Chapitre 16
J'ai plusieurs messages en attente : un de ma sœur, pour me dire que je suis moche et que je ne lui manque pas –sa façon bien à elle de me souhaiter bonne nuit et de me dire qu'elle m'aime –, et deux de Mathieu pour prendre des nouvelles concernant la soirée. Avec un sourire rêveur, je m'assois sur le lit et ouvre la conversation.
– Un seul mot pourrait résumer la soirée : GÉ-NIAL –, j'écris en souriant.
Il ne faut pas longtemps à mon meilleur ami pour se connecter et me répondre.
– Vas-y raconte ! –
– Il se pourrait qu'on sorte ensemble, Tom et moi –, j'explique.
– Pour de bon ? Genre, pour de vrai ? C'est officiel ? –
Je ris derrière mon écran. Mathieu veut peut-être que je lui envoie un faire-part pour lui stipuler que oui, c'est officiel ?
– Officiel, ça l'est pour nous mais pas pour le monde. Enfin, un gars nous a pris en photo mais j'espère que sa photo a raté ! –
– Ha ha, tu vas devenir célèbre meuf ! Mais du coup, si c'est officiel... Vous avez fait quoi ? –
Je lève les yeux au ciel. Bon sang, qu'est-ce qu'il m'énerve ! J'ai beau lui répéter tous les jours, ou presque, que je ne peux physiquement pas coucher avec quelqu'un le premier soir, il faut toujours qu'il remette le sujet sur le tapis.
– On s'est embrassé, deux trois fois. En fait, c'est plutôt moi qui l'ai embrassé, au début, ce dont je suis très fière. –
– Attends, t'es en train de me dire que c'est toi qui as agi, genre vraiment ? –
– C'est ce que j'ai dit, oui. Ça t'étonne tant que ça ? –, je fais mine de m'indigner.
Le fait est que j'étais la première étonnée de mon comportement, ce qui est plutôt compréhensible parce que je me connais un peut trop bien. D'un autre côté, je n'avais pas envie que l'occasion me file sous le nez, alors parfois il faut savoir se bouger pour ne pas regretter plus tard.
– Meuf, je suis pas étonné, je suis complètement sur le cul ! T'as réussi à prendre les choses en main comme une grande, regarde où ça t'a menée ! –
– C'est ça, moque-toi de moi ! –, je râle.
– Je me moque pas de toi ! Au contraire, je suis super fier, là ! Je crois que c'est la première fois de ma vie que je te vois prendre les devants, bravo à toi meuf ! Tu deviens enfin une grande fille, c'est bien. –
J'ai envie de rire, toutefois je me contiens. Il est minuit passé, je ne peux pas réveiller toute la maison.
– Ouais, ben la grande fille elle va aller dormir parce qu'elle est crevée. Enfin, si j'arrive à dormir évidemment, parce que c'est pas gagné ! –
– Non non non, tu m'avais promis des détails ! –, proteste mon meilleur ami.
– Ok, d'accord. Déjà, il est venu me chercher chez moi avec sa voiture. Puis on est allés voir les feux d'artifice, c'était trop bien ! C'est là que je l'ai embrassé, sauf qu'on a été interrompu par un paparazzi. Du coup après il m'a ramenée à la maison, il m'a embrassée, et on doit se voir le week-end prochain. –
J'étire mes doigts endoloris après ce long message d'explications.
– C'est mignon ! –
Je souris. Je ne sais pas si Mathieu nous trouve vraiment mignons ou s'il se moque de moi, ou les deux peut-être.
– Tu fais attention, quand même, hein ? Je veux dire... Faudrait pas qu'il profite de toi et te lâche comme une merde juste après. C'est un acteur, il ne faut pas l'oublier. –
– Je sais, mais t'inquiète pas pour moi. Je suis prête à parier tout ce que j'ai que Tom ne joue pas avec moi, il a été assez clair là-dessus la dernière fois, et puis... Je lui fais confiance plus qu'à n'importe qui d'autre, mis à part toi évidemment. –
– Bon, tant mieux. –
Mon cœur se serre : j'ai de la chance que Mathieu soit dans ma vie, je ne pourrai jamais assez le lui répéter. Quand je pense à tous ces gens qui rêveraient d'un.e meilleur.e ami.e et qui ne l'ont jamais et ne le ou la trouveront jamais... Ça me fait mal pour eux, parce que je sais ce qu'ils ratent.
