Chapitre 4

Il était cinq heures précises, et l'alarme retentit dans la tour, sonnant comme une cloche de destin. Dans l'obscurité de ma chambre, je me réveillai en sursaut, étrangement pleine d'énergie après avoir passé toute la nuit à pleurer. Ce jour tant attendu, le début de ma formation de croque-mort, était enfin arrivé. Malgré la lourdeur de mes paupières, un mélange d'excitation et d'appréhension me poussait à sortir de mon futon.

Comme d'habitude, je me préparai rapidement, mes mouvements devenant presque automatiques. Mes habits civils, rafistolés au fil des années, composaient un patchwork de tissus dépareillés mais confortables. Après avoir enfilé ma tenue, je passai chez ma voisine, Madame Lambert, pour discuter de mes attentes, craintes et excitations de ce qui allait se produire aujourd'hui. La vieille dame, toujours si sage, m'accueillit avec son sourire réconfortant, bien qu'un peu fatigué par les années qui avaient laissé des marques visibles sur elle.

— Bonjour, Sully, dit-elle doucement en m'ouvrant la porte. Tu es prête pour ce grand jour ?

— Autant que possible, répondis-je en m'asseyant à côté d'elle dans son petit « salon » encombré de souvenirs. J'ai passé toute la nuit à réfléchir à ce qui m'attend.

Madame Lambert me servit une tasse de thé fumant, l'arôme apaisant de la camomille emplissant l'air. Le parfum me rappela les nombreuses matinées passées à discuter avec elle, une constante dans ma vie chaotique.

— C'est normal d'être nerveuse, ma chérie, murmura-t-elle en me prenant la main. Mais rappelle-toi, chaque grand voyage commence par un petit pas. Tu es forte et déterminée. Tu réussiras. J'ai prié pour toi, tu sais ?

— Vraiment ? Il ne fallait pas, répondis-je, le cœur serré par tant de sollicitude.

— Comment ça ? Sully, tu sais que tu es comme ma petite fille, dit-elle en me serrant la main avec plus de force. Si je prie pour toi, c'est parce que je tiens à toi et que je veux que tu réussisses. Au fond de moi, je sais que tu feras mouche et que tu atteindras des sommets. ajouta-t-elle, la voix tremblotante.

Je hochai la tête, sentant les larmes monter mais refusant de m'effondrer face à ses mots d'une extrême gentillesse et remplis d'amour.

— Merci, Madame Lambert. Vos paroles me réchauffent le cœur. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous, dis-je en serrant sa main.

Elle me sourit, ses yeux brillants de larmes contenues.

— Tu es une fille spéciale, Sully. Tu as une lumière en toi qui ne demande qu'à briller. Ne l'oublie jamais.

Nous parlâmes un moment de mes attentes, de mes craintes et de l'excitation que je ressentais. Le parfum apaisant de son thé se mêlait aux souvenirs de notre longue amitié, créant une atmosphère de réconfort et de soutien. Le doux murmure de la bouilloire en arrière-plan ajoutait une touche de sérénité à cette matinée chargée d'émotions.

— Tu sais, Sully, commença Madame Lambert en sirotant son thé, je me souviens encore du jour où ta mère a décidé que tu deviendrai croque-mort. Elle était aussi nerveuse, mais déterminée, elle savait que c'était la meilleur chose à faire pour toi et ton avenir.

— Vraiment ? demandai-je, intriguée.

— Oh oui, continua-t-elle avec un sourire nostalgique. Elle avait cette même lueur dans les yeux, celle qui disait qu'elle était prête à tout pour réussir, malgré tout ce qu'il lui était arrivé et malgré le peux de temps qu'il lui restait. Tu es sa digne héritière, tu sais.

Je sentis une bouffée de fierté monter en moi. Parler de ma mère avec Madame Lambert, qui l'avait si bien connue, était toujours réconfortant. C'était comme si, à travers ses histoires, ma mère était encore un peu présente.

— Parfois, je me demande si je suis vraiment faite pour ça, avouai-je en baissant les yeux sur ma tasse de thé. J'ai peur de ne pas être à la hauteur.

