Chapitre 17
– Allô ?
– Axelle, t'as vu l'article que je t'ai envoyé ?, demande ma sœur sans se préoccuper des formules de politesse.
Je la sens fébrile derrière son téléphone, et mon cœur s'affole automatiquement. Mentir à tous ces gens inconnus, à ma famille d'accueil, c'est une chose, mais à ma propre sœur... C'en est une autre. Si elle insiste, je ne pourrai pas lui cacher que la fille de la photo, c'est moi.
– Tu n'es pas la première à me l'envoyer, je réponds prudemment.
– Et alors ? T'as vu à quel point cette fille te ressemble ? C'est dingue !
Je me mords la lèvre, rongée par la culpabilité. C'est dur, tellement dur ! Je n'ai jamais menti à ma sœur ; disons que je lui cache simplement quelques petits détails de ma vie, faut pas être fou non plus. Par exemple, elle a été la première au courant quand j'ai commencé à sortir avec Valentin, même si je ne lui ai jamais parlé de notre relation dans les détails.
– En plus t'es à Londres, si ça se trouve tu l'as croisée ! Mon dieu Axelle, t'aurais presque pu croiser Tom Hiddleston aussi ! Et si cette fille te ressemble tellement, il aurait pu flasher sur toi ! Oh mon dieu, t'imagines ?
J'ai envie de rire mais de hurler en même temps. Si seulement elle savait ! Non seulement j'ai bien croisé Tom Hiddleston, mais en plus il se trouve qu'il a également flashé sur moi, comme le dit si bien ma sœur. En fait, c'est même moi la personne sur la photo, l'inconnue qui fait parler les fans de Marvel depuis ce matin.
Heureusement que j'ai acheté une robe toute simple avant ma sortie avec Tom ! Autrement, j'aurais porté un de mes t-shirts de fangirl, et il aurait été évident pour tous que je suis la fille sur la photo.
– C'est fou, hein ?, je tente de plaisanter.
Bien que ma sœur ne puisse pas voir l'air coupable qui s'affiche probablement sur mon visage à cet instant, je sais que le ton de ma voix ne la trompera pas.
– Mais trop ! T'imagines si ça avait été toi ? Je sais à quel point tu kiffes Loki !
– Ouais, ha ha.
– Euh, t'es sûre que ça va ?, lâche ma sœur. T'as l'air bizarre...
Cramée. En même temps, si elle insiste, aussi, je ne peux pas jouer la comédie ! De plus, j'ai vraiment besoin de parler de cette histoire, et à quelqu'un d'autre que Mathieu. Mon meilleur ami est génial, mais... Il est un peu borné, parfois.
– Ok, Laura... Est-ce que tu es capable de tenir ta langue ?
– Évidemment, s'indigne ma sœur.
Je soupire. J'ai confiance en elle, ce n'est pas le problème, c'est juste qu'à son âge, elle serait capable de chercher l'attention grâce à ce genre d'information. De plus, je peux comprendre qu'une telle anecdote lui donne envie de la partager : moi-même, j'ai déjà du mal à ne pas le crier sur tous les toits. Je ne me contiens que parce que j'ai peur de ce que pourraient être les retombées, et que je ne suis certainement pas prête à les assumer.
– Je ne plaisante vraiment pas, j'ai besoin que tu me jures que tu ne parleras à personne, d'accord ? Jure-le, jure-le sur ta vie s'il le faut.
Laura s'exécute, non sans avoir certifié encore une fois qu'elle sera muette comme une tombe.
– La fille sur la photo, si elle me ressemble tellement... C'est parce que c'est moi.
Le cri que pousse ma sœur à l'autre bout du fil me vrille les tympans, et je suis forcée de décoller le combiné de mon oreille pour ne pas finir sourde.
– T'es sérieuse ? Axelle, tu me fais une blague, c'est ça ?, hurle-t-elle dans le téléphone.
– Non, Laura, ce n'est pas une blague. Tu comprendras pourquoi je préfère pas que ça s'ébruite, hein, surtout que papa et maman ne sont absolument pas au courant.
– Tu m'étonnes !
Je l'entends s'assoir et je l'imagine aisément en hyperventilation, les yeux exorbités et la bouche grande ouverte.
– Mais comment t'as fait ? On parle quand même de Tom Hiddleston, là, pas du p'tit gars sympa du quartier !
Je ris.
– Honnêtement ? J'en ai aucune idée. Je lui suis rentrée dedans deux fois, et après... Eh bien, on s'est revus, plusieurs fois, jusqu'à hier où... il m'a peut-être un peu embrassée. Enfin, je l'ai embrassé, puis il m'a embrassée aussi, et...
– QUOI ?!, braille Laura à l'autre bout du fil. Attends, c'est pas dans l'article, ça !
– Évidemment que c'est pas dedans ! On a fait très attention, je confesse.
Ma sœur est dans un tel état d'excitation que je suis persuadée que si je l'avais en face de moi actuellement, elle ne cesserait de sauter partout où elle peut, me donnant le tournis. Je crois que c'est un truc de deuxième enfant, d'être hyperactif : Louis, Laura... Ils se ressemblent plus que je ne veux bien l'admettre.
– Oh mon dieu Axelle, je suis tellement, mais tellement jalouse putain !
– Langage !, je la reprends en riant.
– Oh ta gueule !, rétorque Laura.
