Chapitre 51
– Tu écoutes toujours du Disney en conduisant, hein ?, raille Tom à côté de moi.
Les mains sur le volant, je hausse les épaules en souriant. Je viens à peine de le récupérer à l'aéroport avec ma petite citadine, dans laquelle nous avons tout juste réussi à rentrer sa valise. Elle est tellement petite que la tête de mon fiancée frôle le plafond, ce qui nous a beaucoup fait rire quand on s'en est aperçu.
– Évidemment, je réponds en baissant un peu le volume de la chanson. Tu t'attendais vraiment à autre chose ?
Tom pouffe.
– J'aurais été étonné du contraire, en fait.
L'acteur pose doucement sa main sur ma cuisse, ce qui me fait pousser un cri.
– Touche pas les jambes !, je glapis.
Il enlève sa main aussi vite qu'il l'a mise là, les sourcils froncés.
– Je suis désolé, je...
– J'ai vraiment brûlé, l'autre jour, j'explique. Je te montrerai en arrivant, je suis aussi rouge qu'une tomate !
Tom acquiesce, je le vois faire du coin de l'oeil. Sa manière de se tenir à la poignée au-dessus de la fenêtre me donne envie de rire : pourquoi les hommes font-ils tous pareil ? Je conduis super bien, en plus – surtout pour une marseillaise –, il n'a pas à avoir peur.
Il nous faut plus d'une heure pour arriver jusque chez moi, et encore cinq minutes pour que je trouve une place où me garer. C'est sympa, de vivre dans un petit quartier, mais ça a quelques inconvénients : particulièrement quand on n'a ni garage ni jardin pour y garer les voitures.
Alors que nous marchons dans la rue principale en direction de la maison, mon fiancé contemple mes jambes écarlate d'un œil inquiet.
– Ah oui, quand même !, s'exclame-t-il. Mais t'as pas mis de crème solaire ?
Je prends l'air gêné avant d'expliquer :
– Si, mais comme je pensais que je ne cramerais pas sur les jambes, j'en ai mis que sur le reste.
Je vois bien que Tom se retient de rire, d'ailleurs il ne tient pas longtemps avant de s'esclaffer bruyamment.
– Tu ressembles à une écrevisse, lâche-t-il entre deux éclats de rire.
Je fais mine de bouder.
– Oh, ne m'en veux pas, my love ! Tu es ma petite écrevisse à moi.
Ma moue se transforme en sourire, puis carrément en rire. Je ne peux pas résister, face à Tom qui se marre.
– T'es conscient que t'es super niais, là ?, je me moque gentiment.
– Oui, mais tu aimes ça, non ?
J'acquiesce.
– Pas faux.
Avec un sourire, mon fiancé se penche vers moi et embrasse le sommet de mon crâne. Sa main effleure mon ventre et je frémis. J'ai si hâte de voir mon bidon gonfler ! J'ai hâte de sentir le bébé bouger, de pouvoir partager ces moments avec Tom.
– Allez viens, je dis en ouvrant la porte. Mes parents sont pas encore rentrés, par contre ma sœur...
– Hello !, braille cette dernière depuis le salon.
Laura est assise sur le canapé, raide comme un piquet. À croire qu'elle nous attendait, ce qui pourrait très bien être le cas en réalité.
– Bonjour, Laura, répond Tom en français.
Il tire sa valise pour la faire passer la marche de l'entrée, les roulettes cognent d'ailleurs sur le carrelage.
– Laisse-la là, ne t'inquiète pas. On la montera tout à l'heure, en attendant je te fais visiter la maison ?
Tom hoche la tête.
– Volontiers.
– J'ai rangé ma chambre, annonce ma sœur, l'air fière d'elle.
C'est ma mère qui va être ravie, elle qui harcèle Laura chaque jour pour qu'elle le fasse. Si c'est l'effet Tom, je suis prête à parier que mes parents vont vouloir qu'il revienne plus souvent pour que la chambre de ma sœur reste propre.
– C'est bien Laura, tu veux une médaille ?, je raille.
Cette dernière me lance un regard noir que je soutiens sans broncher. Je me permets même de lui tirer la langue, geste parfaitement enfantin qui fait pouffer mon fiancé.
– Bon, là, évidemment, c'est le salon, je lâche en faisant un cercle du doigt pour désigner la pièce où nous nous trouvons. À côté, c'est la cuisine...
– Celle sous laquelle se trouve la cuve à eau, c'est bien ça ?
J'éclate aussitôt de rire. Alors là, je ne m'attendais pas du tout à cette remarque !
