Mais qu'est-ce qui s'était passé ? Je devais perdre la tête ! Un monstre, un homme sorti de nulle part et moi qui me transformait en Captain Marvel ! Il fallait que je garde mon sang-froid mais j'étais au bord d'un précipice, prête à faire une énorme crise de nerfs.

_ Il faut partir maintenant.

Je me retournai vers le jeune homme qui me regardait comme si tout ce qui s'était passé ces dernières minutes était tout à fait normal. Ma santé mentale allait en prendre un coup, c'était certain.

_ Partir où ? Qu'est-ce qui m'arrive ? Qu'est-ce que...

_Vous poserez vos questions plus tard et ce n'est pas à moi de vous répondre.

_ Je crois que vous avez mal compris ma question : c'est quoi ce merdier !?

J'avais hurlé, me fichant de savoir si l'on pouvait m'entendre et vu le vacarme que nous avions déclenché je m'étonnais que les services de sécurité n'aient pas déjà débarqué. Comme s'il avait lu dans mes pensées, le jeune reprit la parole tentant de me rassurer et de m'éviter de sombrer dans la folie

_ J'ai isolé, grâce à un sortilège, la pièce de cette morgue. Cela permet qu'elle soit à la fois insonorisée mais de créer aussi une boucle temporelle.

_ Pardon ?

_ Les gens entrent dans la salle, ils vous voient travailler mais ne peuvent pas interagir avec vous, enfin je veux dire votre « vrai vous ». Bref, tout cela est très compliqué et vous aurez le temps de vous y familiarisez mais en attendant il faut que je vous emmène loin d'ici.

_ Je ne vais nulle part avec vous !

Et puis quoi encore ? M'embarquer dans une aventure avec ce parfait inconnu ? Il me prenait pour qui ? Cependant, mon cerveau tournait à plein régime. Il avait réponse à tout, et je ne pouvais pas nier que ce que j'avais vu était aussi extraordinaire qu'effrayant. Je savais que je n'étais pas folle et que ce que tous ces évènements ne pouvaient pas sortir simplement de mon esprit, aussi tourmenté soit-il.

_ Dites-moi au moins votre nom ! Vous connaissez le mien !

_ Thalion. Maintenant il faut partir.

Avant même que je n'ai pu protester, un jet lumineux sortit de sa main droite pour venir se répercuter sur le mur d'en face. Il avait créé une porte qui donnait sur un trou noir. Je n'en croyais pas mes yeux. Toujours sans me demander mon avis, il prit ma main dans la sienne et courut vers l'antre des ténèbres. Me laissant porter, je fermai les yeux et m'apprêtai à recevoir un impact puissant. Mais rien ne vint. Je ressentis juste une fine caresse sur ma peau, la rugosité de la main de ce Thalion et une impression de voler. Le temps paraissait s'être arrêté, mais je fus bien vite rebasculée dans la réalité quand le voyage fut terminé. Je tombai lourdement sur un sol en pierre, dans une pièce toute droite sortie d'un livre de fantaisie pour adolescents.

_ Merci Thalion. Maintenant qu'elle est en sécurité tu peux disposer.

_ Bien monsieur. Comme vous l'aviez pressenti, ses pouvoirs commencent à se manifester mais elle n'a aucun contrôle sur eux, ce qui pourrait s'avérer dangereux à la fois pour nous mais aussi pour elle.

_ Nous nous en occuperons.

Sur ces dernières paroles, je vis Thalion me tourner le dos, sans même m'aider à me relever et refermer une immense porte en bois sertie de métal.

L'homme qui venait de parler de mon cas me fixa intensément de ses yeux verts étincelants et me tendit une main où chaque doigt portait une bague différente. Il tenait également un sceptre en or, surmonté d'une sorte de boule mauve, étincelante d'étoiles argentées. Je décidai d'accepter qu'il m'aide à retrouver ma dignité et avant même de jeter un œil sur lui je préférais observer l'environnement dans lequel j'avais atterri. C'était un bureau qui ressemblait à celui du professeur Dumbledore dans Harry Potter. Une immense cheminée en pierre grise trônait au fond de la pièce, alimenté par un feu mystique de couleur verte. Les murs étaient parsemés de livres anciens aux couvertures en cuir. Un immense tapis rouge recouvrait le sol juste en-dessous de ce qui ressemblait à une table de travail. Il y était disposé un encrier avec une magnifique plume de paon, pour compléter l'attirail, il y avait un tas de parchemins dont certains étaient recouverts d'une écriture que je n'arrivais pas à lire.

Ce fut le raclement de gorge de l'homme qui était derrière moi qui me sortit de mon admiration. Je n'avais pas prononcé un mot depuis que j'étais apparu dans ce monde, et je n'avais pas non plus eu l'occasion de détailler celui qui se trouvait à présent à quelques centimètres de moi.

