Chapitre 30
– Bonjour darling, murmure une voix, me tirant doucement de mon sommeil.
J'ouvre un œil, puis l'autre, et étouffe difficilement un bâillement. À côté de moi, Tom, à plat ventre et appuyé sur ses coudes, me contemple avec un demi-sourire. Ses cheveux sont en bataille, et les draps sont repoussés à sa taille, dévoilant son torse nu.
– Bonjour mon cœur, je réponds en souriant à mon tour.
Je ne dois pas avoir belle allure, j'ai probablement les cheveux tout emmêlés et une haleine de chacal. Vive le réveil matinal !
Bien que les rideaux soient tirés, je suis capable de distinguer le soleil haut dans le ciel derrière. Si je me fie à mon horloge interne, il doit être près de onze heures. Mais puis-je me fier à moi-même là-dessus ?
Un coup d'oeil au réveil sur la table de chevet suffit à m'indiquer qu'il n'est pas si tard : à peine neuf heures trente. Le week-end dernier, j'ai comaté jusqu'à onze heures et demi, ce qui a beaucoup fait rire Tom. Aujourd'hui, pas de moqueries possibles.
– Bien dormi ?
– Comme toujours. Je ne sais pas si c'est le matelas ou...
– La compagnie, peut-être ?, raille l'acteur en jouant des sourcils.
J'éclate aussitôt de rire.
– Y a de ça ! Par contre, arrête ce truc avec tes sourcils s'il te plaît, c'est très bizarre.
Tom se penche vers moi et embrasse mon front.
– Et je dois le prendre comment ?
– Comme t'en as envie, je lâche en passant une main dans ses boucles châtain.
J'attire ses lèvres aux miennes et l'embrasse doucement. Tant pis pour l'haleine du matin, de toute façon ce n'est pas la première fois, on a autant l'habitude l'un que l'autre à présent.
– Est-ce que tu veux sortir, ce matin ?, demande Tom comme nous rompons notre baiser. Je dois aller à la bibliothèque ramener un livre, et je sais que tu adores les bibliothèques.
Je souris. Il me connaît trop bien, c'est adorable.
– Est-ce qu'il est nécessaire de poser la question ?
Mon petit ami secoue la tête en riant.
– Non, c'est vrai.
Il joue avec une mèche de mes cheveux, qui me frôle la joue à intervalles irréguliers, m'arrachant un frisson.
– Tu as une personnalité complexe, dit songeusement Tom. Et tu es plutôt paradoxale, c'est intéressant.
Je hausse un sourcil, me retenant de pouffer.
– Je rêve ou t'es en train de faire mon analyse psychologique, là ?
– Déformation professionnelle, se défend l'acteur.
Je m'esclaffe avant de repousser les couvertures loin de moi. M'asseyant dans le lit, je pince une des joues de Tom et commence à babiller d'une voix aiguë :
– Mooh qu'il est mignon, c'est chou ! On va se lever, hein mon petit cœur ?
Comme mon petit ami fronce les sourcils, l'air interloqué, je ris.
– Déformation professionnelle, je raille.
Il lève les yeux au ciel en souriant. Quant à moi, je descends du lit en m'étirant.
– J'aime ton pyjama, lance Tom alors que je m'éloigne.
Je m'arrête aussitôt et baisse les yeux sur ledit pyjama. Comme il se doit me concernant, il est à l'effigie de Disney : c'est le Livre de la Jungle. Sur le t-shirt d'un gris uni se trouvent Mowgli et Baloo, sur un fond d'arbres d'un vert pétant. Le short est une reprise des arbres du t-shirt.
– Le Livre de la Jungle est ton Disney préféré, je sais !, je commente en riant.
L'acteur hoche la tête.
– Au moins, je suis certain que tu l'as déjà vu !, se moque-t-il gentiment.
Je hausse les épaules.
– Premièrement, qui n'a jamais vu ce classique ? Deuxièmement, je suis un panneau d'affichage ambulant pour Disney, évidemment que je l'ai vu !
– Je sors avec un panneau publicitaire !, s'exclame Tom. C'est une première !
– Il y a un début à tout, je lâche en français.
Sans attendre la réponse, j'entre dans la salle de bain et referme la porte derrière moi.
C'est drôle comme ma présence serait évidente pour quiconque regarderait les lieux. Bien que je n'habite pas ici, j'ai laissé une brosse à dent, un gel douche et deux trois vêtements, pour les cas où je reste dormir et que ce n'était pas prévu. J'ai même laissé une brosse à cheveux, celle de la Fée Clochette.
