Chapitre 46
Avec un sourire, je laisse Tom placer la cuillère dans ma bouche. Le téléphone plaqué d'un côté du visage, j'attends que la technologie veuille bien faire son œuvre et contacter mon meilleur ami. Qu'est-ce que ça peut être long ! D'un autre côté, comme nous vivons dans des pays différents, nous devons nous appeler par internet pour ne pas payer les appels au prix fort.
– Ça manque un peu de sel, non ?, je chuchote comme la tonalité résonne dans mon oreille.
L'acteur hoche la tête et rajoute une pincée de sel dans le plat. Il s'apprête d'ailleurs à me faire goûter de nouveau, cependant Mathieu décroche au même moment.
– Allô ?, fait sa voix dans le combiné.
Un sourire éclaire mon visage tandis que je monte les escaliers en direction de la chambre. Cela fait si longtemps que je n'ai pas entendu le timbre un peu cassé de mon meilleur ami ! J'en pleurerais.
– Allô, Mathieu ? C'est Axelle.
– Je sais que c'est toi, ton nom s'affiche à côté de ton numéro tu sais.
Je ris.
– Comment ça va ?, lâche mon ami. Pas trop pluvieux à Londres en ce moment ?
– Marseille me manque, je réponds. Le soleil, la mer... C'est dur de ne plus les voir tous les jours.
– Tu m'étonnes ! Mais bon, si jamais t'en as marre du temps pourri typiquement anglais, hésite pas à redescendre tu sais ! Tu nous manques.
Je peux entendre la nostalgie pointer dans sa voix, et plusieurs émotions s'emparent de moi en même temps : culpabilité, parce que j'ai abandonné tous mes amis pour partir vivre avec Tom ; amusement, parce que je sais que Mathieu se moque ouvertement de moi ; tristesse, parce que quoi que je puisse dire, mes amis et ma famille me manquent au quotidien.
– Vous me manquez aussi, j'avoue. Mais je pense que je vais descendre quelques jours en juillet, alors on se verra à ce moment-là. Et puis, je me marie en septembre donc t'as intérêt à être là !
– Quand tu veux ! On peut même préparer une grosse teuf pour quand tu seras à Marseille, si ça te dit ?
De nouveau, je ris. Les soirées avec mes amis me manquent également, tous ces bons moments partagés. Bien que je ne regrette aucun des jours que je passe ici à Londres, parfois je repense à mon ancienne vie ; elle me semble bien loin à présent. Encore plus avec ce que je m'apprête à révéler à mon meilleur ami.
– Évidemment, je ne boirai juste pas.
– Quoi, t'es sérieuse ?, s'étonne Mathieu. Ça y est, madame est fiancée avec un acteur connu et donc ne boit plus avec ses vieux potes ?
Je l'entends se marrer à l'autre bout du fil, totalement inconscient de ce que ma phrase sous-entendait.
– On n'est pas assez bien pour toi, c'est ça ?, raille-t-il.
– Vous êtes des p'tits jeunes, marseillais en prime, je ricane. Moi, je suis la future épouse de Tom Hiddleston. On joue pas dans la même catégorie, Math !
Je soupire longuement.
– Non, plus sérieusement... Je n'ai plus le droit de boire.
– Quoi, Monsieur Parfait t'en empêche, c'est ça ?
– Mais non, crétin !
Un silence s'installe quelques secondes, avant que Mathieu ne reprenne, beaucoup plus sérieux :
– Axelle... Ne me dis pas que t'es malade, hein ? Tout va bien ?
C'est une des choses que j'adore chez mon meilleur ami : sa capacité à tout prendre à la légère, jusqu'au moment où il est nécessaire d'être sérieux.
– En fait, j'ai quelque chose à t'avouer.
– Tu me fais peur, là.
Je souris.
– Est-ce que t'es assis ?
– Non, pourquoi ?
– Alors assieds-toi, je lance.
Je sais déjà que la nouvelle va lui causer un choc.
– C'est bon, annonce Mathieu après quelques secondes.
– Ok, bon...
Je prends une grande inspiration.
– Mathieu, je suis enceinte.
Je l'entends manquer s'étouffer.
– Et ce n'est pas fini !, je m'empresse d'ajouter avant qu'il ne me coupe. Je... j'en ai discuté avec Tom, et on voudrait que tu sois le parrain du bébé.
– Tu... vous... Attends, quoi ? J'ai bien compris, là ?
Je n'ai peut-être pas son visage en visuel, pourtant je devine aisément son expression. Ses sourcils doivent s'être haussés sous l'effet de la surprise, ses yeux sont probablement écarquillés et sa bouche grande ouverte.
– Est-ce que t'es sérieuse ?, s'exclame Mathieu. Genre, t'es vraiment enceinte ?
