Chapitre 79
Daisy est la digne fille de son père. Là où Matthew a hérité des yeux bleus typiques de la famille de mon père, ce même bleu que j'ai ainsi que ma sœur, notre fille a quant à elle le ''baby blue'' de son papa. Inutile de dire que Tom est complètement gaga de sa petite frimousse.
Quand je repense à son anxiété extrême, alors que j'étais enceinte de notre aîné ! Mon mari fait un père exemplaire, je n'ai aucun doute là-dessus. Et le fait qu'il ait mis sa carrière de côté pour profiter un moment de sa famille... Eh bien, c'est beaucoup trop adorable de sa part. Nous passons de très bons moments tous ensemble.
J'ai du mal à croire que, dans moins d'un mois à peine, Matthew va avoir trois ans. Pour moi, l'époque où il n'était encore qu'un nourrisson remonte à si peu longtemps ! Un peu comme ma rencontre avec Tom, tout compte fait.
Quand je vois tout le chemin que nous avons parcouru, depuis ce jour où je lui suis rentrée dedans parce que j'étais perdue et ne regardais pas où j'allais ! À présent, je connais Londres comme ma poche, ou presque, et l'acteur et moi sommes mariés avec deux enfants. Comme quoi, parfois, le hasard fait bien les choses.
– À quoi tu penses ?, lance Tom depuis le sol.
Il est allongé par terre, Daisy couchée sur sa poitrine et Matthew jouant aux petites voitures sur ses jambes. Si j'ai bien compris, le garçonnet s'en sert de toboggan pour ses véhicules, ce qui le fait beaucoup rire.
– À nous, je réponds en souriant. À notre magnifique famille, et à notre première rencontre.
Tom rit.
– Quand tu t'étais perdue ?, raille-t-il en haussant un sourcil.
– C'était pas ma faute, je réplique. J'avais aucun réseau, ça faisait à peine une semaine que j'étais à Londres donc je ne connaissais pas la ville. En plus, les enfants me stressaient !
– Comment ils vont, d'ailleurs ?
– Ça va. Judith est en pleine crise d'adolescence et Louis ne jure que par ses jeux vidéos, mais ça va.
Après avoir brièvement perdu le contact avec mes anciens hôtes, j'ai fini par les croiser il y a un peu plus d'un mois dans les rues de Londres. De fil en aiguille, nous avons renoué, et aujourd'hui nous échangeons des nouvelles régulièrement.
Je dois avouer que, lorsque j'ai croisé Ellie avec Louis en allant faire les courses, je ne m'attendais pas à ça. J'étais tranquillement en train d'hésiter entre du maïs bio et du non bio – question existentielle, je sais ! – quand une voix a lancé un timide :
– Axelle ? C'est toi ?
J'ai l'habitude d'être reconnue, après tout non seulement je suis mariée au grand Tom Hiddleston, mais en plus j'écris des romans qui, visiblement, ont eu un succès plutôt conséquent. Cependant, dans la manière dont la personne me parlait, je sentais que c'était plus personnel. Quelle n'a pas été ma surprise de tomber nez-à-nez avec mon ancienne famille d'accueil !
On a beaucoup discuté ce jour-là, des enfants, de ma vie, de tout ce qui s'est passé depuis l'été où j'ai vécu chez eux. Ellie a souri quand je lui ai parlé de Tom, en avouant avoir été bête de ne pas comprendre tout de suite ce qui se passait.
Louis n'a pas changé, il est toujours autant agité et toujours autant plongé dans l'univers cinématographique grâce à son père. Quant à Judith... Eh bien, elle n'est plus la petite fille que j'ai connue à l'époque. Elle a treize ans à présent, elle est au collège et agit comme une jeune femme.
Peu après les avoir revus, je leur ai proposé de venir dîner à la maison. Ç'a été un moment épique, surtout quand Carl et Louis ont vu Tom en face à face. Toutefois, Tom étant Tom, il les a rapidement mis à l'aise, et nous avons passé une agréable soirée.
– Le jour où les nôtres feront leur crise d'adolescence !, s'exclame mon mari, me ramenant à l'instant présent.
Je pouffe. Je ne suis pas pressée que ce moment arrive, en fait. Cependant, je croise les doigts pour que, le jour où cela se présente, mes enfants aient hérité de moi. D'après mes parents – je cite mes sources parce que je n'ai pas envie qu'on croie que je me vante sans preuves –, j'étais une adolescente plutôt calme et très peu rebelle. Je suppose que ma sœur a pris pour nous deux, parce que sincèrement, je me souviens de la période de ses douze-seize ans : un véritable carnage.
– Comment tu étais, toi, à cet âge-là ?, je demande doucement. Il paraît que les garçons sont plus ingérables que les filles...
Tom se redresse pour appuyer sa tête sur sa main.
– Ce n'est pas un peu sexiste, ça ?, raille l'acteur avec un sourire en coin.
– Probablement que si. Et puis, ceux qui disent ça n'ont très certainement pas vu ma sœur !
Il rit.
– Plus sérieusement... Je crois que je n'étais pas un adolescent compliqué. De toute façon, comme j'étais en internat, je n'avais pas d'autre choix que de me plier aux règles. Je pense que ça a aidé, honnêtement.
Je hoche la tête.
– Prions pour que nos enfants soient comme nous, alors.
