Chapitre 5

    – Je te jure, Mathieu !

    À l'autre bout du fil, mon meilleur ami s'esclaffe. Il s'est beaucoup fichu de moi mercredi soir, quand je lui ai expliqué en long, en large et en travers ma première rencontre avec Tom Hiddleston. Pour la deuxième fois, je refais sa soirée.

    – Meuf, t'es vraiment un boulet des fois, mais un boulet chanceux.

    Je ris.

    – C'est clair ! Par contre, vraiment, la façon dont il prononçait mon prénom... Oh mon dieu, Mathieu ! Je l'aime trop, ce gars !

    J'entends Mathieu pouffer, puis carrément exploser de rire.

    – T'es sérieuse ? C'est un acteur célèbre, il a genre vingt ans de plus que toi, et tu ne le connais même pas !

    – Et alors ?, je réplique. On a bien le droit de rêver, non ? Et puis, c'est toi qui m'as conseillé d'arrêter de crusher sur des personnages fictifs, parce qu'ils n'existent pas. Tom, au moins, il existe pour de bon.

    Je sais pertinemment que mes arguments sont tout sauf valables, d'ailleurs j'entends mon meilleur ami se taper la tête en lâchant un soupir exaspéré.

    – Quand je disais que je voulais que tu crushes sur des gens existants, ânonne-t-il comme s'il s'adressait à une parfaite idiote, je voulais dire des gens de ton âge, que tu côtoies tous les jours ! Je ne parlais pas d'un acteur connu qui a presque le double de ton âge !

    – Ben oui mais tes recommandations étaient pas claires, aussi !, je rétorque. La prochaine fois, indique clairement ce que tu veux dire.

    – J'ai envie de te frapper, c'est dingue !, raille Mathieu.

    – C'est ça, bien sûr. Moi aussi je t'aime.

    Mon meilleur ami rit et le temps pourri me semble tout de suite moins morne. Il me manque tellement ! Comprenez bien, tous mes amis me manquent, mais Mathieu... Eh bien, Mathieu n'est pas mon meilleur ami pour rien.

    On s'est rencontrés au collège, à la rentrée de cinquième pour être exacte. On avait un ami commun, et on était tous les deux dans une classe où on ne connaissait personne. Comme on s'était déjà parlé une ou deux fois, on s'est donc naturellement rapprochés, et on ne s'est jamais lâchés depuis.

    – Bon, et mis à part ton coup de foudre pour l'acteur de Loki, quoi de neuf au pays de la pluie ?, fait Mathieu, me ramenant au moment présent.

    Je pousse un long soupir.

    – Bah, il pleut.

    Mon meilleur ami éclate de rire.

    – Merci, t'es partie en Angleterre aussi. Quelle idée !

    – Ouais bah écoute, hein ! Au moins, mon anglais s'améliore. Je comprends de mieux en mieux ce qu'on me dit, y compris quand c'est le petit qui me parle.

    – C'est cool ça !

    Un silence s'impose entre nous, silence qui n'a rien de gênant. Avec les années, Mathieu et moi avons appris à apprécier ces moments de blanc qui s'installent parfois. Cela permet de faire respirer un peu nos conversations, et ce n'est pas plus mal.

    – En vrai, je reprends, consciente que mon meilleur ami va probablement finir par péter un câble avec moi, si je croise Tom Hiddleston tous les deux jours, je vais envisager de rester ici plus longtemps.

    – Ah non, hein !, s'indigne aussitôt Mathieu, comme si je venais de lâcher l'information la plus illogique de toute ma vie. Rien à faire, tu rentres à la fin des vacances, c'est un ordre ! Ne me laisse pas tout seul ici !

    – T'es pas tout seul, t'as tes potes avec toi, je lance avec un sourire. Bien que, j'en conviens, ils ne m'arrivent même pas à la cheville.

    – Prends pas la grosse tête, Axelle, conteste-t-il.

    De nouveau, le silence s'installe et je contemple la porte de ma chambre d'un œil torve.

    – Mathieu, je peux te poser une question ?, je demande, redevenue sérieuse.

    – Vas-y, acquiesce mon meilleur ami.

    Je prends un instant avant de déballer mon problème. Il va probablement me dire de laisser tomber, mais je n'aime pas cette idée.

