Chapitre 54
C'est étrange, de se marier en Angleterre. La cérémonie a eu lieu à midi, ensuite nous sommes venus jusqu'à la salle de réception pour y prendre le dîner alors qu'il était à peine seize heures. En France, c'est plutôt la cérémonie à seize heures, le dîner à dix-neuf, et la soirée après jusqu'à pas d'heure !
Une autre différence entre les français et les anglais, c'est la cérémonie en elle-même. Ici, en Angleterre, il n'est pas nécessaire de passer par la mairie pour que le mariage soit valide : l'église seule peut acter une union légalement, au même titre que l'administration.
À présent que le repas est terminé, la soirée débute lentement. Chaque invité a son verre, qu'il se remplit à volonté. Je ne compte plus le nombre de personnes qui sont venues nous féliciter, Tom et moi. Des gens de ma famille que je n'avais pas vu depuis des lustres, des inconnus du côté de Tom, bref, toute une palanquée de personnes à qui j'ai souri sans pour autant être certaine de connaître ne serait-ce que leur nom.
J'ai eu droit à une valse, en fait à deux pour être exacte. Une que mon père a menée – enfin, essayé de mener, parce que mon père et la danse, ça fait quinze –, avant qu'il ne tende ma main à Tom dans un geste symbolique. Évidemment, la deuxième valse a été beaucoup trop romantique, j'en ai pleuré. Mais je ne suis pas la seule, Tom aussi a pleuré, je peux le certifier !
À présent, nous faisons le tour des invités en riant. Voilà d'ailleurs Chris Hemsworth qui s'approche gaiement de nous, un verre à la main et un grand sourire sur les lèvres.
– Eh bien, félicitations !, s'exclame-t-il en donnant une accolade à Tom.
Mon mari – je n'en reviens pas que nous soyons vraiment mariés ! Je m'appelle officiellement Axelle Hiddleston, à présent ! – rit et tapote l'épaule de Chris à son tour.
– Merci, Chris.
Ce dernier se tourne alors vers moi.
– Allez, viens là !, dit-il en ouvrant ses bras. Tu as le droit à un câlin pour avoir rendu Tom heureux, ma belle.
J'accepte avec ravissement. Chris est une personne extraordinaire, je suis heureuse qu'il soit un ami de Tom, de même que Benedict et Joe : Tom a besoin d'amis de cette trempe-là. Comme quoi, parfois, le hasard fait bien les choses.
Chris me serre contre lui à m'en broyer les côtes puis me relâche. Ses yeux descendent lentement vers mon ventre à peine bombé, et il sourit.
– Toujours pas de nouvelles concernant si c'est un il ou une elle ?
Je secoue la tête. Nous n'avons pas encore pris rendez-vous pour l'échographie de vérification, je n'en suis toujours pas à mon cinquième mois. Toutefois, c'est un moment que Tom et moi attendons avec impatience.
– Et qu'est-ce que vous préfèreriez ? Un mini Tom, ou une petite princesse avec de jolies boucles ? (nda : les deux lectrices concernées se reconnaîtront dans ces mots exacts, j'espère, big up à vous la team mini Tom et la team P'tite bouclettes)
– Et pourquoi pas un prince avec de belles boucles ?, je raille. Ou une mini Tom, l'idée est la même.
Chris pouffe.
– C'est pas moi qui vais dire le contraire ! Remarque, tant qu'il ou elle est en bonne santé, c'est le principal.
– Exactement, renchérit Tom. Honnêtement, moi qui ai été élevé avec deux filles... J'ai tendance à dire que je saurai peut-être mieux agir si c'en est une aussi.
Alors il voudrait une fille, lui-aussi ? Comme c'est drôle, je n'y aurais jamais songé. Je ne sais pas pourquoi dans ma tête, j'imaginais que l'acteur voulait un petit garçon. Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences.
– Ha, tu seras parfait quoi qu'il arrive !, tonne Chris en donnant une tape sur l'épaule de Tom.
– Tu vois, je ne suis pas la seule à le penser, je commente, ce qui le fait sourire.
