Chapitre 52
Le portail s'ouvre lentement et je pousse un long soupir. J'ai adoré passer un peu de temps à Marseille, mais j'ai l'impression de ne pas être restée assez longtemps. Deux semaines, c'est tellement peu ! De plus, la prochaine fois que je reverrai ma famille et mes amis, c'est pour mon mariage.
Andrew, le nouveau chauffeur, nous lance un coup d'oeil par le rétroviseur et sourit.
Tom a vérifié le passé de l'homme de fond en comble, s'assurant qu'il n'y ait pas de risques, ou du moins le moins possible. Également, Andrew n'a pas accès à la maison, seulement au garage. On a tout fait pour qu'il n'arrive plus le genre de choses qui ont eu lieu avec Dave.
Alors que le chauffeur arrête la voiture, Tom ouvre sa portière et descend. Je fais de même de mon côté.
– Dois-je m'occuper de vos valises ?, demande Andrew par la fenêtre conducteur.
– Non, nous les récupèrerons tout à l'heure, répond mon fiancé avec un haussement d'épaules.
Le chauffeur acquiesce et s'éloigne avec la voiture en direction du garage. Quant à Tom et moi, nous entrons dans la maison. Il n'en faut pas plus pour que Bobby se jette sur nous en aboyant.
– Ne me saute pas dessus !, je m'écrie en français. Non, Bobby, non !
J'ai beau vivre ici depuis huit mois, je ne me suis toujours pas habituée au chien. Il peut être affectueux, c'est vrai, mais... J'ai toujours eu peur des chiens, Bobby ne déroge pas à la règle.
Ce que j'aime chez Tom, c'est qu'il ne m'a jamais forcée à quoi que ce soit concernant son animal de compagnie – ni concernant quoi que ce soit d'autre mais là n'est pas la question. Il respecte mon recul, il respecte ma réticence, et ça n'a pas de prix.
– Oui, Bobby, je t'aime beaucoup, mais s'il te plaît ne me saute pas dessus !, je reprends en anglais.
Tom rit et se penche vers le chien pour le gratifier de quelques caresses. Ça a le don de le calmer, il n'y a plus que sa petite queue qui remue en l'air pour signifier qu'il est heureux.
– Mais oui, tu m'as manqué aussi !, babille mon fiancé.
D'un pas léger, il se dirige vers la cuisine, ouvre un tiroir et en sort un biscuit, qu'il donne à Bobby. Ce dernier, ravi, le gobe d'une traite et s'en va le dévorer, couché dans son panier.
– Quelle heure est-il ?, demande Tom.
Je jette un coup d'oeil à ma montre avant de répondre :
– Dix heures cinquante-trois.
– Il faut qu'on se dépêche, alors. Dans moins de dix minutes, ta toute première interview va être mise en ligne !
Je m'esclaffe. Effectivement, le reportage sort sur le site internet de la Provence à midi pile, heure française, ce qui donne onze heures tapantes en Angleterre.
– D'accord, j'ai compris ! Je vais chercher mon ordinateur de ce pas.
Ce que je fais, farfouillant dans mon sac pour trouver également le chargeur : ma batterie n'est plus très performante, surtout pour regarder des vidéos sur internet.
Je m'assois sur le canapé à côté de mon fiancé, à qui je tends l'ordinateur. Je me penche pour le brancher à la prise juste à côté, m'appuyant de ce fait sur les jambes de Tom. Je sens sa main qui se pose sur mon dos, avant de descendre lentement le long de ma colonne vertébrale, jusque sur le creux de mes reins ; je me redresse aussitôt avec un rictus moqueur.
– Tu ne voudrais pas un nouvel ordinateur, par hasard ?, demande Tom comme si de rien n'était.
Je hausse un sourcil.
– Quoi ? Pourquoi ?
– Étant donné que tu écris tes romans dessus, tout ça, et que le tien commence à dater un peu...
Je souris.
– Je te remercie, mais mon vieil ordinateur fait parfaitement l'affaire.
Vraiment, l'attention me touche, mais pourquoi acheter un nouvel ordinateur quand celui que j'ai me convient toujours ? Il marche encore, et bien que sa batterie ne soit pas la même que ce qu'elle était au début, tout va bien. Il a beau avoir huit ans, il est en excellent état : nul besoin de le remplacer.
– Comme tu veux. Mais si jamais tu as besoin d'un nouvel ordinateur portable, n'hésite pas ! Je sais que tu n'aimes pas profiter, comme tu dis, mais sincèrement, tu as une carte de crédit, tu peux t'en servir !
Oui, je le sais. Il y a quelques mois déjà, Tom a fait faire une carte bleue à mon nom, pour que je puisse faire des achats si besoin. Cependant, je me limite au grand nécessaire, parce que cette carte est reliée à son compte, le mien ne se remplissant pas pour le moment, et je déteste ça.
