Chapitre 31
Lorsque Délia pénétra dans la cuisine, des escalopes de veau panées crépitaient dans la poêle sous le regard vigilant d'Arnaud, tandis qu'un plat de spaghettis au pesto exhalait sur la table son soupir brûlant. Des rondelles de citron étaient disposées dans une coupelle en cristal. Tout semblait parfait pour annoncer une bonne nouvelle.
– Je vais tourner dans un clip vidéo, lança-t-elle fièrement.
Arnaud resta muet pendant une minute, comme si la cuisson de ses escalopes accaparait toute son attention. Puis il sortit la poêle du feu. Une odeur de noix de muscade chatouilla les narines de Délia.
– Un clip de ce cher Julien, je présume.
Il fit glisser une escalope dans l'assiette de Délia. Ravi n'était pas le mot qui s'accordait le plus à son visage.
– Tu présumes bien, mais ça n'a rien de sexy, si c'est ça qui t'inquiète. Je porterai un costume d'aigle avec des milliers de plumes de faucon du Nevada.
Il s'assit en face d'elle, s'empara d'une rondelle de citron et aspergea son escalope.
– À poils ou à plumes, ce n'est pas le problème. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant d'accepter ?
Il déchira avec énervement le sachet de parmesan. Une pluie de fromage se répandit sur la nappe. Délia était déçue et un peu fâchée qu'il ne veuille pas célébrer l'évènement.
– Tu ne me demandes pas mon avis avant d'accepter un rôle, fit-elle remarquer.
– Ce n'est pas la même chose. Le réalisateur n'est pas mon ex.
Elle fit mine de ne pas avoir entendu.
– Écoute, j'ai toujours rêvé de tourner dans un clip vidéo ! Ce ne n'est pas le genre d'occasion qui se présente deux fois dans une vie.
– D'accord. Fais ce clip. Mais je te préviens, s'il se passe quoi que ce soit entre vous, je ne te le pardonnerai jamais.
Elle commença à découpa son escalope et murmura sans lever les yeux :
– Tu n'as rien à craindre. Il m'a choisie uniquement parce que je représente Madame tout le monde.
Elle fourra un morceau d'escalope dans sa bouche. La viande était froide et dure. Aussi désagréable que l'humiliation de son aveu.
Elle leva les yeux en mastiquant et vit que le visage d'Arnaud arborait enfin un sourire.
– Ça a dû te vexer à mort.
– Pas du tout, s'enorgueillit Délia en enfournant une énorme bouchée de pâtes qu'elle recracha aussitôt pour ne pas s'étouffer de rire.
Arnaud la connaissait si bien !
– Oui, ça m'a vexée à mort. Je comprends le concept de la fille accessible, mais il aurait pu dire « The girl next door » plutôt que « Madame tout le monde ».
– C'est vrai qu'il y a une différence fondamentale.
– Oui, fondamentale. Quand on te dit « The girl next door », tu vois une fille jeune et fraîche qui ouvre sa porte en petite tenue décontractée. Quand on te dit « Madame tout le monde », tu vois une mémère ramassant les crottes de son chien avec un sachet en plastique.
Arnaud pointa sa fourchette sur Délia en pouffant de rire :
– Ah non, ça ce n'est pas Madame tout le monde. Madame tout le monde abandonne les trésors de son chien sur le trottoir.
– Oui, enfin bon, tu vois une mémère avec un cabas et un fichu transparent sur la tête.
– Rassure-toi, si un jour tu ressembles à ça, je te préviendrai. Et ça m'étonnerait que Julien ait voulu dire ça.
– Tu n'es pas fâché alors ?
– Non. Comme tu le dis, ce n'est pas une occasion qui se présente deux fois dans une vie. J'espère juste que je peux te faire confiance.
– Bien sûr, affirma-t-elle en se levant pour aller chercher le poivre.
Elle n'aurait pas pu l'affirmer en le regardant droit dans les yeux.
Lorsqu'ils se retrouvèrent dans la chambre, l'ambiance était un peu froide. Arnaud ne cessait de lui lancer des regards qui ressemblaient à des points d'interrogation.
Tandis qu'elle se déshabillait pour se mettre en pyjama, il lui fit remarquer qu'elle avait oublié de mettre un soutien-gorge.
– Tu sais très bien que ça m'arrive de ne pas en porter ! De toute façon, avec ta superbe salopette, on ne risquait pas de voir mes tétons !
Elle enfila un tee-shirt qui appartenait à Arnaud.
– Arrête de bouder. Ça ne te va pas bien au teint, le taquina-t-elle en se blottissant dans le lit.
– Je ne boude pas.
– Dans ce cas, prouve-le-moi.
Elle croisa les bras sur sa poitrine en lui glissant un regard coquin.
Mais Arnaud resta de marbre. Toujours ce maudit point interrogation dans son regard !
– Très bien, rétorqua-t-elle en se tournant de l'autre côté. Bonne nuit.
Elle prit soin de ne pas rabattre la couette pour laisser la vue dégagée sur ses fesses moulées dans son shorty.
Elle compta lentement jusqu'à dix, puis elle entendit un soupir et le corps d'Arnaud vint se mêler au sien tandis que leurs pyjamas rejoignaient le sol.
– Je t'aime, souffla-t-elle en se pressant fort contre lui comme si c'était la réponse à toutes ses interrogations muettes.
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