17 - Unrest




Fin du chapitre précédent :

Le jeune avec moi était assis sur le sol trempé et buvait avec plaisir. Ses yeux paraissaient être ailleurs, bien loin d'ici en même temps que son âme. Aucun doute qu'ils devaient les droguer pour avoir un tel contrôle sur eux. Peu de temps après, les échos de cris rauques vinrent jusqu'à nous. Je fermai les yeux alors que la phrase du mec s'imposait à moi : « Chacun de tes gestes ont des conséquences ». Je me refusai de penser à ce qu'il se passait là-bas...

Voilà, j'y étais dans l'aile Z.



Les cris persistaient toujours, perçant les murs de leur puissance.Quelques fois le silence entre deux laissait croire que tout avait pris fin mais à peine je décollais mes mains de mes oreilles que tout reprenait à nouveau. Le garçon, à quelques pas de moi, ne semblait rien entendre. Son esprit était bien trop loin de là,c'était sans doute pour le mieux. Je rêvais d'échapper à ce vacarme, à me demander si ce n'était pas mieux de les laisser me droguer. Mais je n'étais pas pour fuir.

Alors sans réfléchir davantage, j'avalai une des pilules que m'avait données McAlafy et que j'avais pris soin de cacher dans un lieu sûr,dans mon caleçon. Il ne restait plus qu'à voir si ça marchait réellement ou si Mac s'était foutu de moi... de nous. Peut-être que les minutes que j'étais en train de vivre étaient les dernières dont j'allais avoir conscience. Peut-être que les drogues de l'aile Z seraient plus fortes que ces antidotes...

Un bruit surgit près des barreaux et me fit faire un énorme bond en arrière, contre le mur. Un simple réflexe de protection. Je levai les yeux devant moi, avec inquiétude. C'était le garçon qui avait été emmené et qui avait tant crié. Il était là, affalé dans le couloir, haletant mais surtout la peau si rouge qu'elle paraissait brûlée. Son corps état secoué de spasmes et ses muscles paraissaient se crisper de plus en plus. Je le regardai avec effroi,me demandant ce qui allait suivre.

Comme pour mettre fin à mes interrogations, le coordinateur réapparut. Il ne tenait plus qu'une barre de fer et ses yeux bleus fixés sur moi semblaient me dire que c'était moi qui allait subir ses tortures à présent.

-Rentre, ordonna-t-il au mec sans me lâcher du regard.

Il ouvrit la barrière mais ne la referma pas, une fois que le concerné fût dedans. Il ne fut capable de quelques pas avant de s'écrouler à nouveau sur le sol, juste à mes pieds. Le voir aussi démuni faisait grandir cette haine toujours présente en moi, qui dormait et s'éveillait de temps à autre à l'instar d'un volcan. Et je luttai de toutes mes forces pour ne pas agir stupidement.

- Toi, tu me suis.

Il gardait sa petite barre en l'air, prêt à abattre un coup si je tentais quelque chose. Résigné, j'avançai vers lui, attendis tranquillement qu'il referme la grille et le laissai me guider jusqu'au bout du couloir. Tout était trop sombre ici, je peinais à voir où nous allions. Je me contentai de suivre ses ordres « gauche/ droite » qu'il martelait par moment. Ces sous-terrains étaient sans fin. Ils devaient bien occuper toute la surface de Burket Rivers.

Finalement,il me poussa contre une porte renforcée, les mains dans le dos et la tête contre le métal froid. Je ne pus voir le code qu'il tapa.J'entendis seulement le bruit des six touches puis celui de l'ouverture de la porte.

Lorsqu'il me poussa à l'intérieur, je fus aveuglé par la forte lumière blanche. Plus habitué à la lumière je mis un moment à pouvoir percevoir exactement ce qui m'entourait. La pièce ressemblait aux salles d'isolement du camp. Sauf qu'au centre de la pièce ne reposait qu'une chaise immense à laquelle étaient attachés des boucles en cuir.

- Qu'on en finisse vite !

Interloqué par la nouvelle voix, je me retournai immédiatement. Cependant je ne parvins pas à voir le visage du deuxième homme qui venait d'arriver. On me bouscula et l'on fit glisser un tissu autour de ma tête, me replongeant dans l'obscurité. Mais j'étais sûr et certain d'avoir reconnu les chaussures, et la voix...