— Tu seras à la hauteur, Sully, dit-elle avec fermeté. Tu as la force et la compassion nécessaires. Et tu n'es pas seule. Tu auras des collègues, des amis, et moi, toujours prête à t'écouter et à te soutenir.

— Merci, Madame Lambert, murmurai-je, touchée par ses mots. Vous avez toujours cru en moi.

Elle posa sa tasse et me prit les mains.

— Bien sûr que je crois en toi. Tu es une jeune femme incroyable. Et tu es prête pour ce qui t'attend.

— Je suis prête, déclarai-je finalement, déterminée.

— C'est l'esprit, ma chérie, dit-elle en me souriant. Maintenant, va, et montre-leur de quoi tu es capable.

En descendant, je pensais à tout ce que Madame Lambert m'avait dit. Ses paroles réconfortantes résonnaient encore dans mon esprit, me donnant le courage nécessaire pour affronter cette nouvelle étape de ma vie. Les étages défilèrent lentement, chacun marqué par un léger frémissement de la cabine de l'ascenseur, jusqu'à ce que j'atteigne enfin le -200. Les portes s'ouvrirent, révélant un couloir faiblement éclairé.

Les murs étaient faits de pierre brute, suintant d'humidité. Des torches fixées à intervalles réguliers projetaient une lumière vacillante, créant des ombres mouvantes qui dansaient sur les murs. L'air était imprégné de l'odeur de la pierre humide, mêlée à celle de la cire des chandelles.

Je suivis le couloir jusqu'à une grande porte en bois massif, ornée de ferrures noires. En la franchissant, je découvris la salle de formation. C'était une pièce vaste et austère, avec des murs de pierre froide et un plafond voûté. Des chandeliers étaient suspendus au plafond, leurs flammes vacillantes créant une ambiance à la fois solennelle et mystique. L'odeur du vieux bois et de la cire fondue emplissait l'air, mêlée à une pointe de désinfectant qui rappelait l'importance de la propreté en ces lieux.

Nous étions dix, tous assis derrière nos tables de fortunes qui nous faisaient office de bureaux, nos visages à peine éclairés par la lumière des bougies. Je reconnus quelques visages familiers de la ville, mais la plupart m'étaient étrangers. Nous étions un mélange hétéroclite de jeunes gens, tous ici pour des raisons différentes mais partageant un même objectif.

Le silence régnait dans la salle jusqu'à ce que la grande porte en bois massif s'ouvrit lentement, résonnant dans le silence. Un homme grand et mince, vêtu du célèbre uniforme blanc impeccable des croque-morts, entra dans la pièce. Ses yeux perçants semblaient voir à travers nous, et il portait une aura de calme et de sérénité.

— Bienvenue à vous tous, dit-il d'une voix grave mais accueillante. Je suis Monseigneur Dorian, et je serai l'un de vos instructeurs cette année.

Il fit une pause, ses yeux balayant la salle pour capter notre attention.

— Vous êtes ici pour apprendre à accompagner les âmes dans leur dernier voyage. C'est une grande responsabilité, et nous attendons de vous la plus grande rigueur et le plus grand respect.

Il nous expliqua ensuite les bases de la formation, comment nous serions évalués à chaque instant pour établir notre étage de départ une fois diplômés. Pour les plus incompétents, nous pourrions commencer au -200, tandis que les meilleurs pourraient commencer au premier étage voir aux étages plus haut, au-dessus du rez-de-chaussée.

— Vous apprendrez les trois métiers : croque-mort, chauffeur de corbillard et embaumeur. Chacun d'eux requiert des compétences spécifiques, et c'est notre devoir de vous les enseigner. Les évaluations seront constantes, donc soyez toujours prêts à donner le meilleur de vous-mêmes.

Un murmure d'excitation mêlé d'appréhension parcourut le groupe. Je jetai un coup d'œil en direction de mes nouveaux camarades, essayant de deviner leurs pensées.

