Chapitre 39

Tout compte fait, mes parents ont décidé de pleurer plutôt que me remonter les bretelles, lorsque je les ai appelés pour leur annoncer la nouvelle. Enfin, ma mère a pleuré. Mon père a haussé les épaules, avec son éternel air je-m'en-foutiste sur le visage, et ma sœur a crié tout ce qu'elle pouvait en arrière-plan. Surtout quand je lui ai demandé d'être une de mes demoiselles d'honneur.

En Angleterre, ça ne fonctionne pas tout à fait comme en France. Là-bas, les mariés choisissent des bridesmaids et des best men, ce qui est l'équivalent de nos demoiselles et damoiseaux d'honneur. Toutefois, si en France nous choisissons également des témoins, en Angleterre ce rôle est assuré par les mêmes personnes.

Kayla et Marine ont accepté d'être mes deux autres demoiselles d'honneur, ce qui m'a fait extrêmement plaisir. Je vis juste un peu mal le fait de ne pas pouvoir demander à Mathieu d'être mon témoin, toutefois il m'a rassuré en me disant que ce n'était pas le plus important. Il a aussi précisé que tant qu'il était invité, ça lui convenait parfaitement. Parce qu'il pensait que je n'allais pas l'inviter ?

Tom et moi avons commencé à réfléchir un peu à notre mariage. Si rien n'est encore développé, nous avons convenu que nous marier à la fin de l'été était une bonne idée : ça nous laisse le temps de tout organiser, et ce n'est pas une période où il fait froid.

On n'a pas eu beaucoup de temps pour se pencher sur la question, car nous avons dû faire nos bagages pour partir en Italie. Actuellement, nous sommes à Rome : Tom et sa partenaire à l'écran, Kate Mara, sont en plein tournage. Je ne l'ai pas encore croisée, n'ayant pas le droit d'assister audit tournage.

Aujourd'hui, c'est un jour off. Tom et moi en avons profité pour visiter un peu. La dernière fois que je suis venue à Rome – l'unique fois, c'était un voyage scolaire en fin de Seconde –, j'avais beaucoup apprécié le Colisée ainsi que les autres bâtiments historiques comme le Panthéon. En tant que fan de l'univers de Percy Jackson, et tout particulièrement des Héros de l'Olympe, j'ai adoré visité les lieux que mes personnages favoris décrivaient dans les livres. Le seul problème alors était que la fontaine de Trevi était en réparation, et que je n'avais pas pu lavoir.

Cette fois, c'est différent : plus de panneaux brise-vue, plus de travaux, juste la beauté des sculptures et l'eau bleue devant nous. J'en ai donc profité pour jeter une pièce, même plusieurs, faisant un vœu par la même occasion. Je ne vous dirai pas lequel, car je tiens à ce qu'il se réalise.

Comme dirait Leo Valdez, il n'y a pas de logique ici. Pourquoi venir à Rome, en Italie, pour y voir des marches espagnoles ? Néanmoins, je suis fan de cette ville pour sa richesse culturelle, or je ne suis pas une as de la culture en général.

Nous avons passé la journée dehors, mon fiancé et moi, nous faisant parfois accoster par des fans qui réclamaient des photos. Toutefois, j'ai plus qu'apprécié cet interlude.

À présent, nous sommes de retour à l'hôtel, où nous devons retrouver Kate et les autres acteurs principaux pour un repas tous ensemble. Fut un temps où l'idée même de ce genre de situation m'aurait angoissée, mais je commence à m'y faire, en fait. De plus, maintenant que je suis fiancée à Tom... Eh bien, j'ai moins de mal à accepter l'idée que c'est moi qu'il a choisi, et qu'il ne me laissera pas tomber.

– T'es prête ?, demande Tom en tapant doucement à la porte de la salle de bain.

– J'arrive, je réponds gaiement.

Je lisse une dernière fois les plis de mon t-shirt à l'effigie de Cendrillon – ma princesse préférée – en souriant à mon reflet. Derrière moi, je vois la porte s'ouvrir et mon fiancé passer une tête par l'embrasure.

– J'aime bien quand tu as les cheveux attachés, commente-t-il en pointant du doigt ma queue-de-cheval. Et encore plus quand tu portes des lentilles. Tu as des yeux magnifiques.

Je hausse un sourcil avec un sourire en coin. Ce n'est pas la première fois qu'on complimente mes yeux quand je retire mes lunettes. Malheureusement, bien qu'ils soient beaux, ils sont également capricieux : je ne supporte pas les lentilles de contact au quotidien, je n'en mets donc que très peu souvent.

De plus, c'est lui qui parle ? Est-ce qu'il s'est regardé dans le miroir ? J'aime beaucoup mes yeux, c'est vrai, mais les siens ? C'est un tout autre niveau !

– Merci, je rougis.