Il m'observait, attendant sans doute de ma part une quelconque réaction. Le problème était que j'étais incapable de sortir le moindre son. Il portait une longue robe vert forêt surmontée d'une cape de la même couleur. L'ensemble était attaché avec une ceinture en cuir à la boucle en or. Une longue chaîne en bronze pendait à son cou avec au bout un pendentif représentant un pentagramme. Ce qui me frappait le plus c'était son visage, exempt de toute émotion. Il avait des cheveux blonds lui descendant sur les épaules, aussi raides que la justice. Ses traits étaient fins et ses yeux étaient foudroyant, vous sondant tel un animal ou une créature inconnue.

J'étais mal à l'aise, au bord de la crise de nerfs et je n'osais pas bouger d'un poil.

_ Bonjour Lucy, je me nomme Thorondor, je suis le directeur de l'école dans laquelle tu es présente et maintenant inscrite : « The Emerald Sanctum ». Ceci est mon bureau et tu pourras y venir quand cela t'en prendra l'envie. Je vais t'accompagner à ta chambre, si tu le veux bien.

_ Attendez, attendez, attendez, PAUSE !

Il me parlait comme si tout était normal, que ce qu'il me disait n'étais pas complètement dingue. C'était un cauchemar. J'avais vingt-cinq ans, j'étais déjà diplômée, je n'allais pas retourner à l'école et surtout pas dans un établissement où ils étaient tous timbrés ! Je tentais de reprendre mon souffle, mais j'avais l'impression que mon crâne allait exploser. Si je ne mettais pas les choses au clair dès maintenant et si on ne m'expliquait pas plus en détail ce que je faisais ici, je crois que j'allais soit tuer quelqu'un, soit me tuer, au choix. J'étais tellement perdue, en colère et je voulais rentrer chez moi.

_ Qu'est-ce que je fous ici ? Vous êtes le gourou d'une secte c'est ça ? Vous m'avez drogué ?

L'homme soupira devant mon scepticisme et décida de me faire asseoir sur un magnifique fauteuil en cuir, pendant que lui s'installait derrière son bureau. À contrecœur, je décidai de m'exécuter. Ma curiosité était plus forte que ma volonté de m'enfuir à toutes jambes de cet enfer.

Il sembla penser à comment aborder les choses avec moi et décida finalement de délier sa langue.

_ Vous êtes ici pour que nous puissions vous aider à maîtriser les pouvoirs que vous possédez. Sans cet apprentissage vous pourriez faire du mal aux gens que vous aimez et révéler notre existence aux humains.

_ Je n'ai pas de pouvoirs.

_ N'avez-vous pas observer des phénomènes étranges ces derniers temps, des effets de lumières, des objets qui se déplacent ou tout autre chose ? J'ai pu voir que vous aviez terrassé une humaine contaminée par un Delï. Vous l'avez réduite en cendres alors que Thalion n'a même pas pu la toucher une seule fois, malgré des années d'entraînement.

_ Un Delï ?

_ C'est un Métamorphe qui se transforme en loup mystique puissant. Mais vous aurez le temps d'étudier les différentes créatures de notre monde durant votre séjour parmi nous.

_ Où est-ce que je suis ? Vous me parler de « votre monde » mais je ne sais pas du tout de quoi vous êtes en train de me parler !

J'étais vraiment énervée et déboussolée et au moment où j'avais quasiment crié sur cet homme qui disait se nommer Thorondor, un verre disposé sur le bureau explosa en mille morceaux.

_ Vous voyez ce que je vous disais ? Vous ne contrôlez pas vos pouvoirs et vous êtes en proie à un stress intense...

_ À qui la faute ? Vous me kidnappez ! Vous me racontez des choses auxquelles je n'ai jamais cru et vous pensez que je ne suis pas en droit de m'interroger sur ma santé mentale et la vôtre, par la même occasion ?!

Cette fois ce ne fut pas un verre qui se brisa mais la fenêtre entière située derrière le siège de Thorondor. Je poussai un cri devant le vacarme assourdissant que produisit le verre tombant brusquement sur le sol.

_ Lucy. Faîtes-moi confiance et tout ira bien.

_ Je ne sais pas ce qui m'arrive, ni où je suis. Pitié ramenez-moi chez moi.

À présent de grosses larmes roulaient sur mes joues sans que je puisse les en empêcher. J'étais tellement dévastée, apeurée par ce que j'étais capable de faire. Pourquoi une telle chose m'arrivait à moi ?

_ Je ne peux pas je suis navré, vous êtes trop dangereuse pour vous-même et pour les autres. Je ne peux que vous souhaitez la bienvenue à Hidden World. En revanche, je peux vous promettre qu'ici, vous êtes en sécurité.