Chapitre 53

Je pousse un long soupir en me regardant dans la glace. Je suis magnifique, c'est indéniable : la coiffeuse et la maquilleuse ont fait du bon travail. Mon chignon laisse retomber quelques mèches bouclées, et mon maquillage est subtil sans pour autant être pas assez. Quant à ma robe...

Elle n'a pas changé depuis les derniers essayages. Le même bustier en cœur brodé de perles nacrées, la même taille serrée d'une ceinture pailletée, le même jupon vaporeux digne d'un dessin animé... Moi qui pensais devoir défaire un peu le lacet, au final ça n'a pas été le cas : j'ai à peine grossi depuis juillet.

J'ai beau en être à mon quatrième mois de grossesse – presque en tout cas, disons que je suis sur la fin du troisième mois –, mon ventre n'a toujours pas gonflé, ou à peine. Je sais bien que chaque grossesse est différente, mais enfin ! Je pensais que j'allais grossir plus vite, alors que pas du tout. Non pas que ça me déplaise, hein, au contraire : j'ai réussi à garder ma silhouette plus ou moins intacte pour mon mariage, c'est plutôt cool !

Mon mariage... J'ai du mal à croire que c'est bel et bien en train d'arriver, toutefois mon reflet ne me trompe pas. Dans moins d'une heure, je rejoindrai Tom à l'église. Comme le veut la tradition anglaise, j'ai choisi une de mes demoiselles d'honneur pour me conduire jusqu'à l'hôtel : cet honneur ne pouvait revenir qu'à ma sœur, bien qu'elle ne soit pas encore majeure.

Comme j'ai décidé de suivre les traditions, j'ai dû me munir de quelque chose de neuf – ma jarretière –, quelque chose d'emprunté – les boucles d'oreille de ma grand-mère –, et quelque chose de vieux et de bleu – un seul objet a rempli les deux critères : un collier hérité de mon arrière-grand-mère, au pendentif bleu en forme de goute. À présent, je suis parée.

– T'es prête ?, demande Laura.

– J'ai jamais eu autant la trouille de toute ma vie, je lâche d'une voix tremblante.

Je ne dirai pas que je doute de Tom : je suis persuadée qu'il dira oui, parce que j'ai foi en son amour pour moi et en mon amour pour lui. Toutefois, c'est une grande étape de ma vie qui se profile, c'est normal que ça me fasse peur.

– Allez viens, la voiture nous attend.

Je suis surprise de voir que ma sœur cadette se débrouille plutôt pas mal dans son rôle. Je ne la connaissais pas aussi mature, c'est plaisant et déroutant à la fois. On dirait que c'est moi la petite sœur et elle l'aînée.

Avec un nouveau soupir, je la suis jusqu'à l'extérieur. La voiture est garée devant le portail et lorsque j'en vois le chauffeur, je me précipite aussitôt vers lui.

– Mathieu !, je m'écrie. C'était pas prévu du tout, ça ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Mon meilleur ami me fait un clin d'oeil. Ses longs cheveux blonds sont retenus par un élastique, et il porte un costume bleu à en faire pâlir plus d'une.

– Meuf, je pouvais pas être ton témoin, donc j'ai trouvé un moyen d'être important quand même. Pour ce qui est de l'organisation... Tu t'arrangeras avec ton futur mari, hein !

Je me retiens du mieux que je peux de fondre en larmes. Surtout, ne pas pleurer, pas maintenant en tout cas : je ne peux pas détruire un si beau maquillage avant même que la cérémonie ait commencé. Est-il waterproof, d'ailleurs ? Je n'ai même pas pensé à demander. Je suppose que je le saurai bien assez vite.

– Allez monte ! On va être en retard, sinon.

Je pouffe.

– T'es sûr de pouvoir conduire en Angleterre ?

– Mais c'est que t'es toujours aussi marrante, toi !, raille Mathieu.

Il me fait signe de monter derrière lui, ce que je fais. Évidemment, avec une robe comme la mienne, c'est dur de rentrer dans une voiture. Je ne peux même pas mettre ma ceinture de sécurité, tant pis. Quant à ma sœur, elle est forcée de s'assoir sur le siège passager pour avoir un peu de place.

Il nous faut un peu moins d'une demi-heure pour nous rendre jusqu'à l'église. Visiblement, tout le monde est déjà installé, seuls les retardataires se pressent pour rentrer. Évidemment, je suis la dernière, et Tom est déjà à l'intérieur, attendant que je le rejoigne.