Depuis cet été, il a un peu pris confiance par rapport au bébé. J'essaie toujours de le rassurer quand je le peux, mais je n'en ai presque plus besoin. Bien sûr, il doutera toujours un peu, moi-même parfois je me dis que je ne peux qu'être une mauvaise mère, mais cette remise en question ne peut que nous aider à nous améliorer.
Avec un sourire, je laisse les deux hommes à leur discussion et m'éloigne un peu. Je manque d'ailleurs de renverser un petit être sur deux pieds.
– Wow, euh... Salut ?
Pas très glorieux comme approche, surtout quand on sait que je suis censée avoir de l'expérience avec les gosses. Je ne m'attendais pas à voir ce gamin sur son chemin, je ne connais même pas son prénom d'ailleurs. Je sais que c'est un des fils de Chris, mais lequel ?
Je m'agenouille face au petit garçon avec un léger sourire.
– C'est quoi ton prénom, mon grand ?
– Je m'appelle Tristan !, fanfaronne ce dernier avec un haussement d'épaules.
Ses longs cheveux blonds suivent son mouvement, échouant dans son dos.
– Et toi, c'est quoi ton prénom ?
Je ris doucement.
– Tu es à mon mariage, et tu ne sais pas comment je m'appelle ? Je peux te dire ce que je veux, dans ce cas.
Je tends une main vers lui comme si nous étions des collègues de travail.
– Enchantée, moi c'est Hulk.
Tristan fronce les sourcils avant de glousser.
– Tu peux pas être Hulk, t'es une fille et en plus t'es pas verte.
– Tu as raison, je ne suis pas verte, je dis en faisant mine d'être déçue. Mais je suis aussi forte que Hulk, d'abord ! Et je peux te le prouver.
Je rejette la tête en arrière pour replacer mon voile et déclare d'un ton solennel :
– Je te défie dans un combat de pouces. J'espère que tu connais, au moins ?
Le blondinet hoche la tête en riant.
– D'accord ! Mais d'abord, il faut que j'aille chercher Sasha ! Je suis sûr qu'il veut voir ça !
Sans attendre ma réponse, Tristan part en courant. Moins d'une minute après, il est de retour avec son jumeau. Évidemment, il fallait qu'ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau, ce n'était pas drôle sinon. Heureusement qu'ils ne sont pas habillés pareil, me permettant des les distinguer l'un de l'autre.
À genoux sur le sol pour être à la même taille que les enfants, je tends ma main droite à Tristan, qui l'attrape avec un sourire. C'est son frère qui nous donne le top départ d'une voix enjouée.
Bien que ma main soit deux fois plus grande que celle du gamin, et mes doigts deux fois plus long, je ne peux nier qu'il est compliqué de plaquer son pouce contre ma peau. Il est petit et vif, c'est galère !
– Hulk doit s'incliner face à Quick Silver !, je m'écrie, ce qui fait pouffer mes jeunes adversaires.
– Elle est douée avec les enfants, fait la voix de Chris dans mon dos.
Je jette un coup d'oeil par-dessus mon épaule : Chris, sa femme et Tom me couvent d'un regard bienveillant. Je fais mine de n'avoir rien remarqué et continue ma bataille de pouces avec Tristan. Juste à côté, son jumeau l'encourage en secouant les poings.
– Je sais, répond Tom.
– Elle fera une mère formidable, tu le sais n'est-ce pas ?, embraye Elsa.
– Je sais.
Je souris malgré moi. Je ne connais pas beaucoup la compagne de Chris – ni Chris lui-même en réalité car je ne l'ai vu que peu de fois –, pourtant leurs compliments me touchent réellement.
Depuis que je suis toute petite, je ne rêve que de me marier et fonder une famille. Ça a toujours été mon but ultime dans la vie, et entendre le couple insister sur le fait que je me débrouillerai parfaitement... Eh bien, c'est agréable, et plutôt rassurant.
– Perdu !, s'écrie alors Tristan.
Je baisse les yeux vers nos mains : trop déconcentrée par la discussion qui se tenait derrière moi, je n'ai pas remarqué son pouce qui a plaqué le mien contre le reste de ses doigts. Je ne peux plus le bouger, par conséquent, la victoire revient à l'enfant.
