Chapitre 37

Aujourd'hui, Tom revient des États-Unis. Moi-même, je suis rentrée il y a un quelques jours, et si mon petit ami aurait dû m'attendre à la maison, ça n'a pas été le cas. Il a été rappelé à Los Angeles pour des castings supplémentaires et pour signer son contrat : il a décroché le rôle principal qu'il convoitait et démarrera le tournage début février en Italie.

Je n'ai pas le droit d'en savoir plus, rapport à la confidentialité des castings et du scénario, tout ça, mais je sais que je vais partir avec lui pour les deux premières semaines. Ensuite, il faudra que je survive un mois et demi toute seule, le temps que les prises se terminent, puis Tom rentrera à Londres. J'ai donc prévu de passer à Marseille pour deux semaines après l'Italie, ça me permettra de voir un peu ma famille et mes amis.

Les yeux fixés sur le miroir de la salle de bain, j'hésite entre attacher mes cheveux dans un chignon haut ou une queue-de-cheval, ou les laisser libres comme je le fais la plupart du temps. Le dilemme est important, je n'ai pas le droit à l'erreur : dans quelques heures, je dois rencontrer la famille de Tom. Enfin, disons surtout sa mère, sa sœur cadette et le mari de cette dernière. Sa sœur aînée vivant en Inde, il est plus difficile de la voir.

Au début, ce repas n'était pas du tout prévu. L'acteur devait rentrer en milieu de matinée, et c'est tout. Cependant, hier soir, quand je l'ai eu au téléphone, il m'a expliqué que sa famille tenait vraiment à me rencontrer. Évidemment, je n'allais pas refuser. Voilà pourquoi je suis en train de me préparer, attendant que Tom rentre pour nous rendre chez sa mère.

Avec un soupir, je donne un dernier coup de brosse à mes cheveux déjà démêlés avant de la reposer. Je crois que les garder détachés est mieux, il fait froid dehors, ça me permettra de mettre un bonnet et de ne pas avoir le cou à l'air libre.

Tom a bien précisé que je n'étais pas obligée d'être bien habillée, qu'un jean et un pull suffiraient largement. J'ai décidé de l'écouter, surtout qu'il neige à l'extérieur : je me verrais mal enfiler une robe, même avec des collants et une veste. J'ai donc opté pour un jean bien épais, et un t-shirt comme je les aime : violet, avec une poêle noire surmontée d'un petit caméléon vert aux airs familiers.

Est-il utile de préciser à quel point ce déjeuner m'angoisse ? Bien que mon petit ami m'ait répété encore et encore que tout va bien se passer, que personne ne va me manger, je ne peux m'empêcher de paniquer à l'idée que je vais rencontrer sa famille.

Je sors à peine de la salle de bain lorsque j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Ma réaction est immédiate : un sourire s'étire sur mon visage et je dévale les escaliers en courant. Tom, sa valise posée à côté de lui, m'attend dans l'entrée. Sa veste et son bonnet sont plein de neige, ses chaussures qu'il est en train d'enlever aussi. Je ne le laisse même pas finir, je lui saute au cou.

– Bonjour, darling.

Je le coupe d'un baiser ; ses bras se referment sur mon dos et il me serre contre lui.

Oh, ça m'avait manqué ! Deux semaines et demi loin l'un de l'autre, c'était violent après tout ce temps passé ensemble !

– Toi aussi tu m'avais manqué, commente Tom en relâchant la pression sur ma personne.

Il retire son bonnet et ébouriffe ses cheveux d'un mouvement de tête.

– J'aime bien ton t-shirt, tu l'as ramené de Marseille non ? Je l'avais pas encore vu.

Je ris tandis que Tom accroche sa veste au porte-manteaux.

– J'ai profité de mon voyage pour ramener quelques trucs, oui, j'avoue. Regarde !

Avec un sourire fier, j'attrape mon pied pour le lui montrer. J'ai ramené ma collection de chaussettes d'hiver, je porte les Spiderman actuellement, ce qui le fait pouffer.

– J'adore ton côté innocent, se moque Tom. Enfin, innocent jusqu'à un certain point, bien sûr.

Il agrémente ses mots d'un sourire en coin qui me fait rougir.

– C'est ta faute si je n'ai plus rien d'innocent, je réplique en haussant les épaules.

– Tu n'avais déjà rien d'innocent quand on s'est rencontrés, honey, renchérit l'acteur.

Touchée, coulée. Il n'a pas tout à fait tord, je n'ai jamais été vraiment innocente. Disons seulement que je cache bien mon jeu, parce que je suis demi-sexuelle et que donc aux yeux du monde ce genre de choses ne m'intéresse pas. Toutefois, je suis celle qui a dû expliquer l'expression ''going to Paris'' à mes amis, une fois. Leur tête à ce moment-là restera gravée dans ma mémoire à tout jamais.