Enfin non, peut-être pas tant que ça, parce que je me souviens de mon adolescence et de ma sensation d'être une extraterrestre. Je ne comprenais pas pourquoi je n'avais pas le droit d'être comme les autres : enchaîner les petites relations qui ne signifient rien, découvrir ma sexualité, me regarder dans un miroir et pleurer sur le nombre de boutons d'acné sur mon visage...
Étonnant, non ? La plupart des gens donneraient tout pour avoir une peau non acnéique, et moi, c'était l'inverse. Attention, je ne dis pas que ma peau sans boutons ne me convient pas, loin de là. Avec le recul, je suis heureuse de ce que j'ai eu et ne m'en plains pas, parce que je sais que beaucoup en aurait rêvé. Mais à l'époque... C'était encore une différence qui faisait de moi la risée de la classe.
Aujourd'hui, je sais de source sûre que tous ceux qui se moquaient de moi, tous ceux qui se prétendaient mes amis mais m'ont abandonnée en cours de route s'en mordent les doigts. J'en suis consciente parce qu'il m'arrive souvent de recevoir des messages de ces gens-là, qui cherchent par n'importe quel moyen de m'atteindre et d'atteindre le monde dans lequel j'ai un pied. Que ce soit pour une photo ou un autographe, je suis toujours autant étonnée du nombre d'hypocrites sur cette planète. Évidemment, je ne réponds à aucun d'eux : je n'ai pas de temps à accorder à leur stupidité.
Les vagues de haine auxquelles j'étais sujette sur les réseaux se sont aussi apaisées, ces dernières années. Je peux poster des photos sans me recevoir des insultes en pleine figure, ou du moins pas autant qu'au début. Les gens ont dû trouver d'autres personnes à tourmenter ; j'envoie tout mon soutien à ces dernières.
C'est drôle comme même cette partie de ma vie a énormément changé. Avant, si je mettais une photo ou une vidéo sur les réseaux, je n'avais que peu de réactions, la plupart de mes amis. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être épiée par des milliers de gens peu importe ce que je fais, peu importe ce que je dis. C'est toujours autant déstabilisant, bien que ça ne m'empêche pas de continuer ce que je faisais déjà. Après tout, je ne poste pas pour les autres mais pour moi-même – d'accord, si les gens peuvent comprendre que mon bonheur est total, je ne dis pas non.
Évidemment, je n'ai mis aucune photo des enfants. Ce n'est pas tant du fait que des milliers de gens de part le monde puisse y avoir accès, c'est plutôt une décision prise depuis bien longtemps. Je suis majeure, je suis apte à m'afficher si j'en ai envie, mais les enfants... Hors de question. Et comme Tom est d'accord avec moi, nous n'avons pas de soucis à nous faire.
– Maman, regarde !, s'écrie Matthew.
Je suis de nouveau catapultée dans la réalité avec un sourire. Mon fils secoue l'une de ses petites voitures dans ma direction et s'appuie sur le genou de son père pour lui faire dévaler. Malheureusement, il glisse sur le tissu élimé du jean et, dans la panique, se rattrape un peu comme il y arrive : son coude s'enfonce dans l'anatomie de mon mari comme dans du beurre.
Tom se mort aussitôt la langue et ses yeux s'écarquillent. Je ne suis peut-être pas un homme, mais j'imagine assez bien à quel point ce doit être désagréable. Heureusement, Matthew ne s'est pas écroulé de tout son poids.
Je tente du mieux que je peux d'étouffer mon rire derrière ma main, mais rien n'y fait.
– Et dire que je voulais un troisième enfant, je pouffe. Fallait le dire, Matthew, si tu ne voulais plus de petit frère ou de petite sœur !
Mon fils me regarde sans comprendre. Quant à Tom, il hausse un sourcil narquois mais ne réplique pas ; son visage est contracté par la douleur, même s'il semble rire en simultané. Tout doucement, il dépose Daisy au sol pour se redresser.
– Oh my god !, s'exclame-t-il en secouant la tête comme si cela pouvait retirer la douleur.
– Mon père disait toujours, je scande en français, ''si tu te prends un coup dans les couilles, pisse un coup sinon tu douilles''.
L'expression de Tom est sans équivoque. Quelques secondes s'écoulent avant qu'il n'éclate tout simplement de rire. Au moins, je suis certaine qu'il a compris l'extraordinaire proverbe de la famille Bauer.
– Je ne sais pas pourquoi il nous a appris ça, à ma sœur et moi, je reprends. Je veux dire, vu qu'on était deux filles.
– Ton père est génial, s'esclaffe mon mari. D'abord il voulait nous enterrer dans la citerne à eau sous la cuisine, maintenant ça... Je comprends mieux d'où tu tiens ton imagination !
Je souris.
– En fait, mon imagination, c'est de famille du côté de ma mère. Il n'y a qu'à voir les rêves étrangement scénarisés et réalistes qu'on fait, l'une comme l'autre. Si j'ai bien compris, sa grand-mère faisait de même, et la mienne... Eh bien, je ne lui ai jamais posé la question.
Tom rit de plus belle.
– Tu es géniale, my love. J'espère que tu sais à quel point je t'aime ?
– Étant donné que tu me le répètes approximativement quinze fois par jour, je fais mine de crâner, je pense que je suis au courant, en effet.
L'acteur lève les yeux au ciel et, pendant un instant, j'ai l'impression de contempler ce personnage si iconique qui l'a rendu célèbre. Avec un grand sourire, je me moque gentiment :
– Tom, your Loki is showing !
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