Divers croque-morts se succédèrent pour se présenter en tant qu'instructeurs et nous faire signer le règlement de l'institut. Le premier à entrer après Monseigneur Dorian était une femme de taille moyenne, avec des cheveux gris impeccablement coiffés en un chignon serré partiellement dissimuler sous son bonnet blanc. Ses yeux bleus étaient perçants, mais emplis de douceur.

— Je suis Madame Armand, dit-elle avec une voix douce mais ferme. Je vous enseignerai les rites et les prières nécessaires pour accompagner les défunts dans leur dernier voyage. Ce que vous allez apprendre ici est bien plus qu'un métier, c'est une vocation.

Elle nous tendit alors un petit livre qui paraissait ancien, gravé avec soin. Le document était succinct mais solennel. On pouvait presque sentir le poids des siècles et des traditions qui reposaient sur ce morceau de papier. Elle ouvrit délicatement l'ouvrage pour enfin arriver à la deuxième page et déclara :

— Vous promettez de permettre au deuxième miracle de la vie de s'accomplir. Cela signifie que vous devrez accompagner les morts vers leur nouvelle vie en leur donnant les derniers sacrements et prières pour qu'ils partent en paix, et accompagner les vivants dans la terrible épreuve qu'est le deuil.

Elle nous passa ensuite un document, plus précisément un contrat ainsi qu'une plume, pour que nous puissions signer chacun notre tour ce contrat d'engagement. Le silence était total, presque religieux, alors que nous inscrivions nos noms. La cérémonie en soi, marquait notre engagement solennel envers cette vocation sacrée. Je pris la plume avec une légère appréhension, sentant le poids de la responsabilité sur mes épaules.

— C'est un engagement à vie, murmura une des jeunes filles qui se tenait à coté de moi, en regardant le contrat. Ça fait un peu peur, non ?

— Oui, mais c'est aussi un honneur, répondit un des jeune homme qui était non loin d'elle, en hochant la tête. Nous avons la chance de faire quelque chose de significatif.

Un autre instructeur entra ensuite, un homme trapu avec une barbe grisonnante et des yeux rieurs. Il portait un uniforme Blanc orné de symboles argentés, lui travaillait dans les étages supérieurs, d'où son uniforme moins sobre.

— Je suis Monseigneur Jules, dit-il avec un sourire. Mon rôle est de vous enseigner l'art de l'embaumement. C'est un travail minutieux qui demande patience et respect. Mais avant de commencer, nous devons tous reconnaître l'importance de ce que nous faisons.

Il nous raconta une histoire poignante sur l'un de ses premiers défunts, un enfant. Sa voix devint grave et son regard se perdit dans un lointain souvenir. La salle était plongée dans un silence respectueux, chacun de nous complètement suspendu à ses lèvres.

— C'était il y a de nombreuses années, commença Monseigneur Jules, ses yeux plein d'émotion. Un petit garçon de six ans à peine, emporté trop tôt par une maladie foudroyante. Son nom était Léon. Il fit une pause, sa voix légèrement tremblante alors qu'il replongeait dans ce souvenir douloureux.

— La première fois que j'ai vu son corps, si petit, si fragile, j'ai ressenti une immense responsabilité. J'ai su à cet instant que mon rôle dépassait largement celui d'un simple embaumeur. J'étais le gardien de sa dignité, le protecteur de ses derniers moments sur cette terre.

Il regarda autour de la salle, rencontrant nos regards tour à tour, s'assurant que nous comprenions la profondeur de ses mots.

— J'ai passé des heures à préparer Léon, à nettoyer son corps avec soin, à lisser ses cheveux, à choisir les vêtements les plus doux. Chaque geste était empli de respect et de tendresse. Ses parents étaient effondrés, mais quand ils ont vu leur fils, apaisé et serein, ils m'ont remercié avec une gratitude que je n'oublierai jamais.

Le silence dans la salle était presque palpable, chaque étudiant absorbant la gravité de ses paroles. Les visages étaient empreints de respect et d'une nouvelle compréhension de ce que notre future vocation impliquait réellement.

— Vous voyez, ce n'est pas juste un travail, continua-t-il, sa voix toujours empreinte de cette gravité. C'est un service sacré. Chaque corps que nous touchons, chaque famille que nous aidons, devient une part de notre histoire. Nous entrons dans les vies des gens à un moment de vulnérabilité extrême, et notre rôle est de leur offrir réconfort et dignité.