– Bien joué, je dis en lui tendant la main.
Il la serre en riant.
– T'es pas un peu trop vieille pour jouer au combat de pouces ?, intervient alors India Rose en se plaçant entre son frère et moi.
Je lève lentement les yeux vers elle. L'une de ses tresses a perdu l'élastique qui la retenait et quelques mèches rebelles s'en échappent.
– Je rêve ou tu viens de me traiter de vieille ?, je fais mine de m'étrangler.
La petite fille rit.
– Ben... T'es en train de te marier, tu devrais faire autre chose que jouer avec nous.
Je hausse les épaules en riant.
– Je fais ce que je veux, et ce que je veux tout de suite, c'est jouer avec vous. D'ailleurs, tu n'as pas amené une Barbie par hasard ? Je rêve d'une Barbie !
L'enfant me regarde avec consternation, visiblement pas certaine de si je plaisante ou non. Moi-même, je ne suis pas sûre de rigoler.
– J'ai dix ans, j'ai plus l'âge de jouer à la Barbie, finit par lâcher India Rose.
– Faux !, je m'écrie aussitôt. Alors ça, c'est archi faux !
Je me redresse un peu pour être à sa taille et place mes mains sur les épaules de la petite fille.
– Il n'y a pas d'âge pour jouer à la Barbie, comme il n'y a pas d'âge pour jouer à la poupée ou se déguiser. Le principal, c'est que ça te plaise. Si tu as envie de jouer à la poupée jusqu'à la fin de ta vie, c'est ton droit.
Je lui fais un clin d'oeil et elle me sourit en retour.
– Je vais te dire un truc, d'accord ? Ta vie, il n'appartient qu'à toi de la vivre à fond. Alors si t'as envie de faire un truc, fais-le ! Dans la limite du légal, évidemment, hein.
India Rose lève les yeux et je devine, à son expression ravie, que son père se trouve derrière moi. Je me relève donc pour faire face à Chris, tout sourire.
– J'aime beaucoup ton discours, indique-t-il en faisant un signe de tête vers sa fille. Tu as un don avec les enfants, c'est indéniable. Tu feras une bonne mère.
Je souris.
– Je te remercie, Chris. Ça me touche.
Et ça me choque toujours autant de parler si naturellement à des gens que, un peu plus d'un an auparavant, je pensais inaccessibles. Ma vie a sacrément évolué, je n'aurais jamais cru que c'était possible ! Pas à ce point, en tout cas.
Je me souviens de longues discussions avec mes amis, avec Mathieu, quant à la vie active et le fait de grandir. À cette époque-là, jamais je n'aurais pensé que je serais la première d'entre tous à me marier, à fonder une famille. Pourtant, voilà où j'en suis à présent.
– Eh, pssst !
Je me retourne vivement. Cet accent et ces mots typiquement français... Il ne peut s'agir que d'un ami à moi, ma famille ne m'aurait jamais interpelée de la sorte.
Derrière moi, un grand sourire scotché aux lèvres et ses cheveux bouclés retombant en cascade sur ses épaules – il les a détachés à présent –, Mathieu me fait signe de la main.
– Je crois que je suis censé te féliciter, non ?
Il ouvre grand ses bras et je cours m'y loger avec bonheur. Je le serre contre mon cœur, heureuse qu'il soit là, heureuse qu'il soit dans ma vie tout court.
– Vraiment, meuf, chapeau !, s'exclame mon meilleur ami tandis qu'il referme ses bras sur moi. Et moi qui pensais qu'on allait finir par se marier à vingt-cinq ans, comme on l'avait prévu !
– C'est vrai qu'on avait décidé de se marier si on trouvait personne d'ici nos vingt-cinq ans, je ris.
Avec tout ce qui m'est arrivé cette dernière année, ça m'était complètement sorti de la tête, pourtant Mathieu a raison. À l'époque, en tant que célibataires endurcis, nous avions décidé – en plaisantant d'abord, puis plus sérieusement par la suite – que si à nos vingt-cinq ans nous étions toujours dans la même situation, nous nous marierions et fonderions une famille ensemble. Comme cela me semble loin à présent ! Pourtant, un an et demi en arrière, il était encore question de ce mariage arrangé. Quelle idée saugrenue !
