Chapitre 7 - Règle n°1 : Ne jamais défier un Demonsfire ! (partie 1)
Une odeur de pain grillé me décida enfin à me lever. À peine la porte de ma nouvelle chambre passée, Astal se jeta sur moi avec un verre de jus d'orange à la main, et une assiette de toast beurrés :
_ TADAM ! J'ai fait le petit-déjeuner aujourd'hui ! C'était mon tour et je me suis renseignée sur les coutumes humaines.
_ C'est adorable, merci Astal.
_ Il faudra que je te passe une tenue de combat aujourd'hui, je suppose que l'on ne t'a pas encore donnée toutes les fournitures après ton arrivée précipitée.
Devant mon air étonné, elle leva les yeux au ciel et me sourit gentiment :
_ En plus, ils auraient au moins pu te laisser le temps de prendre des vêtements de rechange ! Quels goujats !
Je ris à sa réaction et m'emparai avec appétit du petit déjeuner qu'elle me tendait depuis tout à l'heure. D'autres filles que je ne connaissais pas étaient déjà installés à une grande table en bois. C'était étrange, mais j'étais persuadée que la pièce avait changé pendant la nuit. Aucun des meubles que j'observais ce matin n'étaient là hier, j'en étais sûre.
_ Si tu te demandes où est passé le salon, il est temps de t'apprendre que ce dortoir est magique. À chaque heure de la journée et selon tes besoins, les meubles se transforment, des choses apparaissent ou disparaissent, sans parler de l'ambiance qui change selon les saisons.
Je n'avais pas entendu Earwen arrivée derrière moi. Elle racontait toujours aussi bien les histoires et semblait prendre un véritable plaisir à m'en apprendre plus sur Hidden World.
Alors que j'allais m'asseoir avec les autres pour pouvoir faire connaissance, Estrid entra dans la pièce. Mon sang ne fit qu'un tour et j'étais prête à en découdre quand je sentis une main froide se poser sur mon avant-bras. Astal me regardait avec un air compatissant :
_ Elle n'en vaut vraiment pas la peine. Ne t'évertue pas à mener une guerre qu'elle seule a eu envie de déclencher.
_ Oui tu as sans doute raison. Je suis un peu... sur les nerfs.
_ Je te comprends, ça ne doit pas être facile pour toi. Nous sommes toutes issues d'Hidden World, tandis que toi tu n'as pas grandi ici. Si j'étais à ta place, crois-moi, je flipperais à mort.
_ Le monde des humains n'est pas très effrayant par rapport à tout ce que j'ai pu voir ici.
_ Pour toi peut-être, mais pour nous c'est une toute autre histoire. L'inconnu fait toujours peur Lucy, qu'importe d'où tu viens.
Sur cette dernière parole elle m'invita à la rejoindre sur un des canapés du salon, où Earwen était déjà en train de dévorer son assiette. Elle l'avait rempli à ras bord d'œufs brouillés, de bacon et de tranches de pain grillé. La jeune sirène avait les yeux qui brillaient et quand elle se rendit compte que nous la fixions, elle me fit un grand sourire :
_ Décidément ! Les humains ont de la nourriture démente ! J'adore vos coutumes ! C'est décidé, à partir d'aujourd'hui ce sera petit-déjeuner terrien tous les jours !
_ Qu'est-ce que vous mangez habituellement ?
_ Je crois que tu n'aimerais pas le savoir ma pauvre, n'est-ce pas Astal ?
_ Tout à fait d'accord, tiens-t'en aux toasts ma chère Lucy
Étrangement, Estrid ne vint pas une seule fois nous déranger pendant notre repas matinal. Elle n'était sûrement pas assez réveillée et n'avait pas assez de force pour lancer ses joutes verbales.
Une fois le ventre plein, je rejoins la chambre avec Astal pour qu'elle me prête une de ses tenues.
_ Pour le cours de ce matin, il te faut une combinaison de combat. Comme nous devons faire à peu près la même taille, je pense que celle que je portais l'année dernière t'ira.
La princesse de glace sortit un vêtement tout en cuir de son armoire. La combinaison était blanche avec des lanières marrons et des boucles dorées. À la cuisse, étaient cousus divers étuis pour contenir des armes. La tenue s'accompagnait de grandes bottes bleu nuit à talons plats. Des lacets sur le devant remontaient jusqu'en bas du genou et le tissu était si épais qu'il était impossible d'y planter une aiguille dedans.
_ Heu. Je ne savais pas que l'on se rendait à un cours pour sadomasochistes.
Earwen et Astal se regardèrent sans comprendre. Ok, ma plaisanterie était tombée à l'eau. Mais cela ne m'empêchait de me demander comment j'allais rentrer dans ce vêtement si près du corps. Même si j'étais mince, je n'étais pas non plus un mannequin de Victoria Secret.
_ Allez ! Montre-nous à quel point tu es sexy dans cette tenue !
Earwen était tellement enthousiaste à cette idée qu'elle me poussa de force dans la salle de bain pour que je puisse me changer.
Après une douche rapide et un coiffage expéditif, je tentai d'enfiler la tenue de combat. Contrairement à ce que je pensais, il n'était pas si difficile d'y rentrer. Une fois prête, je me regardais rapidement dans le miroir. J'avais relevé mes cheveux noirs en une queue de cheval haute pour ne pas qu'ils me gênent durant le cours. Mes yeux bruns me donnaient un air sévère et je me trouvais trop pâle. Cependant, je devais avouer que la combinaison d'Astal m'allait comme un gant. Quand je sortis de la salle de bain, Earwen et la jeune princesse en restèrent bouché-bée. Au départ, je crus qu'elles allaient se moquer de moi mais Astal se mit à siffler.