    – Tu crois que je devrais envoyer un message à Tom Hiddleston ? Je veux dire, sur insta, genre, pour le remercier. Il a vraiment été gentil avec les enfants, et avec moi aussi.

    – Tu veux que je te dise ce que j'en pense vraiment ?

    S'il était là, avec moi, je lui ficherais une tape sur le sommet de la tête.

    – Évidemment, crétin. Je ne te poserais pas la question, dans le cas contraire.

    C'est au tour de Mathieu de réfléchir à sa réponse. Après quelques secondes, elle me parvient enfin :

    – Je pense que tu insistes trop. C'est bien, tu l'as rencontré deux fois. C'est cool, il a été sympa avec les enfants et avec toi. Mais ne confonds pas les remerciements avec le harcèlement. Après, tu fais comme tu veux. Peut-être que c'est la chose à faire, en effet, de lui dire merci. D'un autre côté, il y a très peu de chance qu'il reçoive ton message, au milieu des milliers de demandes qu'il doit avoir.

    Je pince les lèvres, songeuse. Je sais qu'il a raison, mais... L'espoir que, peut-être, il pourrait se produire autre chose, me ronge comme un acide. Cette sensation est horrible : j'en veux plus, alors que je suis déjà chanceuse d'avoir rencontré l'acteur non pas une mais deux fois. En même temps...

    J'ai vraiment envie de remercier Tom pour sa gentillesse. Il ne m'a souhaité que le meilleur alors que je suis une totale inconnue pour lui, et je n'ai même pas pu lui dire merci comme il se doit. J'aimerais lui expliquer à quel point il est une personne géniale, bien que je ne le connaisse pas. J'aimerais lui expliquer à quel point il est inspirant, et à quel point il mérite lui-aussi le bonheur.

    – Axelle ? T'es toujours là ?

    – Ouais, je réfléchissais.

    – Je croyais t'avoir vexée, souffle Mathieu.

    Je ris.

    – Tu sais que je ne me vexe pas facilement, Mathieu. En plus, tu n'as fait que m'exposer ton avis, je ne vais pas t'en vouloir pour ça.

    – On sait jamais !

    – De toute façon, je crois que je ne vais pas écouter tes conseils. Je suppose que tu t'en doutais, hein ?

    Mathieu exhale dans le combiné, et je peux presque sentir son souffle chaud frôler ma nuque. Il me manque vraiment !

    – Bien sûr que je le savais, je te connais. Mais au moins je t'ai donné mon avis.

    – Et je t'en remercie. Mais comme on dit, l'espoir fait vivre, alors...

    – C'est ça, à d'autres !, s'exclame mon meilleur ami. Je vais devoir raccrocher, ma mère m'appelle pour aller manger. Tu me tiens au courant ? Et puis, je suppose que tu vas avoir besoin d'aide pour perfectionner ton message, je me trompe ?

    – Tu me connais trop bien !, je dis. Passe le bonjour à ta maman, et on se reparle plus tard.

    Sans un mot de plus, je raccroche et soupire.

    Pourquoi je ne suis jamais capable d'écouter ce que dit mon meilleur ami ? C'est un truc commun, non, de demander des conseils à la personne qui nous connaît le plus, mais de ne pas les prendre en compte ? Comme l'être humain est étrange !

    Bon. Il est dix-neuf heures, il me reste une heure pour penser à un message que je puisse envoyer à Tom. Quand j'aurai les grandes lignes, je pourrai demander à Mathieu ce qu'il en pense.

    C'est drôle. Je suis douée avec les mots, j'adore écrire et rêve de me faire éditer, mais dès qu'il s'agit de parler à quelqu'un, je doute tellement de ma personne qu'il m'est nécessaire de solliciter quelqu'un d'autre pour avoir de l'aide.

    Je sors mon carnet de notes et mon stylo puis m'assoit en tailleur sur le lit. Pendant quelques secondes, je n'écris rien, partagée entre l'envie d'écrire directement en anglais, ou celle de le faire en français pour traduire ensuite. Après mûre réflexion, la deuxième solution me semble la meilleure : Mathieu aura moins de mal à perfectionner la chose. Je connais mon meilleur ami, et l'anglais n'est pas son point fort.