Il fit une pause, laissant ses mots s'imprégner en nous. Je sentais une boule se former dans ma gorge, réalisant la profondeur de la responsabilité qui nous incombait. C'était plus qu'un métier, c'était une vocation, un engagement envers les vivants et les morts.

La jeune fille qui était assise à côté de moi, avait les larmes aux yeux. Elle serra ma main discrètement, et je lui rendis son étreinte. Un garçon qui qui se trouvait de l'autre côté de la salle, il semblait profondément pensif, son regard fixé sur Monseigneur Jules.

— Merci de partager cela avec nous, dit la jeune fille, sa voix tremblant légèrement. Cela nous montre vraiment à quel point ce que nous faisons est important.

Monseigneur Jules hocha la tête, son expression adoucie par un sourire triste.

— C'est important de se rappeler pourquoi nous faisons cela, surtout dans les moments difficiles. Vous aurez des jours où vous vous demanderez pourquoi vous avez choisi cette voie. Quand cela arrivera, souvenez-vous de Léon, souvenez-vous de toutes les familles que vous aiderez. Cela vous donnera la force de continuer.

Nous restâmes un moment silencieux, chacun réfléchissant à ce que nous venions d'entendre. Ce moment partagé avait soudé notre groupe, nous rappelant que nous n'étions pas seuls dans cette entreprise. Nous allions devenir des gardiens de la paix et du respect, des guides dans les moments les plus sombres de la vie des autres.

Apres cette parenthèse émouvante, Monseigneur Dorian nous fit visiter chaque étage de la tour. La tour, massive et imposante, était un véritable labyrinthe de couloirs et pièce en tout genre. Chacun de ses étages avait une atmosphère distincte, révélant les inégalités sociales même dans la mort, que je connaissait et avait vécu bien plus que quiconque.

Nous commençâmes par les étages les plus inférieurs, de -200 à -191, qui étaient gratuits pour les sans-abri et les plus pauvres. Les couloirs y étaient sombres, éclairés seulement par des bougies qui projetaient des ombres inquiétantes sur les murs de pierre et de béton brut. L'air était lourd et moisi, empreint d'une odeur de poussière et de décomposition.

— C'est ici que reposent ceux qui n'ont rien, dit Monseigneur Dorian avec une froideur étonnante. Mais rappeler vous que même dans la mort, ils méritent respect et dignité.

Comment pouvaient-ils être digne dans de telle condition...me dis-je.

Nous poursuivions notre ascension vers les étages de -190 à -100, où les caveaux coûtaient de quelques mois à deux ans de salaire. Les couloirs étaient mieux éclairés et mieux entretenus, les murs peints en blanc, bien que persillés de moisissure dans certains recoins. L'odeur était moins oppressante, mêlée de désinfectant et de légères fragrances florales. La propreté était manifestement une priorité ici... et cela se reflétait, enfin en apparence...

— Les familles ici peuvent se permettre un peu plus, continua Monseigneur Dorian, sa voix résonnant légèrement dans le couloir. Elles payent pour des caveaux mieux entretenus, mais le respect et le soin apportés restent les mêmes. Chaque défunt reçoit les mêmes rites et prières, peu importe l'étage où il repose.

Saluant les rares habitants de la tour à chaque fois que nous en croisions un. La plupart étaient des visages familiers, des résidents de longue date qui nous regardaient avec une curiosité teintée de respect. Les couloirs étaient étroits, les murs en pierre reflétant faiblement la lumière des lampes à huile suspendues à intervalles réguliers. L'air était frais, mais une légère odeur de cire et de pierre humide persistait.

Chaque fois que nous rencontrions un croque-mort, nous faisions une petite révérence. Leur uniforme noir impeccable et leur posture austère imposaient le respect. Ils nous saluaient d'un léger hochement de tête, leurs regards perçants semblant évaluer chacun de nous. Ces interactions, bien que brèves, renforçaient notre sentiment de solennité et d'importance de notre future mission.

