Chapitre 73

Nda : Moi y a 2 jours : eh les copains j'peux écrire et poster tous les jours maintenant
Moi hier : *emmène ses cousins voir Shang-Chi et la légende des dix anneaux (EXTRAORDINAIRE BORDEL, J'ÉTAIS REFAITE !!), puis finit par manger chez lesdits cousins et rentre à pas d'heure sans pouvoir écrire/poster*

Bref, me détestez pas svp j'vous aime hein (et pour le coup j'ai tellement été époustouflée de Shang-Chi que j'aurais probablement rien pu écrire, en plus du fait que j'ai failli perdre un proche dans un accident de moto – quand on vous dit que les équipements ça sauve des vies !). Du coup, voilà ce chapitre avec un jour de retard ❤️


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– Non, il y a quelque chose qui cloche, je marmonne.

Je passe une main dans mes cheveux pour en défaire quelques nœuds, avant de retirer mes lunettes pour vérifier leur propreté. Je les ai nettoyées il y a à peine trente secondes, mais c'est un véritable réflexe chez moi : dès que je réfléchis, je les enlève automatiquement de mon nez pour contempler les verres. Ça fait plus d'un an que je ne les ai pas changés, ils sont un peu rayés depuis le temps.

Je remets mes lunettes en place avec un soupir. Quelque chose ne va pas dans la phrase que je viens de taper à l'ordinateur, mais quoi ?

– On ne dirait pas que c'est Anastasia qui parle, je chuchote en me frottant le menton. On dirait plutôt Lucie, ou Olivia peut-être.

Je supprime la phrase avec un soupir, et observe d'un œil torve la barre clignotante qui attend désespérément que je règle le problème. Je ne sais pas comment faire, j'ai l'impression qu'elle me nargue et ça me fiche encore plus la pression.

– Arg !

Résignée, je repousse l'ordinateur loin de mes jambes et lève les yeux vers la fenêtre. Derrière, les rafales de vent font voler les feuilles en tourbillons aux couleurs d'automne. Marron, jaune, rouge et orange... Londres, en plein mois de novembre, c'est un peu comme le Nord de la France : coloré. À Marseille, tout est jaune en permanence : jaune flétri l'été car il fait chaud, jaune foncé l'automne car les feuilles tombent, seul l'hiver est d'un beau vert sapin à cause des pins.

D'une main, j'attrape quelques amandes dans le bol à côté de moi et les fourre dans ma bouche. J'ai besoin de carburant quand j'écris, et les fruits secs sont une bonne idée en la matière. D'habitude, je compose mon petit mélange – amandes, noix de cajou, raisins secs, cerneaux de noix et noisettes –, mais comme nous n'avons pas encore refait les courses, je me contente de ce que j'ai trouvé dans les placards de la cuisine.

Je bosse actuellement sur le tome deux de ma trilogie – qui a officiellement un titre, grâce à Daniella. Si le premier tome est plutôt centré sur la découverte des personnages ainsi que celle de la menace, le deuxième est axé sur une menace d'autant plus grande qu'elle était cachée jusque là. Je n'ai pas encore commencé à écrire le troisième tome, mais je sais déjà ce qu'il s'y passera ; ne me reste plus qu'à travailler sur le tout, à présent.

– Tu as un bureau pour toi toute seule, et tu trouves quand même le moyen d'écrire ici, ratatinée sur le lit ?, se moque une voix que je ne connais que trop bien.

Je lève les yeux vers Tom tout en enfournant une énième amande dans ma bouche. Il est nonchalamment appuyé sur le chambranle de la porte, ses boucles châtain retombant sur son front et ses oreilles. Ses yeux sont fixés sur moi et il sourit ; il a l'air d'un ange, dans cette exacte position.

– Oui, je sais, mais...

– Ça doit pas être très confortable en plus, vu ta position, non ?

