Chapitre 32

Le regard traversant la fenêtre de la voiture, j'observe silencieusement le paysage défiler. C'est si grand, New York ! J'ai du mal à m'y faire, alors que je n'ai même pas encore mis les pieds dehors. Le chauffeur dépêché par les organisateurs de la convention nous a récupérés directement à l'aéroport.

À côté de moi, Tom s'occupe sur son téléphone. Je ne sais pas comment il fait pour jouer sur un si petit écran alors que nous sommes en mouvement. Personnellement, j'aurais la nausée et finirais par vomir même si je ne suis pas sujette au mal des transports ; je ne suis pas comme ma sœur, incapable de faire un trajet en voiture sans être malade.

Je n'ai jamais beaucoup pris l'avion, dans ma vie, contrairement au train que je prends tous les six mois pour me rendre chez mon oncle, en Normandie. Toutefois, j'ai l'impression que ces derniers temps, l'avion est devenu mon moyen de locomotion régulier : Marseille-Londres, Londres-Marseille, puis re Marseille-Londres et enfin Londres-New York... Dans quelques jours, je serai de retour dans un avion, encore une fois.

J'aime bien prendre l'avion, c'est différent du train sans être mieux ou pire. Quant au bateau... Oubliez ça. Je l'ai pris une fois, pour aller en Corse. J'avais treize ans, et si l'aller a été parfait, une mer d'huile comme on en voit peu, le retour a été chaotique. Surtout avec Laura et son mal des transports légendaire.

Je pousse un long soupir. Quoi que j'en dise, ma sœur me manque. Mes parents aussi, évidemment, et mes amis encore plus. Mais Laura... Eh bien, Laura est dans ma vie tous les jours depuis plus de dix-sept ans, c'est dur d'en être séparée aussi longtemps.

Les immeubles se succèdent les uns aux autres, dehors, et même s'il fait soleil, je sais de source sûre qu'il caille. Nous sommes à la mi-décembre, on est loin de la chaleur d'été.

Je commence à m'ennuyer, aussi je passe en revue les chansons que j'aime dans mon esprit. Peut-être que ça va m'occuper...

Une en particulier me revient en mémoire, que je commence aussitôt à chantonner :

– Oh-oh, I'm an alien, I'm a legal alien, I'm an Englishman in New York.

À côté de moi, Tom rit et lève les yeux de son téléphone, qu'il range dans sa poche.

– Tu n'es pas anglaise, darling. Mais c'est un très bon choix de chanson.

Évidemment que c'est un bon choix. Non seulement, Sting est un excellent chanteur, mais en prime, je me trouve actuellement à New York. Je ne chante par ça par hasard.

– Sting, hein ?, continue mon petit ami. J'imagine que c'est tes parents, encore, qui t'ont fait écouter ça ?

Je souris et acquiesce.

– Yep. Je leur serai toujours reconnaissante de leurs goûts musicaux.

– Rappelle-moi de les remercier aussi, ils t'ont bien éduquée.

C'est à mon tour de rire. Peut-être que mes parents m'ont bien éduquée, musicalement parlant, toutefois si je n'avais pas décidé de continuer à écouter leurs artistes favoris, je n'en serai pas là. Je me suis autant instruite moi-même qu'eux l'ont fait.

Alors que la voiture s'arrête, je sens automatiquement mon cœur se serrer.

– Tu es prête ?, demande Tom en serrant ma main dans la sienne.

– Absolument pas, j'avoue à demi-voix. T'imagines même pas à quel point je suis stressée.

L'acteur porte ma main à sa bouche et m'embrasse les doigts avec un sourire.

– Ça va aller, tu verras. Personne ne va te manger, et tu pourras rester dans les coulisses pendant les échanges, personne ne va t'y embêter. Et s'il y a quoi que ce soit... Tu n'auras qu'à me faire signe, d'accord ?

Je souris. Tom est beaucoup trop bienveillant avec moi, il cherche toujours à me rassurer et à me rendre confortable avec la situation. Parfois, j'ai l'impression de n'être qu'un boulet accroché à ses pieds, pourtant il n'a de cesse de démentir.

– Tu es adorable, je commente en plaquant un rapide baiser sur les lèvres de mon petit ami.

Je replace une mèche de cheveux derrière mon oreille et prend une grande inspiration ; le chauffeur ouvre la portière et Tom descend, moi à sa suite.