– Comment t'as retenu ça ?, je m'étonne.
– T'as quand même dit que ton père nous ficherait dedans, forcément que je m'en souviens !
Et si je ne me trompais pas, mon père va nous enterrer ce soir. Génial, je sens qu'une bonne soirée se profile pour nous deux !
– Bref, là-bas, la cuisine.
Prenant la main de l'acteur dans la mienne, je l'attire aux escaliers. Il y a trois premières marches qui mènent à un petit pallier desservant deux portes : nous les gravissons.
– Ici, c'est les toilettes, j'indique en désignant la première porte. Et là, la salle de bain du bas, en général c'est celle qu'on partage ma sœur et moi. Tu pourras y mettre tes affaires de toilettes, si tu veux. C'est un peu petit, mais il devrait y avoir assez de place.
J'entends ma sœur glousser depuis le salon qu'elle va partager sa salle de bain avec Tom Hiddleston. Est-elle au courant qu'il parle et comprend le français, ou c'est comment ?
J'entraîne Tom dans les escaliers menant au premier. Lorsque que nous passons la dernière marche, je pointe du doigt la porte sur notre droite.
– La chambre de mes parents.
Nous continuons dans le couloir, où une porte nous fait face – ma chambre – ainsi qu'une autre sur la gauche – celle de ma sœur.
– Là, c'est la chambre de Laura, et l'autre c'est la mienne.
Je ne lui propose pas de rentrer, nous aurons tout le temps pour ça après, et je préfère terminer mon tour avant.
– Et là-haut...
Je monte les escaliers menant au deuxième, mon fiancé juste derrière moi. Je lui indique d'ailleurs de faire attention à sa tête, déjà que moi je me cogne au plafond si je ne fais pas gaffe, je n'ose imaginer Tom !
– Là, c'est le dressing, et la salle de bain de mes parents.
– C'est mignon, commente Tom comme nous redescendons. J'aime bien, ça a l'air cosy.
Je souris.
– C'est sûr que c'est tout petit, comparé à chez toi, mais...
– C'est pas la taille qui compte.
Je pouffe.
– C'est bien une phrase de mec, ça, je raille.
Tom lève les yeux au ciel, mais je le vois qui se retient de rire.
– T'es infernale, déclare-t-il.
– Je sais !
Avec un sourire, j'ouvre la porte de ma chambre et laisse mon fiancé entrer en premier ; je guette sa réaction, un peu inquiète.
Il faut que vous compreniez que ma chambre n'a rien de normal, pour une personne de mon âge. Évidemment, comme toute bonne lectrice qui se respecte, on y trouve une bibliothèque dans laquelle s'alignent tous mes bouquins préférés. J'ai également une demi-bibliothèque remplie de tous mes dvd, classés par ordre de sortie pour les Disney. Non, ce qui peut étonner, c'est le reste.
Sur le haut des deux grandes bibliothèques – celle avec les livres et l'autre où sont rangées quelques affaires – s'étalent plusieurs dizaines de pingouins en peluche de toutes tailles et toutes formes. Il y en a sur le petit meuble à côté du lit, également, et ça ne s'arrête pas là. Au-dessus du meuble à dvd, une des étagères contient toute une collection de poupées de la marque Corolle, ces poupons à l'odeur de vanille. Le niveau supérieur est réservé aux poupées Disney. J'ai également quelques cadres qui s'alignent sur le bord de la cheminée condamnée : un avec des pingouins, plusieurs avec des photos de ma famille, et il y a même une carte du Maraudeur pliée.
– Ta chambre te ressemble tellement, murmure Tom avec un sourire délicat. Je te retrouve dans absolument chaque recoin de la pièce.
Je ris. Moi qui avais peur que mon fiancé me prenne pour une petite fille, ça n'a pas l'air d'être le cas. Peut-être pense-t-il que, maintenant que nous allons nous marier et fonder une famille, j'ai changé. Spoiler alerte : ce n'est pas le cas. Si je pouvais amener toute ma collection de pingouins en peluche, poupées et vitrine de figurines et objets de collection à Londres... Eh bien, je le ferais sans hésiter. Je finirai sûrement par le faire, un jour ou l'autre, d'ailleurs.
– En même temps, c'est ma chambre, justement, je réponds. Ç'a été mon refuge pendant des années, le seul endroit où je pouvais me sentir moi-même. C'était ma bulle, que j'ai créée pour m'y sentir à l'aise.
Mon cœur se serre automatiquement de nostalgie. Cette maison... C'est une partie de moi que Tom ne connaissait pas vraiment jusqu'à présent. La seule fois où il est venu, c'est pour l'enterrement de mon arrière-grand-mère, mais il n'a guère dépassé l'entrée ce jour-là.
