Chapitre 65
– Australie, nous voilà !, je lâche alors que l'avion s'apprête à atterrir.
Tom se penche vers moi et m'embrasse doucement sur la joue. Puis il fait de même sur le sommet du crâne de Matthew, assis sur ses genoux.
– Nous voilà, confirme-t-il en souriant.
Notre fils gazouille gaiement, ses yeux refusant de se fixer sur un point en particulier. Quant à moi, je jette un coup d'oeil par le hublot ; on ne voit pas grand chose pour le moment, les nuages sont bas. La seule chose que je sais, c'est qu'ici il fait deux fois plus chaud qu'à Londres : l'Australie s'apprête à entrer en été quand l'Europe est encore en plein automne.
Ce voyage à l'autre bout du monde a été préparé à la dernière minute. Nous avons voulu fêter la sortie de Underwater en anglais. Après deux semaines d'attente, la maison d'édition a fini par me répondre positivement, et il y a quelques jours, le roman est enfin paru dans sa deuxième langue.
Ça n'a pas été facile de marchander avec eux. Au début, ils voulaient la garantie que les droits leur appartiendraient sur ce roman, y compris en cas d'éventuelle adaptation cinématographique ou autre. Pour moi, c'était hors de question. J'ai déjà vu ce que certains font des œuvres qui leur passent entre les mains – pour ne citer qu'un exemple, regardez les films Percy Jackson après avoir lu les livres et vous comprendrez –, aussi je ne voulais pas prendre le risque.
La maison d'édition et moi sommes donc parvenus à un compromis : si j'acceptais de signer sous mon nom d'épouse, nom qui attirerait forcément les gens, ils me laissaient la plupart des droits sur le livre. C'est comme ça que, début octobre, Underwater est sorti en librairies anglophones. Comment dire que le jour J, j'ai littéralement pleuré de joie : encore une étape de franchie dans le monde de l'édition. À présent, je suis connue du milieu en France comme en Angleterre, ce qui m'ouvre des portes que je n'aurais même pas envisagées avant.
En parlant de portes... Nous passons celles de l'aéroport après avoir attendu nos valises pendant près de vingt minutes. Il ne me faut qu'une seconde pour reconnaître la voiture qui nous conduira chez Chris : un gros SUV noir aux vitres teintés, dont le chauffeur attend patiemment, appuyé sur la carrosserie.
Matthew s'endort à peine la voiture démarrée, et je le suis de près. Je ne sais pas pourquoi, mais les vols en avion m'épuisent la plupart du temps.
Lorsque je rouvre les yeux, nous sommes arrivés à destination, et Tom me secoue doucement l'épaule ; j'étouffe difficilement un bâillement. Le décalage horaire et les vingt-quatre heures de voyage ne m'ont pas aidée.
Tandis que le chauffeur – Joshua, si je me souviens bien – récupère nos valises dans le coffre, Tom sort Matthew de son siège auto et nous descendons de voiture. Devant l'entrée, Chris nous attend, les bras croisés sur la poitrine et un sourire collé aux lèvres.
– Salut Axelle, lance joyeusement notre hôte en me serrant dans ses bras.
Je réponds à ses embrassades avec plaisir. Et dire qu'il y a encore un an, je pensais ne jamais me faire à l'idée de rencontrer tout plein d'acteurs célèbres ! À présent, certains font partie de la famille, quasiment.
– Merci de nous recevoir.
L'australien hoche la tête avec un sourire.
– Avec plaisir ! Salut, Tom !
Comme il l'a fait avec moi, Chris donne une accolade puissante à son ami, avant de se tourner vers Matthew.
– Hey, mini Tom !, scande-t-il en le prenant dans ses bras.
Bien que le bébé ait à présent plus de huit mois et ait beaucoup grandi, il paraît néanmoins frêle et minuscule dans les bras de l'australien. Avec un sourire, je me souviens d'une fois où j'ai vu une interview de Tom, expliquant que Chris avait voulu lui montrer à quel point son propre fils était petit face à lui.
Matthew a l'air heureux de cette nouvelle rencontre, il lève des yeux rieurs vers l'ami de Tom et sourit. Globalement, notre fils est plutôt sociable, comme enfant. À son âge, j'avais peur de tout et de tout le monde.
– En fait, je crois que je devrais plutôt dire ''bonjour, mini Axelle'', lâche songeusement Chris après un regard appuyé au bébé. Il te ressemble énormément ! Allez venez, entrez. Les enfants vous attendent depuis des heures, ils sont carrément infernaux !