Je soupire. C'est vrai que mes genoux me font mal et que je suis obligée de changer de position toutes les trente secondes, pourtant j'apprécie être assise là. C'est plus une habitude que j'ai prise, en réalité : je n'ai plus eu de bureau dans ma chambre après mes douze ans, parce que ça prenait trop de place et que je préférais une coiffeuse – c'était soit l'un, soit l'autre, et la coiffeuse n'était pas assez grande pour accueillir de quoi écrire. Même mes devoirs, au lycée, je les faisais assise en tailleur sur mon lit, c'est pour dire !

– En fait, ça l'est mais ne l'est pas à la fois, je réponds songeusement.

L'acteur s'approche doucement, aussi discret qu'un félin, avant de s'assoir sur le bord du lit.

– Comment vont tes nausées ?

– Pour le moment, ça va. Les amandes passent bien, je n'ai pas mal au cœur.

Tom hoche la tête. Cela fait quelques jours que j'ai envie de vomir assez régulièrement, je suppose que c'est à cause de ma deuxième grossesse. Le médecin a expliqué que c'était sûrement ça, car j'ai du mal à supporter certaines odeurs – j'ai dû demander à Tom d'arrêter de se parfumer alors que j'adore son parfum d'ordinaire !

J'ai appris que j'étais enceinte il y a dix jours, en faisant un test. J'en faisais régulièrement depuis août, pour contrôler, mais jusque là, ils revenaient tous négatifs. Et puis, quand je commençais à me dire que peut-être ça nous prendrait plus de temps que ce que je pensais, j'ai eu le bonheur de constater que le test était positif. Le médecin a confirmé avec une échographie, bien qu'on n'ait pas vu grand-chose. D'après ses dires, j'en serais à quatre semaines, ce qui me ramène à mon voyage en Russie.

Décidément, on a le don de concevoir nos enfants dans les règles, Tom et moi ! Entre Matthew, lorsque je reprenais ma vie en main après... je préfère ne pas y penser, et bébé numéro deux, conçu à Saint-Pétersbourg !

– Pourquoi tu souris comme ça ?

Je pouffe carrément, cette fois.

– Parce qu'on est carrément doués pour faire des enfants dans des situations particulières.

Tom rit à son tour.

– Oh, honey, c'est ce qu'on appelle avoir du talent.

Je lève les yeux au ciel avec un sourire narquois, ce qui le fait s'esclaffer de plus belle.

– Tu as couché Matthew ?, je demande alors.

Je viens de réaliser qu'il y avait un truc bizarre, il était temps !

– Oui, ne t'inquiète pas. Tu sais bien que je ne le laisserais pas seul dans le salon.

Je hoche la tête. Évidemment que j'en suis consciente ! Pour quelqu'un qui avait la trouille de ne pas être un bon père, il y a deux ans de ça, je dois dire qu'il se débrouille carrément pas mal. Il est adorable, vraiment : jamais un mot plus haut que l'autre, il est compréhensif tout en sachant être ferme s'il le faut. Globalement, Tom maintient son image de l'homme parfait, tandis que moi...

Moi, je suis plutôt du genre à crier, même si je me calme tout de suite après. Par exemple, l'autre jour, Matthew est monté seul sur le canapé. Je lui ai donc crié de descendre, qu'il allait se faire mal, je suis même allée l'aider pour ne pas qu'il tombe. Deux secondes plus tard, j'étais déjà totalement calme, mais je suis comme ça, un peu gueularde. Je suppose que ça me rapproche un peu plus de ma sœur.

En parlant de Laura, elle m'a rappelée plusieurs fois pour me parler de son petit ami. Je n'ai pas eu l'occasion de le rencontrer, même en visio, mais vu que nous allons descendre sur Marseille pour Noël, je m'attends à ce que ma sœur me présente ce fameux Kévin.

Tom et moi avons décidé de faire Noël à Marseille, une année sur deux. L'autre, nous resterons à Londres. Ça nous permet d'alterner entre sa famille et la mienne, sans chaque fois pousser mes parents et ma sœur à prendre un avion. De plus, en faisant Noël chez nous, à Marseille, ça me permet de convier mes grand-mères, mes cousins, bref, la famille que je ne vois plus que très peu à présent.