Avec un léger soupir, j'appuie sur l'interrupteur pour éteindre la lumière de la salle de bain. Je n'ai pas fait trois pas que ma bretelle de soutien-gorge se détache, claquant mon épaule.

– Merde !, je dis en français.

– Quoi ?, s'étonne Tom.

– Je... Tu peux m'aider, s'il te plait ?, je balance en descendant une manche mon t-shirt.

Il fronce les sourcils, l'air perplexe.

– La bretelle, Tom, je ris.

Tout à coup, c'est l'illumination. Il s'exécute, passant le crochet dans la boucle qui lui est destinée, avant de tirer un peu dessus pour en tester la solidité. Rien ne bouge, c'est parfait.

– Merci, mon cœur, je souffle en plaquant un rapide baiser sur ses lèvres. On peut y aller, maintenant.

Tom hoche la tête et remonte la manche sur mon épaule.

– Voilà, c'est mieux.

J'observe l'acteur avec tendresse tandis qu'il ouvre la porte pour me laisser passer. Toujours autant prévenant avec moi, toujours aussi adorable, je ne sais pas comment il fait. Moi-même, parfois, je suis d'une humeur de chien et ai du mal à me contrôler.

Nous sommes les premiers à arriver au restaurant, aussi nous nous asseyons à notre table en attendant les autres. Si j'ai bien compris les directives du serveur, nous devrions être rejoints par la partenaire d'écran de Tom. Le restaurant, bien qu'accommodant, n'a pas eu la place de regrouper tout le monde sur une seule et même table, nous sommes donc placés par petits groupes de quatre. Mon italien étant un peu rouillé, je ne suis pas certaine de la traduction exacte. Heureusement, Tom parle cette langue également. 

Au lycée, j'ai passé Italien en LV1, parce que j'avais de meilleures notes qu'en anglais et que ça me permettrait d'avoir un bac avec mention. Au final, ça n'a pas changé grand chose car j'ai eu la même note en LV2 qu'en LV1, toutefois les sujets n'étant pas les mêmes que si j'avais gardé anglais en LV1, je me dis que je m'en suis plutôt bien sortie.

Je me souviens très bien du sujet d'anglais de cette année-là. Des questions, une étude de documents, puis un sujet d'invention sur le thème du Titanic. Ils nous demandaient d'écrire une page de journal d'un passager de la troisième classe. Dans ma grande folie, j'ai décidé de raconter un peu le début du voyage et d'enchaîner sur une soirée particulière qui avait eu lieu sur le bateau. Oui, vous l'avez compris : j'ai décrit la scène du film où Jack et Rose dansent sur les tables, d'un point de vue extérieur. Je suppose que le correcteur a apprécié, vu que j'ai eu dix-neuf.

Une femme s'assoit en face de nous, me ramenant à la réalité. Elle doit avoir environ trente ou trente-cinq ans, peut-être un peu plus, c'est difficile à dire. Ses cheveux blond-roux sont lâchés dans un carré long, et ses yeux marron se posent sur moi ; elle sourit.

– Bonsoir, Kate, l'accueille Tom.

Voici donc la fameuse Kate, celle qui partage l'affiche avec mon fiancé. Je sais que je l'ai déjà vue quelque part, en même temps c'est une actrice connue, pourtant je suis incapable de me souvenir d'où.

– Bonsoir, Tom, répond la femme avant de se tourner vers moi, un sourire encore plus grand sur le visage.

– J'ai beaucoup entendu parler de toi. Axelle, c'est bien ça ?

Je hoche la tête.

– Enchantée, lance l'actrice.

Je serre la main qu'elle me tend, un peu mal à l'aise tout de même.

– De même, je réponds.

Les yeux de Kate descendent lentement vers ma main, se fixent quelques secondes sur mes doigts puis se lèvent vers Tom.

– Jolie bague, commente-t-elle avec un sourire en coin. Je suppose que les félicitations sont de mise ?

Je sens mes joues rougir. C'est vrai que mis à part nos proches, nous n'avons annoncé la nouvelle à personne. De plus, je ne m'attendais pas à ce que quelque fasse attention aux bijoux que je porte.

En parlant de bijou... Je peux voir briller mon pendentif autour du cou de Tom, ce qui m'attendrit toujours autant qu'avant. Je sais qu'il l'enlève quand il travaille, parce qu'il ne peut pas garder d'objets personnels, mais savoir qu'il le remet à chaque fois me fait chaud au cœur. C'est un peu comme si on s'appartenait l'un l'autre, j'aime cette idée.

Avec un sursaut, je me rends compte que même lorsqu'on sera officiellement mariés, il ne pourra pas garder son alliance lorsqu'il sera en tournage. Je ne sais pas pourquoi je pense à ça tout à coup, parce que ça ne me gêne pas. Je n'ai jamais vu mon père porter son alliance, aussi j'ai l'habitude.

– Merci, répond Tom en posant sa main sur la mienne. On n'a encore rien officialisé, bien sûr, mais...