Et de fait, à peine avons-nous passé la porte d'entrée que deux tornades blondes se jettent sur nous en criant. Matthew, toujours dans les bras de Chris, prend l'air inquiet sans pleurer pour autant.
– Salut les gars !, je ris en tapant dans la main des jumeaux.
Eux-aussi ont bien grandi depuis la dernière fois que je les ai vus, lors de mon mariage, un an auparavant. Leurs cheveux sont d'autant plus longs, surtout ceux de Tristan.
– Vous avez fait bon voyage ?, demande Elsa en écartant ses fils du chemin.
D'un geste de la main, elle les envoie jouer dans leur chambre, ce qu'ils font en braillant gaiement.
– Matthew a été adorable, répond Tom, alors on peut dire que oui.
– Pourvu que ça dure !, soupire son interlocutrice. India Rose aussi était sage, au début. Puis à deux ans, elle a commencé à faire du remue-ménage chaque fois qu'on allait quelque part, avant de se calmer de nouveau, beaucoup plus tard. Tiens, où est-elle d'ailleurs ? Indy, tu descends dire bonjour s'il te plaît ?
Des pas résonnent dans les escaliers, puis la petite fille émerge, ses longs cheveux ramenés en une tresse sur le côté. Elle prend son temps pour descendre les marches, comme si elle se faisait délibérément désirer. C'est peut-être le cas, à en juger par son sourire.
Enfin parvenue jusqu'à nous, elle salue Tom puis moi-même, avant de se tourner vers sa mère comme si elle attendait des ordres. Elsa lui adresse un mouvement de tête, un encouragement.
– Regarde ce qu'on a trouvé ce matin !, annonce alors fièrement India Rose en me tendant un bouquin.
Un seul coup d'oeil me suffit pour comprendre : ce roman, c'est le mien. Je ne pensais pas qu'il serait sorti aussi en Australie !
– Je sais que c'est toi qui l'as écrit, continue la fillette. J'ai pas encore commencé à le lire, mais... Est-ce que tu pourrais me le signer, s'il te plaît ?
– Attends une seconde... T'es en train de me demander une dédicace, là ?
Je me tourne aussitôt vers Tom, qui sourit.
– Ma toute première dédicace, je lâche, émue.
Je prends donc le livre que me tend la blonde, ainsi que le stylo, et signe sur la page de garde. Un sourire éclaire son visage lorsque je le lui rends ; elle s'éloigne en sautillant joyeusement.
– Félicitations, dit Chris en me donnant une légère tape dans le dos. Tu vas finir par piquer la vedette à Tom, si tu continues comme ça !
Je ris.
– Ça risque pas d'arriver, ça ! Tom a toute une brochette de fangirls, et de fanboys, à ses pieds. Il est indétrônable !
– Tu as l'air bien renseignée sur le sujet, commente mon mari, l'air de se moquer de moi.
Je lève un sourcil.
– Je te rappelle que je faisais partie de ce groupe de dégénérés, à la base, je plaisante.
– Oui, et puis ils t'ont reniée parce que tu as réussi à réaliser leur rêve, c'est ça ?, raille Tom.
Je pouffe en levant les yeux au ciel.
– J'adore mes fans, continue l'acteur avec un sourire doux. Ils sont tellement attentionnés ! Même si certains sont un peu gênants, parfois.
Ça, je ne peux que le confirmer, ayant moi-même fait partie de ces gens un peu trop dans l'extrême parfois ! Bien que je ne l'avouerais pour rien au monde, évidemment.
– Ha, s'esclaffe Chris, tu ne peux pas nier que nous sommes gênants aussi, Tom !
Les deux amis rient comme s'il y avait un sous-entendu qu'ils étaient les seuls à comprendre. C'est probablement le cas, d'ailleurs. Ils se connaissent depuis presque quinze ans, ils ont forcément des anecdotes qu'eux seuls connaissent.
– Allez, venez vous poser un peu, intervient Elsa en désignant le salon. Ne restez pas debout dans l'entrée !
Nous la suivons donc jusqu'au canapé, sur lequel je m'assois volontiers. J'ai beau avoir faire une sieste de presque deux heures dans la voiture, je me sens tellement vidée ! Heureusement, nous allons pouvoir profiter de ces deux semaines de soleil pour reprendre un peu de vitamine D.
Quel bonheur que d'être passé dans l'autre hémisphère ! Deux semaines d'été supplémentaires ne seront pas de trop, surtout quand on vit à Londres.
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