je compris que l'on nous ordonnait de nous asseoir contre les murs. J'entraînai Isaiah avec moi et me laissai glisser par terre, soulagé que tout cela prenne fin.
Seulement ce sentiment ne dura pas longtemps. Les personnes qui entrèrent petit à petit portaient des tenues que je connaissais parfaitement pour les apercevoir chaque mois. Burket Rivers Security. C'était foutu ! Quelque chose se brisa en moi néanmoins je trouvai tout de même la force de me redresser, accroché à mon ami.
- Putain qu'est-ce que tu fous ?! paniqua-t-il. Les flics sont là !
Je fronçai les sourcils, perdu. Mais en effet, derrière l'équipe de sécurité du camp suivirent des policiers équipés comme s'ils allaient affronter de grands délinquants. Ils arrivaient maintenant des deux entrées, inspectant les lieux et les personnes pour ôter tout danger. C'était un ascenseur émotionnel fou que je venais de subir pendant ces dernières minutes. J'avais cru voir notre plan partir en fumée pendant plusieurs secondes et elles se rangeaient dans le classement des pires secondes de ma vie. Mais, le sentiment qui persista fut plus beau, plus fort que tous les autres. Mon cœur battait à toute allure comme s'il voulait faire entendre ma joie.
La tête d'Isaiah posée contre mon épaule, je souris sincèrement pour la première fois depuis un moment.
Une fois dehors, je respirais pleinement pour la première fois depuis des mois.
Sous les flashs de la presse locale, je me sentis écouté pour la première fois depuis mon mutisme.
Plus misérable. Juste important.
_____________________________________
Helloooooooooooooo ! De retour après un moment d'absence, comme d'habitude vous pourrez me dire. Le chapitre était prêt depuis un certain moment mais je n'en étais pas satisfaite, j'ai fait beaucoup de modifications, et je pense que j'ai enfin atteint le résultat que je souhaitais.
J'espère que j'ai bien parvenu à faire ressentir cette sorte d'effet contagieux qu'a eu la mutinerie : ceux qui savaient pourquoi ils agissaient et les autres qui ne faisaient que suivre la foule - ce sur quoi s'étaient basé les garçons pour le plan. Je ne sais pas si je suis bien parvenue à faire comprendre quel était leur plan parce que j'ai tenu à laisser du mystère jusque-là.
Si vous avez des questions ou des critiques, je vous lis et je vous prends en compte ! Mais comme d'habitude (encore une fois), la question cruciale est : QU'EN PENSEZ-VOUS ?
La bonne nouvelle est que le chapitre 24 est déjà tout prêt et que pour me faire pardonner de mon absence, je le publie demain !
Byeeeeeeeeee
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top