– J'espère que tu n'as pas peur des poupées, je soupire.
Il secoue la tête.
– Pourquoi, je devrais ?
Je hausse les épaules avec un sourire en coin.
– Mes amis avaient toujours la trouille quand ils venaient dormir à la maison, parce que les poupées les regardaient, soi-disant.
– Je ne vois pas ce qu'il y a de dérangeant. C'est une collection comme une autre, après tout. Certaines personnes amassent les canettes, d'autres les timbres, et toi...
Tom ne termine pas sa phrase, mais l'essentiel est là. Avec un sourire, je l'attire à moi et plaque mes lèvres contre les siennes. Il répond à mon baiser, passe ses mains dans mon dos pour me rapprocher un peu plus de lui.
– Tu m'as manqué, avoue l'acteur lorsque notre étreinte prend fin.
– Tu m'as manqué aussi, mon cœur.
– Si vous faites un gosse ce soir, je veux en être la marraine !, lance une voix moqueuse depuis la porte.
Je me tourne vivement ; ma sœur est là, appuyée sur le chambranle de la porte avec nonchalance.
– Merci, Laura, je dis sèchement. Tu prends un peu trop la confiance, je crois qu'on peut se passer de tes commentaires.
– Pas de quoi !, répond ma sœur en tendant les deux index dans ma direction.
Sans un mot de plus, elle entre dans sa chambre et referme la porte derrière elle.
– Est-ce qu'on lui dit qu'elle va d'abord être sur liste d'attente ?, chuchote Tom.
Je glousse et, alors que je m'apprête à renchérir, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Visiblement, mes parents sont rentrés.
– Tu es prêt ?, je demande à mon fiancé, serrant ses doigts dans les miens.
Il prend une grande inspiration.
– Après presque un an, il est temps de faire les présentations officielles.
Je ris.
– Allez viens, l'officiel. C'est l'heure des vraies présentations.
Ce qui est tout sauf faux, étant donné que la dernière fois que Tom a rencontré mes parents, c'était lors de l'enterrement de mon arrière-grand-mère. À ce moment-là, nous n'avons pas eu le temps d'approfondir le sujet : ma famille et moi étions en deuil, et l'acteur devait retourner travailler.
Finalement, les présentations se sont bien passées. Mon père a fait l'effort de sourire – si si, je vous jure ! –, ma mère a serré la main de Tom comme si elle voulait l'emmener avec elle dans la cuisine, et ma sœur... Eh bien, Laura étant Laura, il n'y avait même pas besoin de présentations.
À présent, nous sommes tous assis à table, face à notre dessert terminé. Ma mère a fait un key lime pie : si vous n'avez jamais goûté, vous avez raté quelque chose. C'est un gâteau réalisé sans cuisson, dont la pâte est constituée de speculos. Dessus, une couche de glace au citron, et encore au-dessus, une strate de chantilly. Vraiment, je crois pouvoir avancer sans problème que c'est mon gâteau préféré, et à en juger par le regard que mon fiancé lance à sa cuillère, le sien aussi.
– Bon, on a un truc à vous annoncer, je lance de but en blanc.
Ça me semble être le moment idéal, pourquoi attendre encore ?
Ma mère hausse un sourcil tandis que mon père raille :
– Vous allez vous marier, on est au courant.
Pour quelqu'un qui refusait d'entendre parler de Tom moins d'un an auparavant, je trouve qu'il est un peu trop joyeux à l'idée de mon futur mariage. Non pas que ça me dérange, bien au contraire !
Je secoue mes doigts devant son nez, arborant fièrement ma bague de fiançailles.
– C'est pas une nouveauté, je ris. Non, on veut parler d'autre chose, là.
– T'es enceinte, c'est ça ?, lance ma sœur en riant.
Je sais qu'elle dit ça pour plaisanter, toutefois... Elle n'a jamais eu autant raison de toute sa vie !
– Eh bien en fait, oui, j'avoue.
Laura se fige, sa fourchette à la main, et tourne ses grands yeux vers moi. Quant à mes parents, je les vois se décomposer à vue d'oeil.
– C'est une blague ?, demande ma mère d'une voix tremblante.
Je secoue la tête tandis que Tom attrape ma main sous la table.
– Non, ce n'est pas une blague, j'avance doucement. Le terme est prévu pour le vingt-huit février, j'en suis vraiment au tout début.
– Tu... vous... tu..., bafouille mon père, dont le doigt pointe alternativement Tom puis moi-même.
