Chapitre 8 - Savoir abandonner les armes

Le reste du cours se déroula sans encombre. J'essayais de me concentrer sur ce que Siltiama nous enseignait. Je devais admettre qu'elle connaissait son domaine. Aucune arme n'avait de secret pour elle et on sentait qu'elle prenait plaisir à chaque fois qu'un des élèves faisait des progrès. Elle était dure mais juste et elle arrivait à trouver le point fort de chacun.

J'étais en train de m'entraîner toute seule sur un mannequin quand j'entendis quelqu'un s'approcher dans mon dos. Ce fut sans surprise que Thalion apparut, la mine toujours aussi austère et hautaine. Je savais qu'il n'avait pas apprécié que je défie la jeune Demonsfire et encore moins que je combatte contre elle. Gênée par son regard insistant, je m'arrêtai pour le fixer à mon tour sans rien dire.

_ Tu n'aurais pas dû provoquer Siltiama. Les Demonsfire ont déjà assez de problèmes pour gérer leurs démons internes, ils n'ont pas besoin qu'une effrontée vienne leur rappeler qu'ils peuvent perdre le contrôle à tout moment.

_ Je...

_ Non, écoute pour une fois. Cette école n'est pas un jeu. Tout ce que l'on apprend ici c'est pour combattre des forces qui nous dépassent tous. Ces élèves risqueront leur vie un jour où l'autre.

_ On m'a enlevé à ma vie, à mes amis, du jour au lendemain. Je ne sais pas encore exactement ce que je fais ici ! Je n'ai rien demandé à personne !

_ Grandir dans le monde des humains t'a rendu tellement égoïste.

Sur cette dernière phrase assassine, il me tourna le dos et se dirigea vers la sortie. Siltiama s'interrompit dans l'une de ses explications pour l'observer claquer bruyamment la porte de la salle de combat. Elle me fixa alors et demanda aux élèves de continuer sans elle.

Comme je m'y attendais elle vint me parler. Je pensais qu'elle allait se défouler et me dire de me barrer de son cours mais au lieu de cela elle posa avec douceur une main sur mon épaule.

_ Tu t'es bien battue Lucy. Tu as un énorme potentiel et ce serait dommage que tu le gâches avec ton sale caractère. Reste à la fin du cours, on déjeunera toutes les deux et je t'enseignerais les bases que les autres ont déjà appris au cours du premier semestre. Tu en profiteras pour me parler un peu de toi.

_ Pourquoi vous êtes gentille avec moi tout d'un coup ? C'est un piège c'est ça ?

_ Tu sais Lucy, hors des combats, tu peux baisser la garde. Personne dans cette école ne te veut du mal.

Elle avait raison. Je devrais peut-être me mettre à me détendre, mais il fallait avouer que c'était compliqué de se concentrer sur des cours de combat dans un univers magique, loin de son quotidien. Je ne savais pas si je manquais à quelqu'un dans mon monde. Est-ce qu'Éric était parti à ma recherche ? Le FBI avait-il lancé une alerte enlèvement ? Une chose était sûre, c'est qu'à part à mon travail, je ne manquerai à personne. Je n'avais pas de famille, pas de petit ami ni de collègues de travail avec qui j'avais créé des liens intimes. Finalement, je n'étais pas une grosse perte.

Une fois que le cours fut terminé, j'étais toute en sueur d'avoir taper sans relâche sur le mannequin d'entraînement. Mes muscles étaient douloureux mais mon cœur était un peu moins meurtri. Siltiama vint me tendre une serviette pour m'essuyer et une fois que tout le monde fut sorti de la salle, nous nous assîmes toutes les deux sur un des bancs en pierre. La Demonsfire chercha dans son sac et en sorti ce qui ressemblait à des parts de quiche enveloppées dans du film transparent. Elle m'en donna une et commença à déballer la sienne.

_ Qu'est-ce que c'est ?

_ Oh mais c'est pas possible, tu crois peut-être que je vais t'empoisonner ? C'est une part de tarte à la Bétoine et au Bois de Santal Jaune. La Bétoine est connue pour être une plante qui protège des envoûtements, quant au bois de Santal Jaune, il apporte l'harmonie et la paix.

_ Je ne savais même pas que l'on pouvait cuisiner une telle chose

_ Goûte avant d'en dire du mal.