Un seul mot s'imprime dans mon esprit tandis que les centaines, voire les milliers, de personnes présentes se mettent à hurler : spectaculaire. Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais pu imaginer à quel point l'ambiance est grisante. De plus, je ne me trouve pas comprimée dans la foule, derrière les barrières. Non, j'ai les pieds bien campés sur le sol revêtu de rouge.

J'ai remis la robe noire que Tom m'a offerte, celle qui épouse parfaitement chaque micro forme de mon corps et les sublime. Je n'avais pas vraiment le choix, en réalité, car je n'ai pas beaucoup de robes classes dans ma valise. Pendant les vacances, quand je retournerai à Marseille, je remonterai d'autres affaires à moi. Maintenant que j'ai un dressing rien que pour moi, je peux aisément rapatrier les vêtements restés chez mes parents.

Le nombre de personnes qui scandent le nom de Tom est impressionnant. Je ne sais pas où donner de la tête.

– Impressionnée ?, chuchote l'acteur en se penchant vers moi.

– Carrément !, j'avoue sur le même ton.

Je me sens dévisagée comme jamais auparavant. Moi qui pensais savoir ce que ça fait d'être jugée ! J'ai atteint un autre niveau, à présent. Se savoir examinée sous toutes les coutures par le biais de photos et d'articles sur internet, c'est une chose. L'être en vrai et en live en est une autre.

Il y a beaucoup de journalistes, et des photographes aussi, qui sont là pour immortaliser le moment. Avec un sourire que j'espère tout sauf crispé, je prends la pose au côté de Tom. Il a posé une main sur ma taille dans un geste protecteur, ça me rassure un peu.

La foule reporte son attention sur une autre voiture, qui s'arrête à l'exact endroit où la nôtre s'était stoppée également. Il en descend un homme aux cheveux blonds que je reconnais immédiatement : Chris Hemsworth. Si Laura était là, elle hurlerait de toute la force de ses poumons avant de s'écrouler.

Ce dernier s'avance promptement vers nous, faisant signe aux spectateurs avec un grand sourire. Je suis toujours autant étonnée de la prestance des acteurs lors de ce genre d'évènements ; je suppose qu'ils ont simplement l'habitude.

Tom m'offre son bras, auquel je m'accroche comme à une bouée de secours. Je n'ai pas envie de me noyer dans les hurlements hystériques des fans, bien que j'aurais probablement fait la même chose qu'eux à leur place.

Alors que Tom et moi nous dirigeons vers l'entrée de la salle, Chris passe à côté de nous, en sens inverse. Il s'arrête un instant et échange une accolade avec mon petit ami, avant de se tourner vers moi.

– Bonjour, Axelle.

Génial, il connaît déjà mon prénom ! Remarque, je n'ai pas besoin de me présenter, comme ça.

– Euh, bonjour...

Je ne sais pas quoi dire ni comment agir. Bien que je sois adepte de la philosophie ''les acteurs célèbres sont des gens comme les autres'', quand je suis face auxdits acteurs, c'est une toute autre histoire. Chris Hemsworth ne déroge pas à la règle, et je ne peux pas nier qu'il m'impressionne : il me fait au moins trois fois, en largeur comme en hauteur. Ne faites pas attention, c'est ma propension à l'exagération – je suis marseillaise, il ne faut pas l'oublier !

– Je suis ravi de te rencontrer, continue l'australien avec un grand sourire. Tom m'a beaucoup parlé de toi.

– Le plaisir est partagé, j'assure en jetant un rapide coup d'oeil à mon petit ami.

Il prend l'air gêné, comme s'il avait été pris sur le fait. Quoi, il parle de moi à ses amis ? C'est mignon, il n'a pas à en avoir honte.

– Est-ce qu'on t'a déjà dit que tu faisais plus jeune que ton âge ?, s'amuse Chris. Sans vouloir te vexer, évidemment.

– On me le dit tout le temps, je réplique en souriant.

– On se voit à l'intérieur, lâche alors Tom.

Les photographes semblent s'impatienter, je pense qu'il n'a pas envie de se les mettre à dos. Je peux comprendre.

– À toute à l'heure !, glisse joyeusement Chris.

Il se dirige vers l'estrade. Quant à Tom et moi, nous continuons notre chemin. À peine allons-nous mettre les pieds dans l'entrée qu'un homme armé d'un micro se place devant nous.

– Vous n'avez pas honte de vivre aux crochets d'un homme célèbre et plus âgé que vous ?, éructe-t-il entendant son micro vers moi.