– On s'en fiche, je te dis que c'est de ta faute, je fais mine de bouder. Tu m'as perverti l'esprit !

– C'est vrai que je n'ai rien d'innocent, surtout quand on sait ce que j'ai fait pour te rencontrer une deuxième fois.

Attendez, quoi ? Qu'est-ce qu'il vient de dire, là ?

– Tu as quoi ?

Tom passe une main dans ses cheveux, l'air gêné tout à coup. Visiblement, il a dit quelque chose qu'il ne voulait pas dire à la base.

– Tu es en train de me dire que tu n'étais pas là par hasard, la deuxième fois qu'on s'est croisés ? Mais pourquoi ? Tu me pistais ?

Mon petit ami m'offre un sourire tordu et ses yeux évitent alors les miens. Hou là ! Il y a anguille sous roche !

– En fait, non, finit-il par avouer. Enfin, si, mais pas vraiment.

– C'est sûr que ça m'aide vachement, je raille.

– La première fois qu'on s'est rencontrés... Eh bien, je t'ai trouvée vraiment charmante. On s'est à peine parlé, tu avais l'air complètement déboussolée et... je sais pas, il y a eu comme un déclic. Je me suis dit que, vu que tu n'habitais pas loin, j'aurais plus de chance de te croiser de nouveau si je restais dans le coin. Mais d'un autre côté... Tu avais l'air si jeune, si... innocente. Je ne voulais pas te brusquer.

Il soupire. Quant à moi, j'essaie de comprendre ce qu'il est en train de me dire. Il n'est pas sérieux, si ? Je fais de gros efforts pour ne pas le couper ; je veux la fin de son récit avant d'en placer une.

– En fait, notre deuxième rencontre n'est pas vraiment due au hasard, mais quand même un peu. Comme je l'ai dit, je ne voulais pas te brusquer, mais tu m'intriguais énormément. Comme j'avais besoin d'un livre pour m'occuper, je me suis dit que je pourrais aller à la bibliothèque la plus proche de là où je t'avais croisée. Je me disais qu'il était peu probable que je te rencontre directement dans la bibliothèque, mais qu'avec un peu de chance, je te verrais passer dehors.

Je suis prise d'une subite envie de rire. Tom est-il vraiment en train de m'avouer qu'il avait envie de me revoir, et cela dès notre première rencontre ? Pourtant, elle était catastrophique !

– Au bout d'un moment, je me suis dit que ma manière d'agir était plus que puérile, que je n'avais plus l'âge de faire de genre de choses. J'ai voulu rentrer chez moi, et je suis tombée sur toi, qui rentrais dans la bibliothèque. Je n'en croyais pas mes yeux, j'en ai même conclu à un signe. Je suis venu te parler, et la suite... Eh bien, tu connais la suite.

Oh, la tête qu'il fait ! Je n'en peux plus, je suis incapable de me retenir plus longtemps, aussi j'éclate de rire.

– Tom !, je m'exclame. Mon dieu, Tom, je... j'ai même pas les mots ! T'es un enfant !

– Ce n'est pas très gentil de se moquer, proteste-t-il en faisant la moue.

Cela ne le rend que plus adorable, et je pose un petit baiser sur ses lèvres.

– Tu es beaucoup trop mignon, mon cœur. Mais bon, de nous deux, je ne pensais pas que ce serait toi qui aurait une idée aussi incongrue. À la base, c'est moi qui monte des plans foireux, comment tu crois que je trouve l'inspiration pour mes romans ?

Tom rit et ses yeux rencontrent les miens. Pendant une seconde, il y a un blanc, et je repense avec tristesse à la soirée du nouvel an, où nous nous sommes violemment disputés. Nous ne nous sommes pas vus jusqu'à aujourd'hui, après ça, et... Non mais, pourquoi je pense à ça maintenant, moi ?

– Bon, si tu as fini de te moquer de moi, reprend mon petit ami en soupirant, je vais monter me changer. Ma mère nous attend, ma sœur et son mari sont déjà là.

– Fais donc ! Je suis déjà prête, personnellement, on n'attend plus que toi !

– Ha. Ha. Très drôle, ça, mademoiselle.

Ah non ! Ça, c'est déloyal ! Il n'a pas le droit de me donner un surnom français, avec cet accent à en tomber par terre, c'est de la triche ! Comment suis-je censée renchérir là-dessus ?

– J'aime bien ce surnom, je murmure, plus pour moi que pour lui.