Je m'efforce de faire un brin de toilette, histoire de ressembler à quelque chose, avant de ressortir. Tom n'a pas bougé, il est toujours allongé dans le lit, ses yeux d'azur posés sur moi.
– Quel t-shirt as-tu mis aujourd'hui ?, demande-t-il en me détaillant avec un sourire en coin.
C'est un grand jeu, à présent : chaque jour, il fait attention au décor sur mes vêtements, bien que ce soient toujours les mêmes qui reviennent. Je ne suis pas partie avec la totalité de ma garde-robe, pour être honnête ; la plupart de mes vêtements sont restés chez mes parents. Aujourd'hui, j'ai enfilé mon t-shirt noir sur lequel s'étalent quelques mots.
– ''Always be yourself'', lit Tom, ''unless you can be Loki. Then, always be Loki''. Heureusement pour moi, je peux être les deux !
Je ris tout en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
– Et si tu allais te préparer, au lieu de débiter des âneries ?, je ricane. Tu m'as promis une virée à la bibliothèque, je crois ?
– C'est vrai, acquiesce Tom en se levant alors.
Vêtu d'un unique short, je ne peux pas nier qu'il me fait de l'effet. Quand je pense que quelques années encore auparavant, je me pensais assexuelle ! Je ne pouvais pas être plus loin de la vérité, bien que la demisexualité soit en quelque sorte une forme d'assexualité.
– Allez, va te laver maintenant, tu pues !, je lance avec un sourire en coin.
– Tu es d'une amabilité rare, plaisante Tom.
– Toujours, mon cœur, je réplique en le poussant vers la salle de bain.
Il referme la porte derrière lui en riant.
Une heure plus tard, nous voilà dans les rues de Londres, marchant en direction de la bibliothèque la plus proche. Les vitrines s'enchaînent sur les bords de la route, la plupart auxquelles nous ne faisons pas attention. Toutefois, à quelques pas de notre destination, nous nous arrêtons devant un magasin de CD.
Je ne pensais pas que ça existait encore, ce genre d'endroit. À l'heure où tout est virtuel, où la plupart des gens ont un abonnement à une plateforme de musique en ligne, je croyais que les disquaires n'étaient que de lointains souvenirs. Je suis heureuse de m'être trompée, parce que j'aime beaucoup tout ce qui est un peu vintage. J'ai bien acheté une plume authentique et une vieille machine à écrire, il y a quelques années !
– J'aime bien cet album, lance songeusement Tom en pointant du doigt un CD dont la boîte est affichée derrière la vitre.
J'analyse plus en détail ladite boîte. Dans les tons de rouge-orangé, bleu et jaune, elle représente un scarabée ailé entre deux ronds lumineux. Aussi improbable que cela puisse être, j'ai déjà vu cette couverture : chez moi, sur l'étagère à CD de mon père.
– Pas possible !, je m'exclame. Tu connais Journey ?
C'est ça. C'est mon âme-soeur, ça ne peut pas être autrement. Je n'ai rencontré que très peu de personnes qui connaissent Journey, ça ne peut pas être une coïncidence.
– Oui, je connais Journey, répond mon petit ami en riant. La vraie question ici c'est : comment ça se fait que tu connaisses aussi ?
– C'est... c'est l'un de mes groupes préférés ! Quand j'étais petite, mes parents me faisaient écouter leur musique. Je les adore !
Je pousse un long soupir, hésitant quant à ce que je dois faire ou non. Toutefois, le cœur finit par l'emporter sur la raison, et je me mets à chanter :
– Highway run into the midnight sun. Wheels go round and round, you're on my mind.
Tom se joint aussitôt à moi :
– Restless hearts sleep alone tonight. Sendin' all my love along the wire.
Nos voix s'accordent un peu trop bien à mon goût : j'en ai des frissons.
– They say that the road ain't no place to start a family, nous continuons en choeur. Right down the line it's been you and me. And lovin' a music man ain't always what it's supposed to be.
L'acteur arrête de chanter tandis que, lancée dans mon délire, je termine le refrain :
– Oh girl you stand by me. I'm forever yours, faithfully.
Je n'enchaîne pas sur le deuxième couplet, je n'ai jamais trop aimé ma voix, et le regard que pose Tom sur moi me déstabilise un peu.
– Ça a toujours été ma chanson préférée !, je m'exclame.
Mon petit ami sourit.
– Tu chantes bien, j'aime ta voix, commente-t-il. On dirait celle d'un ange.