Lorsque je sentis des mains se poser contre mes épaules pour me pousser en arrière, je commençai à protester. Mais les deux ayant l'avantage sur moi, réussirent à me maintenir les bras et jambes contre le siège. Je n'entendais plus que mes gémissements étouffés, ma respiration paniquée pendant que mes mains et chevilles furent attachées. Ne pas pouvoir me défendre me rendait si vulnérable, je détestais ça. Si bien que je mis un moment à me résigner, à comprendre que je n'avais aucun moyen de me détacher. Je ne pouvais aller nulle part. J'avais entendu les rires de l'un d'eux lorsque je me débattais en vain alors j'avais décidé de ne plus lui donner une raison d'être content. Je m'étais immobilisé.

Une vague d'eau gelée déferla sur mon corps. Je me tordis aussitôt ; c'était si froid que c'en était douloureux. Le tissu collait à ma bouche, je manquai de plus en plus d'air. Ma panique n'arrangeait rien à cela. J'allais m'étouffer. Très vite, je fus pris de tremblements. Mes dents claquaient fortement les unes contre les autres et je finis par me mordre la lèvre inférieure à la place afin de me contenir. Mes poings fermés, mes muscles crispés, je fis tout pour surmonter ce moment sans montrer un signe de faiblesse en plus.

- Toutes les règles que tu as pu apprendre au camp, tu les ranges dans un coin de ta tête, dicta l'un des deux. Et toutes les conneries que t'as en tête, tu les enlèves. Ici, avec nous, c'est terminé. Et quand tu sortiras de là, tu nous remercieras. Tu seras le meilleur putain de citoyen que l'Amérique ait jamais connu !

J'entendis leurs pas s'éloigner, en même temps qu'une vague de soulagement m'envahissait. Ils en avaient fini, ou presque car je reçus une nouvelle flaque glacée sur tout le corps. Je me mordis plus fort pour empêcher ma plainte de s'échapper. Je devais souffrir en silence,comme je savais bien le faire ; il n'y avait rien de mieux pour les énerver.

- Sache que tu retrouveras vite la parole quand il s'agira de nous supplier d'arrêter.


***


« Je dois être bon,

Je dois être juste,

Je dois faire honneur à mon pays.

Je ne dois causer de mal à autrui.

Je ne dois commettre aucun délit ou crime. »

La même voix lancinante répétait la même chose en boucle, dans l'audio qu'ils avaient mis au volume maximum. Je ne savais pas depuis combien de temps je me trouvais là mais j'avais atteint le stade où plus rien ne m'était supportable. Ni ce son qui me martelait la tête, ni mon corps attaqué de crampes par moment et encore moins le froid qui m'engourdissait. J'avais tant bougé que les attaches m'avaient irrité la peau. Et si la fatigue m'emportait, ça ne durait jamais plus de quelques secondes. Ces putains de connards étaient au moins assez cultivés pour savoir qu'un son répétitif et à forte puissance était sûrement une des pires tortures.

Aucune idée sur ce qu'ils essayaient de faire mais c'était certain que je n'allais pas être « bon » dès qu'ils me détacheraient. S'ils envisageaient de me faire un quelconque lavage de cerveau, ils pouvaient s'attendre à tout le contraire avec moi. Ça ne m'assagissait pas, ça me déchaînait.


« Je dois être bon,

Je dois être juste,

Je dois faire honneur à mon pays.

Je ne dois causer de mal à autrui.

Je ne dois commettre aucun délit ou crime. »

Plutôt traduire ça par je dois être une machine sans cerveau, au service de l'Etat. Je n'étais pas prêt d'être le bon citoyen que tout le monde attendait de ma part, je refusais de faire taire mes pensées, mes émotions pour les remplacer par des idées communes. Je l'avais fait assez de fois et maintenant c'était terminé. Alors quand j'aurais envie de péter un plomb, je le ferai. Quand j'aurais envie démolir quelqu'un ou d'en faire qu'à ma tête, je le ferai aussi. On ne pouvait compter que sur nous-mêmes pour se rendre justice.

Je sentis mon muscle se contracter dans ma cuisse sans que j'y puisse y échapper et subis une énième crampe qui m'arracha un gémissement. J'étais endolori ; je n'avais qu'une hâte, c'était de pouvoir m'étirer. Combien de temps allait-il encore me laisser ici ? Je n'en pouvais vraiment plus. Je tordis mes doigts, poussé par l'espoir ultime d'atteindre la boucle de fermeture. Mais rien, mis à part une douleur que je m'ajoutais à la main.