J'éclate aussitôt de rire.
– Oui, Mathieu, je suis vraiment enceinte. Et je suis vraiment en train de te demander d'être le parrain du bébé, aussi.
La porte de la chambre s'ouvre soudain et Tom entre, vêtu d'un unique short beige. Ses cheveux bouclés lui retombent sur la nuque et il sourit. Visiblement, il sort de la douche, à en juger par les gouttes d'eau qui ruissèlent depuis le bout de ses cheveux : cela ne le rend que plus sexy. Mais n'était-il pas dans la cuisine encore dix minutes auparavant ?
– C'est Mathieu ?, demande-t-il du bout des lèvres.
Je hoche la tête en souriant.
– Dis-lui bonjour de ma part !
– Tom te dit bonjour, j'informe mon ami.
À l'autre bout du fil, ce dernier s'étrangle et baragouine quelques mots sans aucun sens.
– Meuf, t'es sérieuse ?, s'écrie-t-il alors. T'es en train de me demander, à moi, d'être le parrain du gosse deTom Hiddleston ?
– Oui, c'est l'idée, je pouffe. Et pour info, ce gosse, c'est le mien aussi, hein. Au cas où tu l'aurais oublié.
Mathieu rit tandis que Tom s'assoit sur le lit à côté de moi. Tendrement, mon fiancé dépose un baiser sur ma joue et je souris.
– T'étais pas en train de cuisiner ?, je demande à voix basse.
– Si mais il fallait laisser reposer un moment, alors je suis monté prendre ma douche, répond Tom sur le même ton.
– J'en reviens pas, continue Mathieu dans le téléphone. T'es vraiment en train de me demander d'être le parrain de votre gosse... Ce n'est vraiment pas une blague ?
– Tu ne me crois pas ?
Je tends alors le téléphone à Tom.
– Dis-lui qu'on veut réellement qu'il soit le parrain. Il ne me croit pas.
Mon fiancé hoche la tête en souriant et se saisit du portable.
– Allô, Mathieu ? C'est Tom.
Quelques secondes s'écoulent pendant lesquelles j'entends le timbre de mon meilleur ami via le téléphone, sans pour autant comprendre ce qu'il dit. Quant à la manière dont Tom prononce le prénom Mathieu, c'est tout bonnement adorable.
– Oui, on veut vraiment que tu sois le parrain de notre bébé. Oui, pour de vrai.
Il rit, signe que Mathieu a dû sortir une ânerie de son cru. Bon sang, ce que j'aime son rire !
– Je pense que c'est bon, me dit Tom en me rendant le téléphone.
– Thanks.
Je porte le combiné à mon oreille pour entendre mon meilleur ami pousser des cris d'excitation.
– C'est bon, tu me crois maintenant ?, je le taquine gentiment.
– Meuf, c'est dingue, je sais même pas quoi dire !
J'ai donc, une fois dans ma vie, réussi à couper le soufflet à mon meilleur ami ? Ce jour est à marquer d'une grosse croix rouge sur le calendrier national !
– Tu pourrais déjà accepter, ou non, je suggère.
– Tu penses sincèrement que je vais refuser ? Axelle, t'es ma meilleure amie, évidemment que j'accepte !
– Tant mieux, je souffle.
Je n'ai pas douté une seconde, concernant sa décision, cependant je ne peux pas nier que je suis soulagée qu'il ait accepté de vive voix.
– Bon, par contre, personne n'est au courant que je suis enceinte, sur Marseille. Je veux l'annoncer en face à mes parents. Quant aux autres... J'ai envie de leur faire la surprise quand je descendrai, Mathieu.
Ce dernier pouffe.
– Meuf, je te rappelle que je parle pas à tes potes, vu que ce ne sont pas les miens. Aucun problème là-dessus ! Pour ce qui est de ta famille... T'es consciente que si t'es pas là, j'ai aucun prétexte pour les voir ?
– Je sais bien, je dis. Mais je préfère te prévenir, au cas où. Si je suis capable de rencontrer des marseillais différents à chaque fois que je mets les pieds dans le petit village normand de mon oncle, alors tu peux très bien croiser quelqu'un.
– D'accord, je ne vendrai pas la mèche, alors. C'est promis.
– Merci mon p'tit Mathieu !, je jubile. Tu sais que je t'aime, hein ?
À côté de moi, Tom lève un sourcil.
– Tu me fais des infidélités ?, se moque-t-il.
– Avec Mathieu ? Toujours !, je raille en retour.
– Qu'est-ce que tu dis ?, demande ce dernier à l'autre bout du fil.
Je m'esclaffe.
– Rien, je parlais à mon futur mari. Tu sais que je suis toujours autant déçue que tu puisses pas être mon témoin, d'ailleurs, hein ?