– Un ange ?, je ris. Oh non, je ne crois pas !
– Non mais vraiment, je ne savais pas que tu chantais si bien.
Je sens mes joues chauffer, signe que je rougis. Je baisse aussitôt les yeux, gênée. Je n'ai jamais trouvé que j'avais un don pour le chant, même si j'adore passer du Disney et crier à tue-tête les paroles par-dessus.
– Merci, je murmure. J'aime bien ta voix aussi, tu devrais chanter plus souvent. Surtout si tu me chantes la chanson de la série Loki, celle en Asgardien.
Je dois avouer que, la première fois que j'ai entendu la voix de Tom sur cette chanson, j'en ai pleuré. C'était tellement beau, tellement touchant ! Le timbre et l'émotion de sa voix, l'ambiance, tout était propice à me faire tomber amoureuse. Le seul détail c'est qu'à l'époque, je ne le connaissais pas. Pas encore.
– Je te la chanterai, alors, s'il n'y a que ça pour te faire plaisir.
Vous voyez l'émoji tout mignon, celui qui a de grands yeux embués, l'air sur le point de pleurer ? Eh bien, je crois qu'à cet instant, je ressemble à cet emoji quand je pose mon regard sur Tom.
– C'est vrai ?
– Oh, t'es trop mignonne ! Bien sûr que c'est vrai, j'adore cette chanson.
Je serre aussitôt l'acteur dans mes bras, nichant mon visage contre sa veste.
– Qu'est-ce que je t'aime, je chuchote, la gorge nouée.
– Si j'avais su qu'il me suffisait de chanter pour qu'on m'aime, j'aurais fait carrière dans le domaine, pouffe Tom.
– Non, c'est stupide, t'as fait le bon choix, je déclare en fronçant les sourcils. En plus, tu n'as pas besoin de chanter pour que les gens t'aiment, Tom, je peux clairement en attester.
Si seulement il savait à quel point il est populaire ! Les gens l'aiment parce qu'il est naturellement adorable. Il est humble, charmeur et joueur juste ce qu'il faut. En d'autres termes, il est parfait aux yeux du monde. À mes yeux également, bien qu'il ait de petits défauts ; on en a tous après tout, et moi-même je ne déroge pas à la règle.
La reconnaissance que je lis dans le regard de l'acteur me donne envie de le serrer encore plus fort contre moi. Il n'a pas confiance en lui, en ce qu'il est réellement, et tout ça pour quoi ? À cause des gens stupides qui ont voulu saper sa personnalité ? Je ne comprendrai jamais la race humaine.
– Oh, ils sont chiants !, s'exclame-t-il alors, me tirant de ma rêverie.
Je reviens au moment présent et ouvre grand les yeux. De l'autre côté de la rue, un homme avec un appareil photo nous contemple à travers son objectif. Un paparazzi. Encore.
Prise d'une impulsion, j'attire Tom à moi pour poser mes lèvres sur les siennes. De mon autre main, j'adresse un doigt d'honneur au photographe. Je ne sais pas pourquoi je suis insolente tout à coup, mais j'aime ça.
– Tu te rebelles, maintenant ?, commente l'acteur d'un ton pince-sans-rire.
Je hausse les épaules avec un sourire en coin.
– Tu as une mauvaise influence sur moi, il faut croire, je plaisante.
– Allez, viens !
Tom attrape ma main et m'entraîne à sa suite en direction de la bibliothèque, dans laquelle nous entrons en silence. Nous nous dirigeons automatiquement vers le rayon des classiques littéraires. Ce n'est pas mon domaine, je suis plutôt du genre fantastique ou young adult, pourtant j'apprécie me trouver entourée de livres à l'odeur familière.
– Un jour, j'annonce doucement tandis que Tom se saisit d'un livre sur l'étagère la plus proche, je pourrai trouver mes propres romans dans un lieu comme celui-ci.
J'en suis convaincue, parce que je suis prête à tout pour réaliser mon rêve. Je me battrai jusqu'au bout pour avoir la chance de voir mes œuvres éditées.
– J'en suis sûr, acquiesce Tom en souriant. Comment avancent tes projets, d'ailleurs ?
C'est ce que j'aime chez l'acteur : quand ma famille, mes amis, ne prennent jamais vraiment au sérieux mon envie de devenir écrivain, ce n'est pas son cas. Tom croit en moi, il ne dénigre pas mon rêve, bien au contraire.