Pris de rage, je me balançai dans tous les sens. Je voulais du silence. Je voulais voir, j'en avais marre de cette obscurité. Et le tissu était trop serré autour de mon cou. Je ne respirai pas assez ! Paniqué, je manquai de plus en plus d'air. Mon cœur paniquait à son tour, si bien qu'une chaleur me monta à la tête. Je ne me sentais pas bien, pas du tout... Mon corps m'échappa totalement, entraîné dans une torpeur soudaine.


~ Je réprimai un sanglot, soufflai une dernière fois et entrai dans la maison, provoquant le grincement de la porte. Ce seul son me rappelait tellement de choses... Toutes les fois où mes parents avaient franchi le pas de la porte, toutes ces fois où je n'avais pas été assez reconnaissant de les voir. On prenait tellement tout pour acquis et le jour où ça nous glissait des mains, c'était le choc. C'était un monde entier qui s'écroulait sous nos pieds ; la vie dure mais réelle qui se présentait à nous.

- Leander? s'écria quelqu'un.

Je relevai les yeux, surpris, sur deux personnes que je connaissais bien. Ayden et le meilleur ami de Nora, Harry. Ils me regardèrent tous les deux avec étonnement puis l'un avec frayeur lorsque ses yeux glissèrent sur ma main. Celle qui s'était laissée tomber le long de mon corps avant de brandir le pistolet. A partir de là, j'eus l'impression de perdre tout contrôle. Je ne sentais plus les larmes sur mes joues, ni les soubresauts qui traversaient mon corps. Plus rien. Seulement la terrible volonté d'appuyer sur cette putain de gâchette.

Alors, je la portai à mon menton avec une détermination nouvelle. Je devais le faire vite avant que l'on ne m'en dissuade. Les regards horrifiés de deux garçons devant moi s'agrandirent quand mon index se resserra sur la gâchette. Je baissai les yeux et soufflai de soulagement. Tout allait prendre fin, j'allais disparaître de cette vie dans laquelle je n'avais pas ma place. Décidé, j'appuyai davantage mais on me fonça dedans.

Ayden tenta de m'enlever l'arme tandis que je luttai de toutes mes forces. Un vrai combat s'opéra et malgré sa force supérieure à la mienne, je ne lâchai rien. Il n'imaginait pas comme il me sauverait davantage la vie s'il me laissait juste en finir. Il ne m'aidait pas en s'opposant à moi, en me privant de la la mort.

- Éloigne-toi ! hurlait Harry à son ami. Arrêtez ! Arrêtez ça, bordel !

Je chancelai à cause de tout l'alcool que j'avais avalé toutefois je réussis à le repousser loin. Ça ne l'arrêta pas puisqu'il m'attaqua à nouveau. J'avais vu la rage dans ses yeux et je la sentais dans chacun de ses gestes. Il parvint à avoir une bonne emprise sur l'arme, mais j'y étais cramponné aussi.

- Putain mais les mecs !

Je voulus me dégager une fois pour toute, mais mon doigt toujours sur la gâchette fit partir le coup. Droit devant. Le cri de Harry traversa toute la maison alors que je le vis porter sa main à son oreille. Il recula de plusieurs mètres, comme sonné. Ayden profita de ma stupeur pour tirer l'arme vers lui et un nouveau coup de feu retentit. Nous baissâmes les yeux en même temps, là où le canon avait visé. J'étais toujours en train de chercher quand il s'écroula à terre, sur le dos. Il était toujours conscient mais ses yeux paniqués prouvait qu'il ne comprenait pas ce qui lui était arrivé.

Je restai immobile, à fixer la tâche de sang se répandre sur sa cuisse. Harry était déjà à ses côtés quand Garrett débarqua, suivi de plein de monde. Lieth me bouscula pour rejoindre son frère et je tombai à terre, vidé de toute énergie. Les cris de panique s'élevèrent alors que Harry tentait de raconter ce qu'il venait de se passer, à travers ses bégaiements. J'entendais vaguement l'un d'eux parler au téléphone, peinant à se faire entendre au-dessus de ce bruit. A cet instant, je ne ressentais plus rien. J'avais l'impression d'assister de loin à cette scène d'horreur.