Mathieu vient m'ouvrir la portière avec un grand sourire. Je suis étonnée de ne voir aucun paparazzi, surtout que le mariage a été annoncé au public trois dimanches consécutifs comme le veut la tradition anglaise. À mon avis, ils seront sur place au moment où on ressortira de l'église, j'en mettrais ma main à couper.

– Je suis tellement fier de toi !, s'exclame mon meilleur ami en me serrant dans ses bras.

J'ai la gorge nouée, je ne peux pas lui répondre, aussi je me contente de le serrer un peu plus fort contre moi.

– Bon, j'y vais !, balance ma sœur en s'éloignant en direction de l'église.

Que fait-elle ? Elle est censée me conduire jusqu'à mon fiancé, l'a-t-elle oublié ?

– Laura !, je l'appelle.

Elle se tourne vers moi avec un clin d'oeil et désigne Mathieu du doigt.

– Je ne fais que suivre le plan !, s'écrie Laura avec un sourire ravi. On se voit à l'intérieur !

Sans plus d'explications, la voilà qui passe la porte et disparaît à l'intérieur du bâtiment. Je me retrouve seule avec mon meilleur ami, sonnée. Que vient-il de se passer ?

– Je te l'ai dit, rit ce dernier. Tu t'arrangeras avec l'homme de ta vie pour les changements de programme.

Tandis qu'il me tend son bras tel un gentleman, je réalise avec stupeur ce qui s'est produit. Tom a décidé, sans m'en avertir, de permettre à mon meilleur ami de participer réellement à la cérémonie. Comme en Angleterre, nos témoins sont forcément nos demoiselles et damoiseaux d'honneur, je ne pouvais pas proposer ce rôle à Mathieu. Tom a trouvé la solution.

– Je vais le tuer..., je glisse.

– Mais non, ça se fait pas, de tuer son futur mari. En plus, il a fait exprès parce qu'il savait que tu serais ravie.

Et je le suis. Chaque fois, l'acteur trouve le moyen de me surprendre encore plus que précédemment, je ne sais pas comment il fait. Il est imprévisible, j'aime ça.

– Et la tradition ?, je m'inquiète.

– Axelle, quelle tradition ? T'es pas anglaise, à la base, t'es française ! Et en France, on fait un peu ce qu'on veut. Alors au diable les traditions, et dépêchons-nous avant que ton fiancé commence à penser que tu t'es enfuie en courant.

Je pouffe. Il marque un point, aussi je replace mon voile afin qu'il ne tombe pas, puis m'accroche au bras de Mathieu, un sourire rayonnant sur le visage. Et nous entrons par les deux portes battantes.

À l'intérieur, tous les visages se tournent vers nous. Je me sens minuscule entre ces murs immenses, mais je dois avouer que l'église est magnifique.

Une seule personne ne se retourne pas : c'est Tom. Debout face à l'hôtel, les mains jointes devant lui, il attend patiemment que je remonte l'allée jusqu'à lui. Petit à petit, mes pas me rapprochent de lui, et je me crispe un peu plus.

– Si tu veux fuir, fais-moi signe et on s'en va en courant, murmure Mathieu en se penchant pour parler dans mon oreille.

Ça a le mérite de me faire glousser, ce qui me détend aussitôt.

Enfin, je me place à côté de mon fiancé, qui se tourne vers moi pour me contempler bouche bée. Ses yeux sont larmoyants, ce qui me donne envie de pleurer aussi. Il adresse un sourire et un signe de tête à Mathieu, qui s'écarte de moi avant d'aller s'assoir. Quant à moi, j'essaie du mieux que je peux de remercier Tom par un simple regard.

Le prêtre nous fait signe, et la cérémonie peut enfin commencer. Je trouve le temps long, toutefois ça ne me dérange pas : c'est le plus beau jour de ma vie, comment pourrais-je voir quoi que ce soit de négatif là-dedans ?

Lorsqu'enfin est venu le temps d'échanger nos vœux, toute la salle se lève comme un seul homme.

Du coin de l'oeil, je vois que ma mère essuie discrètement une larme tandis que mon père se moque gentiment d'elle. À côté d'eux, ma sœur tourne la tête dans tous les sens, détaillant chaque personne la bouche ouverte.

Je sais qu'elle a du mal à accepter l'idée que des stars sont là, surtout celles dont elle est terriblement fan – Chris Hemsworth par exemple. Moi-même, si je n'avais pas été plongée dans le milieu, j'aurais probablement agi de la même manière. On a tendance à vite oublier que ce ne sont que des humains normaux, au même titre que nous.