    Cher Tom,

    Non, je ne peux pas commencer comme ça, c'est beaucoup trop formel. Je n'écris pas une lettre au président, je veux simplement remercier quelqu'un d'avoir été attentionné avec les enfants et moi-même. Je rature aussitôt les deux mots.

    Tom,

    Non, trop familier. Je ne m'adresse pas à un ami ou à un membre de ma famille. Allez, réfléchissons ! Je dois bien pouvoir trouver quelque chose, non ?

    Bonsoir Tom,

    Oui, voilà, c'est mieux ! Plus qu'à écrire la suite, maintenant !

    Je suis subitement prise d'inspiration, et mon stylo se met à glisser sur le papier sans un bruit. Quelque minutes et je peux enfin contempler l'ébauche de message qui vient de s'échapper de mon cerveau :

Ce n'est pas parfait, mais c'est un début. Il ne me reste plus qu'à attendre que Mathieu ait terminé son repas pour lui demander conseil. Ensuite, je pourrai traduire et envoyer.

Un coup d'oeil à l'horloge au-dessus de la porte de la chambre m'indique qu'il est dix-neuf heures trente. Connaissant mon meilleur ami, il n'est pas prêt d'avoir fini de manger. Peut-être suis-je un poil impatiente, car je décide de ne pas l'attendre. Tant pis si mon message n'est pas parfait, il vient de moi, c'est toujours ça.

Je prends mon téléphone et ouvre Instagram – le seul réseau sur lequel j'ai trouvé Tom, il y a quelques années – et cherche le profil de l'acteur. Mes doigts volent presque sur l'écran tandis que je tape le message à envoyer. Une dernière relecture pour être sûre que je n'ai pas fait de fautes et que le tout me convient, puis j'appuie sur la touche envoyer.

Mon cœur s'arrête un instant alors que mon message est marqué comme distribué. Heureusement que je ne me suis pas laissé le temps de réfléchir à ce que je faisais, sinon je ne l'aurais jamais envoyé. Je suis du genre à devoir faire les choses dans la précipitation en mettant mon cerveau en veille pour quelques minutes, sinon je ne m'exécute jamais.

– Au final j'ai pas eu besoin de ton aide, j'espère que t'es fier de moi ? –, j'envoie à mon meilleur ami.

– T'es sérieuse ? –, répond-il.

Je l'imagine la bouche pleine, les sourcils froncés et ce petit air exaspéré qui lui va si bien sur le visage ; je me mets aussitôt à rire toute seule.

– Je croyais que tu devais aller manger ? –, je raille.

– Et ? J'ai pas le droit de manger avec mon téléphone ? –

– Oh, si, bien sûr... Mais ta pauvre maman dans l'histoire ? Tu devrais discuter avec elle au lieu de regarder ton tel, Mathieu –, je tape.

– T'inquiète pas pour ma mère, elle te passe le bonjour d'ailleurs ! –

Je souris. Véronique est une femme extraordinaire, ne serait-ce que parce qu'elle a réussi à élever son fils seule. En plus de ça, elle l'a très bien éduqué : Mathieu ne serait pas mon meilleur ami s'il n'avait pas les bases du respect, surtout envers les femmes.

S'il y a bien une chose qui m'horripile, justement, ce sont les personnes qui n'ont aucun respect. D'abord envers le monde en général, mais surtout et particulièrement envers les femmes. On n'est pas des machines à procréer, en fait ! Figurez-vous qu'on est des êtres humains à part entière, nous aussi ! Pas besoin de nous harceler, de nous rabaisser, pour flatter votre égo de merde.

– Bon tu m'envoies le screen oui ou non ? –, s'impatiente mon meilleur ami.

Je m'exécute sans tarder, Mathieu n'étant pas connu pour sa grande patience.

– Bah ça va, tu t'en sors pas mal. En plus, on ne remarque pas que t'es genre une fan hystérique qui lui sauterait dessus à la première occasion. –

J'éclate de rire.

– Mathieu ! T'es pas drôle ! –, je fais mine de m'indigner.

– Je dis juste la vérité. Depuis le temps que tu me parles de Loki, je suis étonné que t'aies réussi à avoir une conversation normale avec ce mec ! –

Pour le coup, il n'a pas tort, et j'en suis la première étonnée. J'ai déjà du mal à parler aux gens que je connais, alors m'exprimer clairement face à un acteur que j'admire ? Je croyais que c'était impossible, jusqu'à aujourd'hui.