– Bon mon p'tit Mathieu, maintenant je vais aller me coucher, si t'as plus de questions. Bonne nuit ! –
– Bonne nuit meuf. –
Je souris et verrouille le téléphone, que je pose sur la table de chevet, écran vers le bas. Je n'ai pas envie d'être réveillée au beau milieu de la nuit par d'éventuelles notifications qui illumineraient toute la pièce.
Bien sûr, je suis incapable de dormir. Ma soirée tourne et retourne dans mon esprit, dans tous les sens possibles, et je ressens encore le contact des lèvres de Tom sur les miennes ; j'ai toujours du mal à croire que c'est vraiment arrivé, d'ailleurs.
Les papillons qui furetaient dans mon estomac sous les feux d'artifice sont toujours là, bien que cela fasse plusieurs heures que je suis rentrée. J'ai une patate d'enfer, une énergie à tout défoncer alors qu'il est plus d'une heure du matin. Visiblement, la dopamine qu'a produit mon corps un peu avant refuse d'être éliminée, et m'empêche de trouver le sommeil.
Il est près de quatre heures lorsque, enfin, je parviens à sombrer dans les ténèbres.
Un rayon de lumière me force à ouvrir les yeux : il fait jour, et à en juger par mon état général de fatigue, j'ai dû dormir cinq heures environ. Ça me suffit largement pour tenir une journée, mais j'aurais préféré comater un peu plus. On n'a jamais trop de sommeil dans les veines, après tout.
Je jette un coup d'oeil à l'écran de mon téléphone : il est neuf heures trente, et pendant que je dormais, Mathieu m'a envoyé un message. C'est un lien, sur lequel je clique. Aussitôt, je me redresse dans mon lit, au bord de la panique.
– Oh mon dieu, je souffle.
Je n'arrive pas à y croire. Devant mes yeux, une page internet s'affiche, avec tout en haut une image en gros plan. Sur cette image, on y voit Tom en compagnie d'une jeune fille en robe noire et aux longs cheveux blonds, assis dans l'herbe, se tenant la main.
« Who's the girl who stole Tom Hiddleston's heart ? », annonce le titre de l'article.
[Qui est la fille qui a ravi le cœur de Tom Hiddleston ?]
Je prends quelques secondes pour respirer, je n'ai pas envie de faire une crise d'angoisse. De plus, bien que je me reconnaisse facilement sur la photo, on n'y voit aucunement mon visage car j'ai la tête tournée et un rideau de cheveux blonds qui retombe devant. Pour une fois que mes cheveux ne sont pas trop fins pour quelque chose !
Enfin calmée, je m'autorise à lire la suite.
« It seems that Tom Hiddleston, the interpreter of Loki in the Marvel franchise, is no longer a heart to take ! Last night, while fireworks were being launched in the center of London, the actor was seen in the compagny of an unknown woman, holding hands. It's still too early to tell, but could it be that he found a suitable match ? Something to explore, then ! »
[Il semblerait que Tom Hiddleston, l'interprète de Loki de la franchise Marvel, ne soit plus un cœur à prendre ! Hier soir, alors que se tenaient des feux d'artifice en plein cœur de Londres, l'acteur a été vu en compagnie d'une femme inconnue, se tenant la main. Il est encore trop tôt pour le dire, mais se pourrait-il que Tom ait trouvé chaussure à son pied ? Une piste à explorer, donc !]
Je pousse un long soupir. Bon, c'est moins pire que ce que j'aurais pu imaginer. Il n'y a aucun moyen de me reconnaître, heureusement ! On ne voit même pas les montures de mes lunettes, cachées par mes cheveux. Mais tout de même ! À présent que la rumeur est lancée, les gens vont faire doublement attention, les paparazzis aussi, et Tom et moi ne seront pas aussi tranquilles qu'avant.
Je referme l'application google et appuie sur l'icône du téléphone. J'appelle aussitôt mon meilleur ami, qui ne décroche pas. Il faut que je le rappelle encore deux fois pour que, finalement, sa voix retentisse dans le combiné.
– Allô ?
– Mathieu !, je m'écrie dans le téléphone.
– C'est moi, mais t'es pas obligée de crier meuf, je tiens à mes oreilles.
Je ris.
– T'es con. Comment t'as eu l'article ? Tu me pistes ou quoi ?
– J'ai que ça à faire ouais !, raille-t-il. Non, plus sérieusement, j'ai regardé ce matin en me réveillant, comme tu m'avais parlé d'un paparazzi hier soir.
Je pousse un long soupir. Heureusement qu'il l'a fait, parce que je n'y aurais jamais pensé de moi-même, ce qui est complètement stupide. Je suis complètement stupide.