Le sang d'Ayden s'était très vite écoulé sur le plancher, formant une mare impressionnante et lui fit de plus en plus perdre connaissance. Sa copine, malgré sa panique, avait suivi les ordres de quelqu'un et faisait de son mieux pour compresser la blessure à l'aide de son gilet auparavant beige. Il était dorénavant rouge sombre. Les mains de Mia le devinrent aussi et elle éclata en sanglots, désespérée. Pendant que Nora et Lieth faisaient tout pour garder leur triplé éveillé ; leurs cris me transperçaient les tympans.

Soudain, je fus soulevé du sol par deux mains puissantes agrippées à mon pull. Ma vue était floue mais je parvenais à distinguer mon grand frère. Il me secoua avec violence, en ne cessant de me crier :  « Mais qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que t'as foutu, Leander ?! ». Pris d'un élan de conscience et encore agité par l'ivresse, je fus épris d'une nausée, le repoussai et sortit à temps pour vomir. Je crachai ma honte, mon dégoût de moi-même...

Assis dans la neige, j'entendais distinctement les pleurs de Lieth qui répétait « C'est pas vrai, pas toi, pas toi ! ». Et c'était vrai, ça n'aurait pas dû être Ayden mais moi. ~


Je fus soudainement réveillé par une douleur fulgurante dans la joue. J'eus du mal à ouvrir les yeux tant la lumière était forte et ma tête tournait encore alors je mis un petit instant à percevoir le coordinateur en face de moi. Le même que tout à l'heure, tout seul cette fois. Je relevai ma tête, tiraillé par les courbatures dans ma nuque. Il me regardait du haut de sa grande taille, avec un sourire sournois.

-  Alors, on s'évanouit déjà ? se moqua-t-il. Ça ne fait que deux heures pourtant, allez encore vingt-deux heures à tenir ! Ou peut-être plus...

Son rire résonna dans la salle. Il fit glisser à nouveau le sorte de sac autour de ma tête et s'en alla. J'écoutais la porte se refermer et l'audio recommencer, à mon plus grand désespoir. Comptaient-ils réellement me laisser ici pendant une journée ?


***


Je m'étais endormi un bon nombre de fois sans pour autant atteindre un profond sommeil. De temps en temps, je m'étais recroquevillé sur moi-même pour soulager mes muscles. J'étais toujours parcouru de frissons. Je n'avais plus toute ma tête, j'entendais des bruits au-dessus du discours en continu... Des souvenirs m'assaillaient quand mon esprit dérivait un peu. J'avais même rêvé que mon père était un des coordinateurs. Que je réussissais à sortir de là et que je retrouvais ma mère. J'avais rêvé de Garrett, dans cette pièce, qui m'avait ordonné de me reprendre. J'avais revu le soir de l'accident une tonne de fois et quand le goût de sang s'était répandu dans ma bouche, j'avais réalisé que je m'étais mordu tout le long. C'était interminable. La douleur physique était combinée à la douleur morale car ils m'avaient enfermé avec mes démons.

J'avais soif, faim, et j'étais exténué. 

Je commençais à m'endormir à nouveau quand la bande-son s'arrêta et que le bruit de la porte se fit entendre. J'entendis vaguement des bruits avant que l'on me permette enfin de voir. Mes yeux asséchés piquaient et prirent encore plus de temps à s'adapter à la luminosité. En même temps, le coordinateur me détachait. D'abord les chevilles puis les poignets. J'eus un mouvement en avant mais il m'empêcha de me lever.

- Attends un peu, me dit-il.

Je remarquai soudainement sa chevelure grisonnante et tiltai que c'était un autre ; je ne pouvais plus me venger. Il s'éloigna afin de se poster près de l'entrée. Il brandit quelque chose qui me semblait être de la nourriture puis dans l'autre main, un verre en plastique.

- Tu auras ça, si tu répètes la devise.

La devise ? Leurs cinq phrases à la con ? C'était la chose la plus ridicule ! Je me relevai aussitôt mais m'écroulai au sol après deux ou trois pas ridicules. J'avais bien trop mal pour avancer plus loin. Surtout aucune force. Mes jambes et mon dos me tiraillaient mais j'ignorai tout et m'approchai à quatre pattes. Quand je voulus lui arracher le verre des mains, il fût plus vif que moi et m'asséna un coup dans les côtes, ce qui me fit tomber à la renverse. Je protégeai immédiatement ma tête, prêt à recevoir davantage.