– Après, c'était à la condition d'être encore des célibataires qui ne trouvaient personne. Je suis mariée à présent, donc le contrat n'avait plus de raison d'être.
– C'est vrai, acquiesce Mathieu.
Il me relâche doucement et plante son regard sombre dans le mien.
– Dire qu'on ne connaîtra jamais les beaux gosses qu'auraient été nos enfants !
– Quel dommage !, j'ironise. Je vais devoir me contenter des beaux gosses qui seront les miens, et toi des mochetés qui seront les tiens.
Mon meilleur ami me repousse vivement et me balance un léger coup de poing dans le bras.
– Je vois que t'as pas changé, t'es toujours aussi méchante, marmonne-t-il.
Toutefois, l'étincelle de malice qui brille dans ses yeux prouve qu'il n'est pas vexé.
– Et toi t'es toujours aussi con, je rétorque avec un sourire moqueur. On change pas une équipe qui gagne, tu le sais bien !
Mathieu rit puis se penche vers mon ventre en lui adressant un clin d'oeil.
– Ta maman est méchante avec moi, t'en es témoin, hein ?
Il lève aussitôt les yeux vers moi et son expression redevient sérieuse.
– Tu sais si c'est une fille ou un garçon, ou pas encore ?
– Qu'est-ce que vous avez tous à me poser cette question ?, je demande en repensant à Chris, dont les mots étaient quasiment les mêmes quelques minutes auparavant.
Mathieu hausse les épaules.
– Je te rappelle que t'as caché ta grossesse à tes parents, au début. Si ça se trouve, tu nous caches le sexe du bébé aussi.
Je pouffe.
– Non, je ne vous cache rien du tout. Je dois prendre rendez-vous pour fin octobre voire début novembre, je saurai à ce moment-là. J'ai même pas encore entamé mon quatrième mois, alors...
Mon meilleur ami se redresse pour me faire face.
– Par contre, on a déjà des idées de prénoms !, je lance joyeusement.
– C'est vrai ? Vas-y, balance tout !
– De quoi vous parlez ?, intervient une voix derrière nous.
Mathieu et moi nous retournons d'un même mouvement. Le reste de mes amis se tient là, serrés les uns contre les autres. Kayla et Marine, dans leurs robes de demoiselles d'honneur, sont juste magnifiques. Quant à Malek et Kylian, ils ne sont pas en reste dans leurs costumes. Je savais que j'avais des beaux gosses en guise de potes, mais là ça se confirme !
Comme c'est étrange, de voir les quelques idiots à qui je tiens ici, dans cette tenue. Nous n'avons pas été réunis depuis des lustres, et voilà qu'aujourd'hui je me marie et qu'ils sont tous présents ! Ils ratent des heures de cours pour moi, Malek et Kylian ont même posé des jours de congé ; je ne pourrai jamais assez les remercier.
Bien que Mathieu et les autres se soient croisés plusieurs fois – surtout chez moi –, ils n'ont jamais accroché tant que ça, de même que je n'ai jamais vraiment parlé aux amis de Mathieu. J'ai donc un groupe de copains, et mon meilleur ami de l'autre côté. Ce n'est pas forcément plus mal, quand on y pense.
– Elle allait donner les noms pour son gosse, répond Mathieu.
– Oh trop bien !, s'exclame aussitôt Kayla. Je veux savoir, moi aussi !
J'aime tellement son côté enjoué, là où Marine est beaucoup plus posée. Vraiment, ils m'avaient manqué, tous autant qu'ils sont. Ce que je m'empresse de leur faire remarquer.
– Tu nous as manqué aussi, répond Malek avec un sourire. Mais on veut les prénoms, là !
Je fais mine d'être choquée par leur manque de considération, alors qu'au fond ce n'est carrément pas le cas. J'aime les faire poireauter un peu, ce regard de détresse sur leurs visages, c'est plaisant !
– D'accord, d'accord, je finis par accepter. Je commence par si c'est une fille ou si c'est un garçon ?
– Une fille !, crient Marine et Kayla à l'unisson.
Je ris.
