Chapitre 82

Nda : bien le bonsoir ! Je ne sais pas s'il y a des fans de Marvel et/ou Disney parmi vous, mais je voulais vous dire que si c'est le cas et que vous avez un Primark pas loin de chez vous... Y a des coques de téléphones à 4€, elles sont magnifiques ! (la preuve ci-dessous). Y a aussi des stations de charge sans fil Marvel (le bouclier de Captain America), bref, pour le prix ça vaut carrément le coup ! (bon je suis pas sponso hein, je partage juste les bons plans parce que WAHOU en fait). Sur ce, bonne lecture à vous mes p'tits pingouins, j'vous kiffe toujours autant 🐧❤️


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Assise sur une chaise au dossier inscrit de mon nom, j'observe d'un œil attentif la scène qui est jouée devant moi. Joseph et Jonathan se donnent la réplique, chacun vêtu de leur costume. Pour Joseph, il s'agit d'une veste de brocart vert sur laquelle s'alignent des boutons dorés ; ses cheveux sont peignés et du gel les maintient sur le côté, dans une parfaite imitation du cliché de l'intello. Pour Jonathan, un simple maillot de bain, ses boucles naturelles lui retombant sur le front et les oreilles.

Je lève une main en l'air, telle une écolière qui réclamerait la parole en classe.

– Tu as une remarque, Axelle ?, demande Chris en se tournant vers moi.

J'acquiesce.

– Il y a quelque chose qui me chiffonne dans la manière d'être de Philippe, je lance.

Comme les autres me font signe de continuer, je m'exécute :

– Je ne sais pas, je le voyais plus... vicieux, je dis songeusement. Un peu mielleux, si tu vois ce que je veux dire ? Il faut qu'on comprenne qu'il affiche le masque de ce qu'il pense être un prince charmant parfait, alors qu'au fond il est pourri jusqu'à la moelle.

Joseph hoche la tête. Reprenant sa posture, assis sur ce faux trône sculpté, il répète sa tirade une nouvelle fois en mettant l'intention demandée. Aussitôt, je me sens transportée.

C'est lui, il n'y a pas de doute possible. J'ai l'impression d'être en face de Philippe, cet adolescent brisé qui a mal tourné ; j'en ai le souffle coupé. La seule différence, c'est qu'au lieu d'avoir une queue de poisson comme son personnage, Joseph a les jambes dans un pantalon vert fluo, sur lequel seront rajoutés les effets spéciaux – c'était trop compliqué de tourner toutes les scènes sous l'eau.

– C'est mieux ?, demande l'acteur en plantant son regard dans le mien.

Je souris et hoche la tête.

– C'est... parfait.

Au début du tournage, il y a plus d'une semaine et demi, je n'osais pas vraiment donner mon avis. Je me disais que les scénaristes étaient plus expérimentés que moi, qu'ils savaient ce qui rendait bien ou non à l'écran. Néanmoins, toute l'équipe a fait l'effort de m'inclure. C'est pour ça qu'à présent, je n'ai plus peur de donner mon opinion, qu'il soit pris en compte ou non : au moins, tout le monde écoute ce que j'ai à dire.

Leila et Liam ont été les premiers à m'assurer que chaque commentaire que je faisais sur leur manière de jouer, sur un détail de leurs personnages, les aidait d'autant plus à se donner à fond dans le rôle, à en saisir toutes les nuances. Je n'ai jamais été aussi heureuse d'un projet de toute ma vie, et pourtant je suis écrivaine ! Les projets, ça me connaît.



Après plusieurs heures de tournage, et tout le lot de fous rires qui va avec, nous sommes tous réunis autour d'une grande table pour le déjeuner. Les discussions vont bon train, nous venons de faire un tour de table concernant les réactions des parents de chacun quant à ce film.

Les miens ont été ravis, déjà quand je leur ai annoncée que j'étais publiée, mais encore plus avec cette nouvelle étape franchie. Je sais qu'ils n'ont jamais vraiment cru que je mènerais à bien ce rêve, toutefois leur ravissement m'a fait du bien. Pour une fois, j'avais l'impression de les avoir rendus fiers – bien que je sache qu'ils l'étaient déjà avant.

– Et vos petits copains, vos petites copines ?, je demande en haussant un sourcil. Ils vivent comment ce projet ?

– J'ai pas de petite copine, réplique aussitôt Liam en portant son verre d'eau à ses lèvres.

– Moi non plus, enchaîne Suzie. Enfin, pas de petit ami, je veux dire.