En face de moi, Tom est rayonnant. Son sourire est éclatant, et ses yeux brillent si intensément que je ne serais pas étonnée de les voir illuminer le monde entier.

– I take you to be my wife, récite-t-il en serrant un peu plus fort mes mains dans les siennes. I promise to be true to you in good times and in bad, in sickness and in health. I will love you and honour you all the days of my life. 

[Je te prends pour épouse. Je promets de t'être fidèle dans les bons et les mauvais moments, dans la maladie comme dans la santé. Je t'aimerai et t'honorerai pour le reste de ma vie.]

Je souris tandis qu'un feu se déclare dans mes entrailles. Je suis amoureuse, ce n'est pas une nouveauté, mais c'est la première fois que je me rends compte de la puissance de cet amour. Je détruirais tout sur mon passage pour Tom.

– I take you to be my husband, j'enchaîne, la voix légèrement tremblante. I promise to be true to you in good times and in bad, in sickness and in health. I will love you and honour you all the days of my life. 

[Je te prends pour époux. Je promets de t'être fidèle dans les bons et les mauvais moments, dans la maladie comme dans la santé. Je t'aimerai et t'honorerai pour le reste de ma vie.]

– Je vous déclare donc mari et femme, unis par les liens sacrés du mariage, déclare le prêtre. Vous pouvez embrasser la mariée, ajoute-t-il à l'intention de Tom, dont le sourire s'agrandit encore plus si c'est possible.

Une main sur ma taille et l'autre derrière ma nuque, celui que je voyais encore à peine un an auparavant comme une célébrité inaccessible m'attire à lui pour planter un baiser sur mes lèvres. Je passe aussitôt mes bras autour de son cou pour le coller un peu plus à moi. Les centaines de paires d'yeux braquées sur nous ne me font ni chaud ni froid, tout comme la salve d'applaudissements qui suit.

Lorsque nous rompons notre baiser, la cérémonie est officiellement terminée. Tous les invités se pressent pour sortir, nous serons les derniers à le faire pour qu'ils puissent nous jeter des pétales et que sais-je encore. Profitant de cet instant de répit, je tire sur la manche de Tom.

– Merci, je dis doucement. Pour Mathieu, et... pour tout le reste.

Moi qui n'ai pas pleuré de toute la cérémonie – étonnant quand on sait l'émotive que je suis ! –, voilà que les larmes coulent sur mon visage à présent. L'acteur en écrase une du pouce et sourit, la tête un peu penchée.

– Après tout ce que tu as fait pour moi... Je te devais bien ça.

Je ne suis pas certaine d'être celle qui a le plus fait pour l'autre, néanmoins je ne réplique pas. Si Tom estime que j'ai énormément accompli pour lui, alors c'est la vérité. Je n'ai pas le droit de lui enlever ce bonheur sous prétexte que je dépends plus de lui que lui de moi, parce que ce n'est le cas que sur certains plans. Sur d'autres, je suis persuadée que l'inverse est tout aussi vrai.

– Ta robe est magnifique, lâche Tom du bout des lèvres.

C'est vrai qu'il ne l'avait pas encore vue, avant ça. C'est ce que la tradition veut, et nous avons souhaité la respecter. Nous devions toutes les respecter, à la base : la seule que nous ayons enfreinte est celle de la demoiselle d'honneur qui devait me conduire à l'hôtel.

– C'est la plus belle robe que j'aie jamais portée, je rougis. Et pourtant j'en ai porté, des robes de princesse ! Mais aucune pour un jour aussi important que celui-là.

– Elle te va très bien, tu es magnifique. Et tu as mis des talons, je suppose ? Tu es moins petite que d'habitude.

Je m'esclaffe.

– Moi, petite ? J'ai une taille mannequin, c'est pas de ma faute si t'es un géant !

– Une taille mannequin jusqu'à ce que la petite chose qui grandit en toi décide de se montrer un peu, ricane Tom.

Je lui fiche un coup sur le bras.

– Eh ! Ne l'incite pas à grandir trop vite, s'il te plaît ! Il a déjà eu la bonté d'âme d'attendre notre mariage avant de se montrer, c'est parfait ! Je n'aurai pas l'air d'une baleine sur les photos, au moins.