– Eh ! Je suis l'aînée, t'as pas à me parler comme ça !, je fais mine de m'indigner.
J'entends ma sœur s'esclaffer à l'autre bout du fil.
– Donc si je reprends, tu sors avec Tom Hiddleston !
– Fais gaffe, quelqu'un pourrait t'entendre !, je m'écrie.
– Non, t'inquiète. Je suis seule à la maison, papa est parti je sais pas où et maman est chez sa pote, là.
Un silence s'installe, silence qui n'a rien de gênant. Quand vous avez passé toute votre vie aux côtés de quelqu'un, les blancs sont monnaie courante. Je pourrais presque entendre ma sœur réfléchir.
– Vous avez couché ensemble ?, balance Laura après quelques secondes de réflexion.
Je m'étouffe avec ma propre salive.
– Laura !
– Bah quoi ? C'est bon, j'ai plus douze ans tu sais. Puis même à cet âge-là, c'était évident pour moi que tu couchais avec Valentin, alors...
– Non mais ça va pas ?, je m'indigne. T'es malade, ça te regarde pas !
Ma sœur souffle dans le combiné.
– Bah, c'est bon, c'est pas comme si c'était anormal hein.
Elle n'a pas tort, évidemment. Toutefois, je n'ai aucune envie de parler de ma vie sexuelle avec ma petite sœur, merci bien ! Vie sexuelle quasiment inexistante, soit dit en passant. À part Valentin, je ne peux pas dire qu'il se soit passé beaucoup de choses dans ma vie. En même temps, étant donné que je suis demisexuelle, ça n'a rien de surprenant, et je le vis très bien.
– Peut-être, mais de toute façon, non, on n'a pas couché ensemble. Non pas que ça te regarde, évidemment !
– T'es sérieuse ? Tu trouves le moyen de sortir avec l'acteur que tu surkiffes depuis des lustres, et tu couches pas avec ? Y a quoi qui tourne pas rond chez toi, Axelle ?
– Mais fous-moi la paix, espèce de débile !, je m'énerve. Tu sais aussi bien que moi que je suis demisexuelle, donc ça sert à rien de forcer ! Non mais c'est dingue ça, tu me soûles !
Dans un geste rageur, je lui raccroche au nez. Il ne faut pas une minute pour que ma sœur me rappelle.
– Y a moyen tu me ramènes un autographe ? C'est sûr que c'est pas Chris, mais enfin, je suis preneuse quand même hein !
Je ris.
– Cours toujours ! T'as voulu jouer, eh bien on va jouer !
– Non, t'es pas cool Axelle ! Allez, steuplaît ! Tu peux pas me laisser comme ça, tu sais à quel point j'aime Marvel et ses acteurs !
– Alors excuse-toi.
Laura gémit, à l'autre bout du fil. Depuis que nous sommes enfants, nous avons pour habitude de nous charrier. Toutefois, lorsque l'une de nous deux demande un service à l'autre juste après lui avoir pris la tête – pour rire ou pas, d'ailleurs –, il faut qu'elle respecte un protocole bien précis. On a mis ça en place à l'époque où on ne s'entendait pas parfaitement, pour éviter de demander telle ou telle chose à l'autre.
– Axelle, on a grandi, on n'est plus obligées de faire ça.
– Excuse-toi, sinon ton autographe, tu te le mets où je pense.
Ma sœur souffle et je souris.
– D'accord, très bien. Mademoiselle Axelle, je ne suis qu'une idiote qui vous présente humblement ses excuses.
La tournure de phrase n'est pas toujours la même, par contre le fond si : il s'agit de brosser l'autre dans le sens du poil, de l'amadouer. Évidemment que ce n'est plus nécessaire, je donnerai ma propre vie à Laura s'il le fallait. Cependant, ça reste marrant, même à notre âge.
– Mmmmh... Vos excuses sont acceptées, je verrai ce que je peux faire pour ledit autographe.
– Yes merci ! Tu sais que je t'aime, hein ?
– Tu m'aimes pour une signature de mon copain ? Génial ça, merci, je le prends bien !, je raille.
– Ouais mais tu... Ah, je crois que maman est rentrée. Je te laisse, bye la moche !
Avant que je n'aie pu répondre, Laura a raccroché et je reste face à mon téléphone à l'écran noir.
Quelque part, je suis heureuse d'avoir parlé de tout ça à ma sœur. Bien que nous soyons plutôt différentes elle et moi, j'aime l'idée qu'il existe un lien fort entre nous, une proximité comme peut en exister seulement entre deux sœurs. De plus, ça me permet de relâcher un peu la pression. J'adore Mathieu, bien sûr, mais l'avoir comme seul confident ne me suffit pas.
Je suis peut-être le genre de personne qui ne parle pas beaucoup, en général, pourtant dès que je suis en confiance c'est une autre histoire. Je pourrais raconter ma vie toute entière à des inconnus juste parce qu'ils m'ont poussée à leur parler. Je suis très paradoxale, comme fille, c'est pas ma faute !
Maintenant, ne reste plus qu'à prier pour que Laura se taise. Bien sûr, j'ai une confiance absolue en ma sœur, là n'est pas le problème, c'est juste que... Ce genre d'information peut vite vous échapper. J'espère que ce ne sera pas le cas.
– Ma vie sociale est entre tes mains, petite sœur, je murmure avec un sourire en coin.
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