Chapitre 2
L'homme en face de moi a la quarantaine. Ses cheveux châtains bouclent sur sa nuque, et ses yeux bleu azur sont posés sur moi tandis que ses lèvres esquissent un sourire. Évidemment, il fallait que la personne que je percute ne soit autre que Tom Hiddleston lui-même !
Mentalement, je me fiche une baffe. Non mais sérieux, je ne fais pas les choses à moitié ou quoi ? Non seulement je me ridiculise, mais en plus, face à un acteur dont je suis terriblement fan.
– Oh, no, that's me... I'm... I'm sorry, I didn't look where I was going, and... I'm really sorry.
[Oh, non, c'est moi... Je... je suis désolée, je ne regardais pas où j'allais et... Je suis vraiment désolée.]
Tom rit et mon cœur s'arrête un instant. Oh, bon sang ! Ce rire est adorable !
– You're French, aren't you ?, demande-t-il avec un sourire en coin.
[Tu es française, je me trompe ?]
Actuellement, je n'ai qu'une seule pensée en tête : je veux m'enterrer, vivante de préférence. Je sens mes joues chauffer, signe que j'ai probablement pris la même couleur qu'une tomate en plein été.
L'acteur m'aide à me relever tandis que mon envie de disparaître augmente jusqu'à devenir irrésistible.
Je ne sais pas quoi répondre, j'en ai perdu mes mots, mais heureusement pour moi, Louis fait diversion. Il a lâché ma main et pointe du doigt dans la direction de Tom Hiddleston.
– I know you !, s'exclame-t-il avec un grand sourire. You're Loki !
[Je te connais ! Tu es Loki !]
Il se tourne vers moi, tout excité, et commence à sautiller.
– He's Loki ! He's the villain in the Avengers, you know ? The one daddy made us watch !
[C'est Loki ! C'est le méchant des Avengers, tu sais ? Celui que papa nous a fait regarder !]
– True !, renchérit aussitôt Judith.
[C'est vrai !]
Elle qui est d'ordinaire plutôt calme et réservée, voilà qu'elle commence à s'agiter comme le fait son petit frère.
– Yes, I know, but..., je commence, mais les enfants ne m'écoutent plus.
Louis s'est mis à sauter devant Tom, s'accrochant à son bras pour quémander de l'attention. Il n'est peut-être pas grand, pour ses sept ans, toutefois ce ne doit pas être agréable de le sentir se pendre à son avant-bras.
Comme Judith fait mine de se jeter sur l'acteur à son tour, je la retiens par l'épaule. Puis j'attrape Louis et le tire vers moi.
– Kids !, je m'écrie pour ramener leur attention sur ma personne. We're not... Stop ! You can't just jump on someone like that. That's really rude, you know ?
[Les enfants ! On ne... Stop ! Vous ne pouvez pas sauter sur quelqu'un comme ça. C'est vraiment impoli, vous le savez ?]
Je passe une main dans mes cheveux, gênée.
– I'm sorry, j'indique à Tom. I mean...
[Je suis désolée. Je veux dire...]
– Oh, don't worry. They're just children, and sometimes children can be... out of control.
[Oh, ne t'en fais pas. Ce ne sont que des enfants, et parfois les enfants peuvent être... incontrôlables.]
– I know, je souris.
De nouveau, ma main se perd dans mes cheveux comme si j'avais des nœuds à démêler. C'est inconscient, dès que je suis gênée, soit je m'amuse avec mes mèches châtain clair, soit je me tords les doigts à en blanchir les jointures. Je suis quelqu'un de plutôt anxieux, ce n'est pas ma faute.
Avec un sursaut, je m'aperçois que le contenu de mon sac se trouve toujours étalé sur le sol. Mon carnet de notes – je bosse sur des idées de roman, et les idées peuvent sortir n'importe et n'importe quand –, un stylo, mon portefeuille, et ma pochette communément appelée trousse de survie par mes potes et moi... Tout est à mes pieds, et j'étais tellement abasourdie d'être face à Tom Hiddleston que je n'ai même pas pensé à ramasser le tout.
Je m'accroupis alors ; l'homme fait de même. Il ramasse mon carnet, mon portefeuille et mon stylo : je suis trop éberluée pour oser faire un geste. Il glisse le tout dans mon sac ouvert, toujours en souriant.
– Je suis désolé, lance-t-il.
Il me faut quelques secondes pour réaliser qu'il vient de me parler en français. Son accent est à couper le souffle, ce qui ne m'aide pas vraiment dans la situation actuelle.
Voyant que je suis incapable de remuer, Tom ramasse ma trousse de survie et me la tend.
– It's cute, dit-il en jetant un coup d'oeil à la pochette.
[C'est mignon.]
Lentement, je baisse les yeux sur la sacoche. Elle est d'un rose poudré uni, où trône en son centre Marie, des Aristochats.
– Euh...
Bien sûr, pourquoi aurais-je gardé ma capacité à parler ? C'était trop demander, visiblement. D'un autre côté, je me doute que ce n'est pas la première fois que l'acteur tombe sur une fan à qui il cloue le bec, car il me sourit avec indulgence.
