Chapitre 49

La maison de Rob était semblable à un igloo géant. Délia vérifia l'adresse sur son application GPS qui lui confirma qu'elle était au bon endroit. Elle resta un instant, les yeux écarquillés, à contempler cette maison qui avait la forme d'un gâteau doté d'une multitude de fenêtres et de panneaux solaires. Ce n'était pas tous les jours qu'on voyait un igloo posé sur une pelouse sous un ciel d'un bleu vibrant. Aujourd'hui l'automne semblait flirter avec l'été comme deux amants qui refusent de se quitter.

Elle se dirigea vers la porte d'entrée, un peu déstabilisée, et appuya sur la sonnette. Elle fut soulagée de voir apparaître la tête de Rob. Enfin un repère familier !

– Tu habites vraiment ici ? demanda-t-elle en lui faisant la bise.

– Je sais, ça surprend la première fois. C'est un Domespace. Une maison écologique, ajouta-t-il en l'invitant à entrer.

Des poutres et des boiseries recouvraient la voûte intérieure. La cuisine dotée d'un grand bar à l'américaine jouxtait le salon où un canapé en cuir blanc faisait face à une télévision. Il n'y avait aucune cloison. La lumière jaillissait d'un peu partout, créant un grand espace de vie extrêmement lumineux. Tout était dans des teintes claires, naturelles. C'était cosy et luxueux à la fois. En un mot magnifique !

– Rob, tu as gagné au loto ou quoi ? s'exclama-t-elle en se tournant vers lui, un sourire aux lèvres.

– Et tu n'as encore rien vu. La maison bouge !

– Comment ça la maison bouge ? s'inquiéta Délia qui n'aurait pas été surprise de voir le cou d'une tortue émerger de cet igloo géant pour emmener la maison en balade.

– Elle tourne, précise-t-il. Il y a une télécommande pour actionner le socle. (Il se dirigea vers le canapé et se mit à soulever tous les coussins.) Enfin il y a une télécommande quelque part. Si tu appuies dessus, la maison peut faire un tour complet. Ça permet d'orienter le salon au soleil quand il fait froid ou à l'ombre en été. Tu peux aussi varier la vue : côté rue ou côté jardin.

– On dirait que tu vis dans le futur.

– En fait, j'ai juste un beau-frère complètement barré. Il est architecte-designer. Ce genre de maison se vend bien en Russie et au Japon, alors il a voulu développer le concept ici. Au départ, ce Domespace était un prototype pour attirer les investisseurs. Mais les investisseurs n'ont pas investi. Alors il nous a vendu la maison à prix soldé. Mais elle est chouette. Il faut juste faire attention à ne pas perdre la télécommande.

Il se dirigea vers l'autre coin de la pièce où trônait une cheminée et elle remarqua qu'il y avait un chien lové dans son panier. Rob tenta de glisser une main sous le ventre de l'animal, mais celui-ci leva la tête et se mit à grogner. C'était un Chow-Chow avec de petits yeux bridés et une fourrure abondante qui le faisait ressembler à un petit lion.

– Allez, Toundra ! Je suis sûre que c'est toi qui l'as, donne-la moi !

Il se tourna vers Délia :

– Elle fait tout le temps ça. Elle prend la télécommande et elle la cache dans son panier.

– C'est drôle.

– Pas si drôle que ça lorsque la maison se met à tourner au milieu de la nuit et que la porte d'entrée se retrouve du mauvais côté.

Elle s'agenouilla pour appeler le chien qui, après un bâillement, se décida à se lever pour aller la renifler.

– Ah, j'en étais sûr ! triompha Rob en attrapant la télécommande.

– Pourquoi tu ne la ranges pas en hauteur ? Elle ne pourrait pas l'attraper, fit-elle remarquer en massant l'épaisse fourrure de Toundra dont la langue bleue battait l'air.

Avec ses yeux bridés et ses babines entrouvertes, on aurait dit qu'elle souriait.

– On a essayé, mais on finissait toujours par l'égarer. Au moins, quand c'est Toundra qui la récupère, on sait où la trouver.

– Vanessa travaille ? demanda-t-elle, bien que la véritable question fût plutôt : Vais-je la croiser aujourd'hui et suis-je censée préparer mon sourire le plus hypocrite ?

– Oui, elle travaille pour l'entreprise de ses parents. Les entreprises Schubert, tu en as entendu parler ?

– Non, pas vraiment.

Elle se laissa choir dans le canapé, tandis que Toundra reniflait attentivement ses chaussures.

– Ils font de la maroquinerie. Des sacs, des portefeuilles, des boîtes à bijoux. L'avantage c'est qu'on a une réserve de cadeaux potentiels en permanence. Bon, je ne devrais sans doute pas dévoiler mes sources au cas où je te ferais un cadeau un jour, mais on distribue les produits Shubert à tous ceux dont on se rappelle l'anniversaire à la dernière minute.

– C'est pratique.

– Tu veux boire quelque chose ? Je ne te propose pas d'alcool puisque tu vas prendre le volant.

Ah oui, la leçon de conduite ! Elle était tellement contente de revoir Rob qu'elle en avait oublié la raison de sa venue. Elle se serait bien contentée de prendre un verre et de discuter. Toundra semblait du même avis : elle s'était assoupie, la patte négligemment posée sur l'une de ses chaussures comme pour dire : Tu restes là !

Elle opta pour un verre d'eau que Rob lui apporta avec un sous-plat. Elle regarda autour d'elle, s'imprégnant de l'espace, du puits de lumière. C'était dommage, elle se sentait si bien dans cette maison, mais elle doutait que Rob l'invite encore à entrer chez lui lorsqu'elle aurait éraflé sa voiture.

– Tu as une bonne assurance ? lança-t-elle.

Rob se contenta de rigoler.

– Tu avais dit que tu ne te moquerais pas.

– Je ne me moque pas, mais ça ne sert à rien de dramatiser.

– On pourrait attendre que Vanesse rentre du travail et prendre sa voiture.

Elle avait moins de scrupules à amocher la voiture de Vanessa.

– Non, on y va ! s'exclama-t-il d'un ton encourageant en lui donnant une petite tape sur la cuisse. Plus tu attendras, plus tu te feras des scénarios catastrophes.

– C'est dommage qu'on ne vive plus au 18eme siècle, lâcha-t-elle en se levant à contrecœur. Je suis sûre que je me serais mieux débrouillée sur un cheval.

Il lui tendit les clefs de voiture :

– Tout va bien se passer.

Il disait ça pour la rassurer, mais il commençait à avoir des doutes, c'était évident.

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