Je l'entendis souffler avec une pointe de moquerie ; la seconde d'après, je sentis quelque chose me cogner de plein fouet, me mouillant au passage. Les yeux relevés, je l'aperçus réduire en miettes le morceau de pain qu'il avait. Un dernier regard noir à mon égard puis on me laissa seul, à nouveau. Mais au moins détaché.

Je m'empressai d'attraper le gobelet et de boire le peu d'eau qui ne s'était pas renversé. Encore lucide, je plongeai ma main dans mon caleçon et attrapai les médicaments qui y étaient planqués. Isaiah et son prétendu ami, Clayton, m'avaient inventé une sorte de ceinture à l'aide d'une bretelle fine à laquelle étaient accrochés des cordes. Une première corde pour la plaquette de médicaments et une deuxième corde pour un petit portable merdique, utile pour les photos. Ce dernier objet était entre nous, au moins on était certains que Mac nous le mettrait pas à l'envers.

Après m'être redressé et avoir regardé qu'il n'y avait aucun caméra dans la pièce, j'avalai un cachet et m'empressai de sortir le portable en priant pour qu'il marche encore en dépit de toute la quantité d'eau qu'il avait reçu. Aussi, pour que personne ne débarque à ce moment. Le dos plaqué contre le coin de mur, les battements de cœur effrénés, j'attendais impatiemment qu'il s'allume. Lorsque je vis l'écran s'éclairer, je remerciai au fond les portables de l'ancienne technologie d'être si endurants. Un peu moins reconnaissant tout de même en entendant le bruit qu'il fit en prenant la photographie.

Je le planquai en vitesse et me déplaçai vers la porte pour récupérer les miettes de pain. Je n'aimais pas jouer au pigeon mais je mourrais de faim et j'étais persuadé qu'ils ne comptaient pas me nourrir de sitôt. J'entrepris ensuite de marcher de long en large dans la pièce pour détendre mon corps et passer le temps. En même temps je me réchauffai puis me préparai au pire.

La fatigue m'obligea finalement à m'asseoir au fond de la pièce, fermer les yeux puis me laisser vaincre par le sommeil.

***

Un vacarme insupportable me réveilla encore en un sursaut. Je me redressai sur le qui-vive pour apercevoir quelqu'un à l'entrée de la salle. Encore dans le noir, je ne voyais que sa silhouette mais c'était comme une évidence, je savais qui c'était. J'en étais sûre depuis qu'il m'avait amené ici avec l'autre con.

- Viens, dicta-t-il simplement.

N'ayant aucun moyen, ni aucune envie de me rebeller, je me contentai d'obéir et me dirigeai vers lui. Il se plaça sur le côté pour me laisser passer alors je le dépassai puis, sans prévenir, l'attrapai par le cou et le plaquai contre le mur du couloir. Tout juste sous une lumière clignotante pour voir son visage. Julien. Ce n'était pas une surprise mais quand même une déception.

Il avait été le seul coordinateur sur lequel j'avais pu compter ; je n'avais plus personne à présent. Aucun adulte. C'était tous des enfoirés. Plus cruels que les jeunes de ce centre. Je lui crachai à la gueule, eus à peine le temps de m'en réjouir que je reçus un coup de poing en retour.

J'étais toujours un peu faible alors je ne résistais pas quand il me plaqua contre le mur et me ligota les mains. Une main sur mon t-shirt, il m'entraîna ensuite dans les longs couloirs de cette aile pour s'arrêter devant une pièce remplie d'un autre coordinateur et de quatre jeunes. Ces derniers avaient l'air aussi mal en point que les deux que j'avais vu en arrivant, drogués et faibles. Depuis combien de temps étaient-ils ici ?

Julien accrocha mes mains à un anneau au mur en même temps que ma panique évoluait d'un cran. J'avais été confronté à moi-même, maintenant aux autres. Quelques fois, c'était plus à craindre. Comme à cet instant, face aux zombies à leur merci...

- Vous savez ce que vous avez à faire ! s'exclama le coordinateur.