– En vrai ça va, si je ne savais pas que c'était toi sur la photo, je ne t'aurais pas reconnue. Je sais pas qui est ce gars qui vous a mitraillé, mais en tout cas, il fait mal son job.
– Ça m'arrange, perso, je lâche du bout des lèvres. S'il avait bien fait son travail, comme tu dis, tout le monde pourrait me reconnaître. Bien sûr faudrait déjà que les gens qui me connaissent lisent les articles de la presse people, mais enfin, je parle surtout de ceux que je croise dans la rue. Flemme de me faire attaquer par les fans toxiques, aussi.
– Ah, parce qu'il existe des fans qui ne sont pas toxiques ?, se moque Mathieu.
Je ris.
– Bien sûr. Ces gens-là, ce sont ceux qui respectent la vie privée de ceux qu'ils idolâtrent, ceux qui sont heureux pour eux quoi qu'il advienne. Ceux-là, je les aime bien. Par contre, ceux qui vont cracher sur moi parce que j'ai réussi ce qu'ils n'ont jamais pu essayer de faire... Eux, ils me font peur. Et puis, tu sais à quel point j'ai du mal à gérer la haine gratuite, quand je m'en prends plein la figure.
– Je sais, confirme mon meilleur ami.
En même temps, le contraire aurait été étonnant. Depuis le temps qu'on se connaît, lui et moi, nous avons appris les moindres détails de nos vies respectives.
– Ah, attends, j'ai un double appel...
Je décolle le portable de mon oreille et observe l'écran d'un œil torve.
– C'est Tom, je te rappelle plus tard, ok ?
Sans attendre sa réponse, je raccroche pour prendre l'appel de Tom.
– Hello !, je lance.
– Good morning, darling, répond l'acteur à l'autre bout du fil.
[Bonjour, darling.]
Je souris. J'aime beaucoup quand il m'appelle darling, surtout avec cet accent anglais à couper le souffle. Avant, j'étais incapable de distinguer la différence entre anglais et américains ; ce n'est plus le cas à présent.
– How are you ?, continue mon petit ami.
[Comment ça va ?]
– I'm fine, and you ?
[Ça va, et toi ?]
– I'm fine. Well, I came across an article this morning, and I wanted to talk to you about it before you panic.
[Ça va. Dis-moi, je suis tombé sur un article ce matin, et je voulais t'en parler avant que tu ne t'affoles.]
Je ris.
– Actually, I already read it.
[En fait, je l'ai déjà lu.]
– Oh, uh... That's good. What do you think about... all of this ?
[Oh, euh... C'est bien. Qu'est-ce que tu penses de... tout ça ?]
– Well, this guy need to find another job, cause no one will ever recognize me in his picture, je m'esclaffe.
[Ben, ce gars doit changer de métier, parce que personne ne me reconnaîtra jamais sur sa photo.]
Tom rit aussitôt. C'est un son que j'aime, clair et pur, innocent. Lorsqu'il rit, c'est comme si toute la misère du monde disparaissait pendant un instant.
– So... you're good with it ?
[Alors... ça te va ?]
– As long as no one recognize me, yes, that's fine. And if someone recognize me...
[Tant que personne ne me reconnaît, oui, ça me va. Et si quelqu'un me reconnaît...]
– That's why I'm calling you.
[C'est pour ça que je t'appelle.]
Je fronce les sourcils.
– What do you mean ?
[Qu'est-ce que tu veux dire ?]
– I want you to feel comfortable with this. If you want to confirm it's you, I want you to know that you can do it, I'll follow you, just as I'll follow you if you prefer ti deny the rumors. And there's going to be a lot, believe me.
[Je veux que tu te sentes à l'aise avec tout ça. Si tu as envie de confirmer que c'est toi, je veux que tu saches que tu peux le faire, je te suivrai, tout comme je te suivrai si tu préfères démentir les rumeurs. Et il va y en avoir beaucoup, tu peux me croire.]
Je ne sais pas quoi répondre. C'est tellement prévoyant, tellement adorable de sa part !
– I'm not ready to tell the world about us, je dis doucement. And my parents... Oh my god, they're gonna kill me !
[Je ne suis pas prête à parler de nous au monde. Et mes parents... Oh mon dieu, ils vont me tuer !]
Je n'avais pas pensé à ce détail avant, mais c'est la stricte vérité. Quand mes parents apprendront que je sors avec un homme de la quarantaine, ils vont m'assassiner puis m'enterrer, surtout mon père ! Ma mère, elle, n'a pas grand chose à redire étant donné qu'elle s'est mariée à un homme de huit ans son aîné, mais enfin ! Ici, on parle de presque vingt ans de différence !