Alors que nous montions les étages, nous passâmes devant ma propre porte. Je sentis un frisson de fierté en voyant mon nom gravé sur la plaque de métal terne, une preuve tangible de ma place dans ce vaste édifice. Peu après, nous arrivâmes devant le caveau de Madame Lambert. La porte, légèrement entrouverte, laissait échapper un faible rayon de lumière. Madame Lambert, assise dans son fauteuil usé mais confortable, leva les yeux à notre passage.

— Bonjour, Madame Lambert, dis-je en m'arrêtant un instant.

— Bonjour, ma chère Sully, répondit-elle avec un sourire chaleureux. Elle me fit un clin d'œil en me voyant toute fière aux côtés de mes nouveaux camarades.

— Voilà donc les futurs croque-morts, ajouta-t-elle, ses yeux pétillant de malice. Prenez soin de ma petite Sully, dit-elle en s'adressant au groupe.

La jeune fille, qui n'avait était toujours à mes coté, sourit en retour.

— On y compte bien, Madame. Je ne l'a connait pas très bien, mais sachez qu'elle est entre de bonnes mains.

Le jeune homme que j'avais remarquer tout à l'heure, fit un salut théâtral.

— Promis, elle sera entre de bonnes mains. Enfin, aussi bonnes que les miennes peuvent l'être ! Dit-il en soulevant ses sourcils dans ma direction.

En réponse je ne pu qu'esquisser un sourire gêné, mais le sourire que j'abordais ne voulais faiblir.

Nous rîmes tous, l'ambiance se détendant légèrement. Madame Lambert hocha la tête, son sourire s'élargissant.

— Je suis sûre que vous ferez tous des merveilles, dit-elle avec une tendresse maternelle. Maintenant, filez, vous avez encore beaucoup à voir.

Nous atteignîmes ensuite les étages de -99 à -1, où les caveaux coûtaient entre deux ans et dix ans du salaire moyen. Ici, les murs étaient décorés de fresques murales représentant des scènes paisibles de nature et de ciel étoilé. Chaque fresque semblait avoir été peinte à la main et avec une minutie remarquable, les détails des arbres, des fleurs et des animaux donnant l'impression qu'ils allaient sortir du mur à tout moment. Les scènes de nature montraient des forêts luxuriantes, des prairies en fleurs et des rivières scintillantes, évoquant une sérénité et une paix parfaites. Les fresques de ciel étoilé, quant à elles, étaient parsemées de constellations brillantes, rendant hommage à l'infini et à l'éternité.

L'air était frais, grâce à un système de ventilation sophistiqué qui diffusait une brise légère et agréable, rappelant celle d'une soirée d'été. La lumière naturelle, filtrée à travers des puits de lumières stratégiquement placées, perçait clairement l'ombre qui régnait dans les étages inférieurs. Cette lumière douce et diffuse illuminait les fresques, faisant ressortir les couleurs vives et les détails délicats.

Les couloirs étaient larges et spacieux, le sol recouvert d'un parquet d'ébène vernis, réfléchissait la lumière et ajoutait une touche de luxe. Des bancs en bois sculpté étaient disposés le long des murs, offrant des espaces de repos pour les visiteurs. De temps en temps, nous croisions des vases remplis de fleurs fraîches, dont le parfum délicat se mêlait à l'air frais, créant une atmosphère apaisante et réconfortante.

— Ces caveaux sont souvent ornés de souvenirs personnels, ajouta Maître Dorian, son ton devenant plus doux. Les familles investissent beaucoup pour honorer la mémoire de leurs proches et viennent souvent leur rendre visite. Il n'est pas rare de voir des familles passer des heures ici, apportant des fleurs, des photos, et même des repas pour partager un moment avec leurs défunts.

Je regardais autour de moi, fascinée par la beauté et la tranquillité des lieux. Dans une alcôve, une famille était assise en cercle, partageant un repas devant le caveau de leur être cher. Des bougies étaient allumées, et des photos encadraient l'entrée du caveau. Les rires et les murmures doux des conversations créaient une ambiance chaleureuse, presque festive, malgré la tristesse sous-jacente.