Je reviens au moment présent alors que mon mari me contemple en silence, un léger sourire flottant sur les lèvres. Pendant un instant, je songe à quel point ses yeux pourraient paraître d'autant plus limpides si...

– Je peux te maquiller ?, je lance à brûle-pourpoint.

Tom recule aussitôt comme si j'avais dit la plus grosse ânerie de toute ma vie, sourcils froncés.

– Quoi ?

– Est-ce que je peux te maquiller ?, je répète.

Je ne sais pas pourquoi j'ai cette envie soudaine d'étaler de la poudre sur son visage, mais ça me prend aux tripes. Normalement, les envies de femme enceinte concernent la nourriture, pas les activités manuelles, si ? Comme si j'avais besoin d'une autre preuve que je suis cassée !

– Pourquoi... Oui, bien sûr que tu peux, si ça te fait plaisir, répond Tom, l'air perplexe. Mais pourquoi... d'un coup, comme ça ?

Je hausse les épaules avec un sourire ravie.

– J'en sais rien, c'est venu tout seul, comme ça.

– Tu n'étais pas occupée à bosser sur ton roman ?

Je pousse un soupir las.

– Si, mais je suis bloquée, là. Et quand je suis bloquée, il faut que je me change les idées pour repartir sur du neuf.

– D'accord. Est-ce qu'on doit se mettre dans la salle de bain, ou...

– Ne bouge pas, je reviens !, je l'interromps gaiement.

Oh, par tous les saints ! J'ai toujours rêvé de maquiller un homme une fois dans ma vie, et mon père n'a jamais voulu se prêter au jeu.

Je rabats vivement l'écran de mon ordinateur et me lève. Je n'ai pas beaucoup de produits de maquillage, mais assez pour faire quelque chose de potable. De plus, les couleurs de mes palettes de far à paupière sont extraordinaires. Et devinez quoi ? C'est Marvel !

Je les ai achetées il y a quelques années, en tombant par hasard sur une publicité en scrollant sur les réseaux sociaux. Les six palettes des pierres d'infinité, chacune sa couleur, étaient à quarante-cinq euros au lieu de soixante-cinq. Pour six palettes de neuf couleurs chacune – soit cinquante-quatre couleurs au total –, ce n'était pas cher. Les avis étaient pour la plupart excellent, et j'ai rapidement compris pourquoi : non seulement les couleurs sont vives à souhait, mais en plus, elles tiennent sans bouger toute la journée.

À la base, je les ai achetées pour mes cosplay, mais quand j'ai vu la beauté des fars à paupière, je n'ai pas pu résister : je m'en sers à chaque fois que je dois me maquiller, à présent.

C'est donc chargée desdites palettes ainsi que de ma trousse de pinceaux que je reviens dans la chambre. Tom, toujours assis sur le lit, m'a écoutée : il n'a pas bougé d'un iota. Je m'assois en face de lui et lui fais un clin d'oeil.

– Allez, c'est l'heure de fermer les yeux et de laisser faire l'artiste, maintenant !

L'acteur s'exécute, totalement en confiance. J'ose espérer que je ne le décevrais pas, je n'ai pas l'habitude de maquiller un autre visage que le mien – ma sœur non plus ne me laissait pas la maquiller.

Le pinceau en main, je suspends mon mouvement en contemplant les couleurs. Il faut faire un choix, oui, mais lequel ? Je fouille ma mémoire à la recherche de mes vagues souvenirs de mes cours sur les couleurs complémentaires, un bon moyen pour faire ressortir le bleu des yeux de Tom. Comme les miens sont bleus également, je n'ai pas besoin de réfléchir longtemps : orange et marron sont les deux opposés du bleu.

Je m'applique donc à étaler une couche d'orange foncé sur l'extérieur de la paupière de Tom, qui ne bronche pas. Bien sûr, il a l'habitude du contact des pinceaux de maquillage, il est acteur après tout.