– Moi aussi, en fait –, j'avoue.

Deux coups contre ma porte m'apprennent que le dîner est servi.

– Bon je te laisse, je vais manger (sans téléphone moi, parce que je suis une personne polie) ! Je te tiens au courant si jamais j'ai une réponse, on perd pas espoir ! –

– Je dirai rien mais tu sais ce que j'en pense, hein –, raille mon meilleur ami.

Je n'ai pas besoin de répondre, nous savons aussi bien l'un que l'autre que je suis l'éternelle rêveuse et que Mathieu est celui qui garde les pieds sur terre. Mais que serait la vie si on ne rêvait pas un peu ?


Lorsque je reviens dans ma chambre, après le repas, la première chose que je fais est de vérifier mon téléphone. Bien sûr, je ne m'attends pas à avoir reçu une réponse, surtout pas aussi vite, mais...

Je me fige, les yeux posés sur l'écran. Une notification est apparue, je n'en crois pas mes propres yeux.

– Je rêve..., je murmure.

Pourtant, la petite icône affichant le nom de la personne qui m'a contactée est bien visible. Aussitôt, je déverrouille mon téléphone et appelle Mathieu. Il doit être en train de jouer, ou peut-être qu'il est sorti avec des potes après manger. Quoi qu'il fasse, il faut qu'il me réponde, sinon je vais décéder sur place.

– Allô ?, fait la voix de mon meilleur ami après deux sonneries.

Je suis incapable de parler, j'ai la gorge nouée et les larmes me montent aux yeux. Mes mains tremblent.

– Axelle, t'es là ? Allô ?

J'entends Mathieu qui s'apprête à raccrocher, aussi je me force à réagir. D'abord, un grognement sort de ma gorge. Je force encore plus, et ce sont finalement des mots qui parviennent à s'échapper de ma bouche :

– Mathieu, il a répondu...

– Quoi ?!, braille mon meilleur ami. Attends, t'es sérieuse ? Il a répondu quoi ?

– Je... je ne sais pas, j'ai pas ouvert le message.

– Ben t'attends quoi ? Ouvre !

Je m'exécute, passant Mathieu sur haut parleur pour pouvoir consulter mon écran d'accueil sans raccrocher. Mes mains tremblent de plus en plus, et j'ai du mal à appuyer sur a bonne icône.

Instagram s'ouvre, affichant le petit point rouge qui signifie que j'ai un message en attente. Le cœur au bord des lèvres, j'appuie dessus.

– Good evening, Axelle, je lis à haute voix. You don't have to apologize, everyone can have a moment of inattention. As for the autograph, if you enjoyed it, that's what matters. Am I to assume you won't sell in on the internet ? I'm delighted.

[Bonsoir, Axelle. Tu n'as pas à t'excuser, toute le monde peut faire preuve d'inattention. Pour ce qui est de l'autographe, si ça t'a fait plaisir, c'est le principal. Dois-je en déduire que tu ne le vendras pas sur internet, du coup ? Tu m'en vois ravi.]

– Merci, ricane Mathieu, mais tu veux pas traduire ? Tu sais que je suis une brêle en...

– Il y a un deuxième message, je le coupe.

– Commence déjà par me traduire le premier s'il te plaît, d'accord ? Une chose à la fois.

Je soupire tandis que mon cerveau tourne à plein régime. J'explique donc à mon meilleur ami les grandes lignes du premier message.

– Ok, lâche-t-il lorsque j'ai terminé. Lis-moi le deuxième message, maintenant.

Je m'exécute aussitôt.

– The kids you're in charge of look cute, despite the younger one's a little turbulent. He seemed to like you a lot, though. How long have you been looking after his sister and him ?

[Les enfants dont tu as la charge ont l'air mignons, bien que le plus jeune soit un peu excité. Il avait néanmoins l'air de beaucoup t'apprécier, ça fait longtemps que tu t'occupes de sa sœur et lui ?]

De même que précédemment, je traduis globalement le contenu à Mathieu, qui reste songeur à l'autre bout du fil. Quant à moi, je suis toujours incapable de digérer le fait que j'ai reçu une réponse de Tom Hiddleston, et quelle réponse ! Il aurait simplement me dire ''de rien'', toutefois il a pris le temps de me poser des questions. Je ne sais pas quoi en penser.