– Tu me l'as répété combien de fois, déjà ? Deux centre quatre-vingt-quatorze ?
– Oh, tais-toi, espèce d'idiot !
Mathieu rit tandis que, de mon côté, j'observe Tom sortir de la pièce en refermant la porte derrière lui.
– Allez, dis-toi qu'au moins je m'occuperai bien de ton gosse si jamais il t'arrive quelque chose.
– Je sais pas pourquoi, mais ça ne me rassure pas.
– Nan, t'as raison, ne me confie pas ton gosse. Je l'oublierai certainement dans un supermarché après qu'il ait fait une crise pour avoir des bonbons.
– T'es con, je lance, morte de rire.
– On me le dit souvent, se vante faussement mon meilleur ami.
Et la plupart du temps, c'est moi qui le lui dis, mais jamais en le pensant réellement. Mathieu est très loin d'être bête, contrairement à ce qu'il veut faire croire au monde entier : je suis bien placée pour le savoir.
– Bon, tu sais que j't'aime beaucoup, tout ça tout ça, mais faut que j'te laisse meuf. J'ai mes partiels dans moins de vingt minutes, souhaite-moi bonne chance !
– Merde !, je lui réponds en riant. T'as partiel de quoi ?
Mon meilleur ami soupire longuement.
– Informatique. Je vais pas te donner le nom exact, même moi je l'ai pas retenu.
– Bon courage ! La fac me manque vraiment pas, c'est dingue !
– Ouais, rouspète Mathieu. Bah on a pas tous un petit ami riche et célèbre qui assure notre quotidien, hein.
Je pouffe.
– Jaloux ! En plus, j'ai déjà terminé mes études, moi. C'est pas ma faute si t'as décidé de continuer plus longtemps, hein !
– Évidemment, se moque mon meilleur ami. Sur ce, la réussite m'appelle ! À plus dans l'bus !
Avec un sourire face à l'expression démodée, je raccroche. Un coup d'oeil à l'écran de mon téléphone m'indique qu'il n'est même pas onze heures, j'ai donc un peu de temps avant que Tom ne termine de faire le repas. Je connecte donc mon portable à mon enceinte pour lancer un peu de musique. Danser me manque tellement !
Je fais défiler ma playlist du bout du doigt, cherchant la chanson dont j'ai envie en ce moment. Ce n'est pas très joyeux, mais ça fera parfaitement l'affaire.
– C'est parti, je murmure en appuyant sur Ghost of You, de 5 SoS.
Les premières notes se déversent dans l'enceinte et je commence à danser dans la chambre, pieds nus. Ça me fait un bien fou, j'ai l'impression d'être vivante !
Je me laisse porter par la musique, les yeux fermés à moitié. Mon cœur pulse en rythme, je sens chaque son résonner en moi comme sur des cordes. Je vibre en concert avec chaque instrument, y compris ceux qu'on entend à peine en arrière-plan.
Alors que je tourne et retourne dans tous les sens, agrémentant le tout de mouvements de bras et de tête, je m'aperçois que la porte est ouverte. Je m'arrête aussitôt.
– Quoi ?, je souris alors que Tom s'appuie sur le chambranle de la porte. Tu sais que j'ai toujours aimé danser.
Il rit et hoche la tête. Quant à moi, je m'assois sur le lit et contemple mon fiancé avec amour. Dire que cela fait presque un an que nous sommes ensemble, à présent ! Qui aurait pu croire que cela durerait entre nous ? Pourtant me voilà, enceinte et fiancée au célèbre Tom Hiddleston. J'ai encore du mal à me dire que, dans trois mois, ce sera mon nom à moi aussi – inutile de préciser que j'ai accepté de porter son nom, évidemment.
– Et tu danses très bien, approuve Tom avec un sourire en coin.
Ses yeux se baissent une seconde pour retrouver les miens, dans lesquels ils se fixent sans attendre.
– Mon petit doigt me dit que je ne suis pas la seule à savoir danser, ici.
De nouveau, mon fiancé rit. Il a le don de me faire fondre, c'est incroyable ! Je ne sais même pas comment c'est possible.
– Oh, allez !, je lance subitement en me levant. Viens par là.
Je m'approche de lui et saisit ses mains entre les miennes ; je le tire jusqu'au centre de la pièce et le place face à moi.
– Fais-moi danser, mon coeur, j'ordonne avec un sourire charmeur.
De nouveau, Tom rit. Je sais qu'il aime quand je l'appelle mon cœur, en français, comme j'aime qu'il m'appelle mademoiselle, toujours en français. C'est notre façon mignonne de dire que l'on s'aime, en quelque sorte. Après tout, pourquoi se contenter de l'anglais ? Nous parlons tous les deux français – un minimum en tout cas –, autant que cela nous serve !