Je lève les yeux au ciel en riant.
– J'ai pas encore l'âge d'être grand-père !, finit-il par s'exclamer, l'air catastrophé.
– Et moi alors ?, renchérit ma mère. Je viens à peine d'avoir quarante-huit ans, tu crois que j'ai l'âge d'être grand-mère ?
Discrètement, je lève un pouce en direction de Tom, accompagnant le tout d'un clin d'oeil. Si mes parents réagissent en blaguant, c'est que l'annonce s'est bien passée. Il n'y avait pas de raison de s'inquiéter, au final. Nous ne serons pas condamnée à la citerne à eau sous la cuisine.
– Mais on s'en fout !, coupe ma sœur en renversant le contenu de sa fourchette sur la table. Je vais être tatie, c'est trop bien !
Mon père soupire longuement.
– Vous êtes sûrs de votre coup ? Axelle, t'as à peine vingt-trois ans, t'es sûre de ne pas être un peu jeune pour...
– Papa, tu vas pas recommencer ! Dois-je te rappeler quel âge avait maman quand elle est tombée enceinte de moi ? Vingt-trois, vingt-cinq, c'est du pareil au même.
Ma mère lève aussitôt une main entre mon père et moi, l'air de vouloir parler. Ce qu'elle fait, l'air gêné.
– En fait, la première fois que je suis tombée enceinte, j'avais vingt-deux ans, avoue-t-elle alors.
– Quoi ?!, s'écrie aussitôt Laura. Comment ça se fait qu'on était pas au courant ?
En réalité, je l'étais. Une fois, je devais avoir onze ou douze ans, j'ai demandé à ma mère pourquoi elle s'était mariée presque trois ans avant de m'avoir. Ce jour-là, elle m'a appris qu'elle s'était mariée parce qu'elle était enceinte, mais qu'elle avait perdu le bébé à deux mois de grossesse. Ça m'a chamboulée, pourtant je n'en ai jamais parlé avec ma sœur : ce n'était pas à moi de le faire.
– Tu vois ? Je suis déjà plus âgée, je jubile.
Mon père hoche la tête, vaincu.
– Mon bébé grandit et fait sa vie, souffle-t-il.
Ma mère se lève de table et vient me serrer dans ses bras, écrasant une de ses larmes du bout du pouce.
– Je suis tellement contente !
Elle tend un bras pour ajouter Tom à l'équation ; il se laisse faire avec un sourire.
– Bienvenue dans la famille, Tom.
– Merci, répond mon fiancé en français.
Sa voix est tremblante, je sens qu'il est touché par cet élan de gentillesse. D'un autre côté, la dernière fois qu'il a vu mes parents, on ne peut pas dire qu'ils lui aient fait un accueil très chaleureux.
– Est-ce que je peux être la marraine ?, s'enthousiasme Laura d'une voix aiguë.
Je soupire longuement tandis que ma mère s'indigne :
– Enfin, Laura ! Tu peux pas balancer ça comme ça, c'est super indiscret ! C'est leur décision, en plus.
– Je suis désolée ma grande, mais...
Je ne sais pas comment terminer ma phrase, aussi je ne le fais pas. Après tout, ma sœur a déjà compris le fond de ma pensée.
– Faudra que t'attendes le prochain, je ris en adressant un clin d'oeil à Tom.
Ce dernier sourit au souvenir de notre discussion. Lentement, il lève quelques doigts dans ma direction : le pouce, l'index et le majeur, l'air de dire ''trois, c'est bien ça ?'', ce qui me fait glousser.
Nous finissons de débarrasser la table tous ensemble, puis mon père pose ses fesses sur le canapé comme il le fait chaque soir. Je ne sais pas quel documentaire il va regarder aujourd'hui, mais je n'ai aucune envie de rester. Aussi, je monte dans ma chambre, Tom à ma suite.
– Tu me dois dix livres, ricane-t-il à peine ai-je fermé la porte derrière lui.
Je hausse les épaules avec désinvolture.
– Faux ! Tu avais parié que mon père pleurerait, pas ma mère. Il n'a versé aucune larme, c'est moi qui remporte le pari.
Mon fiancé secoue la tête en souriant.
– Tu avais parié qu'il serait fâché, or ce n'est pas le cas.
– Très bien, je concède. Match nul, balle au centre.
Tom se penche pour embrasser mes cheveux mais je le repousse en riant.
– Est-ce que tu veux un thé ?, je lâche subitement. Si je me trompe pas, j'en ai des très bons que je n'ai pas fini avant de partir.
Avec un sourire en coin, l'acteur acquiesce.
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