– Je sais même pas quoi te dire, finit par avouer mon meilleur ami. On parlerait d'un gars de notre âge, je te dirais que visiblement, il s'intéresse à toi, et qu'il faut que tu fonces. Mais là... Je ne sais même pas quoi penser. Son deuxième message montre clairement qu'il s'intéresse à ce que tu fais, mais... Juste par curiosité ? Ou par politesse, peut-être ? Je ne sais pas.

Je ne suis donc pas la seule à me rendre compte que quelque chose cloche. Ou alors, peut-être que l'acteur s'ennuie simplement, et que répondre à ses messages insta est la seule chose qu'il ait trouvé pour s'occuper ; je fais part de ma réflexion à Mathieu, qui acquiesce.

– Franchement, j'en sais rien.

Si même mon meilleur ami en perd son latin, je suis pas dans la merde !

– Du coup ben je vais répondre, hein, et puis on verra bien. De toute façon, il y a tellement peu de chance que je le revoie un jour dans ma vie que bon, on s'en fiche un peu quoi.

– C'est pas faux.

– Évidemment, je te tiens au courant.

– Bien sûr.

Je peux presque entendre son sourire narquois dans sa voix, c'en devient effrayant. Après toutes ces années passées à ses côtés, mon cerveau est capable de déchiffrer les moindres inflexions de la voix de Mathieu pour en faire ressortir des mouvements physiques.

Alors que je raccroche, je réalise soudain que toute la pression accumulée auparavant a disparu. Je me sens étrangement légère, pour quelqu'un qui s'apprête à discuter avec un acteur célèbre dont il est fan.

Axelle – Louis is very agitated, but Judith is more calm so it balances. And to answer your question, actually I'm an au pair, and I came in London two weeks ago. 

[Louis est très agité, mais Judith est plus calme donc ça compense. Et pour répondre à votre question, en fait je suis jeune fille au pair, et je suis venue à Londres il y a deux semaines.]

J'appuie sur la touche envoyer et prends enfin une grande inspiration. Tellement absorbée dans ma tâche, j'en avais oublié de respirer. Or, la respiration est la première cause de la vie.

Il ne faut que quelques secondes à Tom pour répondre, à mon plus grand étonnement mais pour mon plus grand bonheur.

Tom – Oh, that's great ! How long are you going to stay here in London ? 

[Oh, c'est cool ! Combien de temps vas-tu rester ici à Londres ?]

Euh... Je rêve ou il continue de faire la conversation ? S'intéresse-t-il vraiment à moi et à mon job de jeune fille au pair, là ?

Je suis tentée de rappeler Mathieu, mais un je-ne-sais-quoi m'en empêche. Je pourrai toujours lui raconter plus tard, ou demain. Il est temps que j'apprenne à me débrouiller un peu toute seule, parce que sinon je n'arriverai jamais à rien dans la vie.

Axelle – I go back to Marseille in early september.

[Je retourne à Marseille début septembre.]

Je n'ai pas le temps de réaliser ce que je viens d'écrire que déjà, le message est envoyé. Bon sang ! J'ai balancé sans pression que je venais de Marseille, et Marseille n'a pas une bonne réputation. Tant pis, ce qui est fait est fait.

Tom – You're from Marseille ? It's in the south of France, isn't it ? I'm sorry, I don't really know France, except Paris. 

[Tu viens de Marseille ? C'est dans le sud de la France, c'est ça ? Je suis désolé, je ne connais pas vraiment la France, mis à part Paris.]

Évidemment. Pour les étrangers, la France se résume et se résumera toujours à Paris. En tant que marseillaise, laissez-moi vous dire que ça me rend dingue. Qu'on soit bien clair, je ne déteste ni Paris, ni les parisiens, c'est juste que... en fait, peut-être que je n'aime pas trop Paris et ses habitants, tout compte fait.

Axelle – Yes, Marseille is in the south of France. It's where the sun is, and also the sea. 

[Oui, Marseille est dans le sud de la France. C'est là où il y a du soleil, et aussi la mer.]

Tom – Why did you come to London, then ? The weather couldn't be any different ! 

[Pourquoi être venue à Londres, dans ce cas ? La météo ne pouvait pas être plus différente !]