Il leur donna des objets que je n'arrivais pas à distinguer. Ils s'avancèrent vers moi à toute vitesse, des ciseaux à la main. Des ciseaux ? Je me plaquai contre le mur et alors que le premier m'attrapait l'épaule, je lui administrai un coup de pied dans le ventre. Il alla s'écraser au sol à mon plus grand bonheur mais un autre venait de me saisir par les cheveux. Je fermai les yeux, certain d'encaisser un coup. Au lieu de ça, mes cheveux furent tirés et j'entendis comme un bruit de froissement. Plusieurs mèches me tombèrent sur le visage alors je compris ce qu'ils étaient en train de faire et me débattis davantage.

Ils étaient à nouveau quatre sur moi, me maintenant de partout. L'un me serrait le cou brutalement, j'en avais du mal à respirer. Je sentis leurs ciseaux me griffer plusieurs fois alors que mes cheveux continuaient de s'éparpiller autour de moi. La boule à la gorge, je faisais tout pour lutter contre ma tristesse ; je la transformais en colère. Je me démenais pour qu'ils me touchent le moins mais ils y arrivaient quand même. Et j'étais là, à subir.

J'avais connu des humiliations au lycée mais jamais rien de tel. On t'attachait comme un piètre objet sans utilité et on te faisait vivre tout un tas de choses. D'abord tout ce temps passé dans le noir et le froid, dorénavant ça. J'aurais préféré qu'on m'achève de coup plutôt qu'on me coupe les cheveux.

- Ça suffit comme ça, s'écria Julien.

À l'instar de chiens bien éduqués, ils s'éloignèrent tous de moi et redonnèrent les ciseaux à l'autre homme qui leur donna un sac en échange. Ils en sortirent des pommes qu'ils mangèrent aussitôt. Alors c'était ça, du chantage sur la nourriture ? On nous affaiblissait pour nous diriger grâce à nos manques. C'était bas.

Le coordinateur qui m'était inconnu me rejoignit, porta ses doigts à ma mâchoire et me maintint la tête pour apporter la touche finale : il me rasa tout le reste de cheveux. Je serrai mes poings à m'en faire mal aux doigts, tentai de ne pas me laisser abattre, ignorai la douleur intérieure qui me brûlait vivant.

Mon cœur se comprima en même temps que je réprimai un sanglot. Je baissai la tête pour cacher la larme qui m'avait échappé. Je ne devais pas pleurer. Ça irait. Ce n'était pas de ma faute. J'avais fait de mon mieux.

Les souvenirs faisaient surface, encore et encore. Durant sa crise d'adolescence, Garrett avait décidé de se couper court les cheveux sur un coup de tête. Il l'avait fait de lui-même et le résultat avait été désastreux. Et pour le punir, mes parents l'avaient obligé à garder cette coupe là jusqu'à ce que les cheveux repoussent. Mon père m'avait regardé un jour et m'avait dit : « T'es beau, mon fils. Promets de ne pas faire la même bêtise que ton frère et de ne jamais massacrer tes cheveux, hein ?! ».

Je me souvenais de son rire, de son sourire lorsque je lui avais promis. Je n'avais jamais pensé que cette promesse idiote aurait son importance. Mais c'était par ce genre de petits détails que je me souvenais de mes parents. C'était tout ce qu'il me restait d'eux. Et tout le monde s'évertuait à me les enlever.

Ce jour-là, je lui avais promis de ne jamais me couper les cheveux aussi courts que Garrett l'avait fait. Et après sa mort, je m'étais promis de garder la même coupe - celle avec laquelle il m'avait vu pour la dernière fois. Avec l'idée folle que s'il me voyait, de là où il était, je restais tel qu'il m'avait connu.

Désolé papa, encore une promesse de brisée.

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Hey hey, j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop pour ces plusieurs mois d'absence ( je n'ose même pas compter ) et j'espère aussi comme d'habitude que le chapitre vous aura plu.

En plein dans l'horreur de l'aile Z, qu'en pensez-vous ? Les souvenirs de l'accident ? Y'a-t-il pire qui attend notre Leander ? Dîtes-vous que même moi quand j'écris, je me dis qu'il est dans une sacrée merde, je m'inquiète et je me demande comment il va en sortir. Puis après je me rappelle que c'est moi qui décide ahah !

Merci pour celles qui m'ont envoyé un message ou poster des commentaires pour me dire leur avis, ça m'a encouragé à travailler davantage l'histoire ! Et à sortir de ma phase de page blanche pour pondre ce chapitre :)

Byeeeeeee & bonne année à vous ! ( pour ceux qui auraient pas vu le message sur mon mur )

Nagemy_

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