Euh... Bonjour, d'abord ?

– Je vous demande pardon ?, je m'étouffe.

C'est une plaisanterie ? Non mais, pour qui se prend-il ? Et qu'ont-ils tous à rappeler que je suis beaucoup plus jeune que Tom ? D'autres couples célèbres ont beaucoup plus d'écart que nous, pourtant personne ne trouve rien à redire. Pourquoi cet acharnement sur ma personne ?

– Je vais vous répondre en français, du coup, je lâche rageusement dans ma langue maternelle. Puisque visiblement, vous n'avez aucun respect pour moi, je ne vois pas pourquoi je m'emmerderais à faire l'effort de vous répondre en anglais.

Le journaliste fronce les sourcils mais ne dit rien, attendant le reste de mes explications. De plus, je ne suis pas sûre qu'il comprenne un seul mot de ce que je raconte. Tant mieux, il ne pourra pas m'interrompre parce que mes propos ne lui plaisent pas, même si mon ton ne laisse pas de place au doute.

– Que ce soit bien clair, je peux travailler et me payer ma propre vie. Et même si ce n'était pas le cas, même si je vivais aux frais de mon petit ami, je ne vois pas en quoi cela vous concernerait. C'est notre vie privée, et c'est pas parce que vous êtes des journalistes et Tom un acteur célèbre que vous avez le droit de nous voler cette intimité.

À côté de moi, Tom essaie tant bien que mal de déchiffrer ce que je dis. Il parle peut-être français, mais je suis une native, marseillaise de surcroît. Mon accent, mon débit de parole... C'est comme lorsqu'il s'enthousiasme en anglais, je ne comprends pas toujours tout. Toutefois, au regard qu'il me lance, je me doute qu'il a saisi que je suis en train de le défendre.

– Vous savez, vous n'aimeriez pas que des gens viennent décortiquer toute votre vie. Imaginez un instant si c'était vous, à la place de Tom... Accepteriez-vous sans broncher que votre petite amie, votre femme à en juger par votre alliance...

Je pointe du doigt l'annuaire du journaliste, auquel brille un anneau doré.

– ... se fasse harceler par les journalistes parce que des rumeurs courent sur elle ? Je n'en suis pas certaine. Eh bien, c'est la même chose.

Après un long soupir, je reprends, en anglais cette fois :

– Tom est un être humain et moi aussi, je ne suis pas sûre qu'harceler des êtres humains de la sorte soit très légal. Alors si c'est pour poser des questions irrespectueuses, merci mais non merci !

Je joints mes doigts à ceux de Tom et les serre fort. À son sourire en coin, je devine que je l'ai touché. D'un autre côté, je suis persuadée de ce que j'avance, alors...

Avec un petit signe de la main en direction du journaliste, je m'éloigne en emportant mon petit ami avec moi.

– Tu sais qu'ils vont te le faire payer, hein ?, chuchote-t-il au creux de mon oreille.

Un grand sourire éclaire mon visage.

– Qu'ils essayent ! Je me fiche de ce qu'ils peuvent dire sur moi, tu sais. J'aimerais juste qu'ils comprennent que la célébrité n'empêche pas l'humanité, et que tu as droit à une vie privée. Tout le monde y a droit.

Tom embrasse tendrement mon front, et je sens ses lèvres sourire un peu plus contre ma peau.

– C'est mignon, glisse-t-il alors.

Je secoue automatiquement la tête.

– Non, c'est juste du bon sens.

Comme nous entrons dans le bâtiment, le silence revient tout à coup autour de nous. Comme c'est étrange, après les cris de la foule !

– Bonjour !, fait une voix, me faisant sursauter.

Un homme d'une quarantaine s'avance vers nous, un sourire collé au visage.

– Bienvenue, monsieur Hiddleston ! Et vous devez être mademoiselle...

– Bauer, répond Tom avant que je ne puisse le faire.

Le réceptionniste hoche la tête sans se départir de son sourire.

– Bien sûr. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire aux loges.

D'une main, mon petit ami m'invite à passer devant lui, ce que je fais. Je sens sa présence derrière moi ; il a ce don de m'apaiser sans rien dire ni rien faire, c'est fou !

– Et voilà !, s'exclame l'homme en ouvrant une porte. Vous êtes avec messieurs Cumberbatch, Evans et Ruffalo. Ils ne devraient pas tarder à arriver, vous êtes les premiers.

Avec un hochement de tête, il s'éclipse et nous entrons. 

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