Bien que le ventre de femme enceinte – ou un ventre tout court d'ailleurs – n'ait rien de disgracieux, je suis heureuse d'avoir gardé sensiblement la même silhouette. J'ai peut-être pris deux ou trois centimètres de tour de taille, mais rien qui ne se voie trop si on n'y fait pas expressément attention.

– Tu ferais une très belle baleine, dans ce cas.

– Tom, arrête de te moquer de moi !, je proteste gentiment.

Il rit, avant de m'attirer à lui. Je pose ma tête sur sa poitrine et aussitôt, je suis assaillie par le battement de son cœur à travers sa chemise et sa veste. Il est lent, régulier. Apaisant.

– Nous allons pouvoir sortir, soupire-t-il alors en indiquant du doigt la porte d'entrée.

Tous les invités sont déjà dehors, c'est notre tour à présent. C'est donc main dans la main que nous nous avançons vers la sortie.

Dehors, le temps est splendide, à croire que le ciel nous réservait son meilleur cadeau de mariage. Profitons-en tant que ça dure, parce qu'il pourrait bien se mettre à pleuvoir d'ici une heure.

Les invités sont regroupés par affinités sur la place. J'aperçois ma famille – celle du côté de mon père, ainsi que celle du côté de ma mère – et mes amis juste à côté. Je leur adresse un petit signe de tête ravi.

Ah, voilà les fameux paparazzi qui manquaient à l'appel deux heures plus tôt. Toutefois, rien ne viendra entacher mon bonheur, j'en fais le serment ! Qu'ils prennent leurs photos, s'il n'y a que ça pour leur faire plaisir ! Moi, je viens de me marier avec l'homme de ma vie, alors je n'ai que faire de leurs têtes de vautours prêts à tout.

Je leur adresse donc mon plus beau sourire, sourire qui n'est même pas hypocrite pour le coup, et m'accroche un peu plus fort au bras de Tom. Le photographe – l'officiel, celui que nous avons payé pour immortaliser ce jour –, nous fait signe de nous arrêter en haut des marches. Visiblement, il attend un baiser devant l'église, comme les français le font souvent. Soit, nous allons lui donner ce qu'il réclame.

Tom m'adresse un clin d'oeil, puis passe une main derrière ma taille et l'autre dans mon dos. Je n'ai pas le temps de m'interroger sur ce qu'il compte faire que, d'un mouvement de bras incroyablement bien maîtrisé, il me fait chavirer. S'il n'y avait pas eu sa main fermement posée entre mes deux omoplates, je me serais affalée par terre. L'acteur m'appuie alors sur un de ses genoux et, avec un sourire radieux, plonge son visage vers le mien.

Je ferme les yeux tandis que nos deux bouches se retrouvent avec joie, échangeant un baiser passionné. C'est un véritable feu d'artifice à l'intérieur de moi-même, mes entrailles sont victimes de combustion instantanée. Mon cœur cogne contre ma poitrine comme s'il voulait s'en échapper.

Ce moment est digne d'un film hollywoodien, je n'aurais jamais pensé vivre ça de toute ma vie. Autant dire que j'apprécie énormément.

Le photographe est ravi, je l'entends battre des mains en criant. J'espère que les clichés seront parfaits, parce que cet instant l'est carrément.

Tom m'aide à me redresser, avant de déposer un léger baiser sur ma joue.

– Je t'aime, sweetheart, chuchote-t-il dans le creux de mon oreille.

– Je t'aime aussi, mon cœur, je souris.

Le photographe nous fait signe de descendre les marches, ce que nous faisons alors. En plein milieu, je pose la main sur mon ventre, presque par réflexe.

C'est fou comme ça m'est venu naturellement dès l'instant où j'ai su que j'étais enceinte ! Je ne sais même pas pourquoi je le fais, ça me vient tout seul. Est-ce un geste de protection, d'affection ? Je n'en sais absolument rien.

Tandis que nous terminons notre longue descente des marches – bon sang, il y en a vraiment tant que ça ou c'est juste que ça paraît durer une éternité ? –, la voiture de Tom s'arrête dans la rue juste en face. Andrew en descend pour nous ouvrir la portière arrière.

C'est moi qui entre en premier, l'acteur essayant tant bien que mal de ramasser toutes mes couches de tulles pour les faire entrer à l'arrière. Quand il y parvient enfin, il s'assoit à son tour et referme la portière derrière lui.

– Andrew, nous sommes partis !, s'exclame Tom en souriant.

Le chauffeur appuie sur l'accélérateur et la voiture démarre en trombe, direction la salle que nous avons louée pour la réception. 

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