2 - Ne pas hurler

Eva sentit son sang se glacer et, sans hésiter une seconde, mit le pied au plancher. Pas encore. Elle ne perdrait pas un autre membre de sa famille. Sans réfléchir, elle fonça droit devant elle : l'homme leva l'arme, cria quelque chose et ne s'écarta pas. Eva entendit le corps de l'homme rebondir sur le capot et s'écraser au sol, derrière elle. Terrifiée, l'adrénaline pulsant dans ses veines, elle fonça, ne prenant pas garde aux branches en travers de la piste ou aux cailloux susceptibles de léser le caoutchouc des pneus. Elle traversa un demi mile à sans oser regarder en arrière et finit par ralentir. Elle tendit l'oreille : rien, pas un coup de feu, pas un cri. S'il y avait eu d'autres hommes, ils auraient tenté de la poursuivre. Ils auraient tiré. Ils l'auraient même pourchassée en SUV : certaines bandes organisées avaient de gros moyens. Mais rien. Seulement le chant des criquets. Soudain, dans la nuit chaude, une déflagration déchira le silence, réveillant en sursaut les deux enfants. Eva s'apprêtait à redémarrer aussi sec, mais une seconde, puis une troisième déflagration suivirent aussitôt. Trois tirs plus espacés finirent de réveiller les petits et, à nouveau, trois pétarades rapprochées. Ce n'était pas un code convenu au sein d'une bande. C'était un SOS. L'homme était gravement blessé. Ou feignait de l'être.

Eva avait deux enfants, elle ne voulait pas les laisser seuls ne serait-ce qu'un instant. Elle ne voulait pas mourir non plus, pas parce qu'elle tenait énormément à la vie mais parce qu'elle devait survivre pour son fils et sa fille. Mais la jeune femme se représenta le corps sans vie de l'homme qu'elle avait violemment percuté. Peut-être qu'il n'était qu'un type effrayé, qui ignorait lui aussi à qui il aurait affaire avec cette voiture voyageant en pleine nuit. Eva soupira avec violence et détacha sa ceinture.

— Tu vas où, maman ? demanda la petite voix de Dimitri.

C'était un brave garçon, courageux et protecteur envers sa sœur.

— Mon chéri, je crois que quelqu'un a besoin d'aide. Tu vas te détacher et te mettre à ma place. Si tu as besoin que je revienne en courant, tu appuies sur le klaxon. Je reviens rapidement, d'accord ?

Le cœur d'Eva se brisa lorsqu'elle lut la détresse dans les yeux du petit.

— Dimitri, je reviens dans cinq minutes. Tiens, mon portable. Tu vois, là ? Lorsque le chiffre qui s'affiche sera à zéro, je serai revenue.

— Oui, maman.

— Garde les portes fermées, ne sors sous aucun prétexte. Aucun, tu entends ?

Eva prit le holster de son mari. Elle espérait ne pas avoir à se servir du pistolet qui s'y trouvait, mais elle ne voulait pas aller désarmée à la rencontre du blessé. Elle alluma une torche et s'éloigna du véhicule d'un pas rapide, trop soucieuse de la sécurité de ses enfants pour songer à vérifier où elle posait le pied. Elle était aussi trop inquiète de voir apparaître des complices malintentionnés pour penser à ne pas rapidement détourner le regard si une chose bougeait dans les hautes herbes.

Soudain, un mouvement sur sa droite la fit se figer. Les hautes herbes bruissèrent et s'agitèrent vigoureusement, sans que la jeune femme puisse distinguer ce qui avançait vers elle. Eva, anxieuse, braqua sans réfléchir l'arme dans la direction du mouvement, vers le sol. Les herbes sèches, brûlées par le soleil, cessèrent de s'agiter. La respiration sifflante, la scientifique gardait la main crispée sur la crosse du pistolet, l'autre sur la torche dont elle braquait le faisceau vers le dernier endroit où le tef jaune s'était agité. Ses yeux écarquillés par la peur s'arrêtèrent sur un long bâton noir qui semblait avoir toujours été là, devant elle. Mais Eva le savait, ce bâton n'était pas là la minute qui précédait. D'ailleurs, ce n'était pas un bâton, puisqu'il se dressa lentement, à la plus grande peur de la jeune femme. Les deux yeux noirs et brillants de la créature sinueuse se fixèrent sur ceux de la scientifique, qui sentit ses entrailles frémir. Il lui sembla que le temps venait de ralentir. Cette créature, plus connue sous le nom de « Naja nigricollis » gonfla son capuchon. L'Éthiopienne n'eut pas le temps de détourner le regard et elle sentit un liquide froid lui asperger le visage. Quelques gouttes.

L'instant suivant, elle s'écroulait au sol en se mordant la main pour ne pas hurler de douleur. Une chose, une seule et unique chose comptait à ses yeux.

Si un cobra cracheur et un homme armé se trouvaient auprès d'elle, ses enfants ne devaient pas sortir de la voiture. Sous aucun prétexte.

Eva sentit le goût métallique du sang lui envahir la bouche et sa tête vibra sous la douleur. Avant de perdre connaissance en gémissant, elle crut sentir des doigts légers, aussi léger et doux que des plumes d'oiseau, lui effleurer le visage.

*

Instant culture :

Tef, du latin Eragrostis tef, est une graminée qui est cultivée pour faire une sorte de crêpe ou qui peut donner de la bière suite à un processus de fermentation

*

Hello !

J'espère que ça vous plait toujours :-)

Merci beaucoup pour votre lecture et vos commentaires, comme toujours :-D
A très vite !

Sea

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