– Ça se comprend, le coupe Kate. Dans un monde tel que le nôtre, à notre place... Eh bien, il vaut mieux garder certains détails pour soi. De plus, les gens seront bien assez vite au courant, vous pouvez me croire.

J'imagine qu'elle parle d'expérience. Moi-même, pour le peu que j'en ai vu, je n'ai pas hâte d'exposer au monde entier mes fiançailles, en même temps que je ne rêve que de ça.

– J'ai déjà eu quelques soucis pour ça, j'avoue.

L'actrice hoche la tête, le regard empli de compassion.

– Ha, ça ! T'en as pas encore fini avec ces histoires, crois-moi ma belle ! Mais ne t'en fais pas, tant que tu sais qui tu es et que tu aimes ta vie, tout se passera bien.

– Et puis, je suis là pour veiller sur toi, ajoute Tom.

Je ris.

– Je me suis défendue toute seule pendant vingt-deux ans, je crois que je pourrai le faire encore tu sais.

Mon fiancé sourit.

– Oh, ça, j'en suis convaincu. Tu n'as besoin de personne pour se battre à ta place.

– Il le faut bien, car qui le ferait quand tu es en tournage ?

Tom pouffe.

– Qu'est-ce que tu penses du milieu, d'ailleurs ?, demande Kate en posant ses yeux de velours sur moi.

Je pousse un long soupir, le temps de réfléchir à ce que je vais dire.

– C'est la première fois que je vois l'envers du décor, c'est plutôt plaisant je trouve. Quand je regarderai le film, je pourrai me souvenir des anecdotes de tournage, tout ça, c'est cool !

– Et tu n'es pas jalouse ? Je veux dire, ton fiancé tourne des scènes de sexe avec une autre femme, ça ne te perturbe pas ?

Je hausse les épaules et secoue la tête. Je ne sais pas si le but de la femme est de me mettre mal à l'aise ou non, cependant ce n'est pas le cas.

– Pourquoi, ça devrait ? Ça fait partie de son métier, et je lui fais confiance. C'est primordial dans une relation, je crois, surtout telle que celle-ci. Est-ce que toutes les femmes, et les maris aussi, d'acteurs et d'actrices sont-ils jaloux de leurs partenaires à l'écran ? Je ne pense pas.

– C'est très mature, comme réaction, surtout pour une jeune femme de ton âge, commente Kate. Sans vouloir te vexer, bien évidemment.

– Tu ne me vexes pas, je la rassure. C'est vrai que je connais beaucoup d'amis à moi qui sont incapables de laisser leur petit ami ou petite amie s'éloigner d'eux, mais ce n'est pas mon cas. Comme je l'ai dit, j'ai une confiance absolue en Tom.

Je tourne les yeux vers ce dernier, qui sourit. Visiblement, mes paroles ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd. Tant mieux, parce que je pense absolument tout ce que j'avance. Je n'ai jamais été de nature jalouse, je ne vais pas commencer aujourd'hui. De plus, ce serait particulièrement compliqué étant donné qu'en tant qu'acteur, Tom va souvent être amené à jouer auprès d'autres femmes.

– Tu me fais penser un peu penser à Maria, la fille de mon personnage. Ta manière de t'exprimer, de réagir... C'est marrant, tu ne trouves pas, Tom ?

Ce dernier hausse un sourcil, l'air songeur.

– Je ne m'étais pas fait la réflexion, mais tu as raison. C'est vrai que tu ressembles à Maria.

– Je ne sais même pas de qui vous parlez, je glousse.

– C'est parce qu'on est pas censés en parler, justement, confesse mon fiancé avec un clin d'oeil.

Je fais aussitôt mine de me boucher les oreilles.

– La la la, je n'entends rien du tout !, je plaisante.

Ça a le mérite de faire rire tout le monde, je suis plutôt fière de mon effet.

– Vous avez une expression pour dire qu'on ne divulguera aucun secret ? En France, nous avons ''être muet comme une tombe'', mais en anglais ?

– On utilise sensiblement la même chose, ou alors ''quiet as a church mouse''.

– Silencieux comme une souris d'église ?, je m'étonne. C'est original, mais pas dénué de sens. C'est toujours moins bizarre que ''il pleut des chats et des chiens''.

Tom se recule comme si je l'avais frappé, l'air faussement outré.

– Tu ne vas pas recommencer avec ça ?

Je lui offre un sourire innocent dont nous savons tous les deux qu'il ne fait que cacher mon air fourbe.

– Je recommencerai autant de fois qu'il le faut, mon cœur.

Mon fiancé lève les yeux au ciel et lance un regard à moitié désespéré à sa collègue, qui sourit et hausse les épaules. Quant à moi, je ne peux m'empêcher de songer que tant que je serai vivante, je n'arrêterai pas de se moquer des expressions anglaises qui n'ont ni queue ni tête. 

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