Tom sourit.

– J'étais sûr que tu aimerais.

Je lève les yeux en souriant. Comment fait-il pour toujours trouver le moyen d'être parfait ?



Tandis que Tom gare la voiture, je jette un coup d'oeil à travers la vitre. La porte d'entrée vient de s'ouvrir, et une dame d'un âge avancé se tient debout sur le seuil.

– Respire, tout va bien, lance mon petit ami à côté de moi.

Je ne m'étais même pas aperçue que je retenais mon souffle. Moi qui n'ai jamais été douée en apnée, j'aurais fini par m'évanouir.

– Dis-toi que je suis là, continue Tom en souriant, et pense au fait que la première fois que j'ai rencontré tes parents, je l'ai fait seul.

C'est vrai que dit comme ça... J'ai du mal à imaginer l'acteur paniquer, cependant, ce dont je lui fais la remarque.

– Paniquer ?, rit-il. Axelle, je n'étais pas paniqué, j'étais terrorisé, surtout à l'idée de rencontrer ton père. Tu m'avais bien précisé en long, en large et en travers à quel point il t'avait engueulée. J'étais persuadé que je ne rentrerais pas indemne chez moi, ce jour-là.

– Et tu es venu quand même ?

– Et je suis venu quand même, confirme Tom.

Je m'esclaffe.

– Soit tu étais suicidaire, soit tu tenais vraiment à me voir.

– Un peu des deux, sûrement.

Il coupe le contact et ouvre sa portière pour sortir. L'air froid me cingle le visage avec la force d'un ouragan.

Je sais pertinemment que l'acteur va faire le tour pour venir m'ouvrir, toutefois je ne l'attends pas. Je suis une grande fille, je peux me débrouiller toute seule, et bien que j'apprécie l'attention, je ne veux pas passer pour une incapable ou une profiteuse.

– Tu es prête ?, demande Tom en me tendant la main.

Je l'attrape sans hésiter et serre ses doigts dans les miens.

– Absolument pas, je réponds. Mais comme on dit en français...

Je prends une grande inspiration avant de terminer dans ma langue maternelle :

– Quand faut y aller, faut y aller !

– Allez, viens !

Serrant un peu plus mes doigts en signe de soutient, Tom me conduit jusqu'à l'entrée. Alors que je m'apprête à saluer sa mère comme il se doit, cette dernière sourit et me serre dans ses bras.

– Bienvenue, dit-elle lorsqu'elle me relâche.

Je souris : cette femme a l'air formidable, en fait. J'ai hâte d'en savoir plus sur elle, bien que le fait qu'elle ait élevé Tom pour qu'il devienne l'homme qu'il est ne peut que me conforter dans mon impression.

À l'intérieur, une femme aux longs cheveux blonds est assise sur le canapé, face à un homme aux courts cheveux bruns. À peine entrons-nous qu'ils se tournent d'un même mouvement ; je réprime l'envie de partir en courant et tâche d'afficher un air détendu.

– Bonjour, je lance timidement.

Les deux se lèvent et viennent à notre rencontre. Emma serre son frère dans ses bras avant de faire de même avec moi. Étant française, je n'ai pas l'habitude de ce genre de salutations : nous autres faisons la bise, ou serrons des mains, comme je le fais avec Jack, le beau-frère de Tom.

– Je suis ravie de te rencontrer, s'exclame Emma tandis que Diana, la mère de Tom, nous propose de passer à table sans attendre.

– Le plaisir est partagé, je réponds.

C'est un peu étrange tout de même, d'être reçue comme une égale, presque une sœur, alors que toutes ces personnes auraient presque l'âge d'être mes parents.

– Alors Axelle, dis-nous tout, commence Jack lorsque nous sommes assis.

Si j'en crois l'odeur et l'allure du plat en face de moi, on s'apprête à manger un gratin. Enfin, ça y ressemble en tout cas.

– Qu'est-ce que vous voulez savoir ?

– Eh bien... Qu'est-ce que tu fais dans la vie, par exemple.

Je lance un regard gêné à Tom. Sa famille est-elle au courant que je vis chez lui avec rien d'autre à faire que bosser mon roman ? Est-ce que je passe pour une profiteuse ?

L'acteur m'encourage d'un signe de tête, pourtant je ne suis pas rassurée pour autant. Aucun mot ne sort de ma bouche.

– Axelle écrit, intervient alors Tom. Elle bosse sur un roman, actuellement.

– C'est vrai ?, intervient Emma. Un roman sur quoi ?

– Oh, euh... C'est du fantastique, une histoire de sirènes et de guerre, sur un fond de royauté et d'amitié.