– Je sais, mais vraiment, je n'ai pas besoin d'un nouvel ordinateur.
– Bon. Mais tu n'hésites pas, d'accord ?
Je hoche la tête, consciente que je ne ferai rien même si l'acteur me le répète tous les jours. Je sais bien qu'on est fiancés, qu'on va se marier, mais je trouve que ce serait déplacé de ma part de profiter de son argent comme si de rien n'était. Je bénéficie déjà de tellement grâce à Tom ! Il est hors de question que je prenne d'avantage.
– Bien, il est dix heures cinquante-huit, on devrait se connecter.
– Donne-moi ça, je pouffe en reprenant mon ordinateur.
J'y tape quelques mots et tombe directement sur la Provence. Dans moins d'une minute, la vidéo de mon interview sera postée, et je ne pourrai plus jamais faire machine arrière. Remarque, je ne pourrais pas faire demi-tour même si je le voulais, ayant déjà répondu aux questions.
– Ça y est !, s'enthousiasme Tom en pointant du doigt vers l'écran.
Il a raison : une petite icône indique que la vidéo est disponible. Je clique dessus et elle démarre aussitôt.
Je cache mon visage entre mes mains, morte de honte. J'ai toujours détesté m'entendre parler sur une vidéo, cette fois ne déroge pas à la règle. Je trouve que j'ai un voix agaçante, aiguë et presque hautaine.
– J'aime beaucoup votre coiffure, dit le journaliste à l'écran.
Je m'écoute répondre de cette même voix que je ne supporte pas, et je dois résister de toutes mes forces à l'envie d'aller me cacher. Je suis ridicule, c'est plus qu'évident !
Alors que l'interview continue, je dégage progressivement mes yeux pour la regarder. C'est une torture, mais Tom y tient visiblement beaucoup. Le voilà d'ailleurs qui met sur pause et se tourne vers moi avec un sourire en coin.
– J'aime bien comment tu l'as recalé concernant sa question sur ton âge. Fermement, mais poliment. C'était parfait !
– Ha, ne te moque pas de moi !, je gémis.
Mon fiancé se penche vers moi et dépose un baiser sur ma joue.
– Je ne me moque pas, darling, dit-il en remettant la vidéo sur play.
L'interview reprend son cours, jusqu'au moment où le plan change sans prévenir. À ma tête, on voit que j'ai changé d'humeur, et si les spectateurs ne peuvent pas savoir pourquoi, ce n'est pas mon cas. Ce rapide changement d'humeur ne passe pas non plus inaperçu aux yeux de Tom, qui met de nouveau sur pause et se tourne vers moi, sourcils froncés.
– Ils ont coupé un morceau, non ? Le changement d'image, la grimace sur ton visage... Qu'est-ce qu'ils ont enlevé ?
Je soupire longuement. Je n'ai pas parlé à l'acteur des insinuations du journaliste, parce que je n'en voyais l'utilité. Ça l'aurait probablement plus mis en rogne qu'autre chose, ou alors il se serait inquiété qu'on puisse penser qu'il me fait du mal.
– Ils, euh... Bon, ça ne se voit pas à l'écran, mais j'avais des bleus sur le bras, juste là. Tu sais, parce que ma sœur ne fait jamais attention à ce qu'elle fait, et que je me suis pris la porte.
Tom hoche la tête, attendant la suite. Si je lui ai raconté mes mésaventures avec la porte de ma sœur, je ne lui ai pas expliqué que ça a soulevé quelques questions indiscrètes de l'interviewer.
– Eh bien, il a cru que... c'était de ta faute.
– Attends, quoi ?
– J'ai démenti, je m'empresse de le rassurer. Et plutôt violemment, en fait. Pour dire la vérité, j'ai engueulé le journaliste, et il s'est excusé en promettant que ça ne serait pas gardé au montage.
Je pousse un nouveau soupir.
– Et pourquoi tu ne l'as pas dit avant ?, s'étonne mon fiancé.
Il n'y a aucune trace de remontrance dans son ton, juste une réelle stupéfaction.
– Je ne voulais pas t'inquiéter, mon cœur. Je me suis dit que tu n'apprécierais pas de penser que certains puissent croire que tu me maltraites.
– Je... je déteste cette idée, lâche Tom d'une voix blanche. Rien que d'imaginer que je puisse te faire du mal...
Tout doucement, j'attrape son menton pour tourner son visage vers le mien.
– Je sais bien, Tom. C'est exactement pour ça que je ne t'en ai pas parlé. Je ne voulais pas que tu t'inquiète. J'ai remis le journaliste à sa place, l'histoire s'est terminée là.
– D'accord. Mais si une chose pareille se reproduit... Promets-moi de m'en parler, d'accord ?
Je hoche la tête.
– D'accord.
Sans un mot, Tom remets la vidéo sur play. L'interview reprend aussitôt son cours, je suis en train de parler de mes études.