C'était délicieux et après quelques bouchées je me sentis plus détendue. Si c'était de cela qu'Astal et Earwen parlaient quand elles m'avaient évoqué ce matin la qualité de la nourriture d'Hidden World, c'était nettement au-delà de mes espérances.

_ Comment se porte ton épaule ?

J'étais étonnée qu'elle s'inquiète pour moi vue la force avec laquelle elle m'avait combattue.

_ Bien. J'ai connu pire.

_ Comment ça ?

_ Dans le monde des humains je suis agent du FBI. J'ai suivi mon apprentissage à l'université de Quantico et on ne peut pas dire que les hommes soient tendres avec les femmes de cette école. Dès qu'ils pouvaient nous montrer leur supériorité, ils en profitaient. Heureusement, ce n'était qu'une minorité et la plupart des élèves étaient assez soudés. Mais les bavures n'étaient pas toujours évitées.

_ Je me doutais que tu avais déjà combattue. On le voit dans la manière dont tu te déplaces lors d'un combat et comment du tiens ton arme. Par contre, il te manque de la précision et tu n'as pas assez confiance en toi. Je te parie qu'avec deux heures d'entraînement j'arriverai à te faire accéder au niveau des autres.

_ Je n'en sais rien.

_ Moi je le sais et je connais aussi Thalion. Il ne t'aurait jamais laissé combattre face à moi s'il n'avait pas eu confiance en tes capacités.

Songeuse, j'avalais les dernières bouchées de la délicieuse tarte et Siltiama me tendit une bouteille d'eau. Puis, elle se leva en époussetant les miettes sur sa combinaison, et se dirigea vers un des murs de la salle. Elle posa une main sur une des pierres et un grondement sourd retentit. Le mur se mit à coulisser et je découvris un arsenal d'armes toute aussi impressionnantes les unes que les autres.

_ Il faut que tu choisisses ton arme pour pouvoir réellement commencer mon cours. Approche.

Je m'exécutai et la rejoins devant des haches diverses, des épées tranchantes et d'autres armes dont je ne connaissais pas le nom.

_ Ce qui est important c'est que tu ressentes une sorte de frisson quand tu vas prendre un de ces petits bijoux dans tes mains. C'est cela qui te dira si cette arme est faite pour toi. Tu seras plus puissante et rapide si tu prends le temps d'écouter ton corps au contact de l'une d'entre elles.

Siltiama me pris la main et commença à la poser sur une immense épée brillante, au manche doré. Elle m'intima de fermer les yeux et de respirer à fond. Je ne ressentais rien. Nous continuâmes jusqu'à ce que nous soyons toutes les deux découragées.

_ Ça ne m'est jamais arrivé qu'un de mes élèves ne trouve pas son arme de prédilection. C'est impossible. On va tenter autre chose.

Elle me fit m'éloigner et me plaça au centre de la salle.

_ Ferme les yeux. Peut-être que l'arme qu'il te faut se trouve déjà sur l'un de ses murs. À ce moment-là, il faudra que tu te mettes d'accord avec l'élève qui la possède déjà. Souvent, nous avons tous plusieurs armes de prédilection, c'est pour cela que je pensais que ce serait facile de t'en trouver une. Tu es sûre que tu t'es bien concentrée ?

_ Absolument.

_ Bon, ne t'inquiète pas, il y a sûrement une petite épée qui te correspond. Ce n'est pas ce qui manque ici.

Je pris une grande inspiration et essayai de vide mon esprit. Je sentis des fourmillements dans mes doigts et soudain un bruit métallique emplit la pièce. Alors que j'allai ouvrir les yeux pour me rendre compte de ce qui était en train de se passer, Siltiama souffla d'un air choqué :

_ Ce n'est pas possible.

Les deux grandes épées que j'avais vues en entrant pour la première fois dans la salle de combat se détachèrent du mur et volèrent jusqu'à moi. Des flammes violettes illuminèrent les lames et les émeraudes des manches brillèrent intensément. Délicatement, elles se disposèrent dans mes deux mains comme si cela avait toujours été leur place. Un immense frisson me parcourut et je me sentis puissante. D'ailleurs, je n'avais pas remarqué mais mes pieds s'étaient soulevés du sol et je lévitais.

Siltiama me regardait, ses grands yeux verts écarquillés au maximum. Sa bouche s'ouvrit et elle prononça en chuchotant seulement une simple phrase :

_ Il faut que je parle à Thalion.

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