Tom attrape l'une de mes mains et la soulève dans l'air pour me faire pivoter par-dessous. Avec un sourire, je m'exécute, faisant tout pour ne pas lâcher du regard mon partenaire.
Lentement, mes bras descendent se poser autour du cou de l'acteur, dont les mains attrapent ma taille. Il n'a pas besoin de parler pour me guider : je ressens chaque pression, chaque souffle, comme s'ils étaient prédéfinis dans mon esprit. Chaque pas que j'exécute, chaque mouvement... C'est comme si tout était millimétré pour compléter ceux de Tom.
La musique nous englobe, j'ai l'impression de me trouver dans une petite bulle paisible, hors du temps. C'est comme si je me trouvais dans un de ces Disney que j'affectionne tant, j'ai la sensation d'être une héroïne en train de danser avec son prince charmant. Et en parlant de Disney...
– Tu sais... Il y a une chose que tu ne sais pas sur moi, je murmure alors que la musique se fond lentement en celle d'après.
Tom fronce les sourcils.
– Ah bon ?
Je hoche la tête en sentant mes joues rougir. Si je n'en ai pas parlé à mon fiancé auparavant, c'est que j'avais peur qu'il me trouve puérile. Toutefois, ça me pèse, car je ne peux pas assouvir cette passion s'il n'est pas au courant.
– Ne me juge pas, d'accord ?, je soupire.
– Te juger ? Tu sais que tu me fais peur, là ?
Je ris doucement.
– En fait, je fais du cosplay, j'annonce.
– Attends, c'est ça ton grand secret ?
Je fais mine d'être vexée. C'est tout ? Il ne m'a même pas demandé ce que signifiait le terme de cosplay, comment... Oh, suis-je bête. Bien sûr qu'il sait déjà ce que ça signifie, il est acteur putain ! Les cosplayers de l'univers Marvel sont trop nombreux pour pouvoir les compter.
– Ben, secret, ça l'est pas vraiment vu que j'ai un compte instagram dédié à ça, mais... Je suppose, oui.
– Et tu pensais que j'allais te juger ? Axelle, est-ce que je dois te rappeler que mon métier, c'est littéralement enfiler tout un tas de costume pour interpréter tout autant de personnages ?
– Je sais bien, mais... Là, je te parle d'une véritable collection de robes de princesses Disney, Tom.
– D'accord.
– Vraiment, vraiment beaucoup de robes.
– D'accord.
Je lève les yeux au ciel en souriant.
– Est-ce que tu sais dire autre chose que d'accord, ou comment ça se passe ?, je me moque gentiment.
– Que voudrais-tu que je dise d'autre ? Je crois qu'on peut me considérer comme un cosplayer, moi-même, avec le boulot que je fais, alors...
Je ris.
– C'est vrai que j'avais pas pensé à ça, j'avoue avec un demi-sourire. J'avais surtout le souvenir des réactions des gens, qui me traitaient juste de gosse, mes parents en particulier. Ils ont mis du temps à me ficher la paix là-dessus, je pense qu'ils ont juste baissé les bras quand ils ont vu que j'en avais rien à faire de leurs remontrances.
– Bah, les gens sont stupides, vraiment. Sans vouloir insulter tes parents, bien évidemment. Mais si ça te plaît, alors c'est le principal. D'ailleurs, si tu veux ramener tes robes de princesses, comme tu dis, ici... Eh bien, on pourrait faire ça ensemble. J'ai toujours rêvé d'incarner un prince de Disney, ça pourrait être un bon début ?
Je me fige aussitôt, la main à mi-chemin entre Tom et moi. Est-ce que j'ai bien entendu ? A-t-il vraiment dit ça ?
– Tu... serais prêt à faire du cosplay en couple ?, je demande.
Le châtain hoche la tête.
– Bien sûr.
– Tu m'énerves, je déclare alors.
Tom sursaute comme si je l'avais frappé.
– Quoi ? Mais pourquoi ?
– Parce que tu trouves toujours le moyen de dire la chose parfaite, putain !
Mon fiancé me lance un regard moqueur.
– Quel langage inapproprié, dans la bouche d'une demoiselle.
– Fuck you !, je réplique.
Il hausse un sourcil.
– Est-ce que c'est une menace, ou une to-do list ?
J'éclate de rire tout en lui fichant un coup sur le bras.
– T'es un gamin !, je proteste en français.
– Dit celle qui n'a que vingt-deux ans, renchérit Tom.
Avec un éclat de rire, je saisis l'oreiller sur le lit et l'assène sur la tête de mon fiancé.
– C'est déloyal, ça !
Tom attrape l'autre oreiller avec un cri amusé. Visiblement, la guerre est déclarée ; je compte bien la gagner.
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