– Bon. Si c'est une fille, elle s'appellera Charlotte.
– Ooooooh, s'extasient les filles, tandis que les garçons froncent les sourcils.
– Est-ce que y a une raison en particulier ?, interroge Kylian.
Je secoue la tête en signe de dénégation.
– Non, on aime juste bien ce prénom tous les deux. Et puis, Charlotte, ça me fait penser à quelqu'un de fort et stable, émotionnellement.
Comme Charlotte Branwell, par exemple. Ce petit bout de femme est extraordinaire, bien qu'elle n'existe que sur papier. Si vous ne la connaissez pas, je vous conseille d'aller lire la série The Infernal Devices, de Cassandra Clare. Tout compte fait, lisez l'entièreté de ses romans sur les Chasseurs d'Ombres, vous ne le regretterez pas – parole d'une fan.
– C'est pas le nom de la fille de Kate et William ?
– Si, mais on ne l'a pas choisi pour ça.
– Et si c'est un garçon ?, coupe Kayla en tapant dans ses mains.
De nouveau, je ris face à son enthousiasme légendaire. Cette fille, c'est une pile électrique. La seule personne qui sait la canaliser, c'est son copain ; Kylian a ce don d'apaiser les gens par quelques mots à peine.
– Eh bien, si c'est un garçon...
– Matthew, lâche une voix derrière moi.
Inutile de me retourner : à la mine effrayée qu'arborent mes amies et le son étranglé qui jaillit de leur gorge, je sais déjà qui est derrière moi. De plus, je reconnaîtrais cette voix entre mille.
– Exact, j'affirme tandis que Tom passe ses bras autour de ma taille.
– C'est elle qui a choisi, explique-t-il en français.
Comme chaque fois qu'il parle ma langue, je suis soufflée par son accent à s'en évanouir. Il n'y a rien de plus sexy qu'un anglais qui parle français, vous pouvez me croire ! Par contre, un français qui parle anglais... C'est tout le contraire, ça donne juste envie de fuir. Heureusement, je pense avoir perdu mon accent depuis le temps que je vis à Londres.
– Laisse-moi deviner, avance Mathieu en riant. Si c'est toi qui l'as choisi, c'est forcément inspiré d'un des livres que tu lis.
Je pince les lèvres, consciente que j'ai l'air coupable. D'un autre côté, ce n'est pas de ma faute si certains personnages sont assez remarquables pour qu'on n'oublie jamais leurs prénoms !
– Matthew Fairchild, dans The Last Hours, je dis du bout des lèvres.
– Le gars que t'avais en fond d'écran sur ton téléphone, là ?
Je suis agréablement surprise. Mathieu se rappelle de mon fond d'écran d'il y a plus d'un an ? Moi qui ai pourtant une très bonne mémoire, je ne suis pas sûre que j'aurais retenu une telle information le concernant.
– Elle parle de lui, beaucoup, confirme Tom, toujours en français.
Mes amis éclatent aussitôt de rire. Évidemment, quand on est une grande fangirl, on le reste jusqu'à la fin de sa vie. Dans mon cas, j'ai grandi avec un livre dans les mains, je ne vais pas m'arrêter de si tôt. Surtout que maintenant, je bosse à fond pour faire éditer mes propres romans.
Tom m'embrasse doucement sur la joue et je souris.
– Tu as de bons goûts en matière de prénoms, lance-t-il en anglais. Matthew, ça me plaît.
– Ça ressemble beaucoup à Mathieu, commente mon meilleur ami. J'aime bien.
Un silence s'installe, un silence qui pourtant n'a rien de gênant. Nous savourons tous le moment.
– Je suis heureux d'avoir enfin pu vous rencontrer, indique subitement Tom, en anglais. Axelle m'a beaucoup parlé de vous, évidemment, mais c'est toujours mieux de voir les gens en vrai.
Mes amis prennent quelques secondes pour déchiffrer ce qu'il vient de dire, puis répondent que le plaisir est partagé. Quant à moi, je sens mon cœur qui se gonfle de joie. Je n'aurais pu rêver mieux, comme plus beau jour de ma vie : tous ceux que j'aime, réunis, un sourire étalé sur le visage.