— C'est incroyable de voir combien ces espaces peuvent apporter du réconfort, murmura la jeune fille qui était toujours à mes côtés, ses yeux brillants d'émotion. Chaque détail est pensé pour apaiser les familles.

— Oui, répondis-je en hochant la tête. C'est un bel hommage à ceux qui nous ont quittés.

Monseigneur Dorian nous guida ensuite vers une salle plus grande, où des fresques représentant des scènes de la vie quotidienne étaient exposées. Des enfants jouant dans un champ, des couples dansant sous la lumière de la lune, des vieillards assis sur des bancs de parc, discutant tranquillement. Chaque scène racontait une histoire, rappelant que même dans la mort, les souvenirs de la vie demeurent vivants.

— Ces fresques ont été commandées par les familles elles-mêmes, expliqua Maître Dorian. Elles veulent que leurs proches soient entourés de beauté et de souvenirs heureux.

Nous continuâmes à avancer, passant devant des caveaux ornés de divers objets personnels : des jouets d'enfants, des livres préférés, des instruments de musique, et même des vêtements soigneusement pliés. Chaque objet racontait une histoire, ajoutant une dimension personnelle et émotive à chaque caveau.

Nous montâmes ensuite aux étages supérieurs, du premier au 190e étage, où les caveaux coûtaient entre dix et deux cents ans de salaire.

Les couloirs des étages supérieurs étaient d'une opulence rare, contrastant fortement avec la sobriété des niveaux inférieurs. Le sol était recouvert d'une moquette épaisse et somptueuse, dont les motifs élaborés évoquaient des arabesques florales et des scènes de nature. Cette moquette, outre son esthétique, absorbait le bruit de nos pas, ajoutant au calme presque sacré de ces lieux. Chaque pas était feutré, créant une ambiance de sérénité et de respect.

Les murs, ornés de panneaux de bois précieux et de moulures dorées, renvoyaient une lueur douce sous l'éclairage subtil des baies vitrées. Ces fenêtres laissaient entrer une lumière naturelle douce et diffuse, filtrée à travers de délicates tentures de soie. La lumière du jour jouait avec les couleurs riches des tapisseries et des tableaux, les faisant scintiller comme des joyaux précieux.

Suspendus à des plafonds étonnamment hauts, des lustres en cristal étincelaient, renvoyant des éclats scintillants dans toutes les pièces. Chaque lustre était une œuvre d'art en soi, composé de milliers de cristaux taillés qui diffusaient la lumière en prismes multicolores. La lumière des chandeliers dansait sur les murs et le sol, créant une atmosphère à la fois élégante et majestueuse. En se reflétant dans les miroirs encastrés dans les murs, les éclats de lumière donnaient l'illusion d'un espace encore plus vaste et éclatant.

L'air lui, était empli de l'odeur des fleurs fraîches, renouvelées chaque jour, variant selon les saisons. En ce moment, les parfums dominants étaient ceux des lilas et des pivoines, créant une ambiance sereine et vivante. Les lilas diffusaient une odeur douce et légèrement sucrée, évoquant les jardins printaniers en pleine floraison, tandis que les pivoines ajoutaient une note plus riche et capiteuse, rappelant les chaudes journées d'été.

Chaque étage semblait avoir sa propre thématique florale, et les couleurs et les senteurs changeaient subtilement alors que nous progressions vers le haut. Parfois, nous passions d'un couloir empli du parfum délicat des roses à un autre où l'odeur épicée des œillets prenait le dessus. Les arrangements floraux, disposés dans des vases en cristal ou des urnes en porcelaine, étaient de véritables compositions artistiques en elles-mêmes, apportant une touche de nature et de vie à ces espaces consacrés à la mémoire des morts.

Le long des murs, des étagères en bois sombre exposaient des objets d'art et des souvenirs personnels. Des sculptures en marbre, des urnes gravées, des photographies encadrées de dorure... Chaque objet racontait une histoire, un fragment de vie soigneusement préservé pour honorer la mémoire des défunts. Des lampes en laiton, finement ciselées, projetaient une lumière douce, ajoutant à l'atmosphère de recueillement.