– Ma petite matheuse, murmure l'acteur en me lançant un regard admiratif. Je ne sais pas comment tu fais pour avoir un cerveau à la fois littéraire et scientifique.
– Et c'est à moi que tu le demandes ?, je pouffe. Tu crois vraiment que j'ai une réponse ?
– Ha ! Voilà le moment où tu parles de ton roman !, s'exclame Tom.
Je lève les yeux au ciel en souriant. Franchement, je ne sais pas comment il fait pour être acteur : la plupart des gens détestent se voir en vidéo.
– C'est encore mieux que ce que tu m'as raconté !, lance Tom alors que la vidéo se termine sur un petit signe de tête de ma part. Tu t'en es vraiment bien sortie, honey. Tu parlais avec assurance, tu as dit tout ce que tu avais à dire, tu as recalé le journaliste quand il dépassait les limites... Franchement, chapeau ! Je suis fier de toi.
Il m'attire à lui et plaque ses lèvres aux miennes ; je ferme les yeux. Ce que j'aime dans notre relation, c'est que même après un an, nous en sommes toujours au stade où nous échangeons des milliers de petits baisers par-ci par-là. Pour un regard extérieur, nous sommes niais. Moi, je nous trouve mignons, sans vouloir prendre la grosse tête évidemment.
– Et ton roman, alors ? Comment ça avance ?
Je soupire. Ça n'avance pas tant que ça, parce que j'ai l'impression que chaque fois que je corrige un chapitre, je dois le recorriger juste après. Il y a toujours quelque chose qui ne me convient pas, c'est pénible ! Quelle poisse d'être perfectionniste, bon sang !
– Ça prend forme, petit à petit, je réponds tout de même. C'est long et laborieux, mais j'aime ce que je fais. Je pense que d'ici la fin de l'année, je devrais avoir terminé.
– C'est une bonne chose !
Je souris.
– Oui, j'ai tellement hâte que ce soit fini ! Et j'espère tellement qu'une maison d'édition voudra bien de moi !
Tom caresse mes cheveux.
– Je ne vois pas pourquoi ils refuseraient. En plus, je peux toujours les menacer, tu sais !, plaisante-t-il.
Je glousse.
– Non, je veux la jouer fair play, mon cœur. Mais j'apprécie ta dévotion.
– Je ferais tout pour la femme de ma vie !
Est-ce qu'il essaie de me flatter, de me charmer ? Parce que si c'est le cas, alors ça fonctionne carrément ! Sa façon de m'appeler la femme de sa vie... C'est beaucoup trop irrésistible, je suis sûre qu'il le fait exprès. À en juger par son expression ravie, oui, il le fait exprès.
– Et dire qu'il y a un an on se connaissait à peine !, je rougis.
– C'est vrai. Comme quoi, des fois, le hasard fait bien les choses. J'aurais pu continuer à chercher en vain sans jamais trouver personne, si on ne s'était pas rencontrés.
J'ébouriffe les cheveux de Tom d'une main, un sourire scotché aux lèvres.
– Remercions le hasard, dans ce cas ! Dans deux mois, il y aura une Hiddleston de plus. Et dans moins d'un an...
Je pointe du doigt mon ventre, qui n'a toujours pas commencé à gonfler. Je soulève mon t-shirt pour contempler ma peau blanche, si peu bronzée.
– J'ai hâte de rencontrer ce petit être, murmure Tom en se penchant vers mon ventre.
Il l'embrasse tendrement et je ris : ça chatouille.
– J'ai hâte de savoir si c'est un garçon ou une fille, j'enchaîne.
– Aussi, avoue Tom. Mais peu importe que ce soit une fille ou un garçon, parce que je l'aimerai quoi qu'il arrive. D'ailleurs, je l'aime déjà.
Il serre délicatement ma main dans la sienne en souriant et je sens mon cœur fondre.
– Tu n'as pas peur que cet enfant prenne ta place dans mon cœur ?, je raille.
Mon fiancé hausse un sourcil.
– Je ne lui souhaite que ça. Mais enfin, garde-moi une petite place quand même, d'accord ?
Je pouffe.
– Bien sûr, mon cœur.
Doucement, Tom pose la tête sur mes genoux et je glisse mes doigts dans ses cheveux châtain. Quand je pense qu'au naturel, il était roux ! À croire qu'il a eu toutes les couleurs du monde, cet homme-là ! Blond, brun, roux, châtain... Manquerait plus qu'il fasse du bleu ou du rose, qu'on rigole !
Je me tasse un peu plus sur le dossier du canapé, continuant à jouer avec les boucles de l'acteur. Nous n'avons pas besoin de faire quoi que ce soit, si ce n'est profiter de l'instant. J'aime ces moments de tranquillité, ces petits instants de bonheur pur et simple. Aussi, j'entortille une autre mèche châtain autour d'un de mes doigts, le sourire aux lèvres.
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