De nouvelles voix viennent s'ajouter aux premières, et je me tourne en souriant. Michael, Lucy, John et Elizabeth nous ont rejoint, je vais pouvoir les présenter officiellement à ma bande de copains marseillais.
– Les gars, je dis en français, je vous présente mes anciens colocataires.
– Tes anciens coloc..., lance songeusement Malek. Tu veux dire que t'as gardé contact avec eux, alors que ça va faire un an que tu vis plus avec ?
Je lui balance un léger coup de poing dans le bras.
– Tu sous-entends que je suis pas capable de me faire des amis ?
Il hausse les épaules avec un faux air innocent et je pousse une exclamation de surprise.
– C'est pas très sympa de ta part, je fais mine de bouder.
Je me tourne vers mes anciens colocataires.
– Il dit que c'est pas normal que j'aie réussi à rester amie avec vous, je leur explique en anglais.
– Parce que t'es une associable, c'est ça ?, renchérit John.
Je le frappe comme j'ai frappé Malek juste avant.
– Eh ! Tu vas pas t'y mettre toi-aussi ? C'est mon mariage, soyez sympa avec moi !
Je pousse un long soupir avant de reprendre :
– Bref, tout ça pour dire que... Voici Mike, Lucy, Liz et John, je dis en français.
Mes amis hochent la tête et saluent vaguement les anglais, à qui je présente les premiers :
– Voici Marine, Kayla, Kylian et Malek. Et évidemment, mon meilleur ami, Mathieu.
C'est étrange de tenir une conversation à la fois en anglais et en français, je n'en ai plus l'habitude. À côté de moi, Tom pose une main sur ma taille et m'embrasse la joue.
J'attrape machinalement le collier passé autour de mon cou, héritage de mon arrière grand-mère. Je sais que si elle avait été là, elle aurait été ravie de me savoir heureuse.
– Elle aurait été fière de toi, je crois, murmure Tom dans mon oreille.
Je souris. Oui, Dédé aurait adoré Tom, j'en suis convaincue. Je m'apprête d'ailleurs à le faire remarquer à ce dernier, mais un tintement de verre m'interrompt. Debout au milieu des convives, Sarah, la sœur aînée de Tom, cogne sa cuillère contre son verre pour attirer l'attention de tous.
– J'aimerais dire quelque chose !, crie-t-elle.
Tom lève son verre dans sa direction pour l'encourager à poursuivre. Avec un sourire, la femme sort un papier de sa poche et le place devant elle, prête à le lire.
– Bien. J'aimerais commencer en disant un grand bravo à mon petit frère. Il a jamais su rester en couple bien longtemps, par peur de l'engagement sans doute, pourtant le voilà aujourd'hui qui se marie ! Alors, Tom, félicitations à toi !
À côté de moi, Tom plonge son visage dans sa main libre, l'air de regretter d'avoir laissé la parole à sa sœur. Quant à moi, je réprime du mieux que je peux mon envie de rire. Il ne manquerait plus que ma sœur fasse un discours elle-aussi, pour m'afficher un peu, et nous ferons la paire ! Toutefois, tant qu'elle ne balance pas la fois où je me suis faite larguer alors que je n'étais même pas en couple avec le garçon en question – longue histoire, je vous la raconterai peut-être un jour –, je pense que je devrais survivre.
– Ensuite, j'aimerais dire merci à Axelle.
Sarah se tourne aussitôt vers moi.
– Tu as réussi là où personne n'avait réussi auparavant. Non seulement tu as conquis le cœur de mon frère, mais en plus tu l'as épousé tout en lui donnant un enfant. Je ne sais pas comment tu as fait, rit-elle, mais félicitations à toi aussi !
– J'aime beaucoup ta sœur, je glisse à Tom.
Ce dernier hausse les épaules avec un sourire. Je vois bien dans ses yeux qu'il est ému, même si sa sœur s'est gentiment moquée de lui quelque secondes auparavant.