Nous avancions, émerveillés par la richesse et la dignité de l'endroit. Le luxe ici n'était pas ostentatoire, mais portait un respect solennel et profond pour les vies qui avaient touché ces lieux.

— C'est incroyable, murmura un des jeune, les yeux verts brillants d'émerveillement. On sent vraiment l'amour et le respect dans chaque détail.

— Oui, répondis-je en hochant la tête. On peut presque sentir les histoires et les souvenirs imprégnés dans ces murs.

Nous arrivâmes ensuite, dans un élégant salon rempli de fauteuils en velours et de tables en bois précieux. Des tapis persans recouvraient le sol, et des rideaux de soie encadraient les fenêtres, ajoutant une touche de chaleur et de couleur. Des bouquets de fleurs fraîches ornaient chaque table.

— Ici, les gens peuvent se reposer avant d'entrer dans les caveaux ou après avoir vu leur défunt, expliqua Monseigneur Dorian. Il y a aussi des supérettes, des toilettes, des services de livraison de fleurs et de nourriture disponibles 24 heures sur 24, et des boutiques de souvenirs, tout les dix étages.

Je regardai autour de moi, impressionnée par l'attention portée à chaque détail pour créer un espace réconfortant et respectueux. Les visiteurs pouvaient trouver ici un moment de répit, entourés de beauté et de sérénité, avant de retrouver leurs proches.

— C'est un bel hommage à ceux qui nous ont quittés, dis-je doucement. Chaque geste ici semble imprégné d'amour et de respect.

Nous continuâmes à explorer les étages, chaque nouveau couloir révélant de nouvelles merveilles et de nouvelles histoires. L'opulence de ces lieux n'était pas simplement un luxe, mais une manière de témoigner du respect et de l'amour pour les défunts, offrant à leurs familles un espace de recueillement et de mémoire d'une dignité exceptionnelle.

Nous passâmes devant une boutique de souvenirs. Dans la vitrine, des porte-clés, des médaillons, et des cadres photo étaient exposés, chacun orné du visage souriant d'un défunt. L'idée m'étais étrange mais je suppose qu'on pouvait y trouver d'y réconfort et que cela était un moyen de garder un souvenir tangible de ceux qui nous ont quittés.

Un des apprenties, observant les articles exposés, fit une remarque mi-figue mi-raisin :

— C'est un peu morbide...

Il approcha son visage de la vitrine pour mieux voir les détails des objets. Chaque article semblait soigneusement conçu, avec des expressions paisibles et des poses naturelles.

— Tout le monde a besoin de quelque chose pour se raccrocher, pour se souvenir, répondis-je en regardant une petite médaille ornée du portrait d'une femme âgée. C'est une façon de garder leur mémoire vivante, je suppose...

Il acquiesça, son regard devenant plus doux et compréhensif.

— Oui, tu as sûrement raison. Il y a une certaine beauté à vouloir garder un souvenir tangible de ceux qu'on aime.

Enfin, nous arrivâmes au sommet, au dernier étage. Ici, tout était d'une beauté époustouflante. Les murs étaient ornés de tapisseries riches et de tableaux d'artistes renommés, chaque pièce racontant une histoire de vie et de mort, de passage et de mémoire. La lumière naturelle inondait les lieux grâce à de vastes fenêtres en ogive, offrant une vue imprenable sur la ville en contrebas et laissant entrer un flot de lumière dorée qui illuminait chaque recoin d'une chaleur douce et réconfortante.

Seul deux caveaux y étaient présents. Deux véritables chefs-d'œuvre d'architecture aménagés avec un goût exquis. Ils étaient conçus pour offrir un repos éternel empreint de sérénité et de beauté, leurs murs étaient ornés de mosaïques complexes représentant des scènes de notre mythologie, de paysages marins et de créatures éthérées.