– Si seulement j'avais le temps de travailler dessus !, je soupire. Mais je travaille tous les jours, et quand ce n'est pas le cas, je suis incapable de trouver l'inspiration. Ça me rend folle.
Je n'ai pas écrit une seule ligne depuis que j'ai déménagé à Londres, presque trois semaines auparavant. C'est pas faute d'avoir essayé, je peux vous dire que j'ai passé des heures et des heures enfermée dans ma chambre face à mon ordinateur, mais le syndrome de la page blanche est tenace.
– Et tu penses que si tu avais plus de temps pour te consacrer à l'écriture, disons, toutes tes journées, ça avancerait mieux ?
Je songe un instant à la question. Peut-être que si je pouvais me concentrer uniquement sur mes romans, je réussirais mieux, en effet. Toutefois, je n'ai aucun moyen de le savoir, parce que ce n'est pas une option. Dans deux semaines, ce sera à moi de payer le loyer, j'ai besoin de mon boulot pour ça.
– Je ne sais pas, je finis par répondre. Sûrement, mais je n'ai aucun moyen de vérifier.
– Et si...
Tom hésite une seconde, la main crispée sur son bouquin.
– Et si je te proposais quelque chose ?, lâche-t-il enfin. Laisse-moi finir avant de parler, si tu veux bien ?
Je hoche la tête. Je ne sais pas ce qu'il s'apprête à me proposer, cependant je ne peux pas refuser de l'écouter.
– Bon... Je voudrais te proposer un marché, d'accord ? J'aimerais t'offrir l'opportunité d'écrire, comme un vrai travail à temps plein. Pour ça, tu pourrais quitter ton job et venir habiter chez moi : plus de problème de factures à payer. Tu as facilement trouvé du travail, en arrivant, parce que tu as les diplômes pour. Tu les auras toute ta vie, donc tu pourras retrouver quelque chose si besoin, j'en suis certain.
Tom passe sa main dans sa nuque, l'air mal à l'aise.
– Je sais que tu veux ton indépendance, tu l'as déjà répété plusieurs fois, mais... Tu pourrais l'avoir quand même. Tu n'es pas obligée de te conformer à ma vie, tu pourrais vivre comme tu l'entends. C'est juste que... Je vois bien à quel point tu es passionnée par ce que tu fais, et j'ai envie de t'offrir une chance. Je trouve dommage de te brider quand tu pourrais atteindre le maximum de ton potentiel si on t'en donne les moyens. Tu pourrais le regretter, plus tard.
Je sais qu'il ne fait qu'essayer de trouver une solution, pourtant je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de colère naître en moi. Bon sang, il rend les choses encore plus difficiles ! Bien sûr que je ne rêve que de ça ! Mais c'est tout sauf une bonne solution, il doit bien en être conscient non ?
– Tu peux accepter, et voir. Si ça marche, tant mieux ! Si ça ne fonctionne pas et que tu veux vraiment retourner à ton indépendance... Eh bien, je t'aiderai à retrouver un appartement, et tout ce qui va avec.
J'ai envie d'accepter immédiatement, j'en ai tellement envie ! Vivre avec Tom ? Me concentrer sur ma passion ? J'ai rêvé de ça tant de fois ! Mais je déteste l'idée de vivre aux crochets de l'acteur.
– Ne me donne pas de réponse tout de suite, continue-t-il doucement. Prends le temps de réfléchir, prends tout le temps qu'il te faut.
Ma raison me crie de refuser, parce que je suis déjà vue comme une profiteuse et que je n'ai pas envie d'en rajouter une couche. Mon cœur... Eh bien, il me hurle tout le contraire : il veut que j'accepte, parce qu'il est persuadé que c'est la meilleure chose qui pourrait m'arriver.
– Tu sais que mes parents vont me tuer, n'est-ce pas ?, je souffle.
– C'est un oui ?, demande Tom, l'air ravi.
Je secoue la tête.
– C'est un peut-être, je préviens. J'ai besoin d'y réfléchir.
Mon petit ami hoche la tête en souriant.
– Tu sais que je ne veux que ce qui est mieux pour toi, n'est-ce pas ? Et je trouve vraiment dommage de gâcher ainsi une passion qui te dévore de l'intérieur.
– C'est adorable, je dis en passant un doigt sur la joue de Tom. Maintenant, arrête d'être parfait, s'il te plaît, ça me met la pression.
Peut-être que c'est malvenu parce que nous sommes au milieu d'une bibliothèque, toutefois je ne vois personne aussi je n'hésite pas : j'attire Tom à moi et plaque mes lèvres contre les siennes.
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