Sur l'intérieur de la paupière, j'applique une teinte plus claire, que je dégrade à partir de l'autre couleur. Pour le moment, je ne m'en sors pas mal, rien ne déborde nulle part. C'est maintenant que les choses se compliquent : l'eye-liner est mon point faible depuis toujours.

Retenant ma respiration pour trembler le moins possible – des fois je me demanderais presque si je n'ai pas parkinson, pour trembloter autant –, je trace un premier trait à gauche. Je suis obligée d'y revenir trois fois, mais globalement, le résultat n'est pas si mal. Le soucis, à présent, c'est de faire la même chose de l'autre côté.

Je répète l'opération en miroir, en pestant à haute voix chaque fois que je ne trouve pas la position adéquate pour me stabiliser. Une dernière petite touche de gloss, et le tour est joué. Enfin, avec un sourire satisfait, je me recule pour admirer le résultat ; mon cœur loupe un battement.

– Oh. Oh, mon dieu... Tu te rends compte de ce que j'ai fait, là ? Toute fangirl qui se respecte rêverait d'être à ma place.

Tom pouffe.

– Tout ça pour du maquillage ?

Je lève les yeux en souriant.

Mon cœur, ce n'est pas juste du maquillage. Déjà, c'est la première fois que je réussis une telle prouesse, or je me suis souvent entraînée pour mes cosplays. Ensuite, Tom... ça te va tellement bien !

Je lui tends le miroir et l'observe scruter la glace, l'oeil critique. J'espère qu'il va aimer, parce que personnellement, j'adore ! Les couleurs sur ses paupières, dans des tons d'orange et de marron, font particulièrement ressortir le bleu de ses yeux, et que dire du léger trait de liner ? Oh, je suis terriblement fan de mon travail !

Un tintement de clochette me coupe dans mon élan de joie et je baisse les yeux vers mon téléphone. D'accord, il vient de sonner la notification d'un mail reçu, mais un mail de qui ? Je m'arrache aussitôt à la contemplation de Tom – c'est encore plus dur qu'il n'y paraît, tant il est magnifique ! – et déverrouille le portable ; c'est un mail d'Héléonore Blanquet, ma directrice d'édition. Je parcours rapidement le mail du regard, ma bouche s'ouvrant un peu plus à chaque mot que je lis.

– Quoi ?, demande Tom à côté de moi.

Je lui adresse un sourire rayonnant.

– Underwater va officiellement être traduit en italien, en espagnol, en allemand et en polonais !, je répète, incapable de contenir mon excitation.

Décidément, cette semaine aura été pleine de surprises. Entre ma grossesse certifiée par le médecin, la confirmation de de la maison d'édition pour la traduction de mon roman dans plusieurs langues – d'après eux, ce n'est qu'un début, car Underwater rencontre un succès plutôt prometteur –, je ne sais même plus où donner de la tête.

– C'est vrai ? C'est génial !

Tom se penche vers moi pour m'embrasser les cheveux mais je le repousse aussitôt. Je lui ai mis un peu de gloss, je n'ai pas envie d'avoir à désengluer mes cheveux après. Il semble comprendre mon geste, néanmoins, car il sourit et caresse ma joue à la place.

– Félicitations, sweetheart !

Je lui suis tellement redevable pour la réalisation de mes rêves ! Pour chacun d'eux, Tom était la clef permettant d'ouvrir la porte donnant sur leur chemin. Mon mariage, mon fils et mon futur bébé, mes romans... Tout ça, c'est grâce à Tom.

Je sais qu'il est persuadé que, de nous deux, c'est lui qui a le plus gagné. Il me l'a dit, répété maintes fois, parce qu'il estime que si je n'avais pas été là, il n'aurait peut-être pas eu ce qu'il désirait le plus au monde : une famille. Je respecte ça, comme il respecte mes remerciements incessants.

Après tout, c'est comme ça que ça doit être, non ? Une relation doit apporter du positif aux deux côtés, sans pour autant brider l'un ou l'autre.

Pour la première fois, je me rends compte d'à quel point ma relation avec Tom est saine, et pure également. 

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