– Je sais que beaucoup pensent que dix-huit ans d'écart, c'est énorme, mais je ne suis pas d'accord, continue Sarah. Est-ce qu'il vaut mieux avoir dix-huit ans d'écart et vivre une vie heureuse, ou avoir le même âge mais rester triste toute sa vie parce qu'on a mal choisi ? Pour être honnête, je crois que Tom et Axelle sont le plus beau couple qui m'ait été donné de voir jusqu'à présent. Mis à part le mien, évidemment !
L'assemblée rit, bien que ma famille et mes amis n'aient sans doute pas tout compris. Ils ont les bases de la langue anglaise, mais mis à part Malek qui a fait des études de langues, les autres ne sont pas des prodiges.
– J'aimerais donc porter un toast. Puissiez-vous être heureux tous les deux, parce que je pense que vous le méritez amplement. J'aurais bien dit ''si vous faites un enfant cette nuit je veux en être la marraine'', mais vu qu'un bébé est déjà en route...
De nouveau, les invités rient ; Sarah adresse un clin d'oeil à son frère.
– Je vais devoir attendre le prochain, du coup. Mais ne m'oubliez pas, d'accord ?
– Ah non, le prochain est pour moi !, proteste ma sœur en français.
Ma mère lui tape sur la tête pour la faire taire, ce qui fait rire les invités. Quant à Sarah, elle lève son verre en souriant.
– Et vive les mariés !, termine-t-elle, en français cette fois.
Des applaudissements retentissent dans toute la salle.
– J'aime vraiment bien ta sœur, je répète avec un sourire en coin. Par contre, la mienne... Elle prend un peu trop la confiance, je trouve.
Tom pouffe.
– C'est marrant comme vous vous ressemblez énormément tout en étant complètement différentes, lance-t-il, l'air songeur. Physiquement, vous vous ressemblez beaucoup, et vous partagez plein de centres d'intérêt. Mais comme on dit en français...
Il s'arrête un instant, l'air de réfléchir à ce qu'il va dire, puis finit par clamer en français :
– Elle a une grande gueule.
J'éclate aussitôt de rire.
– Ah ça oui, un peu trop grande même ! Pour quelqu'un comme moi, ça peut vite devenir fatiguant.
Mon mari raffermit d'avantage sa prise sur ma taille avant de déposer un baiser sur mon front.
– J'imagine que...
– Oh mon dieu !, je l'interromps, le cœur battant.
Ma main se plaque aussitôt sur mon ventre et mon souffle s'emballe.
– Quoi ?, s'inquiète immédiatement Tom. Qu'est-ce qui se passe, est-ce que tout va bien ?
– Je crois qu'il bouge !
Je n'en suis pas certaine, parce que c'était très léger et rapide, mais... J'ai l'impression d'avoir senti quelque chose, comme un frisson.
– Le bébé ?
– Oui ! Oh, je le sens encore !
Excitée, j'attrape la main de Tom pour la placer sur mon ventre ; il fronce les sourcils.
– Je ne sens rien.
Évidemment, comment pourrait-il ? C'est à peine comme un effleurement, que je sens vibrer à l'intérieur de moi. À travers le tissu de la robe, l'acteur ne peut rien distinguer.
Je renifle, une fois, deux fois, avant de sentir les larmes couler sur mes joues.
– Oh, honey..., murmure Tom en me serrant contre lui.
Mon visage échoue dans sa chemise, à demi ouverte ; mon front rencontre mon pendentif, celui que mon mari continue de porter jour après jour. Étant donné que je ne laisse aucune trace, je conclus que mon maquillage est bel et bien waterproof.
– Je vais avoir un bébé, je pleure.
Je le savais déjà, mais à présent que je l'ai senti bouger pour la première fois, la chose a prix une toute autre ampleur. C'est comme une confirmation, ça prouve que c'est réel. Si j'avais dû compter sur mon ventre, j'aurais pu attendre encore longtemps.
– Je vais avoir un bébé..., je répète.
Tom me serre encore plus fort contre lui. Il ne dit rien, il n'en a pas besoin : son amour pour moi, pour l'enfant, transparaît dans chacun de ses gestes. Aussi, je m'abandonne à son étreinte et laisse couler les torrents de larmes sur mon visage.
Je ne peux m'empêcher de me demander : est-ce que c'est les hormones, ou juste mon caractère qui s'exprime ?
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