– Et moi encore moins !, pouffe Joseph. Pas de petite copine, pas de petit copain, it's just me, myself and I.

Je m'esclaffe alors qu'il embraye le tout sur l'air de la musique.

– Tu connais ça, toi ?, je raille. Ce truc date d'au moins dix ans !

Avec un sursaut, je me rends compte de ce que je viens de dire. Oh, bon sang ! Je viens de prendre un sale coup de vieux ! Je me souviens de cette musique, j'étais en première quand elle est sortie et je l'ai tout de suite appréciée.

– Ma petite amie est ravie, annonce Leila avec un sourire. Elle est sacrément fan des univers fantastiques, de la fantasy, et honnêtement, depuis que je lui ai offert Underwater pour qu'elle sache dans quoi je m'embarquais, elle ne l'a plus lâché !

– J'espère qu'elle ne dort pas avec, quand même !, je plaisante.

Les rires fusent.

– Non, mais... connaissant Becca, ça ne m'étonnerait même pas !

Je pouffe avant d'enfourner ma bouchée de riz.

Je ne sais pas si Leila est lesbienne, ou bi, ou pan, ou autre, parce que je ne lui ai pas posé la question. Honnêtement, je me fiche de son orientation sexuelle, ou romantique : ça ne me regarde pas, tant qu'elle est heureuse, c'est le principal. Toutefois, je suis ébahie de la facilité avec laquelle elle joue le triangle amoureux du trio principal comme si elle était réellement coincée dedans.

Quand je la vois, quand je vois Jonathan et Liam, j'ai l'impression d'être face aux versions vivantes des personnages que j'ai couchés sur papier. Je n'aurais jamais pensé vivre ça un jour, c'est saisissant et tellement gratifiant !

C'est drôle comment des acteurs de dix-huit, dix-neuf ou vingt ans interprètent des personnages de seize ans, et comment les acteurs de ce même âge jouent quant à eux ceux de douze ou treize ans.Regardez Suzie, par exemple ! Elle a eu seize ans il y a quelques jours, pourtant Céleste en a à peine plus de treize.

Seize ans. Ce qui signifie qu'elle est née en 2010. Je me souviens d'une époque où les enfants nés cette année-là se faisaient persécuter sur les réseaux ; c'était au même moment où je commençais à sortir avec Tom. À croire que les années multiples de dix sont vouées à cette haine gratuite : étant née en 1999, j'ai vu la même chose se produire avec les 2000, quoique alors les réseaux sociaux n'existaient pas encore et par conséquent, le harcèlement était moindre.

Moindre ou pas, un harcèlement n'est jamais justifié ou justifiable, et les harceleurs doivent être punis pour leurs gestes et leurs paroles. En tant qu'ancienne victime, personne ne me fera changer d'avis sur le sujet.

– En France et en Angleterre, seize ans n'est pas un âge excessivement particulier, commence Tom d'une voix douce qui me ramène à l'instant présent. Par contre aux États-Unis, je sais que ce n'est pas la même chose : tu as officiellement le droit de conduire, maintenant.

Suzie hoche la tête avec un sourire.

– Oui, c'est l'avantage de ce pays. Mais contrairement à vous, on est majeurs à vingt-et-un ans, ici.

– Je n'aurais pas aimé attendre jusqu'à mes vingt-et-un ans pour boire de l'alcool !, je commente.

À côté de moi, Tom s'esclaffe.

– Parce que tu vas me dire que tu as attendu dix-huit ans pour boire, peut-être ?

– En fait, j'avais dix-neuf ans la première fois, je rétorque avec un rictus moqueur.

Mon mari hausse un sourcil.

– Vraiment ?

J'acquiesce.

– Comment t'as fait pour attendre jusque là ?, s'étonne Jonathan en posant son verre.

Oh, ça ! Un mélange de doutes, de manque d'occasions, et une bonne grosse dose de trouille.

– Au début, c'est surtout que j'étais terrorisée à l'idée que mes parents l'apprennent et qu'ils me passent un savon, même s'ils étaient clairement pas des modèles dans ce domaine-là. Ensuite, mon groupe d'amis du lycée n'organisait pas de fêtes avec alcool, et comme je ne suis pas sociable pour un sou, je risquais pas de m'incruster chez d'autres gens. Enfin, j'avais peur d'être bourrée.

Je pousse un long soupir ; les autres sont pendus à mes lèvres.