Les meubles étaient faits de bois précieux, polis à la perfection, incruster de toutes part avec d'or, d'argent et d'ivoire. Nous faisions face ici, à une richesse qui témoignait du luxe réservé à ceux qui pouvaient se permettre de reposer ici. Des tables en acajou finement sculptées, des fauteuils en cuir tanné à la main et des étagères remplies de livres anciens et de souvenirs personnels ajoutaient une touche intime et raffinée. Les sols étaient recouverts de tapis orientaux, leurs motifs complexes et leurs couleurs vibrantes apportant une chaleur visuelle et une douceur sous les pieds.

Des bouquets de fleurs rares et exotiques, soigneusement arrangés, ajoutaient une touche de couleur et de fraîcheur à l'ensemble. Leurs parfums délicats flottaient dans l'air, se mêlant aux légères notes boisées des meubles et aux effluves de cire d'abeille des bougies.

Après de longue minutes de contemplation, nous fûmes accueillis par le chef de la tour, un homme imposant avec des cheveux grisonnants soigneusement coiffés et des yeux perçants qui semblaient scruter nos âmes. Il portait un magnifique uniforme blanc, orné de broderies délicates représentant des fleurs et des fourmis, réalisées avec des fils d'or et d'argent. Sa présence imposante et son air solennel commandaient le respect immédiat.

— Bienvenue au sommet de la tour, dit-il d'une voix profonde et résonnante qui résonna dans le silence de la salle. Ici, nous servons ceux qui peuvent se permettre le luxe ultime dans la mort. Je suis le seul à m'occuper de cet étage.

Il fit une pause, nous observant un par un, ses yeux perçants semblant évaluer notre engagement et notre détermination.

— Ayant signé votre engagement vous allez commencer votre formation, reprit-il. Vous portez désormais une responsabilité sacrée. Que vos actions honorent toujours les morts et réconfortent les vivants !

Chaque mot qu'il prononçait semblait résonner avec une gravité particulière, imprégnant notre esprit de la solennité de notre mission. Nous écoutions en silence, sentant le poids de ses mots s'imprégner en nous, renforçant notre détermination à honorer cet engagement.

Il nous remit ensuite nos uniformes, blancs et impeccables, symboles de notre nouvelle vocation.

— Retournez maintenant à l'étage -200, et préparez-vous pour la suite de votre formation, conclut-il. Votre parcours ne fait que commencer, dit-il avant de nous applaudir.

En redescendant vers les dortoirs, l'ambiance parmi nous était pesante. Nous étions conscients de la gravité de notre engagement et de la route qui nous attendait. Les couloirs semblaient encore plus étroits, les ombres plus profondes, alors que nous marchions en silence, perdus dans nos pensées. Les murs de pierre renvoyaient l'écho de nos pas, ajoutant une dimension presque éthérée à notre descente.

Le silence fut finalement rompu par la voix douce de la jeune fille, qui marchait encore à mes cotés. Ses yeux verts pétillaient d'une curiosité attentive, malgré la gravité de l'instant.

— Comment te sens-tu ? murmura-t-elle, sa voix à peine audible dans le couloir.

Je pris une profonde inspiration, serrant mon uniforme contre moi, ressentant le poids de la responsabilité que nous venions d'accepter.

— Un peu submergée, mais déterminée, répondis-je, essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées. C'est beaucoup à assimiler, mais je me sens prête.

Un des garçon qui marchait devant nous, et qui avait visiblement écouté notre conversation, hocha la tête en signe d'approbation.

— Je pense qu'on va tous devoir s'adapter rapidement, dit-il d'une voix posée. Mais nous sommes ensemble dans cette aventure, et c'est ce qui compte.

La June fille acquiesça, un sourire rassurant sur ses lèvres, apportant un peu de chaleur à l'atmosphère solennelle.

— Et puis, nous avons déjà fait le premier pas. C'est le plus difficile. Le reste, nous le surmonterons ensemble, ajouta-t-elle avec une conviction douce.

Je souris à ses mots, ressentant un élan de gratitude pour ces nouveaux collègues qui partageaient cette voie avec moi. Le lien qui se tissait entre nous était déjà fort, alimenté par notre engagement commun et les défis que nous savions devoir affronter. Le chemin semblait désormais moins sombre avec leurs voix autour de moi, chaque mot apportant un peu plus de lumière dans les profondeurs de la tour.

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