Axelle – I know, but I needed to improve my english, so here I am. 

[Je sais, mais j'avais besoin d'améliorer mon anglais, alors me voilà.]

Tom – So that's how you bumped into me twice ? Such a funny story ! 

[Alors c'est comme ça que tu m'es rentrée dedans deux fois ? Quelle histoire marrante !]

Axelle – This isn't funny, I already apologize a couple of times. 

[C'est pas marrant, je me suis déjà excusée plusieurs fois.]

Tom – And every time I told you it wasn't necessary.

[Et à chaque fois je t'ai dit que ce n'était pas nécessaire.]

Je pousse un long soupir, derrière mon téléphone. C'est étrange comme j'ai l'impression de parler à un ami, quelqu'un que je connais bien, mais par-dessus tout quelqu'un de mon âge.

Pendant un instant, je songe que la conversation est terminée et que je devrais fermer l'application. J'ai déjà eu beaucoup de chance de rencontrer l'acteur deux fois, et encore plus d'avoir discuté avec lui grâce aux réseaux. Cependant, quelque chose me pousse à continuer : c'est comme si je m'accrochais désespérément à tout ce que je peux trouver pour que Tom ne me file pas sous les doigts. En réalité, c'est sûrement ce que je suis en train de faire.

Axelle – Can I ask you something ? 

[Je peux vous demander quelque chose ?]

Tom – Sure, what ? 

[Bien sûr, quoi ?]

Axelle – Isn't it hard to get harassed on the street ? I mean, it must be hard to get out of your house and get stopped by fans who want an autograph or by paparazzi. 

[Ce n'est pas difficile de se faire harceler dans la rue ? Je veux dire, ça doit être galère de sortir de chez soi et d'être arrêté par des fans qui veulent un autographe ou par des paparazzis.]

Tom – Well, it goes with my job, so, you know... Actually, it's kind of nice to see the recognition of my work. But it's true that some people insist too much. 

[Eh bien, ça va avec mon job, alors tu sais... En fait, c'est plutôt sympa de voir la reconnaissance de son travail. Même s'il est vrai que certains insistent trop.]

Axelle – Maybe, but you're an human, like everyone else. You deserve better than the hatred you can receive, you deserve to be happy and live your life quietly. Everyone should have their privacy. 

[Peut-être, mais vous êtes un humain comme les autres. Vous méritez mieux que la haine que vous pouvez recevoir, vous méritez d'être heureux et de vivre votre vie tranquillement. Tout le monde devrait avoir sa vie privée.]

Tom – You know what ? I really appreciate what you're saying. It's unusual to met people that think like you, people who realize we're still humans. However, I accept the consequences of my chosen profession. 

[Tu sais quoi ? J'apprécie vraiment ce que tu dis. C'est rare de rencontrer des gens qui pensent comme toi, qui se rendent compte qu'on reste des humains. Toutefois, je suis prêt à accepter les conséquences du métier que j'ai choisi.]

Axelle – Okay, but I still think being famous shouldn't be synonymous with harassment. 

[D'accord, mais je continue de penser qu'être célèbre ne devrait pas être synonyme de harcèlement.]

Tom – You 're right. 

[Tu as raison.]

Je prends un instant pour réfléchir. J'aimerais continuer la discussion, pourtant je ne sais pas quoi dire. De plus, je ne veux pas avoir l'air d'insister lourdement, même si l'acteur semble un minimum réceptif. Toutefois, je rêverais de trouver un sujet de conversation là, tout de suite, parce que je ne veux pas laisser Tom repartir. C'est peut-être ma seule chance de lui parler de toute ma vie.

Tom – It's been a pleasure talking to you. I wish you a good evening. 

[Ç'a été un plaisir de parler avec toi. Je te souhaite une bonne soirée.]

Le problème est donc réglé : notre échange de message se termine là. Même si je suis fortement déçue, je ne peux pas râler. J'ai déjà eu suffisamment de chance que Tom Hiddleston en personne m'accorde une heure et demi de son temps personnel, je ne vais pas demander la lune non plus.

Axelle – The pleasure was shared. I wish you a good evening too. 

[Le plaisir était partagé. Je vous souhaite une bonne soirée également.]

Avec un soupir, je quitte l'application et verrouille mon téléphone. 

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