– I'm more into dogs, personally, but Aristocats is a good choice of Disney.
[Je préfère les chiens, personnellement, mais les Aristochats est un bon choix de Disney.]
– As long as it's Disney, it can only be a good choice. Except Snow White, I don't like Snow White.
[Tant que c'est Disney, ça ne peut qu'être un bon choix. Sauf Blanche-Neige, je n'aime pas Blanche-Neige.]
Miracle ! Ma voix n'a pas totalement disparu, finalement ! En même temps, s'il me parle de Disney, c'est normal. Je suis une source de parole intarissable sur ce sujet-là.
À côté de moi, Judith pousse une exclamation scandalisée. Cependant, qu'est-ce que j'y peux si je n'aime pas Blanche-Neige ? Je la trouve très cruche – bien que la plupart des princesses Disney soient des cruches –, et je suis presque sûre à 100% que ce dégoût vient avant tout de ma mère. Elle non plus n'a jamais aimé Blanche-Neige.
– Why don't you like Snow ? She's the first Disney princess to be born.
[Pourquoi tu n'aimes pas Blanche-Neige ? Elle est la première princesse Disney a avoir vu le jour.]
Je hausse les épaules en attrapant ma trousse de survie.
Pour la petite histoire, mes amis et moi l'appelons de la sorte car c'est la pochette dans laquelle je garde tout ce qui pourrait servir en cas d'urgence. Serviettes hygiéniques, tampons, gel hydroalcoolique, pansements, médicaments... Je suis une véritable pharmacie sur pattes, quand je l'ai en ma possession.
Je me redresse et range la poche dans mon sac. Je prends le temps de réfléchir à mes mots avant de répondre à Tom :
– I think it's because she's... I don't know how to say it in English. Well, because she's stupid ? No, that's not the right word... I... I don't know !
[Je pense que c'est parce qu'elle... Je ne sais pas comment le dire en anglais. Parce qu'elle est stupide ? Non, ce n'est pas le bon mot... Je... Je ne sais pas !]
De nouveau, Tom rit.
– No problem, I didn't want to bother you.
[Je suis désolé, je ne voulais pas t'embêter.]
– No, that's not... I'm sorry, you don't bother me at all. I'm just French, so, you know... English is not my first language.
[Non, ce n'est pas... Je suis désolée, vous ne m'embêtez pas du tout. Je suis juste française, alors, vous savez... L'anglais n'est pas ma langue maternelle.]
– Obviously.
[Manifestement.]
Un silence s'installe, seulement troublé pas les murmures des enfants. Ils semblent avoir trouvé une occupation plus adaptée que s'accrocher à l'acteur, c'est une bonne chose.
– Do you know how we can come back home ?, lâche alors Judith.
[Est-ce que tu sais comment on rentre à la maison ?]
Je me fige aussitôt. S'adresse-t-elle à moi ou à Tom ?
– Well, we... we're gonna find our way, Jude.
[Ben, on... on va finir par trouver notre chemin, Jude.]
– You're lost ?, intervient aussitôt Tom.
[Vous êtes perdus ?]
Je pousse un long soupir. Pitié, déjà que je passe pour une écervelée restée coincée en enfance, voilà que je vais paraître incapable en prime.
– Non, je réponds en français.
Simultanément, les deux enfants lancent un ''yes'' retentissant. Trahie par les gosses, génial ! Il ne manquait plus que ça.
– May I help you ?
[Puis-je vous aider ?]
Résignée, je sors mon téléphone pour montrer l'adresse à l'acteur. Il pose les yeux sur l'écran, et je me prends soudain à imaginer si l'application fermait subitement pour laisser apparaître mon fond d'écran : c'est lui. Enfin, c'est plutôt son personnage de Loki, mais l'idée est la même. Je sens une goutte de sueur perler dans ma nuque.
Avec de grands gestes, Tom m'explique alors comment rejoindre la maison de ma famille d'accueil. Deux fois à droite, puis une fois à gauche, tout droit et encore à droite. Je savais bien qu'on n'était pas loin ! Je n'arrivais juste pas à retrouver la rue en elle-même.
– Thank you very much, je dis en attrapant la main de Judith puis celle de Louis. Have a nice day !
[Merci beaucoup. Passez une bonne journée !]
J'ai à peine le temps d'entendre l'homme répondre ''you too'' que je m'éloigne, emportant les enfants dont mon sillage. Je dois aller me terrer dans une grotte de toute urgence !
Les explications de Tom étaient exactes : il nous faut à peine cinq minutes pour nous retrouver devant la porte de la maison. Comme Carl est rentré, je suis libre de mes agissements. Je remets donc les enfants à leur père et me précipite dans ma chambre.
Je ferme la porte derrière moi et me jette sur le lit. Non mais vraiment, pourquoi je ne peux pas être capable de garder mon calme ?J'ai été ridicule, tout à l'heure, et tout ça en face de Tom Hiddleston.
Je me déteste.
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