Diana sourit et commence à servir le repas, commençant par mon assiette.

– Tu es comme Sarah, alors. Ton domaine, c'est l'invention, tourner les mots dans tous les sens, tout ça.

Je hoche la tête.

– J'espère que tu aimes la ratatouille, d'ailleurs. Je me suis dit que vu que ça venait de par chez toi, ça devrait aller.

J'acquiesce, légèrement mal à l'aise. Je n'aime pas la ratatouille, parce que je n'aime pas les aubergines. En fait, ce n'est pas tant que je n'aime pas ça, c'est juste que je suis comme mon père : je ne les digère pas.

– Elle..., commence Tom, mais je lui donne aussitôt un coup de pied sous la table pour le dissuader de parler.

– C'est parfait, merci beaucoup.

Au pire, j'aurai mal à l'estomac ce soir, je ne vais pas en mourir. Mais s'il y a bien une chose dont je n'ai pas envie, c'est de décevoir mon hôte.

Petit à petit, les assiettes se remplissent, et nous commençons à manger en échangeant quelques banalités. La famille de Tom est particulièrement agréable, et surtout, personne ne fait de remarque ni sur mon âge, ni sur quoi que ce soit d'autre. Ils ont l'air contents de me voir, pour de vrai, et sont totalement capables de me mettre en confiance. Ça doit être dans leurs gênes, je crois.

Lorsqu'enfin le repas est terminé, nous nous dirigeons vers le salon. Au-dessus de la cheminée, une photo est encadrée. Trois enfants s'y tiennent, côte à côte : deux filles et un garçon, dont les sourires innocents et joyeux éclairent les visages.

– Tu étais mignon quand t'étais enfant, je déclare en désignant ladite photo.

Cela ne fait aucun doute que les enfants sur l'image sont Tom et ses sœurs. À en juger par la taille et l'allure globale de ces derniers, je dirais que mon petit ami avait une dizaine d'années tout au plus. Et dire que je n'étais même pas à l'état de projet, à cette époque là !

– Est-ce que tu insinues que je ne le suis plus ?

Je lève les yeux au ciel en riant.

– Mais non Tom, ne t'inquiète pas, je dis comme si je parlais à un enfant. Tu es très beau, mon cœur.

Avec un sourire, il m'embrasse sur le front.

– Est-ce que tu veux voir mon ancienne chambre ? Si je ne me trompe pas, elle est restée comme elle l'était quand j'étais jeune.

Je souris.

– J'adorerais.

– Allez viens.

Me prenant par la main, Tom m'entraîne à sa suite. Nous gravissons les escaliers pour arriver dans un couloir desservant plusieurs pièces, toutes fermées. Mon petit ami ne s'arrête pas, il va jusqu'au bout, et ouvre la dernière porte à gauche.

– Tadaaam !, scande-t-il.

On dirait un enfant, tout fier de lui, c'est adorable.

J'entre dans la chambre en détaillant les lieux. En face de moi, la fenêtre donne sur le jardin, et deux rideaux d'un bleu roi l'encadrent. D'un côté de la fenêtre, un bureau en bois sur lequel s'étalent quelques objets de décoration : une petite bouteille contenant un bateau miniature attire particulièrement mon attention.

De l'autre côté de la fenêtre se trouve le lit, un lit d'enfant aux couleurs assorties à celle des rideaux. Sur la table de chevet trône une lampe ainsi qu'une pile de magazine pour ados. En face du lit, une penderie est fermée, sur laquelle est collé un grand miroir en pied. Il me renvoie mon propre reflet, complété par celui de Tom.

– J'aime bien ta chambre, je dis en souriant. C'est mignon, c'est calme, et... Ça te ressemble tellement, en fait !

– Je n'étais pas un enfant très agité, c'est vrai. Même si je restais un adolescent comme les autres. Tiens, tu vois cette marque sur le mur ?

Il désigne un point à ma droite, où la peinture semble un peu écaillée, comme si le mur s'enfonçait à cet endroit-là.

– Quand j'avais dix-sept ans et que j'ai eu ma première copine...

Tom me jette un rapide coup d'oeil, comme pour vérifier ma réaction ; je l'encourage à continuer. J'aime qu'il se livre ainsi à moi, et peu m'importe s'il me parle d'anciennes petites amies, parce qu'à présent c'est moi qui suis à leur place, et c'est tout ce qui compte.

– Eh bien, un jour, elle m'a quitté en me disant que j'étais trop gentil, trop protecteur. Ça m'a mis dans une rage tellement folle que j'ai cogné dans le mur.