_ Waouh ! Tu es magnifique Lucy !
_ Tu es à tomber, je n'ai rien d'autre à dire !
_ Vous êtes sûres que vous n'exagérez pas un peu les filles ?
_ Astal ne sait pas mentir et moi j'aime bien trop dire aux gens ce que je pense, je suis contre la censure.
Une fois mes deux colocataires furent prêtes elles aussi, nous quittâmes le dortoir pour rejoindre ce que les élèves nommaient : « la salle des supplices ». Accueillant.
Nous descendîmes les marches d'escaliers qui paraissaient ne jamais finir. Quand nous fûmes enfin arrivées à destination, Earwen poussa la grande porte qui donnait sur la salle de combat.
La pièce était en sous-sol et ne comportait aucune fenêtre. Des centaines d'armes s'étendaient sur tous les murs. La salle était étrangement agencée. Des colonnes en pierre emplissaient tous l'espace, si bien que cela me semblait impossible de ne pas en heurter une si l'on devait combattre ici.
D'autres élèves étaient déjà en train d'astiquer leurs armes. Earwen et Astal partirent chercher la leur pendant que j'attendais patiemment que l'enseignant arrive. Comme c'était mon premier cours, je supposais que je n'allai pas pouvoir combattre aujourd'hui. De toute manière, on ne nous avait jamais enseigné à Quantico le maniement des armes moyenâgeuses.
Je décidai d'aller m'asseoir sur un des bancs en pierre situés dans les coins de la salle. J'en profitais pour observer autour de moi. Le mur du fond supportait un immense bouclier en fer noir avec deux épées de la même teinte dont les manches étaient incrustés d'émeraudes. Je ne pensais pas que des armes pouvaient être aussi magnifiques que des bijoux.
Soudain, un immense bruit fit se retourner tous les élèves vers une porte latérale de la salle de combat. Une jeune femme, accompagnée de Thalion, fit une entrée théâtrale. Elle était magnifique. Ses longs cheveux châtains étaient attachés en une longue tresse qui habillait son épaule droite. Ses yeux vert forêt brillant de mille feux, et sa peau légèrement hâlée, lui donnaient une apparence exotique. Sa tenue était époustouflante. Elle portait un bustier en cuir rouge carmin, un short noir agrémenté de longues bandes de tissus qui faisaient la longueur de ses jambes. Quand elle marchait, on entendait le bruit des talons de ses cuissardes en cuir marteler le sol en pierre.
Alors qu'elle s'approchait du groupe d'élèves, Thalion lui susurra quelque chose à l'oreille. À cet instant, elle se retourna et posa ses yeux émeraudes sur moi. Alors que je croyais qu'elle allait venir me parler avant le cours, elle détourna le regard et s'adressa à l'assemblée d'une voix claire :
_ Bonjour, aujourd'hui nous n'utiliserons pas les armes habituelles. Je veux que nous approfondissions votre technique, ce qui n'est pas une mince à faire si vous voulez mon avis. Lors de l'examen final, rappelez-vous que je ne supporterais aucune erreur de débutant.
À cet instant, d'un simple geste de la main, la jeune inconnue ouvrit un énorme coffre en bois disposé derrière les élèves. Elle fit léviter différents bâtons en bois qui se trouvaient à l'intérieur, et chacun eu le droit à ce que son arme lui soit disposée entre les mains. Je ne m'habituerais jamais à la magie de cet univers. Soudain, un des bâtons en bois se dirigea à pleine vitesse dans ma direction. En protection, je levai les deux bras devant mon visage. L'arme improvisée me frappa de plein fouet et retomba lourdement sur le sol devant moi. L'impact m'avait terriblement fait mal au poignet gauche. J'entendis un rire et quelques chuchotements provenir du groupe d'élèves. J'avais l'impression d'être retournée au lycée.
Les bruits de talon se rapprochèrent de moi et quand je relevai la tête, la jeune femme me regardait avec dédain.
_ Tu n'es même pas capable d'attraper un simple bâton de bois. Imagine si je t'avais lancé une hache.
_ Je suis désolée.
_ J'ai horreur que l'on s'excuse. Assume tes erreurs et reprends-toi. Au combat tu n'auras pas l'occasion d'être faible sinon tu finiras la tête tranchée par un de tes ennemis. Lève-toi !
Je savais qu'elle était forte et puissante, mais ma maudite langue me trahit avant même que je réfléchisse cinq minutes :
_ Je ne suis pas un chien. Vous croyez que j'ai choisi d'être ici ? Si l'on se battait à armes égales, sans magie, avec ce simple bâton entre les mains, je vous mettrais à terre en un rien de temps.
La jeune femme parut surprise de ma réponse et j'entendis des chuchotements choqués dans l'assemblée. Je venais de provoquer l'enseignante des combats armés de l'école : fantastique !
Soudain, la surprise sur son visage se transforma en un rictus mauvais. Elle me défiait du regard mais je refusais de baisser les yeux. Après tout, elle m'avait bien dit qu'elle avait horreur que l'on s'excuse non ?
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