– Why would they kill you ? Don't they want you to be happy ?
[Pourquoi est-ce qu'ils te tueraient ? Ils ne veulent pas ton bonheur ?]
– I think they do, but... I never introduced them to anyone, so it's gonna be a big shock ! I'll talk to them face to face, especially not over the phone.
[Je pense que si, mais... Je ne leur ai jamais présenté personne, ça va être un sacré choc ! Je leur en parlerai en face, surtout pas par téléphone.]
– I understand. Well, I called you to make sure everything's okay, but I gotta go now. Don't worry, no one will say anything until you're ready.
[Je comprends. Bon, je t'ai appelée pour être sûr que tout était ok, mais je dois y aller. Ne t'inquiète pas, personne ne dira rien tant que tu ne seras pas prête.]
– What do you mean, ''no one'' ?, je demande, perplexe.
[Qu'est-ce que tu veux dire, ''personne'' ?]
J'entends Tom pouffer au téléphone.
– Well, I may have told one or two of my close friends about us, nothing insane, don't worry.
[Eh bien, j'ai peut-être parlé de nous à un ou deux amis proches, rien d'extraordinaire, ne t'inquiète pas.]
– Oh, okay.
Au moins, s'il a parlé de moi à ses amis, cela prouve que notre relation est sérieuse : il n'aurait pas averti ses amis proches de mon existence s'il avait seulement voulu jouer avec moi.
– I'll call you back, darling. Have a nice day, love you !
[Je te rappelle plus tard, darling. Passe une bonne journée, je t'aime !]
Sans attendre ma réponse, il raccroche. Je reste un instant figée, mon téléphone collé contre mon oreille même s'il n'y a plus personne au bout du fil.
Est-ce que Tom vient bien de dire ce que j'ai entendu ?
Je ne suis pas certaine que ces deux mots aient la même signification pour lui et moi. Peut-être est-ce une habitude chez l'acteur, de terminer ses appels de la sorte ? Pour ma part, c'est quelque chose que je ne suis pas apte à dire, pas aussi facilement en tout cas, bien que je ne pense pas n'avoir aucun sentiment pur Tom. C'est plutôt tout le contraire, en fait.
Je repousse la couverture au bout du lit et me lève, prenant le temps de m'étirer. Dans le salon, les enfants déjeunent devant la télé, sous le regard attentif de leur mère. Carl doit encore dormir, je sais qu'il profite des week-ends pour rattraper le sommeil qu'il perd pendant la semaine.
– Hello Axelle !, s'exclame Louis en me faisant des grands signes, depuis le canapé.
– Hello little boy, je réponds en lui ébouriffant les cheveux affectueusement. Hello, Jude.
– Hi !
– Did you sleep well ?, demande Ellie. Do you want to eat something ?
[Tu as bien dormi ? Tu veux manger quelque chose ?]
Je secoue la tête. Je ne suis pas foncièrement fan des petit-déjeuners, en réalité, encore moins en Angleterre. Désolée, mais manger des saucisses et tout ce qui va avec de bon matin, merci mais non merci !
– Did you come home late, last night ? [
Tu es rentrée tard, hier soir ?]
– 11.30 pm, or maybe midnight, I don't really remember.
[Vingt-trois heures trente, ou peut-être minuit, je ne sais plus.]
– You were with your boyfriend ?, demande Judith.
[Tu étais avec ton petit copain ?]
Je souris et, alors que je m'apprête à répondre, Louis s'écrie :
– She told you he wasn't her boyfriend !
[Elle t'a dit que ce n'était pas son amoureux !]
– Well, he kinda is, now, je pouffe.
[Eh bien, disons qu'il l'est, à présent.]
Ellie tape du poing sur la table.
– You see, I told you !, jubile-t-elle, un grand sourire aux lèvres.
[Tu vois, je te l'avais dit !]
Je ne peux m'empêcher de sourire en retour. C'est vrai, elle m'avait prévenue, mais dans mon aveuglement, j'ai décidé de ne pas l'écouter. Comme quoi, on ferait mieux d'écouter les gens, parfois !
Une sonnerie me sort de ma rêverie : inutile de se poser la question, ça ne peut être que mon téléphone. Je suis la seule personne assez folle pour mettre la Reine des Neiges en sonnerie, et en plus c'est en français. Je me précipite donc dans la chambre pour décrocher.
Je pose les yeux sur l'écran du téléphone : il affiche le nom de ma sœur. Avalant lentement ma salive, je décroche.
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