– En fait, depuis que je suis toute petite, j'ai une mémoire phénoménale et une peur viscérale de vomir. Ma hantise, avec l'alcool, c'était de ne pas connaître mes limites, les dépasser, puis vomir toute la soirée pour me souvenir de rien le lendemain matin. À dix-huit ans, je buvais un verre de temps en temps, mais très faiblement dosé, et un peu forcée par les amis que j'avais à l'époque. Et puis un soir...

Je souris au souvenir de cette soirée sur la plage.

– On a fait une soirée sur la plage, et je me suis servi un verre. Le seul problème, c'est que je ne savais pas que des petits malins s'étaient amusés à mettre de la vodka dans le jus de pomme. Quand je me suis servie... J'ai mis de la vodka dans mon verre, que j'ai voulu diluer avec ledit jus de pomme. Et comme je n'avais aucune résistance à l'alcool... C'est monté d'un seul coup.

Je pouffe.

– Au bout d'une heure, je pleurais toutes les larmes de mon corps, et mon amie n'a rien trouvé de mieux pour me réconforter que me servir un autre verre. Quand j'ai voulu aller aux toilettes, tout tournait autour de moi, et je me suis mise à rire comme une débile.

Je me souviens de m'être tenue aux murs pour ne pas m'écrouler – règle numéro un dans les toilettes publiques : ne jamais s'assoir sur la cuvette –, ce qui n'a pas été une mince affaire.

– Après ça, j'ai recommencé plusieurs fois l'expérience, mais sans jamais aller au-delà. J'avais la trouille, donc dès que je commençais à sentir que tout tournait... J'arrêtais aussitôt l'alcool.

– Tu n'as donc jamais pris de cuite ?, interroge Joseph.

Je ris de nouveau.

– Oh, si, une fois ! Je n'ai plus bu une goutte d'alcool pendant plus d'un an et demi, après ça.

Des sifflements accueillent mon aveu, et je me sens obligée d'expliquer :

– C'était pas vraiment ma faute. J'avais bu comme d'habitude, j'en avais la tête qui tournait, et puis un ami est arrivé avec un verre que j'ai trouvé magnifique. Je ne sais pas exactement ce qu'il avait mis dedans, mais c'était dégradé de bleu à violet à rose. J'ai tellement aimé la couleur que je l'ai bu, sans vraiment y faire attention.

– Et c'est le verre qui a eu raison de toi, je parie, s'esclaffe Liam.

Je hoche la tête avec un sourire.

– Oui. Au bout de vingt minutes, je commençais à poser des questions sans filtre, un doigt pointé vers les gens. Au bout d'une heure et demi, j'avais mal au cœur. J'ai passé le reste de la nuit dans les toilettes, à m'endormir la tête sur la cuvette avant de me réveiller pour vomir, puis recommencer toute l'opération.

Je frissonne à ce souvenir. Je me souviens de mon amie de l'époque, qui me tenait les cheveux et tentait de me rassurer pendant que je pleurais tout ce que je pouvais. Je répétais que je ne voulais pas oublier, j'étais épouvantée à l'idée d'un black-out ; j'ai encore la sensation de cette angoisse dans les tripes, parfois.

– Et tu as oublié ce qui s'était passé ?, s'enquit Leila.

Je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir que Tom écoute attentivement chacune de mes paroles. Je ne lui ai jamais raconté cet épisode, parce que je n'ai jamais pensé que c'était nécessaire.

– Non. Je me souviens vaguement d'avoir enguirlandé des amis parce qu'ils ne voulaient pas que je vienne acheter de l'alcool en rab avec eux, et d'avoir insulté mon amie parce qu'elle était partie avec eux. Ils m'ont appris plus tard que c'était moi qui avais insisté pour qu'ils l'emmènent, elle, plutôt que moi.

Je passe une main dans mes cheveux. Des années après, je me rappelle encore le savon que je leur ai passé. Quant au moment où j'insistais pour qu'ils emmènent Suzanne... C'est flou, mais j'ai le vague souvenir de le leur avoir demandé, en effet.

– Ça, et puis le classique message envoyé à mon ex. Enfin, pour le coup, j'ai eu de la chance parce que je voulais l'envoyer à Valentin, mais... Comme je citais le nom de Suzanne dans le message, j'ai fini par l'envoyer à Suzanne elle-même, béni soit mon cerveau imbibé !

Ma dernière phrase a le mérite de soulever un éclat de rire général. Tom se penche vers moi et embrasse mes cheveux.

– La toi bourrée est extraordinaire, darling, murmure-t-il à mon oreille.

Avec une moue faussement vexée, je lui assène mon poing sur le bras en riant.

– Oh tais-toi !

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