Il sourit, plongé dans ses souvenirs, et mon cœur fond lentement. Tom a l'air heureux, serein, ça fait plaisir à voir.

– Rassure-moi, tu ne frappes plus dans les murs maintenant, hein ?, je plaisante.

L'acteur rit.

– Je n'ai plus jamais recommencé, après cette fois-là, parce que je me suis cassé un doigt.

Je ne devrais pas rire, aussi je plaque ma main devant ma bouche. Un petit gloussement m'échappe néanmoins.

– Tom, Axelle, vous venez ?, appelle la voix d'Emma depuis le rez-de-chaussée. On va se promener.

Mon petit ami et moi échangeons un sourire. Nous rejoignons le reste de la famille, qui s'apprête effectivement à sortir : tous ont revêtus manteaux et bonnets, aussi nous faisons de même.

Dehors, la température n'a pas augmenté d'un dixième de degré. La seule différence depuis tout à l'heure est qu'il a arrêté de neiger. Tout est blanc, pour une marseillaise comme moi, c'est assez inhabituel : j'aime ça.

Nous partons à pieds, et après quelques mètres à peine, je ne peux plus résister à la tentation. Peut-être que je vais passer pour une gamine, mais il m'est impossible de me retenir. Avec toute cette neige, aussi, il fallait s'y attendre !

Je ramasse donc un peu de neige en faisant mine de rattacher ma chaussure, forme une petite boule entre mes doigts, puis la balance sur Tom en explosant de rire. Pendant un instant, ce dernier se contente de m'observer sans rien dire, l'air de se demander ce qu'il est le plus judicieux de faire. Enfin, comme je m'y attendais, son côté gamin l'emporte et il se venge en m'envoyant un nuage de neige à la figure.

Manque de chance, je l'évite, et c'est sa sœur qu'il atteint en plein visage. Avec un cri de guerre, elle l'attaque à son tour, de même que Jack qui tente de défendre sa femme.

En fait, je crois que devenir adulte, c'est simplement essayer de camoufler le gosse qui est en soi. Dans ce genre de situation, il ressort pour tous, c'est pourquoi nous continuons de nous envoyer des boules de neige en riant. Je ne me sens pas immature, je ne me sens pas en décalage : je me sens vivante.

Bientôt, nous formons deux équipes : chaque couple se place d'un côté de la route, et nous tentons de nous avoir les uns les autres, nous cachant derrière les voitures pour esquiver. C'est dimanche, il n'y a personne dans les rues ; nous sommes tranquilles.

La mère de Tom se tient un peu en retrait, observant le tout d'un œil rieur. Visiblement, elle a l'habitude de ce genre de situation : je suppose que c'est toujours le cas quand on a élevé trois enfants.

Alors que je me penche pour ramasser un peu de neige sur le sol, une boule m'atteint en plein dos avec puissance. Déséquilibrée, je m'écroule tête la première. J'essaie de me relever tant bien que mal lorsqu'une main attrape ma veste et me tire en arrière. Me voilà sur les fesses, à présent, riant comme une baleine.

En face de moi, Tom sourit. Son visage approche doucement du mien et je ferme les yeux juste avant que ses lèvres ne se posent sur les miennes.

Je jette le peu de neige qu'il me reste dans les mains dans sa capuche ; il recule aussitôt en poussant un cri de protestation.

– Tricheuse !, s'exclame mon petit ami en me poussant dans la neige.

Je m'écroule aussitôt. Mes abdos me font mal à force de rire, j'aime cette douleur.

– Tu m'as tendu la perche !, je me récrie.

– Eh, vous êtes morts ?, raille la voix de Jack depuis l'autre côté de la rue.

Tom et moi étant derrière une voiture, ils ne peuvent pas nous voir. Avec un sourire machiavélique, ce dernier se relève et traverse la rue en courant pour lâcher un énorme tas de neige sur la tête de son beau-frère, qui pousse un cri.

Je me relève en époussetant mes habits lorsqu'une présence derrière moi me pousse à me retourner. C'est la mère de Tom, qui m'observe de ses yeux si semblables à ceux de son fils.

– Je t'aime bien, tu sais, déclare-t-elle tout à coup. Tom a vraiment l'air heureux, avec toi. Ça faisait des années que je ne l'avais pas vu s'amuser de la sorte.

– Oh, euh... Merci, je rougis.

Au même instant, une boule de neige se crashe sur sa tête dans un bruit mat. Lentement, Diana se tourne vers le fautif : c'est Jack, qui semble partagé entre l'envie de rire et celle de fuir. Alors, la mère de Tom éclate de rire puis, se saisissant d'un peu de neige à son tour, elle entre dans la bataille.

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